11 - Douloureuse matinée
Lorsqu'Eddie ouvrit les yeux, il faisait jour. Et cela faisait depuis quelques semaines qu'il n'avait pas aussi bien dormi. Lorsqu'il tourna la tête, il tomba face au corps de Ralph.
Le vampire ne dormait certainement pas, mais il imitait les humains en s'allongeant sur le dos et en fermant les yeux. Ses bras étaient croisés sur son ventre et il ne bougeait pas d'un seul millimètre.
Le regard de l'inspecteur accrocha le collier avec le lien en cuir porté par le vampire. Le bijou qui se trouvait au bout de la corde en cuir tressé était en bois, usé par le temps et il y voyait des trous de mites. De toute évidence, le vampire ne portait pas ce bijou par pure esthétisme, mais plutôt comme une valeur sentimentale.
Il tendit doucement sa main vers le pendentif en bois. Lorsqu'il posa ses doigts dessus, il attendit quelques seconde, pour voir si le vampire l'avait remarqué. Comme il le bougeait pas d'un pouce, il pinça ses lèvres et essaya d'ouvrir le pendentif sans forcer.
« La curiosité est un vilain défaut, inspecteur.
Eddie sursauta violemment avant de rougir comme un enfant se faisant prendre la main dans le sac.
— Je croyais que vous étiez en train de... De... Oh, et puis zut !
— Je ne dors jamais, inspecteur, je suis déjà mort.
Le vampire se releva, attrapa rapidement de quoi se vêtir et parti tirer le petit rideau pour laisser entrer la lumière du jour.
— Qu'est-ce qu'il y a dans votre pendentif ? demanda Eddie en se levant à son tour.
— Pourquoi est-ce que je vous le dirai ?
— Parce que visiblement vous savez tout de moi et je ne sais rien de vous, si ce n'est que vous êtes un vampire que l'ancêtre de mon mentor a connu.
Ralph soupira.
— Je vous le dirai peut-être un jour, alors.
Puis, il marqua un temps, tendant l'oreille. Il finit par rouler ses yeux dans ses orbites et tourna rapidement la clé de la porte, avant de l'ouvrir brusquement. Il fit sursauter le tenancier se tenant derrière qui lui tendit d'une main tremblante une lettre.
— Merci, répondit poliment Ralph avant de refermer la porte.
Eddie, qui s'était caché sous les draps pour échapper aux yeux du tenancier, sortit sa tête lorsqu'il sentit un poids qui s'était installé à côté de lui sur le matelas. Il observa le visage de Ralph, qui avait une expression indéchiffrable sur son visage.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il après quelques secondes de silence.
— Je crains n'apporter que de mauvaises nouvelles, inspecteur.
Le plus jeune râla et le vampire lui donna la lettre qu'il venait de le recevoir.
— Laissez-moi deviner. Où se trouve cet énième cadavre qui va me faire perdre toute ma journée ?
— Inspecteur... Il s'agit de Lynch.
Eddie fixa la lettre sans rien dire avant de brusquement se relever, comme s'il venait d'enfin comprendre ce qu'il venait de lire. Sa respiration s'accéléra d'un coup, ses sourcils se froncèrent et ses yeux se remplirent de larmes. Il sortit brusquement du lit et s'attela à remettre ses vêtements rapidement.
— Inspecteur...
— Je suis pressé, désolé ! répondit-il brusquement sans prendre le temps de le regarder.
Lorsqu'Eddie se tourna vers la porte, il sursauta en voyant Ralph qui s'y était adossé, l'empêchant de sortir. Il souffla d'agacement.
— Je dois vraiment y aller ! Poussez-vous.
Le vampire pointa la fenêtre.
— On ira plus vite en passant par là.
Eddie se tourna vers la fenêtre, puis vers Ralph et le regarda d'un air désabusé.
— La fenêtre ? Et comment ça, « on » ?!
— Je vous accompagne.
— Je n'ai pas besoin de votre... Eh ! »
Ralph ne le laissa pas terminer sa phrase. Il se jeta sur lui, le souleva sans peine et le jeta sur son épaule, avant de passer d'un geste souple par la fenêtre. Le froid s'engouffra dans le manteau d'Eddie, qu'il n'avait pas eu le temps de fermer, et se prendre la fraiche brise du mois de novembre le calma rapidement et il se contenta de se cramponner fermement au corps de Ralph, fermant les yeux pour s'empêcher d'hurler devant les rues Londoniennes qui devaient certainement défiler sous leur yeux.
Le vampire s'arrêta sur un toit et s'accroupit, posant délicatement l'inspecteur à côté de lui, tremblant.
« Vous pouvez ouvrir les yeux inspecteur, nous sommes presque arrivés.
Eddie s'exécuta avec peine avant de retenir un cri de surprise lorsqu'il se rendit compte qu'ils se trouvaient sur un toit. Puis il observa la scène devant eux. Ils étaient sur le toit de la maison en face de chez Lynch, et cette dernière était grouillante de foule et de policier qui essayaient tant bien que mal de maitriser les curieux s'approchant de trop près.
— Il faut que j'aille voir.
— Êtes-vous sûr que c'est une bonne idée ? Nous parlons de Bryce Lynch, là.
Eddie le fusilla du regard avant de se diriger vers l'échelle de secours située sur le côté du toit. Ralph soupira et le suivit. L'inspecteur présenta rapidement son badge et indiqua qu'il était accompagné puis ils entrèrent tous les deux dans la maison.
Sans qu'il ne s'en aperçoive, le visage d'Eddie se décomposa. La maison de Lynch, si bien entretenue, était sens dessus-dessous. Tous les meubles étaient reversés, brisés, la vaisselle était étalée par terre et au coin d'une pièce se trouvait un drap blanc imbibé de sang.
— Inspecteur... murmura Ralph en le voyant se diriger vers le drap.
— Taisez-vous ! ordonna-t-il.
Le vampire soupira et se contenta d'écouter le cœur de l'inspecteur battre à la chamade lorsqu'il arracha d'un coup le drap pour découvrir le corps sans vie de son mentor. Il ouvrit sa bouche pour hurler, mais aucun son n'en sortit. Ses yeux se remplir de larmes face à cette vision macabre, puis ses forces semblèrent l'abandonner et il tomba par terre.
Il sentit une main se poser sur ses épaules et les serrer fortement pour le réconforter. Eddie ferma ses yeux et se blottit contre le corps froid du vampire, qui murmura à son oreille pour l'apaiser. Son corps trembla durant de longues minutes.
— Il... Il a été tué de... De la même façon que les autres ! sanglota Eddie, pourquoi ?!
— Je suis désolé, inspecteur, je sais à quel point il comptait pour vous, murmura Ralph.
Eddie ne répondit rien, et il finit par se relever au bout de quelques minutes, puis il regarda le vampire dans les yeux. Son visage ne trahissait aucune expression. L'inspecteur s'essuya brièvement le visage avant de reporter son attention sur le corps sans vie de Bryce.
— Inspecteur, vous pouvez sortir un instant si vous voulez.
— ... Non. Où sont les autres corps ?
Ralph pointa l'escalier du haut et Eddie soupira.
— Inspecteur, vous n'êtes pas obligé.
— J'ai vu pire.
— Alors je suis juste derrière vous.
Eddie se contenta d'hocher la tête. Dans l'escalier, ils évitèrent les traces et les flaques écarlates, avant de tomber sur deux autres draps blancs imbibés de sang.
— Vous les connaissez ? demanda Ralph à l'inspecteur.
— Oui, c'est la femme et la fille de Bryce... Oh mon dieu, elle n'avait que neuf ans ! Qui oserait faire ça à une petite fille ?... Elle était si gentille... »
Ralph prit l'initiative de soulever le drap recouvrant le plus petit corps, pour soupirer. Le cou de la fille de Bryce était tordu, formant un angle impossible et une morsure se situait juste sur sa jugulaire. Il lâcha le drap et avança lentement dans le couloir. En regardant dans les pièces, il remarqua qu'aucune d'entre elles n'étaient ouvertes, ou cassées. Mais en entrant dans le bureau de Bryce, son nez s'emplit une fois de plus de l'odeur du sang.
« SA LIGNÉE S'ARRÊTE ICI »
Ralph fronça les sourcils et appela Eddie. Ce dernier arriva dans le bureau, et ne put s'empêcher de pousser un cri de surprise devant la phrase écrite en écarlate sur un mur entier du bureau de Lynch.
« Bordel de...
— C'est leur sang à tous les trois qui a été utilisé, affirma Ralph sans l'ombre d'un doute.
— ... Mais pourquoi ?...
— Inspecteur, il faudrait que l'on sorte d'ici. Vous ne pouvez pas réfléchir pour l'instant.
— Mais je...
Ralph saisit les deux épaules de l'inspecteur et le força à regarder dans ses yeux.
— Inspecteur Chapman, vous avez vu tout ce qu'il y avait à voir ici. Venez. »
De toute façon, Eddie était incapable de penser plus que ça. Il se résolu à lentement hocher la tête et à laisser Ralph le guider jusqu'à la sortie.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro