🥀 Chapitre 1 : Lorgan
Père est mort.
Cela fait des jours, mais je ne le réalise pleinement qu'à cet instant, assis seul sur ce trône froid et inconfortable. Une étrange léthargie me submerge. J'inspire longuement, serre les poings à m'en écorcher les paumes, mais rien n'y fait, aucune larme n'arrive à couler.
Ai-je retenu mes émotions si longtemps, que même pleurer la mort de Père m'est devenu impossible ?
Alors que je parcours la salle vide du regard, dont les murs de marbre blanc scintillent sous le rouge sang des roses grimpantes, un frisson glacé saisit ma colonne vertébrale.
Je redresse le dos et me contorsionne pour essayer de trouver une position qu'un roi adopterait en toutes circonstances. Puis, je ferme brièvement les paupières, me remémorant la devise de ma famille. Honneur, honnêteté, courage.
Devise que j'ai prononcée ce matin lors de mon couronnement dans la chapelle sacrée du palais. Il s'est effectué dans la précipitation et la plus stricte intimité, en présence de Telos, Haut mage du royaume, de Wallin, grand sénéchal et ancien bras droit de mon père, ainsi que d'Helga, duchesse des Terres du Crépuscule et soeur de ma défunte mère.
Père est mort, et l'insouciant prince Lorgan avec lui.
Me voici seul à la tête du royaume, tandis que son corps gît sous terre avec celui de Mère et de mon frère aîné. Leur absence a creusé un trou dans ma poitrine.
Désormais, avec le décès de Père, c'est un gouffre sans fond qui m'habite.
Je suis le dernier descendant des Rosépine.
À cette pensée, une vive douleur me tord l'estomac. Mes doigts ornés de pierres étincelantes pianotent nerveusement sur l'accoudoir du trône. Il est hors de question que ma lignée s'éteigne avec moi. Je dois contracter un mariage au plus vite. Même si ce n'est que pour faire un enfant à mon épouse, avant de l'éloigner dès que possible, pour éviter...
— Prince Lorgan ! Je veux dire, votre Majesté, on vous réclame à la porte ! intervient soudain Marvin, le nouveau chef de la garde royale.
Je sursaute au son de sa voix. Elle résonne en écho dans les plafonds infinis de la salle du trône. Ma lourde couronne de roses d'or tangue sur le côté, je la rattrape d'un geste rapide.
M'habituerai-je un jour au poids qu'elle exerce sur mes épaules ?
— Marvin, j'ai pourtant été clair, je ne veux pas être dérangé ce soir, déclaré-je d'un ton las.
Confus, il hoche vivement la tête et agite ses bras dans tous les sens. Il paraît ridicule, engoncé dans son armure qui claque au moindre de ses mouvements.
— Je le sais bien, votre Majesté, mais il a insisté.
Je lève un sourcil.
— Il... ?
Les immenses portes de la salle du trône s'ouvrent aussitôt, laissant apparaître un visage familier. Des mèches châtain barrent son œil droit, un sourire franc s'étire jusqu'à ses oreilles.
— Lorgan ! Comme ça, on refuse la visite d'un vieil ami ? clame Sir Tristan, les bras tendus dans ma direction.
J'écarquille les yeux, surpris par cette entrée fracassante que lui seul pourrait se permettre.
— Tristan ! Bon sang, je te croyais mort ! tonné-je en me levant d'un bond pour l'accueillir.
— Mort, moi ? Lorgan, voyons, je ne pouvais pas mourir avant de te voir roi !
Il s'arrête quelques secondes pour me détailler, les mains sur les hanches.
— Quelle prestance tu as avec cette couronne qui met en valeur tes beaux cheveux d'argent. Aucune des filles du royaume ne pourra te résister, à présent !
Je m'étrangle. Ses railleries m'avaient manqué.
— Je te signale qu'elles se pâmaient déjà toutes à mes pieds, rétorqué-je, esquissant un sourire en coin.
Il lève les yeux au ciel, puis nous rions à l'unisson. Son retour me remplit d'une joie inespérée. Il n'y a qu'avec lui que je peux m'autoriser à parler ainsi, sans filtre.
Sir Tristan et moi avons grandi côte à côte. Sa mère, la comtesse Elara, était une bonne amie de la mienne. Le maniement de l'épée, les cours de stratégie et de langues anciennes, nous les avions suivis ensemble. Tout comme les vols dans les cuisines, les paris interdits sur les courses de chevaux, ou plus tard, la rivalité quant au nombre de nos conquêtes...
Oui, Tristan est sans doute mon ami le plus proche. Ce qui explique pourquoi je l'avais nommé commandant de mon bataillon personnel, à l'époque où je n'étais qu'un prince.
— Maintenant que je suis roi, tu peux mourir en paix, plaisanté-je en le serrant dans mes bras. Attends, non, j'ai encore besoin de toi pour mourir à ma place.
Il s'esclaffe, puis m'assène une tape dans le dos. Toutefois, quand il se retire, son regard noisette s'assombrit, ses traits se crispent. Un silence s'installe avant qu'il ne se racle la gorge.
Marvin, dont j'avais jusque-là oublié la présence, choisit ce moment pour se retirer dans une révérence.
Une fois que nous sommes seuls, Tristan pose sa main sur mon épaule.
— Toutes mes sincères condoléances pour ton père. Remfrey était un bon souverain, murmure-t-il.
Son évocation me pince le cœur. Un gout amer envahit mon palais.
— Je ne suis pas sûr d'égaler sa gloire un jour, soupiré-je.
Mon ami me fixe en fronçant les sourcils, puis affiche un air incrédule. Je m'avachis sur le trône dans un geste désinvolte, poursuivant mes aveux.
— Je le vois dans leurs regards. Ils se disent que je suis trop jeune. Après tout, je ne serai majeur que dans six mois. En attendant, je suis certain que les membres du Conseil se battent pour décider lequel sera mon intendant.
Tristan glousse en secouant la tête.
— Eh bien, qu'ils se battent. Lorsqu'ils auront finalement décidé lequel sera intendant, tu seras déjà majeur.
En guise de réponse, je le gratifie d'un léger sourire accompagné d'un nouveau soupir. Mon ami se rapproche et adopte cette fois un ton plus sérieux.
— Lorgan, je te connais depuis l'enfance. Je suis certain que tu feras un bon roi.
J'expire lentement, les yeux perdus dans les dorures du trône.
— Il y a un détail que tu as oublié. Je ne suis pas un roi normal. Ni même un homme normal.
Au moment où je m'apprête à lui exposer mon projet de me marier dès que possible, il me coupe dans mon élan.
— A ce propos, j'ai des nouvelles, chuchote-t-il si bas que je m'oblige à me pencher pour l'entendre.
Je me rappelle soudain que sa longue disparition était loin d'être anodine. Intrigué, je me rapproche de lui.
— Tu étais donc toujours en infiltration ?
Il hoche la tête. Je détaille rapidement sa tenue. Sonné par son retour inattendu, je n'avais pas remarqué sa simple tunique, ni la cape sombre assortie à son justaucorps banal. Il est vêtu comme un civil.
— Est-ce pour cette raison que tu as arrêté d'envoyer des corbeaux ? As-tu traversé les contrées de l'Ouest ? m'empressé-je de le questionner.
— Oui, à toutes tes questions.
Tristan s'éclaircit la gorge, plonge son regard dans le mien.
— Lorgan, on a retrouvé la fille. Elle vit sur les Îles de la Nuit, sous la protection du Seigneur Bardolf.
Sa déclaration me fait l'effet d'une décharge foudroyante. Les battements de mon cœur s'accélèrent, ma poitrine se comprime.
— La... la fille, tu... tu es sûr que c'est elle ?
— Nous en sommes certains, elle porte la marque des sorcières de l'Ombre et toutes les informations concordent. Mes hommes n'attendent que ton signal pour passer à la dernière étape de la mission.
Je déglutis. Mon souffle se fait court, j'ai du mal à respirer. Depuis le temps que nous la cherchons.
Père, Mère, Hemarc, je jure de venger votre mort.
La haine se diffuse dans mon sang, me brûlant les veines. Elle paiera pour les crimes de sa génitrice.
La fille d'Anémone, sorcière de l'Ombre qui a maudit ma famille.
La fille d'Anémone, la seule personne qui a le pouvoir de lever le sort que sa mère a jeté sur moi.
👑🥀✨
Que pensez-vous de Lorgan et de Tristan ? Croyez-vous qu'on va bientôt savoir qui est cette mystérieuse fille ?
Merci pour votre lecture 🤗 J'espère que ce chapitre vous a plu 💖N'oubliez pas de cliquer sur la petite étoile pour m'encourager ⭐
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