Chapitre 6
- Bonjour chérie, fit avec humeur le docteur Caligari.
Enlevant sa blouse, comme il enlèverait sa peau, il se métamorphosait ; Docteur Caligari laissait place à Morgan Caligari, père de famille, mari rondouillard qui adorait faire la cuisine, et raconter des histoires à sa fille.
Plus de trace de l'homme qui garde une seringue d'urgence sur lui au cas où.
Il menait une vie insouciante avec sa petite famille. Celle-ci était composée de son chat, Meldor, atteint d'une maladie très rare qui le persuadait qu'il était un tractopelle, de sa femme, Charlotte Lilays, journaliste passionnée par son métier, mais très peu présente pour sa famille, et de sa fille, Swann, enfant unique de leur amour passionné, qui alliait avec innocence les deux caractéristiques les plus attractives de ses deux parents : yeux bleus et purs de son père, visage charmant de sa mère.
Morgan aimait passionnément sa fille.
Chaque jour, à l'aurore, avant d'aller au travail, il laissait devant la porte de la chambre de sa fille, qui dormait encore, une lettre décorée dans laquelle il lui souhaitait gentiment de passer une bonne journée, ou lui notait des blagues de "papa", qui n'étaient pas très drôles, mais attendrissantes.
- Bonjour darling, fit Charlotte, qui traversait le couloir de la salle d'entrée avec ses talons rouges retentissants.
Elle posa un furtif baiser sur les lèvres de son mari, avant de dire précipitamment :
- Je te laisse, je dois aller à une réunion super importante sur la situation de la Hongrie face à Madrid en ce moment même. Ça relève du scoop.
Devant la déception apparente de Morgan, qui ne disait rien, mais laissait planer ses yeux bleus sur ceux de sa femme, elle s'excusa plus doucement :
- Je suis désolée.
- Tu m'avais promis... dit-il doucement, sans terminer sa phrase.
- Je t'avais promis, et ça tient pour demain. Demain, on mange tous en famille, ça te va ? dit Charlotte avec un petit sourire, comme si elle parlait à un petit enfant.
Sans lui laisser le temps de répondre, elle ouvrit la porte et, disparaissant dans l'obscurité de la cage d'escalier, elle lança un "Je t'aime, darling !" qui se perdit dans le vent.
Morgan Caligari regarda la porte de l'entrée se fermer, tandis qu'il laissait l'excitation de son retour à la maison se transformer en déception. Il était rentré plus tôt pour la voir...
Traversant le couloir, il entra dans la salle de bain et se planta devant le miroir. En chantonnant, il se lava les mains. Levant le regard, il put observer la trace du rouge à lèvres de sa compagne ; baiser qu'elle lui avait donné avant son départ. Avec nostalgie, il l'effaça, et sortit de la salle de bain.
Charlotte Lilays et lui s'étaient rencontrés durant une conférence de médecine. Morgan présentait ses travaux Pendant qu'il expliquait une réaction sur l'un de ses prototypes plantaires, son regard avait croisé celui de la charmante journaliste blonde, qui faisait alors ses débuts.
Lorsqu'il eut fini, il sortit de la salle, soulagé et fier de sa première conférence, qui avait été une franche réussite. Quelle ne fut pas sa surprise de trouver, à la sortie de la conférence, plusieurs personnes, dont des savants expérimentés ! Mais ce qui le surprit le plus, fut de trouver cette jeune femme blonde qui, sourire aux lèvres, l'attendait derrière ces savants bruyants.
Après avoir discuté un peu avec ces érudits, la journaliste vint le voir, et, sans aucune transition, pas même un bonjour, lui dit :
- Vous avez le temps pour un verre ?
À vrai dire, non. Mais le joli sourire de la blonde, ses yeux pétillants, le bras qui s'était entouré autour de son bras et qui l'emportait vers le café le plus proche eurent raison de lui.
De nature timide, Morgan Caligari se demanda dans quoi il s'était fourré, alors que la journaliste s'asseyait en face de lui, à une table.
- Moi c'est Lilays, Charlotte Lilays.
- ...Euh, Enchanté, je m'appelle Romagan, hum, Morgan. Morgan Caligari, bafouilla-t-il, brusqué par la prompte discussion avec cette femme.
Elle rit de son bégaiement, un rire comme une cascade, comme un rossignol qui chante sur sa branche. Caligari appréciait ce rire.
- Un café serré pour moi, commanda Charlotte au serveur.
- Un mojito sans alcool, dit timidement Morgan.
Ils discutèrent alors, et Morgan, se libérant peu à peu de sa timidité, fit rire Charlotte. Ils sympathisèrent, et se plurent. Alors, ils échangèrent leur premier baiser, et sortirent ensemble, puis vécurent des nuits enflammées, passèrent des week-ends à Rome, achetèrent un appartement... Finalement, au bout de six ans, ils se marièrent.
Le travail de Charlotte prit alors une place importante dans la vie de celle-ci, mais Morgan était trop heureux avec elle pour penser à l'envers du décor.
Peu de temps après leur mariage, ils songèrent à faire un enfant, et accueillirent le ventre rond de Charlotte avec joie et fierté. Ce ventre qui leur offrirait... une fille : Swann.
- Salut papa, dit la jeune fille de quinze ans. Bien passée ta journée ?
- Oui, répondit son père, se débarrassant de toute pensée triste à l'égard de sa femme. Écoute, je m'en sors. C'était comment le lycée ?
- Cool.
Morgan s'assit sur le canapé aux côtés de Swann, et regarda le dessin qu'elle faisait. Depuis toute petite, elle adorait dessiner. Charlotte lui ramenait des crayons de couleur, Morgan lui payait des cours de dessin, elle avait du talent et adorait ça. Sur la feuille blanche que sa fille maintenait sur ses genoux, un rat apeuré étouffé par un énorme serpent dont les yeux se trouvaient au bout de sa queue.
Silencieusement, Caligari regarda le dessin, se demandant s'il devait s'inquiéter ou non de sa signification, mais préféra se taire. Sa fille le regarda avec un petit sourire, avant de laisser glisser le dessin sur le sol.
- J'ai pas mangé. Tu as fait quelque chose ?
- Non, répondit simplement son père.
Les pensées encore emplies de serpents, il entreprit d'aller cuisiner quelque chose, dominé par les gargouillements insistants de son ventre.
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