Chapitre 22: Voir EL
Le docteur Caligari retira doucement la seringue du cou fragile de la jeune fille. Il soupira doucement, il n'aimait pas cette technique mais se méfiait des humeurs changeantes et dangereuses de ses patients.
La jeune fille s'était soudainement agitée lorsqu'elle avait entendu la date de sa sortie, peut-être n'était-elle pas prête... Oui, elle n'était pas prête. Personne ne réagirait ainsi, se lever et crier:
- Une semaine ?! en agitant les bras.
Il avait agi vite et bien. Sortant sa seringue, il avait administré une dose de calmants peu puissant mais assez pour la maintenir dans un état paisible pour une bonne heure.
- Vous m'excuserez, jeune fille, je vais voir votre compagne qui m'attend dans mon bureau, je reviens vite. dit-il avec calme.
Les grands yeux bleus de la jeunes filles étaient écarquillés de stupeur depuis qu'il lui avait injecté le calmant. Mutique, elle fixait des yeux le médecin, qui sortit de la salle.
Lorsque Morgan rentra dans son bureau, il fut un peu stupéfait. La femme élégante et excentrique qu'il avait vu tout à l'heure était au milieu de la pièce, debout sur la chaise de bureau à roulettes, tenant dans ses mains deux fourchettes sur lesquelles elle tentait de faire tenir en équilibre une vieille tasse de café, certainement une du docteur Caligari.
- E...excusez-moi ? demanda celui-ci, hébété, que faites-vous ?
Lorsqu'elle vit que quelqu'un l'observait, la reine blanche cessa de regarder avec sérieux la tasse, pour redescendre son regard fou vers l'homme.
- Bonjour, je suis en train de faire pousser des plantes, je crois. Mais...
Elle tourna à nouveau son regard sur la tasse, en fronçant les sourcils:
- Ça ne marche pas très bien ici !
Morgan se rappela alors qu'elle se trouvait sur une chaise à roulette qui pouvait sans aucun efforts amener celui qui était dessus à s'encastrer dans un mur s'il bougeait trop, et se rappela sans efforts le nombre de fois où il avait fait tomber son café sur ses vêtements à cause de la mobilité de la chaise.
- Vous pouvez descendre de la chaise, mademoiselle ?
La scène était si étrange qu'il ne savait comment réagir. Mirana descendit tranquillement de la chaise, les fourchettes à la main. La tasse, cependant, ne survécut pas au fragile équilibre sur lequel elle tenait, et se fracassa à terre dans un bruit de porcelaine brisée.
La reine blanche sursauta, et Morgan, par réflexe, se pencha pour ramasser les débris.
- Ne vous inquiétez pas... Ça m'arrive souvent, vous savez.
Portant les débris à la poubelle, il dit:
- Vous avez dit tout à l'heure être une reine mais...
- La reine blanche, soeur de la reine rouge, en effet.
- Je n'arrive pas à comprendre: comment êtes-vous entrée ici ?
- Et bien...
La jeune femme sembla réfléchir, une main sur le menton:
- Disons que nous avons toujours été autre part. C'est une erreur, mais elle sera bien vite rectifiée, ne vous inquiétez pas !
Morgan hocha doucement la tête:
- Je vois... Non, soyons honnête, je ne vois pas du tout.
- Alors, je vais vous aider, mais avant, dites-moi, clama soudainement la reine blanche en mettant les deux fourchettes sur sa tête comme des cornes, connaissez-vous un jeune homme très maigre, yeux et cheveux noirs ? De naturel rêveur, et assez biscrouflette !
Elle explosa d'un rire hystérique, avant de s'arrêter devant la tête étonnée et sceptique du médecin.
- Tout les médecins qui se trouvent ici sont tenus au secret.
- C'est donc un patient.
- Je n'ai pas dit ça. rétorqua Morgan faiblement.
- Vous l'avez préconisé. C'est magnifique ! Je savais que les humains avaient la tête sur terre.
Elle posa une main sur la poignée du bureau menant au couloir:
- Au revoir, cher hibou !
- Attendez ! dit Morgan Caligari, alors que la jeune femme ouvrai grand la porte. Vous... Vous n'êtes pas autorisée à aller voir d'autres patients !
- Pourquoi ? demanda Mirana, une mimique burlesque sur le visage.
- Mais... C'est interdit, voilà tout !
- Vous êtes beaucoup trop compliqués ici. acheva-t-elle. Pourquoi vous limiter alors qu'un chimpanzé pourrait être une tasse de thé, ou une humeur ? Le savoir est une malédiction.
Elle continua sa route, alors que le médecin se précipitait à sa suite:
- Comment connaissez-vous EL ?
- EL ? C'est ainsi que vous l'appelez, ici ?
- Vous le connaissez, donc !
- Plutôt, oui... souffla la reine blanche, en observant le long couloir blanc. Où se trouve-t-il ?
Le cerveau de Morgan, bien encombré des mots étranges et surprenants de Mirana, tournait à toute allure. EL, qui restait un mystère inaccessible, avait donc des gens de sa connaissance venus lui rendre visite. Mais quel était le lien entre Alice et Lerêveur ?
- Bonne question, docteur ! répondit Mirana, alors que Morgan se rendait compte qu'il avait parlé tout haut. Le fait est que vous ne pourriez pas comprendre, si on vous l'expliquait.
Sortant la carte de sa poche, il la posa sur une serrure, la porte menant à la cellule d'EL. La clé qui y était accrochée permit au médecin de déverrouiller la porte.
- Entrez. murmura-t-il, déjà émoustillé de voir ce qui allait se produire entre l'étrange femme et son patient.
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