Chapitre 4
On arrive devant les portes du lycée et on rejoint nos classes respectives à contre-cœur, je veux en savoir plus sur lui. J'avoue que c'est plus intéressant que de retrouver mon cours, c'est vrai, c'est important quand même, par ailleurs, je dois faire avec. Mon accompagnateur me rejoint directement avant de rentrer en cours, j'espère qu'il va m'épargner les questions stupides. Parce que me demander pourquoi je suis distant avec ma classe, j'ai mes raisons et je n'ai pas du tout envie de lui en parler. Discuter de mes problèmes, non merci, ce n'est pas pour moi.
Les cours passent lentement, je ne cesse de penser à Lyn, vivement que cette journée se termine, je n'ai vraiment pas la tête à travailler. Encore cinq minutes et après c'est fini. Je continue de noter le cours sans faire attention aux regards qu'on m'envoie. Mon agression y est pour beaucoup de choses à mon avis, je ne sais pas ce qui s'est passé en mon absence, mais je sens comme un mauvais pressentiment. Ça y est, c'est la fin des cours, je vais pouvoir rentrer chez moi, ou peut-être voir ce garçon en sortant en y pensant. Il va falloir que je me demande pourquoi quand je pense à le voir, je ne me reconnais pas, c'est étrange. Il m'intrigue, mais je ne connais rien de lui, avant de penser quoi que ce soit, je peux au moins le connaître un minimum.
La voiture de ma tante est garée à quelques mètres de l'entrée de l'établissement, je rejoins la voiture, entre et m'attache. Elle démarre aussitôt et me demande comment s'est passé ma journée, je lui sors la même réponse que d'habitude, aucun changement. Je n'ai pas osé lui parler de Lyn, je ne veux pas que sa rencontre soit un signe de déception. J'ai été bien trop traîné dans la boue pour pouvoir refaire entièrement confiance à quelqu'un. Je veux être sûr pour voir si ce garçon est fiable, chose que je vais voir prochainement. J'ai conscience d'être trop méfiant, un brin paranoïaque sur les bords, mais la vie n'est jamais rose, j'en sais quelque chose.
Arrivé chez nous, je commence à m'enfermer dans ma chambre pour faire mes devoirs, qui ne me semble pas si compliqué que ça au final. Puis je me remets à dessiner pendant trois bonnes heures, mon esprit est de nouveau envolé très loin de mon quotidien, une nouvelle fois. Une bonne dizaine de dessins ont été réalisés et quasiment tous sont des portraits de l'alternatif, pourquoi le destin vient m'embêter avec ça ? Je ne vais pas en parler à ma tante, j'insiste là-dessus, je n'ai pas changé d'opinion. Pour me changer les idées, une bonne douche me fera du bien, justement il est presque vingt heures donc ça tombe bien.
Aux alentours de vingt-et-une heure, après m'être douché et avoir mangé, ma tante a dû partir en urgence car ils ont besoin d'elle au travail. Et comme à chaque fois, je lui donne un de mes dessins car je sais qu'elle les adore et qu'elle les accroche dans les chambres où il y a des enfants. C'est comme un moyen de leur redonner le sourire, si mes esquisses permettent de redonner de la joie, ça ne me dérange pas de les donner pour une cause noble. J'en profite pour dessiner encore quelques dessins en plus, histoire de bien terminer ma soirée, avant d'aller sur Facebook. En temps normal j'utilise rarement mon PC, sauf pour dessiner avec ma tablette graphique quand l'envie me prends. Quant aux réseaux sociaux, je n'y vais plus depuis mon accident, j'ai encore toute ma liste d'amis, j'ai quasiment oublié de tous les bloquer. Déjà une minute que je suis connecté, ça me ravive quelques souvenirs d'avant ma perte de l'ouïe. Soudain une petite fenêtre de conversation s'ouvre, c'est un message de Alexia, elle est toujours aussi superficielle. Cheveux longs, blonde, visage couvert de peinture de maquillage, vêtements dignes d'une allumeuse, corps tout fin, c'est elle tout craché. Elle a bien changé la petite fille toute timide qui a eu du mal à se faire des amies. Seulement en voyant sa liste d'amis, elle est tombée sur des personnes pas du tout fréquentable, dont l'un d'eux est un de mes agresseurs. Mauvaise nouvelle pour moi car je ne veux plus avoir à faire à eux et je n'ai pas envie de débattre au tribunal mes problèmes. Je lis le message qu'elle m'a envoyé, bien que ça me gave déjà. Pourquoi je me suis connecté aussi, je me le demande des fois.
"Coucou, ça fait longtemps, comment ça va ? Tu es presque discret depuis la dernière fois, pourquoi tu ne viens plus nous parler, comme avant ?"
Son message est simplement imbibé d'hypocrisie pur et brut, je le sais, c'est ça façon d'essayer de manipuler les autres. Elle a l'occasion de me voir et me parler au lycée tous les jours, bien que ça me rebute sur les bords. Pour moi elle s'est juste trouvée de nouveaux bouche-trous qu'elle considère comme amis, mais comme par hasard, ce sont que des populaires. J'avoue que j'ai envie de lui tirer les vers du nez car je suis sûr qu'elle doit me préparer un sale coup. Sachant qu'elle est un peu naïve sur les bords, je vais essayer de savoir la raison de m'avoir contacté.
"Salut, je t'intéresse maintenant ? À quoi bon répondre alors que tu peux me voir quand tu veux au lycée. Même si je ne veux voir personne je n'ai jamais interdit les gens de m'approcher."
"Ne le prends pas comme ça, j'ai plein d'amis qui me demande, tu sais et à chaque fois c'est pour parler de toi."
Tiens, je ne me suis pas trompé, cette fille est bêtement tombée dans le panneau. Vu sa naïveté énorme, comment elle a craché facilement le morceau. Pour une fois, je vais chercher à en savoir plus, histoire de savoir ce que pense vraiment les gens de ma surdité. En temps normal, je n'y prête pas du tout attention, mais là, la curiosité me prend, au moins je vais enfin savoir ce qu'ils disent aussi.
"Ha et ils disent quoi sur moi tant qu'on en parle ?"
"Je ne sais pas si je dois le dire..."
"Je m'en fous, tu en a parlé, tu accouches maintenant, assume."
"Bon... d'accord, mais sache que je n'y suis pour rien. Le fait que tout le monde sait que tu es malentendant, ça les fait rire car ils pensent que tu es attardé. D'autres n'acceptent pas et veulent te faire la peau juste parce que tu es différent."
"Seulement parce que je suis différent ? J'ai du mal à le croire."
"Je ne peux rien te dire sinon je n'aurais plus un seul ami et je vais me retrouver seule."
"J'adore ta solidarité. Et dire que je t'ai épaulé quand tu étais seule, quand tu pleurais car on avait dit tel ou tel chose à ton sujet, quand on t'embêtait. Bah écoute ça m'apprendra à rendre service aux gens, ne vient plus me parler."
"Attend, Louan..."
Je la bloque sur Facebook, je ne vais pas perdre mon temps avec ce genre de personnes qui privilégie ses choses stupides. Je pense profiter de cet instant pour remettre le profil à jour, cependant une chose vient perturber mes pensées, je viens d'avoir une demande d'ami. D'habitude, je n'en reçois aucune, c'est louche. Je clique dessus pour voir, mais je manque de faire un bond hors de ma chaise, Lyn m'a retrouvé sur ce site, c'est surprenant. Je ne tarde pas à accepter sa demande d'ami avant qu'il n'entame la conversation de nouveau, il ne perd pas de temps je l'avoue. Ses messages sont décorés de smiley assez marrant, entre des chats, des nounours, des pandas, ou encore des licornes, ses réponses ne manque pas d'originalité.
Nous avons parlé des heures entières, chose qui ne m'est plus arrivé depuis je ne sais combien de temps. J'ai appris quelques petites choses à son sujet, comme par exemple qu'il pratique beaucoup de sport de combat, qu'il aime les musiques de rock et métal et qu'il aime les choses sucrées. En découvrant un peu sa description, je suis assez surpris, de plus, je découvre qu'il a des animaux des compagnie, plus précisément, un chat, un lapin et un hérisson. J'en apprends plus sur son comportement avec ses réponses et je me rends compte qu'il n'a rien de méchant, loin de là. Et pourtant, j'ai le flaire pour sentir les gens que je n'aime pas, déjà, ça m'intrigue encore plus car je me demande ce qu'il l'intéresse en voulant venir m'aborder. Ce garçon, plein de vie et joyeux est totalement le contraire de moi, renfermé et triste, l'opposé dans toute sa splendeur. Mais que cherche-t-il avant tout, je me pose la question. Pourquoi je l'intéresse ? C'est une chose que je n'arrive pas à comprendre. Cependant, une chose est confirmée, c'est l'une des rares personnes qui arrive à m'intéresser. C'est quelqu'un d'unique en son genre, autant physiquement que mentalement, mais c'est cette différence qui me surprends je l'admets. Malgré qu'on ait discuté assez tard dans la nuit, on s'est quand même échangé nos numéros de portable avant de se déconnecter pour aller dormir.
Le lendemain, comme à mon habitude, je me réveille à la vibration de mon portable, au creux de ma main. Je prends le temps d'émerger de mon sommeil avant de saisir mon portable et de voir que je j'ai deux messages, un de ma tante qui me dit qu'elle ne peut pas m'accompagner car ils ont besoin d'elle au boulot. Je ne m'en fais pas trop, ce n'est pas ça qui va m'empêcher d'aller en cours, je vais y aller à pied, ce n'est pas un problème. Puis, je consulte l'autre message qui est celui de Lyn, il n'a pas perdu de temps, ce dernier me propose d'aller ensemble faire le chemin jusqu'au lycée. Ma foi, cela me semble être une bonne idée en cas de problème, il va être là pour m'aider, pour une fois, je pense aux bons côtés des choses d'être en compagnie avec quelqu'un. Je me prépare pour déjeuner, m'habiller, me coiffer, j'ai opté pour quelque chose d'un peu particulier, un slim bleu, un pull large gris, des Dr Martens noir et une coiffure en bataille. Il ne fait pas trop froid dehors, je prends quand même un manteau violet foncé, je revoie un message à cet adolescent pour lui dire mon adresse afin qu'on parte ensemble, ça fait bien longtemps que ça ne m'est pas arrivé.
Une dizaine de minutes plus tard, je pose ma main sur le mur afin de détecter une vibration près de la porte d'entrée afin de ne pas le louper. Je sens soudainement le tremblement dans le mur de la cuisine, la sonnerie a retenti, j'accélère le pas et ouvre la porte. Il se trouve face à moi, le visage toujours souriant avant de me sauter au cou pour me faire un câlin, ce garçon ne va jamais cesser de me surprendre. Encore déstabilisé par son geste, je reste immobile, n'osant pas bouger d'un poil, je ne suis vraiment pas habitué à ce genre d'affection, vraiment. Je constate que son fameux look alternatif est toujours aussi particulier, mais ça ne me gêne pas pour autant. Il se décolle de mon torse et commence à écrire sur son petit calepin.
- Bonjour avant tout. Mon petit frère a adoré ton dessin et il m'a dit de te faire un gros câlin pour te montrer son admiration, a-t-il écrit tout en gardant ce sourire sincère et chaleureux.
- Et bien, je dois dire que ça me surprend beaucoup, enfin je ne suis pas habitué, c'est surtout ça, je lui dis avec un peu de gêne et il le voit.
- Je n'en doute pas, mais sache que j'adore faire des câlins, tu en auras souvent si tu es avec moi, tu es prévenu, note-t-il sur sa feuille.
- C'est bon à savoir, après je préfère avoir une accolade qu'un coup de poing, ça c'est sûr.
Ça confirme bien ce que je pense, il a un côté grand enfant, c'est surprenant. Je sens que vais devoir m'adapter à sa personnalité unique en son genre, ce qui ne me dérange pas, seul bémol va être de m'habituer. On sort tous les deux de chez moi, je referme la porte et on se dirige en direction de l'école. Arrivés à l'entrée du bâtiment, je vois qu'il y a quelques regards interrogateurs vers notre direction, la tension est assez pesante. C'est ce qui semble énerver le jeune homme aux cheveux rouges qui les regarde d'une façon assez meurtrière. Pour ma part je ne calcule pas, de base, mais depuis l'agression, je reste sur mes gardes, je ne veux pas en subir une autre. Soudain il s'éloigne vite de moi avant de se diriger violemment vers un des élèves avant de le mettre à terre en quelques coups de pieds. Surpris, sur le coup je ne réalise pas, mais je me précipite vers Lyn pour le convaincre d'arrêter. Je ne sais pas pourquoi il s'est brutalement jeté sur cet autre garçon, mais je pense peut-être avoir mon idée sur la question. Je le retiens du mieux que je peux tout en tentant de lui parler pour le calmer, il est prêt à le massacrer au sol en plus.
- Arrête Lyn, calme-toi, je lui dis alors qu'il semble toujours hors de lui et très en colère avant de reprendre conscience et de se reprendre.
Il se débat un peu plus avant de croiser ses yeux dans les miens, cessant automatiquement toute résistance. Je l'éloigne du mieux que je peux de l'adolescent qu'il a totalement tabassé et qui se fait accompagner à l'infirmerie. Heureusement que je ne suis pas à la place de ce malheureux, je n'imagine pas la douleur qu'il doit ressentir. Mais la tête rouge a été fort quand même, un peu plus et je suis sûr qu'il puisse finir aux urgences à cause de lui. Je l'amène à un coin discret de la cour et on s'assois sur le banc de bois noir, Je suis obligé de le réprimander, c'est un peu grave ce qu'il a fait. Je vois qu'il ne me laisse pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il sort son calepin avant d'écrire dessus.
- Il t'avait insulté d'attardé et il a rigolé derrière ton dos, je n'aime pas ces enflures qui se permettent ce genre de chose juste parce que tu as un soi-disant handicap, je lis ce qu'il a écrit alors qu'il baisse légèrement la tête.
- Je comprends, mais je n'y fais même pas attention, et puis, j'ai un handicap malheureusement, c'est la vérité.
- Je ne suis pas d'accord, ce n'est pas parce que tu n'entends plus qu'on doit dire des choses blessantes à ton égard, il est où le respect de l'être humain dans l'histoire ? je lis sa réponse alors que j'ai le sentiment que sa répartie m'a totalement figé sur place.
- Battre une personne à terre fait aussi partie de la valeur humaine ? Lyn, si je n'étais pas intervenu, qui sait ce que tu aurais fait à ce garçon, tu aurais pu le tuer si ça se trouve, j'essaie de lui faire prendre conscience, j'ai la drôle impression de le réprimander comme un enfant.
Il me regarde à nouveau avant de baisser encore plus la tête, ses longs cheveux rouges cachant son visage. Je me sens un peu mal de le rouspéter de la sorte, mais également parce qu'il a pris ma défense. Personne ne l'a fait avant lui, c'est surtout ça qui me trouble beaucoup, je ne sais pas comment je dois prendre les choses. Il ressort son bloc-notes avant de noter à nouveau sa réponse, je n'ai plus qu'une seule crainte c'est qu'il me rejette après ça.
- Je sais, j'ai perdu mon sang-froid, j'aurais dû me contenir un peu. Mais sache que je m'en prendrais à tous ceux qui oseront se moquer de toi ou qui veulent te chercher les ennuis. Tu es quelqu'un de gentil et tu ne mérites pas cet acharnement. Pourquoi tu dois baisser les yeux face à eux, je ne suis pas d'accord, tu as ton mot à dire aussi. Pourquoi baisser les bras pour te faire accepter tel que tu es maintenant ? C'est à cause d'eux que tu te renfermes sur toi-même, que tu ne souris pas, que tu ne prends plus goût à la vie.
Je me stoppe net après avoir lu sa réponse, sa perception de la réalité est vraiment... tranchante. Ou tout simplement il a dit la vérité peut-être aussi. Je peux voir qu'il est en colère, mais pas contre moi, mais contre mes bourreaux. C'est bien la première personne dans ce lycée qu'une personne m'accorde autant d'attention, je ne suis pas habitué à ça. Mais je ressens une certaine forme de réconfort dans sa réponse, mon cœur a même raté un battement en ayant constaté cela. Quel garçon étrange, ou est-ce moi qui suis louche de ne pas voir que je me suis longtemps caché derrière mon handicap pour avancer ? En attendant, je suis perturbé par sa réponse bien que surprenante, j'ai l'impression qu'il est entré dans ma tête et qu'il a épluché toute mes pensées. C'est quelqu'un de très intelligent en plus de savoir se défendre, comment ne pas rester indifférent.
- Tu croyais que je ne l'avais pas remarqué ? Je l'ai vu tout de suite dans ton regard qui est très expressif. Cette tristesse que tu gardes au fond de toi, je la vois en toi comme dans un livre ouvert. C'est pour ça que tu es tout seul, tu te refuses toute amitié et tu as du sûrement rompre celles que tu as eu avant. Tu vis dans le regret de ne plus entendre, inutile de me le cacher, je le sais, je suis passé par là avant toi, sa réponse qui suit me cloue sur place, je ne sais plus quoi dire ou penser.
En deux mots : la claque, c'est mon ressenti actuel sur le coup, je crois que je vais avoir beaucoup de mal à m'en remettre maintenant. Le choc de savoir que Lyn m'a totalement mis mes pensées à nue me reste encore dans la tête, en même pas une semaine il a percé mon état d'esprit. Sa logique est encore plus lucide que la mienne, j'en suis tout chamboulé. Sans m'en rendre compte je sens qu'on me touche la joue, ce sont ses doigts que j'ai sentis, qui sont si douces et chaudes. Je me rends compte que mes larmes tombent toute seule, personnes avant lui ne m'a percé à jour comme il l'a fait. Je commence à craquer alors que je ne me contrôle plus, je laisse tomber mes larmes aussi nombreuses qu'elles sont. Il me prend dans ses bras tout en me frottant tendrement le dos alors que je mets à pleurer comme je ne l'ai jamais fait. Ça fait longtemps que je n'ai pas craqué de la sorte. Personne ne m'a vu dans cet état, il est bien le premier à le remarquer. Mais comment il a su tout ce que j'ai caché au fond de moi, alors que je ne lui ai rien dit, c'est surprenant. Mais il est le premier à avoir fait exploser les barrières que je suis forgé.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro