12
Quand Calcino arriva et braqua son arme sur Gabriella, celle-ci ne fut ni surprise, ni effrayée. La jeune femme avait deviné que la secrétaire reviendrait pour l'emmener elle aussi. Car Gabriella était persuadée que jamais Pierre Raffaelo n'accepterait de collaborer de nouveau avec ses anciens amis. Ils avaient besoin d'elle.
– Gabriella, je ne vous ferai pas de mal si vous vous laissez faire. J'apprécie qui vous êtes, alors ne me faites pas regretter de vous avoir blessée si j'y suis contrainte.
– Je vais vous suivre, mais avant, je voudrais savoir pourquoi vous m'aviez prévenue en me disant que Raffaelo ne m'avait pas tout dévoilé. Grâce à vous j'ai apprit qu'il avait contribué à créer le Némésis 4. Vous m'avez fait croire que vous parliez du café, mais en fait vous saviez, depuis le début. Vous n'avez jamais été une vraie secrétaire.
– C'est exact. En fait, je voulais que vous sachiez la vérité, et que vous partiez d'ici. Pour votre propre bien, pour que vous ne soyez plus mêlée à cette histoire. Mais vous êtes restée. Vous avez même convaincu Raffaelo de ne pas vous renvoyer. Pauvre idiote ! Maintenant c'est trop tard pour vous.
Calcino menotta les mains de Gabriella et l'emmena.
Raffaelo était attaché à une chaise au centre d'un laboratoire. Un tableau à craies, des ordinateurs, des cahiers empilés les uns sur les autres, des flacons soigneusement étiquetés, quelques tubes à essai et un microscope. Il y avait aussi une femme blonde, un homme qui perdait ses cheveux et le scientifique de la vidéo. Celui qui avait si froidement assisté à la mort du sujet cinquante-six. Ses longs cheveux gris dissimulaient ses yeux, mais pas son sourire satisfait.
– Bienvenue, Gabriella. Je suis Alexander Horril.
– Libérez Raffaelo, s'il vous plaît.
– Ce n'est pas possible. Il doit d'abord nous donner le remède au N4.
Alexander s'accroupit pour être à la même hauteur que l'éminent scientifique.
– Alors, Pierre, vas-tu encore prétendre ne pas avoir trouvé le remède maintenant que nous détenons ta précieuse employée ?
Pierre le foudroya du regard.
– Laisse-la partir. Elle n'a rien fait.
Alexander fut prit d'un fou rire.
– Mon cher et égoïste ami, que t'es-t-il donc arrivé pour que tu t'inquiètes pour elle ?
– Il a trouvé quelqu'un pour me remplacer. Plaisanta Sandra.
– La première femme venue ferait l'affaire pour te remplacer. Attaqua Pierre.
– Qu'est-ce que tu insinues ?!
– Du calme, du calme. On n'arrivera à rien si tout le monde s'embrouille. S'interposa Bernard.
– Pierre, la situation est simple. Si tu veux que toi et cette jeune femme repartiez sains et saufs, tu dois nous donner le remède. Reprit Alexander.
– Combien de fois devrais-je le dire ? Je n'ai pas trouvé le remède !
– Dans ce cas, jamais vous ne sortirez d'ici vivants. Agent Calcino, seringue s'il vous plaît.
Dans un éclair d'horreur, Gabriella comprit ce qu'avait l'intention de faire Alexander Horril.
– Attendez ! Cria la jeune femme. Ne faites pas ça ! Ne donnez pas le N4 à Raffaelo ! Il risque de mourir !
– C'est le but. Et tu devrais aussi t'inquiéter pour toi et ta mère.
– Vous savez pour ma mère ?
– Nous sommes au courant de tout. Depuis sa première crise, tu ne l'as pas vue sur ordre des médecins, mais la vérité est que nous faisons des observation et des expérimentations sur elle et des milliers d'autres. Et si nous ne trouvons pas le remède, elle mourra dans une semaine au plus tard. Et Pierre, dans quinze jours.
Sur ces mots, Alexander Horril enfonça la seringue dans l'épaule de Raffaelo et appuya. Gabriella mis sa main devant sa bouche pour s'empêcher de crier et de s'écrouler. Plus une situation est critique, plus il faut garder son sang-froid. Comment pourrait-elle s'en sortir, et surtout sauver sa mère et Pierre Raffaelo d'une mort certaine ? Mais qu'est-ce qu'une imbécile comme elle pouvait y faire ? Elle n'était qu'une assistante, pas une vraie scientifique.
– Calcino, seconde seringue. Alexander s'approcha dangereusement de Gabriella.
– Arrête ! Hurla Pierre Raffaelo.
– Sandra, tu peux prendre un bout de scotch pour faire taire notre petit Pierre ? Et Bernard, tiens bien la demoiselle pour qu'elle ne se débatte pas.
Sandra Liszt se mit à sourire, pendant que Bernard Ossvar affichait une expression désolée. Au moment où la seringue transperça sa peau, la jeune femme repensa à sa vie. Des années passées à étudier. Personne ne croyait qu'elle arriverait à réaliser son rêve. Pourtant ces derniers jours, elle s'en était considérablement rapproché. Raffaelo lui avait redonné de l'espoir. Et il allait mourir. Ils allaient tous mourir. À quoi tous ses efforts avaient-ils servis ? Elle s'était battue, elle touchait au but, et pourtant, une seule seringue pouvait tout détruire. On lui avait toujours répété : «Tu n'y arrivera pas.»; «Tu n'es pas faite pour ça, abandonne.»; «Le monde de la science est trop compliqué pour les femmes»; «Tu n'as pas les épaules pour ça»; «C'est de la folie !»; «Tu vas gâcher ta vie.», et pourtant, elle ne s'était jamais résignée. Et aujourd'hui non plus, elle ne baisserait pas la tête.
– Attendez ! Je peux trouver le remède !
Alexander retira doucement la seringue. Elle était encore pleine.
– Vraiment ? S'étonna-t-il.
– Détachez mes mains, et donnez-moi tous les résultats des expériences que vous avez réalisées.
Gabriella fut libérée et Alexander lui tendit un épais paquet de feuilles. Ensuite il s'assit sur une chaise et observa la jeune femme froncer les sourcils, concentrée.
– Si même Pierre n'a pas réussi, comment cette sotte peut-elle y arriver ? Se moqua Sandra Liszt.
– Retiens-toi d'être désagréable, pour une fois. Rétorqua le scientifique aux cheveux gris.
Gabriella Monverdit réfléchissait à un moyen de s'enfuir, tout en cherchant à résoudre l'étrange équation du remède au Némésis 4. La formule de base, les résultats des expériences, ses propres recherches en tandem avec Raffaelo... La réponse était à portée de main. Récapitulons... Les quatre anciens amis s'étaient trompé dans la formule, et le résultat était désastreux. Le cerveau était au centre de l'équation... La colère aussi. Ces crises de colère chez les patients suscitait sa curiosité. Peut-être que le Némésis 4 n'était pas vraiment une maladie. La formule n'avait pas été écrite dans ce sens, en tout cas. Le N4 augmentait de façon exponentielle la production de catécholamines, dont l'adrénaline fait partie. Ces hormones provoquaient une réaction physique semblable à la colère. Et la quantité irréaliste d'adrénaline provoquait une accélération du cœur. Cela provoquait des crises cardiaques, et un afflux important de sang dans le cerveau, à cause d'une sur-production d'hormones. Cet état physique était naturellement impossible, le corps ne pouvait pas résister, et le patient mourrait. Cependant, il restait un point à éclaircir.
– Comment se fait-il que le Némésis 4 se soit propagé dans le monde ? Ce n'est pas une bactérie ni un virus.
– C'est vrai. Soupira Alexander Horril. C'est en fait une molécule que nous avons créée, qui est capable de stimuler la zone du cerveau qui produit les catécholamines. Et si le N4 s'est propagé... Ce n'est pas à cause du patient qui s'est enfuit il y a quelques années, quand Pierre nous a lâchement abandonné. Les personnes qui nous avaient fournis les fonds pour notre projet de créer des sur-hommes, étaient finalement intéressés par notre erreur. Ils l'ont utilisée comme arme biologique. Et les civiles comme ta mère n'ont juste pas eu de chance. Le N4 se transmet uniquement par le sang. À force que nos employeurs usent du N4, il s'est propagés à une vitesse folle. Le public n'étant pas informé, le N4 a pu se transmettre grâce aux dons de sang, par exemple, ou plus simplement, grâce aux moustiques.
Ce qu'Alexander venait de lui expliquer, elle le savait déjà. Raffaelo lui avait tenu le même discours la semaine dernière. Cependant, Alexander avait dit que le Némésis 4 était une molécule, et Raffaelo que c'était une bactérie.
– Vous êtes sûr que c'est une molécule ?
– Pardon ?
– Raffaelo semblait persuadé que le N4 était une bactérie.
Gabriella ne faisait que gagner du temps. Elle avait fait exprès de jouer la carte de l'ignorance, et Alexander était tombé dans son piège. Il avait fait une erreur en disant que c'était une molécule, car Gabriella avait assuré que ce n'était ni un virus ni une bactérie. Et puis, ce n'était pas entièrement faux.
– Pour être exact, le Némésis 4 produit une molécule. Et étant donné sa transmission par le sang, on peut le qualifier de ''bactérie''. Cette bactérie n'a donc qu'un rôle passif de transmission, alors que la molécule créée agit directement sur le système nerveux, son rôle est actif. Voilà pourquoi il est plus juste de parler de molécule.
– D'accord, je commence à comprendre. Marmonna Gabriella.
La jeune femme jeta un coup d'œil discret aux flacons disposés en désordre sur des chariots à plusieurs étages. Ils étaient tous étiquetés. Et l'un d'entre eux attira son attention.
– Le temps tourne, ma chère.
Alexander se leva pour surplomber la jeune femme d'un air menaçant. Son corps maigre semblait s'étirer indéfiniment. Il ne prêta pas attention à ses cheveux grisâtres qui lui tombaient devant les yeux.
– Une craie. Répliqua Gabriella.
– Bernard, tu as entendu la demoiselle ? Va dans la réserve lui chercher une craie. Ordonna Horril.
Bernard Ossvar s'en alla de sa démarche pesante et nonchalante. Cependant, il s'inquiétait de la tournure des évènements. Il n'aimait pas qu'Alex ait injecté le N4 à Pierre. Ça n'aurait pas dû se passer ainsi. Et tous ces pauvres gens qui mourraient, sans comprendre ce qui leur arrivait... C'était leur faute à tous les quatre, et pourtant, au lieu d'en assumer les conséquences, ils cherchaient un remède dont ils pourraient en tirer les bénéfices, et s'en sortir impunément. Peut-être même qu'on les considéreraient comme des héros. Bernard n'aimait pas ça. Il prit un paquet de craies blanches et retourna au laboratoire.
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