12 | ZEPHYR KINGMAN
« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. »
Avez vous déjà pensé à ce qu'impliquait ce dénouement ? Avez vous déjà pensé que Blanche Neige n'avait que 14 ans ? Avez vous déjà pensé que peut être, les méchants n'avaient pas tellement tort ? Avez vous déjà regretté la présence de celui que vous étiez sensé haïr ? À vrai dire, il y a de bonnes chances pour que vous n'ayez jamais repensé à ce genre de sujets autrement qu'avec une vague grimace, agacé par votre vous du passé. Plongeons dans l'une de ses histoires, voulez vous bien ?
Presque deux décennies avant notre époque, une ancienne servante devenait princesse... Elle était jeune, belle, naïve et pleine d'espoir. Elle avait l'air heureuse, épanouie, comme si elle n'avait jamais douté de la beauté du monde, et que les champs de fleurs l'avaient toujours fait sourire, et que jamais, le malheur ne l'avait assaillie. Elle s'appelait Cendrillon, cette jolie fille, cette enfant, parce que oui, elle avait seize ans, mais sûre d'elle et de son amour pour un jeune homme qui avait trois ans de plus qu'elle, elle s'était jetée dans les bras du mariage sans réfléchir. Envolée, Anastasie et Javotte, envolées la marâtre, envolés les souvenirs semés d'horreur, le ménage intensif et esclavagiste.
Cendrillon épousa le prince Henri Kingman, dans un fol espoir de jeune fille fleur bleue et solitaire qui venait à peine de rencontrer les rivières écarlates pour la première fois. Oh, bien évidemment, ils vécurent heureux et eurent deux enfants, c'est la version officielle, celle que tout le monde adopte, sans se poser de questions.
Cendrillon, elle avait dix-huit ans quand elle redevint esclave, esclave de sa maternité, car elle venait de donner naissance à un jeune garçon nommé Cléon. Blond, parfaite petite tête très similaire à celles de ses parents, déjà royal dans l'enfance, gamin fier qui tétait sa mère avec empressement, déjà pétri de l'idée qu'il serait un toujours, qu'un jour, on allait lui donner un royaume entier pour lui seul.
Bientôt vint le second, quelques minutes de plus en vérité. Dans les ténèbres, alors qu'il avait lui aussi la chevelure lumineuse et les yeux bleus. Ainsi naquit Zephyr, qui n'était pas condamné mais qui finirait par amener la tristesse dans les yeux naïfs de sa mère et le désarroi dans ceux de son père. Zephyr était un bébé timide, qu'on ne cessait de présenter de partout, petit prince qu'on avait besoin de montrer, hypocritement, comme si on voulait prouver qu'on avait la vie la plus heureuse. Les reines et princesses se souriaient constamment, coincées dans leurs robes aux bras des mêmes hommes. À peine la vingtaine, et condamnées à exécuter cette même chorégraphie jusqu'à la fin de leur vie. Zéphyr, lui, il observait les couleurs de ce monde depuis ses yeux d'enfant, ne comprenant que rarement ce qui se passait autour de lui.
Alors que le prince devenu roi s'occupait de son conflit avec les terres maléfiques, Cendrillon s'occupait de ses fils, devenant une femme par l'intermédiaire moyenâgeux de la chose. Est-ce que son prince l'aimait ? Qui était elle au palais, au final, si ce n'était un outil, une jolie figure pour déclarer que tout allait parfaitement bien ?
En grandissant, Zephyr devenait un gamin plus renfermé que son frère. Cléon était un soleil dont Zephyr était l'éclipse. Moins beau, moins grand, moins gentil, moins ouvert, chuchotaient les servantes inquiètes, celles qui bavassaient n'importe comment sur tout et n'importe quoi. Zéphyr était né deuxième, et partout, il était deuxième, ayant toujours l'impression que Cléon était parfait quand lui était brouillon, moyen, agaçant, peu charmant. Comment pourrait il faire un prince correct ? En revanche, Zephyr était observateur et intelligent, agité certes, mais il comprenait très rapidement, il avait bien vite compris que sa mère était une parodie d'elle-même depuis le temps. Le monde était devenu une farce très rapidement. Une farce qu'il aimait dessiner, donnant corps sur le papier à une horreur sans nom aux accents de terrible réalité.
À vrai dire, aujourd'hui, Zephyr a seize ans. Il est toujours ce jeune homme qui n'a pas la tête d'un Cléon, charmant, parfait, arrogant et heureux. Zephyr a vrai dire, il reste quelqu'un de beau, sans être parfait, avec son nez un peu trop long, ses cheveux toujours décoiffés, négligés, dans leur blondeur plus terne que celle de son aîné. Zéphyr, il a le teint clair, avec quelques tâches de rousseur éparses et quelques poils de barbe un brin aléatoires. Zephyr, il est moyennement grand, moyennement musclé, moyennement corpulent, moyenennement charmant, ayant simplement pour lui ses yeux azuréens hérités de son père, ces mêmes yeux où brille depuis plusieurs années l'éclat de la vengeance. L'éclat d'un jamais. La révélation, c'était quand, déjà ? À quatorze ans ?
Après tout, Zephyr avait passé son adolescence à sécher les cours des précepteurs du palais, faisant l'inverse des ordres donnés, hurlant dans le but de retrouver une réalité sans mensonges immondes. Il était en quête de vérité, pas de pouvoir. Imprévisible, narquois, rieur, désinvolte, il s'était mis en colère contre le monde entier, contre son frère parfait, contre sa mère la potiche incapable de discerner l'amour de l'aveuglement, contre ses copines toutes aussi stupides, contre son père jamais présent, sauf pour constater sa médiocrité. Alors un jour, il avait pris son privilège de deuxième, il avait renversé la table, il avait peint les yeux du roi avec du bleu désarroi avant de retourner dans sa chambre.
Zephyr ne veut pas d'empire, il se rit nonchalamment de ceux qui à son âge pensent déjà aux guerres qu'ils mèneront adultes, pour venger leur parents ou quoi que ce soit. À vrai dire, le deuxième fils de Cendrillon se fout bien des enfants de Javotte, leur adressant un simple sourire de chat cynique, parce que Zephyr rêve de changer le monde mais il préfère ne rien foutre, se percher dans un arbre pour se moquer égoïstement de tout le monde, en faisant voler des objets inutilement avec une magie grise télékinésique qu'il ne maîtrise absolument pas.
⟐
<< Pourquoi ? Pourquoi je devrais vouloir avoir des sujets ? Pourquoi je devrais vouloir conquérir le monde ? Sérieusement, vous êtes tous comme ça ? Embrigadés dans votre idée d'être les tyrans de gens qui sont aussi malheureux que vous, vous allez juste vous couronner de merde, en fait. J'déteste mon frère et ma famille, j'déteste cette putain d'hypocrisie, alors arrêtes de me parler de ton futur règne, parce que putain, j'en ai rien à foutre. Être méchant pour être méchant, c'est ça, ta fierté ? Bordel, je suis heureux d'être un merdeux solitaire qui n'aura jamais d'amis, dans ce cas. Vous êtes tous des photocopies monotones, vous le savez ça ?
Tous heureux d'être les dignes représentants de vos parents qui ont tous échoué. Et ouais, les mecs, vous allez finir comme eux, mais avant, vous allez semer une engeance qui sera pareille que vous. J'sais même pas pourquoi y a une magie grise quand le monde est fait pour être blanc et noir. Vous savez, au fond, j'm'en fous. Les miens me voient comme un traître, vous comme une anomalie, eh bah écoutez, je me fais un putain de plaisir de vous faire tous chier. Retournez harceler bêtement des toujours, comme si ça allait vous prouver quoi que ce soit, si ce n'est que vous êtes incapables de réfléchir par vous même, moutons pathétiques que vous êtes. C'est même pas votre faute en plus. C'est le monde qui essaie de nous enculer tous. Ou le Narrateur, j'en sais foutrement rien. >>
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