04 | AELIA PENDRAGON
Le courage d'avancer seule. C'était sa première épreuve, alors que sa vie commençait et que celle de sa mère s'éteignait. Cette solitude infâme qui ne l'a jamais quittée, qui lui colle à la peau, sensation d'avoir perdu quelque chose, de ne pas être tout à fait complète. Elle ignore pourquoi dans un premier temps, on lui tait son histoire. On l'arrache à ceux qu'elle aime, à l'étreinte maternelle et à ce frère qu'elle ne connaîtra jamais : la pièce manquante. Elle est recueillie par les nonnes du couvent dans lequel sa mère accouche, la pièce manquante est envoyée ailleurs pour accomplir un grand destin tandis qu'on la cantonne au couvent. Elle sera une jeune femme respectable, fille de bonne foi, épouse et mère.
Le courage de grandir incomprise. Toute seule dans ces longs couloirs austères, rayonnante de couleurs quand tout autour d'elle est gris, gris jusque dans la magie qui coule dans ses veines. Les nonnes en jureraient presque lorsqu'elle fait pleuvoir pour la première fois : la gamine contrôle la météo. Mince alors, et dire qu'elle aurait pu être une bonne personne. Aelia n'est pas parfaite, mais Aelia est encore jeune, malléable. On s'acharnera à la rendre docile, compatissante, douce. On échouera. Aelia est une tempête, un déferlement d'émotions et un manque de logique à elle toute seule. Elle n'est pas ce que l'on aimerait qu'elle soit, déçoit beaucoup sans pour autant offenser. Si Aelia n'est pas une parfaite petite princesse, elle a le cœur bon. C'est une gamine aimante, affectueuse, toujours désireuse de s'améliorer même si sujette aux emportements. Sa magie n'est pas aussi blanche qu'on aimerait, mais son cœur l'est sûrement.
Le courage de poser ses questions. Et des questions, Aelia en a beaucoup. Qui étaient ses parents ? Pourquoi est-elle ici, perdue dans ce couvent de l'île Plumette ? Pourquoi a-t-elle ces pouvoirs ? Pourquoi se sent-elle si différente ? Tout autant de questions qui lui ont abîmées les lèvres trop longtemps. Alors un jour elle demande, elle ose parce que sa curiosité déborde de son être, dépasse de tous côtés, ne peut plus être contenue. Elle ose et ne le regrette pas, l'acharnement paye et on lui dévoile un pan de vérité : elle est la fille d'une reine et d'un grand roi. Arthur et Guenièvre. Elle est une Pendragon.
Le courage de chercher des réponses. C'est à ce moment là qu'elle commence à réellement trouver de l'intérêt pour la lecture, l'éternelle hyperactive. Elle lit et découvre des vérités sur ses parents, sur leur histoire. Elle sourit et chouine de temps en temps, apprend des choses qui l'effraient un peu. En comprenant que le grand amour de sa mère n'était pas son père, elle se demande quels sentiments la reine nourrissait à son égard. Si elle l'aimait tout de même malgré ça ou si au contraire, elle la haïssait pour être venue au monde et lui avoir pris la vie. Elle se demande si elle est une bénédiction ou l'exact contraire, la personne qui a rendu cette histoire moins tragique ou son triste summum. Elle doute, ça l'effraie, la rend un peu plus méfiante, un peu moins enthousiaste de temps en temps. Aelia découvre les coups de mou et s'interroge en regardant le portrait de cette femme qu'elle ne connaîtra jamais, qui ne sera pour elle rien d'autre qu'un personnage littéraire. Qui était-elle ? A-t-elle souffert ?
Le courage de s'accepter. En tant que princesse pas comme les autres, en tant que gamine trop petite, trop maigrichonne, les joues toujours pleines de terre et les cheveux bruns toujours curieusement ébouriffés. Elle fait un peu tâche Aelia au milieu de toutes ces jeunes filles bien éduquées, elle ne le sait pas encore. On lui dira qu'elle est quelconque, qu'elle n'a pas sa place dans les rangs des brillants descendants des héros des contes de fées. Qu'elle n'a rien de spécial, elle et ses grands yeux bruns, son visage de poupée. Qu'elle est un peu simplette, un peu vulgaire et peu cultivée. Et il lui faudra du temps avant de réussir à trouver sa place, trouver sa voie dans ce monde qu'elle connait mal mais qu'elle crève d'envie de découvrir. Du haut de ses 16 ans, elle a conscience que sa situation est complexe, qu'elle marche sur un fil particulièrement mince et qu'un rien peut la faire basculer.
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