Chapitre 20
Je parcourrai la pièce des yeux. Nous avions tout remis dans l'ordre. Les pages des articles étaient retournées à leur place et la mallette sous le bureau - à mon grand regret. Toucher du bout des doigts ce qui pouvait sauver une dizaine de personnes était très tentant.
- Alex...
Kim me dévisageait, l'air légèrement impatiente, probablement dû au stress de la situation.
- J'arrive.
Nous nous apprêtions à sortir de cette pièce par la seconde porte. Je devais bien avouer que ça me faisait chier de laisser les capsules d'antidotes chez ce fou. Mais on reviendra.
Je sortis rapidement à la suite de mon père. Comme Kim l'avait prédit, nous arrivâmes sur un couloir blanc, similaire au premier que nous avions emprunté. A moins que ce soit le même ?
- Mathieu doit se trouver dans une de ces salles, leur indiqua Kim en désignant des portes qui donnaient sur le couloir.
Mon père la regarda d'un air interrogateur.
- Comment connais-tu tout cela ?
Elle grimaça un sourire.
- Je suis passée par là moi aussi.
Puis sans ajouter quoique ce soit, elle ouvrit la première porte qui s'offrait à elle. Je glissai aussitôt ma tête dans l'embrasure de la porte pour tenter d'apercevoir mon frère. Un sentiment de déception m'envahit. Ce n'était qu'une pièce vide. Un grand lit - comme ceux que l'on peut retrouver à l'hôpital - prenait une bonne partie de la pièce. Il était soigneusement fait, les draps impeccablement pliés. Et maniaque en plus.
Mon regard fut tout à coup attiré par des bouts de tissus qui se retrouvaient suspendus sur les bords du lit. Des sangles. Je frémis. Rien que d'imaginer mon frère et Kim, à cet endroit, me mettait hors de moi.
- Vide.
Kim referma la porte avec douceur. Je vis papa se diriger vers la prochaine.
- Ça va ? demandais-je doucement.
Elle inspira profondément et acquiesça doucement.
- Juste... De mauvais souvenirs.
Elle détourna les yeux et entama un pas vers mon père. Je la retins par le poignet.
- Eh.
Je vis ses yeux s'humidifier alors que je l'attirai doucement à moi. Mais elle se défit rapidement de mon étreinte et sécha ses larmes d'un revers de main. Ce geste m'agaça fortement. J'avais l'impression qu'elle mettait de la distance entre nous, délibérément. Pourquoi ? A cause du presque baiser de toute à l'heure...? Mon coeur se serra douloureusement à cette idée. Je ne voulais pas qu'elle me rejette. Mon attention se reporta sur elle.
- C'est un peu dur...
Elle esquissa un sourire tremblotant.
- Mais ça va aller, ne t'inquiètes pas.
Bien sûr que je m'inquiète ! m'indignais-je intérieurement. Mais je ne dis rien. Je ne voulais pas la brusquer. J'avais l'impression qu'elle avait peur de quelque chose... De moi ? Je chassai cette idée de mon esprit. Non, c'est absurde.
- Elle est fermée celle-ci, nous apprit papa en se dirigeant vers la dernière qu'il nous restait à vérifier.
Comme par hasard ce sera la bonne.
Je me mis à marcher rapidement pour le rejoindre, dépassant Kim par la suite. Mathieu ! Papa me jeta un coup d'œil nerveux. Il enclencha prudemment la poignée et ouvrit la porte. Il y entra précipitamment. Mon cœur accéléra dans ma poitrine. Une masse sombre était allongée sur le lit. Elle était retenue par les sangles qui étaient accrochées sur son thorax. Ses mains étaient relevées au-dessus de sa tête, fixées à une sangle suspendue. J'aurais pu reconnaître cette personne entre mille.
- Mathieu, souffla papa les yeux brillants.
Il se précipita à sa rencontre.
Lorsque je m'approchai du lit, je vis qu'une perfusion avait été installée sur son bras gauche. Je serrai la mâchoire. Que lui injecte-t-il bon sang ?
- Il est sous somnifère, murmura Kim en l'examinant prudemment.
Un drap blanc remontait sur Mathieu jusqu'aux épaules.
- Il lui a fait quoi ? demanda tout à coup papa d'un ton sec.
Ses yeux lançaient des éclairs.
- Dans cet état, il est plus facile d'administrer la première dose de sérum. L'hôte peut avoir des réactions assez... virulentes parfois.
Kim parcourait tristement mon frère des yeux. Je voyais bien qu'elle se retrouvait à travers lui. Elle avait dû subir les mêmes horreurs, il y a plus d'un mois déjà.
- Putain...
Mon père passa sa main dans ses cheveux et s'assit sur le bord du lit. Je crois qu'il vient juste de réaliser.
- Les sangles sont là au cas où la morphine ne suffirait pas à l'endormir totalement, ajouta mon amie en voyant mon regard basculer sur ce qui retenait mon frère. Il ne craint rien pour l'instant...
- Putain mais qu'est-ce que tu racontes ?! vociféra mon père en se relevant d'un bond.
Je sursautai violemment face à sa réaction. Par pur réflexe, j'attrapai la main de Kim.
- Mon fils est en train de subir les expérimentations d'un fou ! Et toi, tu me dis qu'il est en sécurité ici ?!
Je l'avais rarement vu s'énerver autant. Je sentis ma gorge se nouer. De quel droit parlait-il ainsi à Kim ? Je sentis mes nerfs s'échauffer à mon tour.
- Oui.
La voix de la jeune femme était glaciale.
- Tant qu'il est dans cette pièce, c'est que le sérum n'a encore tout à fait été accepté dans son corps. Ça peut prendre plusieurs jours...
Ma main se pressa plus fort dans la sienne quand j'entendis sa voix vibrer sous l'émotion. La voir souffrir me brisait le cœur.
- Il ne craint rien.
Un sanglot retentit bruyamment dans la pièce. Ce fut la goutte de trop. Je l'attirai fermement contre moi, sa tête contre mon torse. Elle ne s'échappera pas cette fois-ci. Elle n'allait pas bien et je savais que notre étreinte pouvait l'apaiser. Je fusillai mon père des yeux alors que mon amie hoquetait contre moi. Celui-ci baissa les yeux honteux, en se rendant compte de l'ampleur de ses propos.
- Excuse-moi, marmonna-t-il en s'adressant à ma protégée. Je... C'est l'émotion.
Kim posa ses mains sur mon torse et s'éloigna de moi d'un pas, sans me regarder. Son visage était encore rougi sous les larmes mais son regard avait changé.
- Ce n'est pas grave, c'est normal.
Je fronçai les sourcils. L'air résolu sur son visage ne m'inspirait rien de bon. Je m'avançais vers elle.
- Kim, je...
Alors qu'elle relevait sa tête vers moi, j'entendis des bruits de pas précipités dans mon dos. Papa me lança un regard alarmé. Je m'immobilisai aussitôt et retins mon souffle. Je me retournai lentement, en comprenant ce qu'il était en train de se passer. Je me figeai à nouveau. Les bruits de pas se rapprochaient. Et on avait laissé la porte ouverte.
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