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Un peu de charme

Bien que Magnus ait désespérément tenté de convaincre Robert, ce dernier restait plutôt sceptique. C'était quand même difficile d'imaginer un vieil asiatique dans le corps d'une charmante jeune femme. La personnalité changeante de Magnus en Camille et d'Alexander en Alec était une preuve plutôt éloquente, mais cela pouvait quand même rester un canular.

Bien entendu, quand Camille réapparut, elle confirma qu'elle avait laissé le livre aux vestiaire de l'hôpital. Elle ne se rappelait pas qu'il lui appartenait et s'était dit qu'elle chercherait le propriétaire lors de son prochain quart de travail.

— Ce n'est pas vrai, couina Jace. Comment on fait maintenant pour retourner dans l'autre monde?

C'est avec étonnement qu'Alexander le regarda se prendre la tête, alors qu'il était presque sur le point de s'écrouler.

— Ça va Jace? Tu sais que c'est toi qui voulait revenir à la maison? Pourquoi prends-tu tout cela aussi à coeur.

Pendant qu'il parlait, Alexander s'installa sur les genoux de Camille qui relaxait un peu sur le canapé. Comme si tout était normal, elle passa une main derrière sa taille alors que le libraire entoura un bras derrière la nuque de la paramédic. Il pencha sa tête et l'embrassa doucement sur la tempe.

— Dit celui qui s'assoit sur une femme enceinte qu'il connaît à peine.

— Magnus et moi, c'est bien plus qu'une simple amourette. Peu importe de quoi il aura l'air, s'écria Alec, je l'aimerai à jamais. Alexander est d'accord avec moi, au cas où vous vous poseriez la question. Il trouve que Camille est parfaite comme hôte.

— Bien sûre qu'il est d'accord, sourit Robert. Mon fils ne dirait jamais non à une femme aussi canon.

— Je rêve! Vous croyez qu'il est attiré par Camille? Si vous l'aviez vu dans notre piscine, vous remettriez en question beaucoup de vos théories sur les hétérosexuels, homosexuels et autres types. Quand deux personnes fusionnent, elles adhèrent à la pensée de l'autre pour ne former qu'une seule entité. L'amour, comme vous le connaissez, fait pâle figure en comparaison de celui résultant d'une fusion. Les sentiments sont décuplés pour la personne aimée.

— Pas besoin de me le rappeler, grogna Jace. J'ai les tripes à l'envers depuis que je suis de retour. On dirait qu'on m'a déchiré le cœur en deux. Je suis désespéré de retrouver ce foutu bouquin parce que je ne suis plus capable de vivre sans mon amour.

— On va le retrouver, déclara Magnus en dévisageant Alec tendrement.

Il passa sa deuxième main sur la cuisse d'Alexander puis marqua une pause en embrassant son mari.

— Tu vas retrouver ton Lewis, finit-il par articuler après s'être séparé des lèvres tentatrices de son époux.

— Aarrrggg! C'est ça qui me retourne autant. Lui, je ne veux plus rien savoir de ses aventures. Ce que je veux, c'est revoir Clary. Pourtant, Joch est resté là-bas. Pourquoi je ressentirais quelque chose pour cette rousse de malheur?

— Peut-être que vous aviez fusionné plus que tu ne le crois et que tu as encore des souvenirs vifs de Clary.

Soudain, Alexander se releva d'un mouvement brusque, se retournant vers Camille avec les mains tendues.

— Pardon Camille! Alec a encore pris le dessus. Je ne t'ai pas blessée, j'espère?

— Viens ici, sunshine, répondit simplement Magnus en lui attrapant les mains. Je ne suis pas fait en papier mâché. Tu appréciais beaucoup, il y a quelques secondes à peine. Par contre, je peux prendre ta place, si cela peux te rassurer.

Il l'installa gentiment tout près de lui et grimpa sur ses genoux. À son tour, il pencha la tête pour la coller à celle du libraire, mais n'osa plus l'embrasser. Au lieu de cela, il se contenta d'enfouir sa main dans la chevelure d'ébène de son mari.

Robert était de plus en plus persuadé que l'autre monde existait. Sinon, comment son fils homosexuel pouvait-il aimer celle qu'il nommait son ennemie numéro un depuis des années? Seule réponse logique, bien que plutôt insensée, il avait véritablement vécu une fusion.

— Bon! Vous êtes plutôt difficile à suivre, vous trois. Mais j'imagine que je finirai par m'y faire. Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant, demanda le patriarche.

— On doit chercher des criminels. Magnus, Sébastien a dit qu'ils avaient tué ton ancien hôte. Il faut essayer de les chercher avec la base de données de la police.

— Alec, regarde-moi. Je ne peux pas me présenter comme ça. Ils vont m'enfermer.

— Oh! C'est vrai que tu ne ressembles plus tellement à un vieux chinois de soixante-dix ans.

— Un vieux enquêteur chinois, interrogea Camille. Est-ce qu'il semblait un peu fou?

— Totalement!

— C'est celui qui recherchait des pistes sur le meurtre de mon mari. C'est lui... enfin moi... hem nous!

— Bon, Magnus tu connais le commissariat. Tu vas avec Alec pour trouver l'information. Tu trouveras un moyen, avec tes charmes, de faire diversion. Moi, je vais à l'hôpital chercher le livre et parler à Sébastien, continua Jace.

Robert tournait presque de l'œil à entendre son fils si sensible donner ses ordres.

— Mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait, fiston? J'ai de la difficulté à te reconnaître.

— Je sais! Je me sens tellement bien, s'amusa le blond. Tu verras papa, tu auras une magnifique vie là-bas. J'ai hâte que tu vois Clary. C'est une si gentille fille.

Alec souleva un sourcil. Il avait bien entendu Jace dire que Clarissa était gentille. Enfin, il ne pouvait pas parler... sa vie était aussi chamboulée que la sienne.

Ils partirent donc, laissant le petit Raphaël avec Robert, qui assura pouvoir s'en occuper. Magnus eut de la difficulté à se séparer de son fils, mais finit par rejoindre le groupe à l'extérieur.

— Tu y as mis le temps, s'échauffa Jace.

— Il avait besoin d'une histoire... et d'un verre d'eau... et...

— On a compris. Cet enfant sait très bien comment manipuler sa mère.

— Mais c'est vrai!

— Je sais, ils sont tous comme ça. Les neveux de Lewis faisaient la même chose. On y va oui ou non?

Le groupe se sépara au commissariat. Magnus et Alec grimpèrent les marches et, avant d'entrer, Alec replaça la veste de denim de Camille, déboutonna son chemisier et remonta la taille de sa jupe.

— Mais qu'est-ce que tu fais sunshine?

— Si tu veux te rendre à ton bureau, tu devras faire un peu de charme à tes collègues. Tu n'as qu'à leur dire que tu as rendez-vous avec ton remplaçant pour avoir de l'information sur le dossier de Maxwell.

— C'est pas toi qu'on va reluquer comme un dessert.

— Je vais être tout près. Tu es ma belle-sœur et je te supporte. Si je lui ressemble tant que ça, ils ne pourront rien dire.

Roulant des yeux, Magnus respira profondément et changea carrément de regard. On aurait dit une actrice en pleine prestation oscarienne. Il se dirigea vers la porte et attendit qu'Alec lui ouvre, comme si elle était la reine d'Angleterre. Ce fut au tour du libraire de lever les yeux au ciel. Replaçant une dernière fois sa poitrine et ses cheveux, Magnus entra théâtralement. Il fit de l'œil au gardien, puis il fut dirigé vers le service des enquêtes criminelles, roulant des hanches et souriant avec empressement dès qu'un homme le regardait.

Devant la section criminelle, on les fit asseoir et il ne se gêna pas pour croiser les jambes de façon plutôt provocante.

— Magnus, souffla Alec. Je ne t'ai pas dit de te trouver un coup pour ce soir. Tu veux bien descendre un peu cette jupe. Je suis certain que le mec qui n'arrête pas de te mater peut voir ta petite culotte.

— Serait-on jaloux?

— Je sais très bien que tu aimes te donner en spectacle, mais si tu continues, cet homme va recevoir ma façon de penser.

— Luke peut bien se rincer l'œil. Je sais qu'il sera toujours avec sa copine dans cinquante ans. D'ailleurs, tu es dans un commissariat, sunshine. Fais attention de ne pas rester en détention ce soir.

— T'as qu'à ne pas tous les provoquer!

— C'est toi qui voulais que je fasse du charme à mes amis.

— Regarde!  Je crois que quelqu'un vient vers nous. Tu crois qu'on va enfin pouvoir sortir de ce cirque?

— Ah! Oui c'est Underhill. Ça ne regarde pas bien pour nous! Il est gay. C'est toi qui va devoir lui faire du charme, répondit Magnus à son oreille.

— Madame Belcourt? Veuillez me suivre, dit un jeune homme blond en lui tendant la main. Je suis le nouvel officier pour l'enquête de votre mari, continua-t-il en examinant attentivement Alec. Venez avec moi, nous allons nous rendre à mon bureau.

— Avec plaisir, monsieur?

— Désolé, c'est Underhill, mais vous pouvez m'appeler Andrew, répondit l'enquêteur en souriant à Alec. Vous voulez quelque chose à boire? Je vais me préparer un café.

— Camille est enceinte. Elle évite le café, autant que possible, sourit aimablement Alec. Vous pourriez lui apporter un verre de lait? Pour ma part, j'ai des brûlements d'estomac. Une eau Perrier fera l'affaire.

Étonné des demandes inhabituelles, l'officier leur ouvrit la porte de son bureau et leur demanda de se mettre à l'aise pendant qu'il tentait de trouver les breuvages. Lorsqu'il repartit et qu'il fut loin du couple, Magnus sermonna son partenaire.

— Du lait?! Le café ici est délicieux. C'est moi qui le fait venir directement du Pérou. Et toi! Une eau Perrier! Depuis quand tu bois ça?!

— Shut Magnus! J'ai essayé de te donner du temps pour que tu puisses fouiller dans la base de données. Magne-toi avant qu'il revienne.

Instantanément, l'asiatique comprit et se concentra sur son travail. Il tapait à une vitesse vertigineuse, mais il dut faire quelques incartades car on avait annulé son mot de passe. C'était quand même facile puisque Underhill choisissait toujours ses mots de passe selon le prénom de ses ex. Il pianota « Lorenzo ». puisque c'était le dernier sur la longue liste du blond. OUI! Il n'avait pas changé ses habitudes.

— Il revient Magnus, grouille!

— Tu vas devoir l'occuper pour encore cinq minutes. Je viens à peine d'entrer dans la base de données.

— Crap!

Alec soupira et se releva rapidement pour sortir du bureau. Se dirigeant vers Underhill, il l'arrêta au passage.

— Ah! Andrew! Est-ce que vous savez où je pourrais me rendre à la salle de bain?

— Bien sûr! Vous voyez, tout juste derrière l'homme en bleu? Prenez le corridor à votre droite et vous y serez.

— Vous voulez bien m'accompagner, répondit le libraire en lui frôlant le bras. J'ai oublié mes lunettes ce matin et je dois avouer que, d'ici, je ne vois pas très bien de qui vous parlez.

— Certainement, sourit l'officier en tournant les talons. Vous connaissez madame Belcourt depuis longtemps, s'informa le blond.

— C'est ma belle-sœur. Je n'arrive pas encore à croire que mon frère soit décédé aussi violemment. Je crois que... oh! Excusez-moi! J'aimais tellement mon frère.

Alec avait sorti, lui aussi, ses talents de comédien et il réussit même à faire couler une larme. Underhill déposa les breuvages sur un des bureaux et le prit dans ses bras.

— Ne vous en faites pas. Nous allons retrouver ce criminel.

— Je sais, mais il me semble que nous n'avons jamais de nouvelles, pleura à nouveau le libraire sur l'épaule du policier.

— Je vous promets que je vais m'occuper, en priorité, du cas de votre frère. Si vous voulez, je pourrais vous donner rendez-vous à chaque vendredi soir pour vous informer des nouveaux détails de l'enquête.

— Oui, ce serait vraiment gentil, répondit Alec en s'essuyant les yeux. Il a fallu que mon copain me largue juste au moment où mon frère est décédé. Je n'ai personne sur qui m'appuyer.

— Je vais bien m'occuper de vous, sourit Underhill tout en lui prenant le bras jusqu'aux toilettes. Je vais vous attendre, au cas où vous vous perdriez en revenant.

— Merci encore, sourit maladroitement le libraire qui savait que, plus il passait de temps loin du bureau de Andrew, plus Magnus avait du temps pour faire ses recherches. Vous êtes un ange venu du ciel.

Alec prit son temps et c'est un Andrew rieur qui le ramena au bureau.

— J'ai failli venir voir si tout allait bien.

— Oh! Ça fait bien longtemps qu'un beau jeune homme ne m'a pas rejoint derrière une porte de salle de bain, s'amusa le libraire.

Un peu gêné, mais complètement sous le charme d'Alec, Underhill ne répondit pas à cette réplique. Au lieu de cela, il lui demanda son numéro afin de fixer les futurs rendez-vous. Alec prit son crayon et l'écrivit sur le verre de café en styromousse.

— Voilà! S'il vous plaît, ne dites pas à Camille que nous avons rendez-vous. Sinon, elle ne me lâchera pas une minute.

— Ce sera notre petit secret.

Ils arrivèrent enfin au bureau d'Andrew et Camille les attendait gentiment, comme si tout était normal.

— Tu as pris ton temps, Alec, grogna Camille. Je gage que tu as fait du plat à l'agent Underhill.

— Il m'aidait avec les breuvages, répondit Andrew pour ne pas mettre le libraire dans l'embarras. Et si on regardait le dossier de Maxwell, continua l'agent pour ne pas laisser le temps à Camille d'argumenter.

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