Tant de secrets
Devant Clary se tenait un grand homme aux traits asiatiques. Elle l'aurait reconnu entre tous. C'était le père de son meilleur ami. Asmodée était en vie ! Le père de Magnus était en vie ! Pourtant, il avait disparu depuis deux siècles, au moins. Deux cents années qui correspondaient étrangement avec le début des voyages d'affaires de Valentin.
— Capitaine Bane !
— Bien le bonjour, ma petite Clary. Il y a bien longtemps que je n'ai vu ta jolie frimousse traverser le pas de ma porte. Toujours avec Jonathan-Christopher, à ce que je vois, continua-t-il un peu moins avenant.
— Pourquoi ? Pourquoi ne jamais être revenu ? Magnus vous a cherché pendant un siècle entier.
Les paroles de la rousse étaient beaucoup plus froides que ce qu'elle aurait espéré. Magnus, bien qu'il était marié à Alec, avait terriblement souffert de la mort subite de sa mère puis de la disparition de son père quelques semaines plus tard. Heureusement que son mari était compréhensif. Ses sautes d'humeurs, après chaque jour sans retrouver Asmodée, semblaient irrationnelles, mais Alec ne lui en voulait jamais, tentant plutôt de lui soutirer un sourire ici et là.
— Disons que c'était mieux pour tout le monde que je disparaisse.
— Ah vraiment ? Vous croyez que Magnus pensera la même chose ?
La jeune femme sentait Clarissa prendre le dessus. Comment un père avait-il pu abandonner son fils pendant tout ce temps ? Certes, Magnus était un adulte, mais on n'oubliait jamais ses parents.
— Il suffit, mademoiselle Morgenstern !
Sur le point de se rebeller contre la voix qui venait de beaucoup plus loin, la rousse fulminait. Cherchant avec intérêt à qui elle devait cette dernière phrase empreinte d'autorité, les mots acerbes qu'elles voulut lancer moururent entres ses lèvres, laissant plutôt place à un souffle coupé.
Devant elle, se tenait le roi Gideon qui s'avançait avec prestance vers ses deux capitaines. Elle pencha la tête, encore sous le choc de sa nouvelle découverte, et fit une révérence. La posture, qu'elle n'avait pas adoptée depuis longtemps, lui sembla mal effectuée, ce qui l'a fit rougir violemment. Seigneur ! Que lui cachait encore Valentin. Elle le toisa, puis se concentra sur Joch qui avait blanchi sous la surprise, oubliant le cérémonial entourant l'entrée du monarque. Elle regarda son petit ami qui avait cessé de respirer. Pour le ramener à la réalité, elle lui assena un coup de coude dans les côtes.
Cette tentative se révéla fonctionner. Le jeune homme pencha lui aussi la tête avant de faire le salut royal. Ne pouvant bouger tant qu'on ne leur en donnait pas la permission, Clary se mit à réfléchir à grande vitesse. Asmodée et Gideon étaient en vie. Pourquoi tant de secrets ? Le royaume se porterait tellement mieux avec le souverain. Imogène faisait une piètre remplaçante, en laissant planer un aura méprisant autour d'elle. Les seuls qu'elle ne détestait pas se comptaient sur les doigts d'une main. Joch, en faisait bien évidemment partie et, chose qu'elle n'avait pas encore comprise, la consule semblait vouer autant d'amour à Magnus qui était pourtant le fils de l'un de ses ennemis. Elle supportait Alec, probablement parce qu'il était le mari de l'asiatique. Cherchant plus loin, elle ne trouva, hélas, plus personne à ajouter à la liste.
Gideon s'était campé devant eux sans pour autant les autoriser à se redresser. Quelques fourmis commencèrent à monter aux jambes de la rousse, toujours dans cette position inconfortable.
— Ta fille a gagné en tempérament, confirma le souverain qui débuta la conversation avec Valentin.
— En fait, c'est justement pour cette raison que j'ai choisi de rompre notre secret. Ce qu'elle a à dire ne peut pas rester silencieux. Vous devez l'écouter.
Gideon soupira, agacé par le fait que Valentin ait délibérément choisi d'inclure d'autre gens dans la bulle hermétique qu'ils avaient gardée intacte depuis des siècles.
— Alors mademoiselle Morgenstern, je suppose que vous avez plus qu'un joli minois pour que votre père ait brisé sa promesse de garder cet endroit confidentiel. Relevez-vous maintenant et ne tournez pas autour du pot. Mon temps est compté.
— Pardonnez mon incompréhension, mais qu'est-ce qui peut bien vous prendre autant de temps dans cet endroit reculé du royaume ?
— Je pose les questions; ne me faites pas perdre mon temps.
Sentant qu'elle n'était déjà ici que grâce à son père, Clary préféra se taire et répondre au roi sans fioriture. Après tout, la vie de sa descendance était probablement en jeu et elle saurait inévitablement tout ce qu'il y a à savoir plus tard. Elle détailla leur arrivée dans ce monde, expliquant que l'enfant d'Isabelle était en danger et qu'elle voulait aussi retrouver Jace. Bien entendu, elle lui raconta qu'Alexander Lightwood était le mari de Magnus pendant son séjour ici et que Magnus était parti à la recherche de son mari de l'autre côté. Le souverain l'écouta avec attention, appréciant qu'Alexander ait atterri dans le corps du mari de Magnus.
— C'est parfait comme scénario. Asmodée ton fils et ma descendance qui sont unis par le mariage. Comment pouvais-je demander mieux?
Il resta perplexe à l'entente des soupçons que Clary avait contre Imogène, mais ne sembla pas surpris.
— Sa jalousie envers son frère a toujours été maladive. Je vais finir par croire que tu avais raison, Asmodée. Elle était si jalouse de ta femme. Je suis désolé qu'elle t'ait enlevé l'amour de ta vie. C'est vrai qu'elle ne supportait pas de te voir avec la mère de Magnus. Par l'ange, elle aurait réellement été jusqu'à assassiner tous ses rivaux.
— Mais elle ne déteste pas Magnus, au contraire, s'exclama la rousse. Elle se comporte avec lui comme s'il était son propre fils.
Asmodée ne put retenir un rire étrangement sarcastique. Imogène gâtait déjà Magnus a l'époque où le roi et lui ne se cachaient pas encore. Elle essayait de lui montrer comment elle aimait son enfant dans le but de l'attirer dans ses draps. Le nombre de fois où cette traîtresse l'avait saoulé dans le seul but d'arriver à ses fins. Malheureusement pour elle, Asmodée adorait son épouse et n'avait aucune envie de se retrouver, en sa compagnie, ailleurs que dans une réunion pour les affaires du royaume. Il l'avait rabrouée des centaines de fois alors qu'elle trouvait toujours un moyen pour se retrouver auprès de lui. La dernière fois, il lui avait fait savoir clairement que sa femme comptait plus que tout et qu'elle n'aurait jamais aucune chance. La semaine suivante, son épouse était trouvée assassinée. Imogène avait mené l'enquête et clôturé le tout en quelques coups de crayon. La soupçonnant fortement, il avait préféré rejoindre son roi, qu'il savait caché de tous les regards.
— Pourquoi nous avoir fait croire à votre décès de l'autre côté du miroir, demanda Clary au roi songeur.
**********
Alec fut réveillé par la sonnerie de son téléphone. Rapidement, il répondit afin d'éviter que le garçon qui s'était endormi dans son lit ne soit réveillé. Cela faisait près de huit semaines que Magnus avait disparu et Raphaël ne cessait de réclamer sa maman. La plupart du temps, il lui lisait une histoire afin de lui changer les idées, mais quand il se réveillait en pleine nuit, l'enfant courait se blottir tout contre le jeune homme. Les premiers temps, le libraire avait retourné le garçon dans la chambre d'ami, mais finit par trouver plus facile de dormir en compagnie de Raphaël que de subir les assauts de Président Miaou. Chacun y trouva son compte et les nuits devinrent la routine.
Président Miaou n'appréciait pas de devoir se contenter du coussin installé dans la chambre d'Alec, mais cédait la seconde place du lit à Raphaël, sans trop de chichis. De son côté, Robert avait retrouvé ses vieilles habitudes de dormir à la boutique une nuit sur deux. Il essayait de trouver plus d'informations sur l'autre monde, maintenant qu'il savait ce qu'il devait chercher.
Croyant peut-être qu'il s'agissait de Robert, il répondit en s'assurant que Raphaël était toujours endormi.
— Alec ! On a quelque chose ! Victor a enfin une piste, débita Underhill sans même le saluer.
Le jeune homme se leva précipitamment et fonça droit dans sa cuisine. Dès que Robert s'était senti mieux, Alec avait réintégré son appartement. Les cadres défaits, qui l'avaient accueilli à son retour, gisaient, toujours étendus sur la petite table du salon, lui rappelant que Magnus était toujours séquestré avec Jace.
— Andrew, je te conseille de parler rapidement. Tu me réveil à...
Le libraire regarda l'heure, étonné qu'il soit 4h30 du matin. Drôle d'heure pour trouver du nouveau dans son enquête.
— ...à 4h30 de la nuit. Dis-moi tout.
— Le vol du propriétaire de la boutique arrivait à 1h00, ce matin. Victor est donc directement aller le chercher à l'aéroport. Il a protesté un peu, mais a finalement accepté de nous aider. De toi à moi, Aldertree ne lui a probablement pas donné d'autre choix.
— Qu'est-ce que tu voulais me dire Andrew ? Viens en aux faits.
— Du calme ! J'y arrive. Ne me dis pas que Président Miaou a recommencé ? Tu as toujours cet air renfrogné quand il le fait.
Soupirant longuement et passant une main dans ses cheveux, Alec lorgna vers la porte de sa chambre. Bien sûr que le lion l'avait refait. Chaque soir, quand il lisait l'histoire de Raphaël, le félin s'installait devant un miroir et miaulait avec désespoir. Il voulait que son maître revienne. Une séparation aussi importante le traumatisait, lui qui n'avait jamais vraiment été séparés de Magnus au cours des derniers siècles. Le chat était peut-être exécrable, mais le lion en lui savait comment serrer le cœur du libraire qui le prenait alors sur ses genoux pour lui montrer qu'il était là pour lui. Bien qu'il se calmait toujours un peu, cela retournait l'enfant et l'adulte qui étaient aussi désespérés de retrouver leur proche. Magnus/Camille manquait follement à tout ce beau monde et la soirée se terminait en grand câlin collectif. Dès que Raphaël s'endormait, Alec se précipitait dans sa chambre, en larme, essayant de repousser l'éventualité que Magnus ne serait jamais retrouvé.
— Ça ne te regarde pas. Ton boulot c'est de retrouver Magnus, pas de savoir si je vais bien ou non.
L'enquêteur se rebella intérieurement. Il faisait des pieds et des mains pour rendre la vie plus joyeuse au jeune libraire, mais à l'évidence, Alec ne remarquait même pas ses petites attentions. Il préférait largement s'occuper de son chat. La première fois qu'il avait tenté de rassurer le jeune homme, après une heure interminable de miaulements, Président Miaou le lui avait fait regretter amèrement. Un simple bras autour des épaule du noiraud et la tornade féline l'avait attaqué. Et bien sûr son maître l'avait défendu, l'excusant en soulevant la peine du lion face à la perte de Magnus. Après deux ou trois fois de ce traitement anti-Underhill, le policier avait abandonné l'idée. Alec et Président Miaou ne passeraient jamais à autre chose ou plutôt à quelqu'un d'autre.
— Désolé, répondit-il sans conviction. Je ne me mêle pas de mes affaires.
— Exactement! Maintenant, dis-moi pourquoi tu me réveilles à cette heure matinale.
— On a l'adresse de l'acheteur des médaillons. C'était pour te prévenir que nous allons le rencontrer ce matin. Nous n'avons pas de nom, mais au vu des papiers que nous avons récupérés, l'immeuble semble appartenir à une même famille depuis des générations. Ils sauront certainement qui a acheté les clefs.
— Donne-moi une heure ! Je vais aviser papa qu'il va s'occuper de Raphaël et j'arrive.
*********
— Clarissa !
— Bonjour Jace, répondit la rousse un peu gênée.
La dernière fois qu'ils s'étaient vu, la jeune femme avait gémit sous ses caresses. Elle n'avait aucune idée de comment il réagirait en la voyant dans son corps mortel. Peut-être qu'il l'accueillerait en l'insultant. C'était bien son genre, avant tout ça. Elle hésita à faire un pas vers lui, mais sans crier gare, c'est le blond qui se jeta sur elle. Un peu craintive, elle se relaxa en l'entendant rire de joie en l'étreignant beaucoup plus fort que nécessaire. Rassurée, elle passa ses bras dans son dos et profita enfin de sa proximité. Il lui semblait que cela faisait des années qu'ils étaient séparés alors que seulement deux mois s'était écoulé. Elle émit à son tour un petit rire de bonheur puis s'éloigna à contre-coeur. Elle fit un tour rapide de la seule pièce et avisa deux inconnus.
La première, se jeta, à son tour, sur Clarissa. Il était facile de déterminer qui était cette jeune femme. Alec l'avait décrit avec tellement de détail qu'elle se demanda comment il avait pu être aussi précis.
— Magnus ? C'est bien toi, demanda-t-elle par principe.
La femme correspondait en tout point à la description et son ventre de sept mois de grossesse ne mentait pas vraiment.
— Mon petit biscuit ! Quelle surprise de te retrouver. Mais...
Camille examinait le tourbillon sans voir personne d'autre en sortir. Pourquoi son mari n'était-il pas avec la rousse. Il s'attendait bêtement à le voir.
— Tu es seule ? Tu n'a pas amener Alec avec toi ?
— Il devait s'occuper de Raphaël. Il te fait un gros câlin, répondit la jeune femme en espérant bien cacher son angoisse.
Avec ce qui venait d'arriver à l'enfant, le libraire n'avait pas hésité une seconde. Elle pouvait entièrement le comprendre. Les catastrophes se succédaient pour Alec qui avait d'abord perdu Magnus. Elle avait beau vouloir l'aider, comment on pouvait se remettre ? L'enlèvement de Magnus, la disparition de Président Miaou, et ensuite, ÇA, avec Raphaël. Il fallait lui cacher. Ce n'était pas bon pour une femme enceinte de s'en faire pour son fils. De toute manière, elle ne pouvait rien faire de plus.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro