
Le retour de la bête
Alec reçu une notification sur son téléphone lui signifiant que les ravisseurs voulaient les médaillons et qu'ils réclamaient une rencontre pour faire l'échange, dès le lendemain.
C'est le moment qu'il réalisa qu'il ne les avait pas avec lui. Le sac de Camille était toujours sur le lit d'hôpital de Maryse. Il lui faudrait retourner au centre hospitalier, mais son père avait besoin de repos. Bien qu'il réussissait à faire quelques pas, on voyait que la fatigue tirait ses traits. À bout de ressources, Alec se décida à amener Raphaël avec lui.
Le libraire demanda à Robert de n'ouvrir à personne et d'aller se reposer. En chemin, Raphaël s'endormit dans le siège d'enfant. Le jeune homme le transporta dans ses bras jusqu'à la chambre qu'occupait Maryse. Comme si tout semblait normal, l'enfant appuya sa tête dans le creux de l'épaule d'Alec et passa ses petits bras autour de son cou. Cette situation n'était décidément pas plus rassurante pour l'enfant et, machinalement, il lui flatta le dos pour lui donner un peu de réconfort. Arrivé dans la pièce, le jeune homme constata qu'un autre patient avait pris la place de sa mère. Aucune trace du sac à main n'était décelable. Il rebroussa chemin et demanda à la réception où se trouvaient les objets de Maryse.
Personne n'était en mesure de lui répondre. On était sur un nouveau quart de travail et l'infirmière qui s'y trouvait ressemblait davantage à une étudiante qu'à une travailleuse. Il allait quitter quand il reconnu une boîte de barres de granola dans la poubelle du second bureau de travail.
— Savez-vous à qui appartient la boîte, demanda le libraire en pointant la corbeille derrière la jeune fille.
— Bien sûr, c'est à Lydia. Elle est à sa pause présentement. C'est John, le concierge, qui la lui a remise tout à l'heure. Il craque désespérément pour elle, mais elle n'a pas du tout l'air de s'en rendre compte.
— Est-ce que ce John avait un fourre-tout rempli à ras bord.
— Non, je ne crois pas, mais de toute manière, ça ne vous regarde pas.
— Dans le sac que je cherche, il y avait exactement ce type de barre de granola. Je crois bien que j'ai le droit de vérifier si ce n'est pas votre concierge qui l'a. Je vous laisse une dernière chance mademoiselle.
La pauvre jeune fille était indécise, mais le regard pénétrant d'Alec lui confirma qu'elle était mieux de se ranger de son côté.
— D'accord, finit-elle par dire, mais s'il vous plaît, ne le dites pas à mon patron. John est déjà parti. Je vais vous donner son adresse.
Alec se précipita en direction de la demeure du prénommé John. Arrivé à destination, il constata que l'endroit était désert. Ce n'était pas possible. On aurait dit qu'il ne cessait de courir après quelque chose qui n'existait pas. Chaque fois qu'il pensait avancer, c'était le contraire qui se produisait. N'ayant pas d'autre choix, le libraire attendit patiemment que le concierge revienne. Ce n'est que vers 21h00 qu'il fut réveillé par les roues d'un véhicule qui crissaient dans l'entrée. Alec se précipita au devant de John qui sortait tout un tas de sacs remplis de vêtements neufs.
— Excusez-moi! Vous, Monsieur, vous êtes bien John?
— Oui, bonsoir, qu'est-ce que je peux faire pour vous?
— Je suis le fils de Maryse Trueblood. C'est la femme qui a été portée disparue dans votre hôpital. J'aimerais savoir ce que vous avez fait avec le sac que j'avais laissé sur le lit de ma mère.
— Vous plaisantez j'espère. Ce n'était certainement pas votre sac. Seule une femme a ce genre de sac.
— Je le sais très bien! Mais ma compagne est enceinte et c'est moi qui le transportait, mentit-il légèrement. Donc, je vous le redemande. Qu'en avez-vous fait?
L'homme se mit immédiatement sur la défensive. On voyait qu'il savait exactement où se trouvait le sac, sans pour autant vouloir répondre à la question.
— Pourquoi je saurais, railla-t-il en déverrouillant la porte d'entrée. Il est à vous, pas à moi.
— Vous savez de quel sac je parle. Vous m'avez dit que ce n'était pas pour un homme. De plus, vous avez donné les barres de granola à cette Lydia. J'ai un témoin. Maintenant, répondez à la question avant que je ne perde patience. À moins que vous ne préfériez parler à un officier de police. En fait, j'ai justement le numéro d'un enquêteur. Il s'appelle Andrew Underhill.
— C'est bon, je vais vous redonner votre foutu sac, glapit le concierge.
L'homme retourna dans la voiture et lui remit l'objet sans ménagement.
— Maintenant, foutez le camp de chez-moi. Vous avez ce que vous vouliez.
— Je comprends Lydia de ne pas vous donner de chance, répondit-il de sa voix sarcastique. Elle vous a déjà bien cerné.
Le visage du concierge se décomposa devant lui. Bien! Au moins il avait ce qu'il méritait, mais son côté orgueilleux n'avait pas terminé de lui lancer une autre pique.
— En passant, mademoiselle Lydia a jeté la boîte sans même garder les barres. Je les ai vues au fond de sa corbeille. La prochaine fois que vous volerez les effets de quelqu'un, assurez-vous au moins qu'elle appréciera votre si grande générosité.
— Et vous, vous n'aviez qu'à ne pas oublier le sac de votre femme. C'est un plomb à porter! Comment est-ce possible que votre cervelle ait volontairement omis une charge aussi lourde?
— Peut-être que j'étais distrait par ma mère qui a été tirer à bout portant par un inconnu et que votre hôpital a réussi à la perdre, même si elle était gravement blessée.
Les traits du concierge se crispèrent. C'était étrange; comme s'il prenait cette accusation personnellement. Pouvait-il en savoir plus? Malheureusement, l'homme pointa son index en direction de la voiture de Camille, indiquant clairement qu'il ne dirait plus un mot. Au moins, Alexander avait son adresse, mais pour le moment, il avait bien plus important à faire. Il se devait de délivrer tout le monde de ces gens sans scrupules.
La boutique de Robert était à quelques coins de rue de la maison du concierge. Ce fut instinctivement qu'il s'y dirigea. Curieusement, quand il déverrouilla la librairie, il se surprit à l'explorer comme si cela faisait des siècles qu'il n'y était pas retourné. Dans les faits, à peine deux semaines s'étaient écoulées. Par contre, il pouvait dire que sa vie n'était plus du tout la même. Il n'avait qu'à regarder le jeune garçon qui se frottait les yeux et qui avait bavé sur son chandail de marque. Cela ne l'affectait même plus. Autrefois, le simple fait de tenir un enfant dans ses bras aurait été intolérable. Alec avait décidément une grande influence sur sa personnalité.
— Maman est pas là, murmura Raphaël avec un trémolo dans la gorge.
— On va retrouver ta maman, Raphaël. Je dois seulement mettre mes idées en ordre afin qu'il ne lui arrive rien. Tu sais, moi aussi ma maman a disparu. Je te promets que nous allons les revoir.
— Ta maman?
— Oui, elle est avec ta maman. Tu crois que je laisserais tomber ma maman?
L'enfant fit un signe de tête négatif. Il n'avait pas besoin de tout savoir. Pour le moment, il comprenait qu'Alexander avait perdu sa mère, tout comme lui, ce qui le conforta un peu. Alec déposa le gamin et ce dernier explora, lui aussi, le magasin avec des yeux scintillants.
— Papa, il aurait adoré cet endroit. Chaque fois qu'on sortait, il nous amenait dans une nouvelle boutique pour parler de son médaillon avec les gens.
— Je travaille ici avec mon père. Tout ça est à mon papa. Tu veux voir le bureau de Robert?
Alec lui tendit la main et ils s'y dirigèrent spontanément. En entrant dans le bureau, le libraire eut la désagréable sensation d'être observé. Pourtant, il n'y avait personne. Quant à Raphaël, il grimpa sur le canapé qui servait de lit à Robert et se mit à sauté avec enthousiasme. Il riait de bon cœur quand il s'arrêta net, le regard figé vers la grande armoire qui faisait office de coffre-fort.
— Qu'est-ce que tu as, Raphaël?
— Il y a deux yeux sous le meuble.
— Quoi? Allons, tu rêves mon grand.
Alexander regarda tout de même en direction du coffre et vit, effectivement, deux yeux de félin qui les observaient. C'était bizarre qu'un animal ait réussi à entrer, mais en même temps, avec les semaines qu'il venait de vivre, plus rien ne lui semblait impossible.
— Attends, je vais voir de plus près. Tu restes loin. On ne sait pas s'il est sauvage.
Alexander s'agenouilla et s'inclina jusqu'au sol. La bête était bien tapie dans l'ombre et cela lui était impossible de s'assurer facilement de l'état de l'animal. Foutus chats! Pourquoi avaient-ils toujours le réflexe de prendre les endroits les moins accessibles?
Sachant très bien que ce n'était pas très avisé de tendre sa main sous l'armoire, il se devait tout de même de protéger le jeune garçon qui semblait plus qu'impressionné par le regard du félin. Avec précaution, il tâtonna jusqu'à ce qu'il sente une fourrure rêche. Après le poil soyeux de Président Miaou, celui-ci donnait l'impression d'avoir plongé dans une flaque d'eau puis de s'être roulé dans le sable. L'animal ne semblait pas trop agressif et se laissa glisser hors de son abri de fortune. Ce n'est qu'au moment où il put enfin se relever que le libraire constata la ressemblance de l'animal avec l'hôte de Président Miaou. Le chat de gouttière avait d'ailleurs son propre médaillon.
Étonné, Alec osa enfin prononcer le nom de l'animal qui lui sauta sur l'épaule. Ok! Heureusement que Raphaël y avait déjà bavé, parce qu'il était clair qu'il ne pourrait plus jamais porter ce chandail. Malgré tout, il gratta la tête du félin, exactement à l'endroit où il savait que Président Miaou aimait, puis il rejoignit Raphaël.
— Je te présente Président Miaou. C'est le chat de... C'est mon chat, se reprit-il en se souvenant que Raphaël ne connaissait pas Magnus.
— Il est pas beau, répondit le jeune garçon avec crainte.
— Je sais mon grand, mais même quand une personne n'est pas belle, elle peut être très gentille. N'est-ce pas?
Raphaël ne répondit pas tout de suite afin de peser les paroles d'Alec.
— C'est vrai que monsieur patate, il est pas beau et qu'il est gentil, conclut-il en tendant la main vers Président Miaou.
— Ne le touche pas! Tu vas te salir. Je vais lui donner un bain avant tout.
Le félin miaula son mécontentement à l'oreille du libraire et le gratifia d'un coup de patte avec ses griffes acérées. Nous y revenions à ce bon vieux chat de gouttière. Il sauta du haut de ses épaules pour atterrir à côté de Raphaël. President Miaou, enfin, son hôte, repéra rapidement le coussin. Il l'escalade sans oublier d'y mettre une petite touche personnelle en enfonçant ses griffes pour en déchirer le tissus fin. Satisfait de la mousse qui en sortait, il fit un tour complet sur l'objet éventré avant de s'y installer confortablement.
— Il faut pas être méchant, Alec. Il a pas choisi d'être laid.
— Crois-moi fiston, ce chat ne m'a jamais apprécié. J'espère que tu ne seras pas son nouveau souffre douleur.
L'animal gronda son mécontentement, approuvant ainsi les dires du jeune homme.
— Vivement le retour de Magnus, marmonna-t-il en s'assurant qu'il n'agresserait pas l'enfant.
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