- Débranchez vos écouteurs, mademoiselle, dit la directrice en la regardant à la dérobée dans les couloirs.

- Oui, madame, pardon, répondit-elle en faisant mine de les ranger dans sa poche.

Une fois la directrice partie, la jeune fille remit la musique et se dirigea vers sa salle de cour en dansant.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Je ne t'ai jamais vu comme ça depuis la... depuis que tes parents se sont... enfin, tu vois ce que je veux dire, interrogea sa meilleure amie Julia pendant la récréation du matin.

- J'ai eu un... un rayon de soleil.

Julia eut un sourire en coin.

- Ce rayon de soleil porte-t-il un nom ?

- Hum... fit semblant de réfléchir Emma. Plus ou moins. Sean Logan. Je suis tombée amoureuse de sa voix.

- Et il est mignon ?

Emma observa son amie. Avec ses cheveux noirs ondulés qui lui tombait sur les épaules, ses yeux bleus glaciers mettaient de la couleur à son visage pâle. Ne pas se fier aux apparences, disait-on. Julia en était un exemple vivant. Malgré son visage blanc, elle était toujours joyeuse, pleine d'entrain et généreuse.

- Bien sûr qu'il est mignon, qu'est-ce que tu croyais ?

- Mais tu es amoureuse de sa... voix, comment tu l'as rencontré ?

- Je ne l'ai pas rencontré, c'est un chanteur. Il n'est pas très connu mais, en plus d'avoir une voix en or, il a déjà produit un album !

- Ah ouais, quand même... Une album, c'est énorme...

Emma allait acquiescer quand la sonnerie retentit.

- Allez, viens, on va en français, entraîna Julia.

- Sean ?

Fermant les yeux, Sean ignora l'appel de son manager et continua de laisser glisser sa main sur les cordes de sa guitare.

- Sean, ouvres-moi cette stupide porte !

- Laisses-moi !

- Ouvres-moi, j'ai quelque chose de très important à te dire.

En soupirant, le jeune homme se leva et déverrouilla la porte de son studio puis l'ouvrit, laissant apparaître dans l'encadrement son manager Roberto Palquat. Avec ses courts cheveux gris et ses lunettes grises et carrés devant ses yeux bleus pâles, il faisait peur. Toujours en costume noir, il portait 24 heures sur 24 une oreillette jaune.

Pendant que Sean retournait s'asseoir sans se préoccuper de lui, il appuya sur un bouton de son oreillette et suivi son « protégé », comme il l'appelait tout le temps.

- Sean Logan, commença-t-il en croisant les mains.

- Oh oh... murmura le jeune chanteur.

- J'aimerais que tu saches que... que je suis très fier de toi, et que je serais toujours là pour toi.

- Oui, je sais. Qu'est-ce que tu as de si important à me dire ?

Palquat inspira, puis expira,et ouvrit la bouche sans qu'un son ne sorte pendant un long moment, comme s'il hésitait.

- Ce n'est pas si simple, Sean.

Sean prit alors le ton de voix et la posture droite de son manager.

- Pourquoi est-ce si compliqué ? Dis-moi.

- Je ne veux plus que tu t'approches du public.

Sean cessa aussitôt de s'amuser. Il écarquilla les yeux, bouche bée.

- Co... comment ça, plus m'approcher du public ? articula-t-il.

- Tu es trop... distrais par tes fans. J'ai peur que tu oublies tes chansons.

- Mais je les connais par cœur, mes chansons ! Comment veux-tu que je les oublie ? Et puis... être proche du public c'est... c'est le but d'un concert !

- Je le sais, je le sais... fit le manager en prenant un air désolé.

- Ce que je veux, c'est être proche de mes fans, leurs toucher les mains, me balader en chantant parmi eux ! Je n'ai jamais pu le faire, tu ne m'en a jamais donné l'« autorisation » ! Et puis... peut-être pourrais-je trouver une petite amie dans les filles du public ! J'ai besoin de quelqu'un d'autre que toi !

Cette fois, Palquat haussa le ton.

- Sean, je suis ton manager, je ne veux que ce qui est bien pour toi, et tu n'as pas besoin de... petite amie. Et si tu veux passer ce cap, ça commence par : plus de « contacts » !

Sean s'affaissa sur son fauteuil, et sentit les larmes lui monter aux yeux. Il les refoula.

- Alors... laisses-moi au moins faire celui d'Orange normalement, ne m'installe pas de barrières en fer, pas de protection de la scène, je t'en prie.

- Très bien.