Peu de temps après mon retour à la maison, Docteur Koki Sunojuke arrive à la porte.

Il s'agit de notre médecin de famille. Il nous a vu grandir, Yana et moi, et bien qu'âgé, il se déplace encore à domicile en journée. C'est un homme professionnel, très humain et compréhensif. Il fait aussi preuve d'une bonne écoute, j'ai d'ailleurs toute confiance en sa discrétion. C'est ce pourquoi je l'ai contacté, juste après avoir mis fin à l'appel de ma tante, en lui précisant de ne surtout pas revêtir de blouse blanche. Après une vague explication de l'incident devant l'hôpital, il a naturellement accepté.

Mallette à la main, le praticien grisonnant se présente dans un costume modeste, puis s'installe sur le fauteuil du salon sous le regard méfiant de Lex. Les tentatives de communication en anglais et en espagnol se soldent par de cuisants échecs.

Quinze minutes plus tard, il termine tout juste d'ausculter mon mystérieux étranger.

Étonnamment, ce dernier s'est laissé faire - non sans me lancer des œillades intriguées tout du long. Mes sourires avenants ont paru le rassurer.

- Et voilà, ce jeune homme me paraît en pleine forme, conclut le médecin en enroulant son stéthoscope. Aucune contusion n'est visible sur son épiderme. Je n'ai pas ressenti de grosseurs inquiétantes à la palpation, ni d'os fracturés. Pas de vomissements ou de problèmes de coordination. Son rythme respiratoire est normal, tout autant que sa vigilance, bien qu'il garde le silence... Selon moi, Lex ne montre pas de signes de trauma crânien, comme tu l'as suspecté. Cela dit, un examen plus poussé dans une structure de soin s'avère nécessaire pour un bilan plus complet.

J'opine, taisant le fait que Lex ne semble pas disposé à pénétrer l'enceinte d'un hôpital sans se battre. Pensif, Sunojuke fronce des sourcils.

- Au final... poursuit-il, le regard dans le vague bien que tourné vers Lex. La seule anomalie constatée est cet écho étrange, sonnant comme des doubles palpitations. Ce n'est peut-être rien, mais je peux t'écrire une lettre de recommandation pour un examen électrocardiogramme. Toujours dans l'optique d'écarter les doutes.

- D'accord. Merci beaucoup de vous être déplacé aussi vite, Docteur Sunojuke, dis-je tandis que je m'incline respectueusement.

- Je t'en prie, mon garçon, souffle-t-il en se levant. Je te souhaite bon courage dans l'entreprise de soutenir cet homme. Évidemment, le mieux serait de le confier à des professionnels. Mais, ma foi, s'il ne le souhaite pas...

- Pas pour l'instant. J'ai toutefois bon espoir de le convaincre, plaidé-je tout en raccompagnant le praticien à la porte. Merci encore pour votre aide précieuse.

Je m'incline à nouveau. Il promet de poster le courrier dès demain, ainsi que le compte rendu de la visite. Une fois le règlement effectué le Docteur s'en va, me laissant seul avec mon protégé.

- Voilà une bonne chose de faite ! lancé-je d'un ton jovial. Je suis rassuré de savoir que tu vas bien.

Curieux de comprendre ce qui lui est donc arrivé, le soir de notre rencontre, mais rassuré.

< Dialogue direct lancé par allié, Minami Yori >

< Lancement session de traduction >

< Phase d'observation en cours... >

À présent habitué à son regard fixe, j'enchaîne naturellement.

- Tu vas pouvoir prendre une bonne douche, ce n'est d'ailleurs plus un luxe.

Sans qu'ils soient particulièrement rebutants, ses effluves corporels se font bien sentir !

Quittant son ''mode passif'', Lex m'emboîte le pas - par curiosité, je suppose - tandis que je me m'affaire. Nous pénétrons la salle de bains, où je dispose vêtements et serviette sur un meuble à son attention tout en babillant.

< Reconnaissance lexicale insuffisante >

< Échec traduction >

< Poursuite observation... >

Mon invité absorbe toujours le moindre de mes gestes du regard. Je lui indique finalement le bac à douche et lui montre comment régler la température de l'eau, ses yeux intéressés suivent la cascade éparse qui jaillit. Suite à une brève hésitation, il glisse lentement ses doigts sous le jet.

< Analyse de la situation... >

< Installation hydraulique détectée >

< Action de maintien d'hygiène requise par allié, Minami Yori >

< Sollicitation acceptée >

D'un attrait peu commun, j'observe Lex caresser le liquide coulant sur ses phalanges. Il a l'air plongé dans ses pensées. Je crois que le secret de ces dernières me fascine.

Je tressaute lorsqu'il quitte soudain ses rêveries. Empoignant sans attendre son t-shirt, il s'en débarrasse au sol et s'apprête même à attaquer le retrait de son short. Ma présence ne réfrène aucunement son entrain ! Hoquetant de surprise, je détourne le regard et recule à tâtons vers la porte.

- Je... Je te laisse, bredouillé-je. Hèle-moi si tu as besoin de quoique ce soit.

Ceci dit, je sors en vitesse de la pièce et referme le panneau derrière moi.

Prenant une grande inspiration, je m'avance ensuite vers le canapé où mon corps s'affale comme une masse.

Cet homme est déroutant ! C'est indéniable. Il me tarde tant d'en apprendre plus sur lui.

Peut-être pourrions-nous retourner au commissariat ce soir, effectuer ce relevé d'empreintes et toutes les autres formalités avec lesquelles le policier a tenté de me décourager ? Lex devrait accepter de sortir, de nuit. Ou peut-être devrais-je lui dégoter des lunettes de soleil adaptées ?

Me mordillant la lèvre, perdu dans mes songes, je consulte mon téléphone d'un œil distrait.

Toujours aucune réponse de Yanami. Gima Etsuono, amie de longue date récemment chargée de la promotion de ma page Patreon*, prend de mes nouvelles tout en m'urgeant de me replonger dans mes projets en suspens.

- J'aimerais tant pouvoir, chouiné-je, l'esprit sombrant vers le spectre qui me hante.

Pathétique.

Si Gima découvrait mon état créatif actuel, causé par lui, il y a fort à parier qu'elle me frapperait sur la tête !

Une notification publicitaire inopinée me rappelle qu'il est bientôt l'heure de déjeuner. Refluant ma désolation, je me lève alors prestement et m'élance vers la cuisine, à la recherche de provisions dans mes placards. Au grand malheur de mon invité, la nécessité d'effectuer des courses pour mes besoins quotidiens n'a pas été une priorité ces derniers temps. Je n'ai presque plus rien en stock, hormis des en-cas. En attendant que je fasse les courses - en début de soirée ? - je décide donc de commander à manger au restaurant du coin. C'est à pas tranquilles que je vais récupérer le prospectus dans la bibliothèque du séjour avant de saisir mon téléphone.

J'ignore tout des goûts de Lex, je me permets donc de sélectionner deux plats différents ainsi que des accompagnements divers. Mon appel est vite passé, la livraison ne devrait plus trop tarder. Peu après avoir raccroché, je réalise que Lex est enfermé dans la salle d'eau depuis un moment, déjà.

- Ükklœx, appelé-je en me levant.

Allons dont, je doute d'avoir prononcé correctement son prénom. J'espère qu'il ne s'en offusquera pas.

M'arrêtant devant le panneau clos, je m'enquiers :

- Tout va bien ?

Quelle n'est ma surprise lorsque la porte s'ouvre à la volée, exposant un Lex en tenue d'Adam sous mes yeux ébahis. Les siens restent irrémédiablement calmes, fixés à mon visage. En dépit des valeurs respectueuses m'ayant été inculquées, mon attention s'égare sur son embonpoint et finit sa course au sud.

- Par tous les dieux, soufflé-je, estomaqué.

Lexique

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