Chapitre 28 - Falco
Quelque chose cloche. Irina ne m’a envoyé aucun message de la matinée. Sachant que d’ordinaire, j’en reçois pas loin de trois par heure lorsque nous ne sommes pas ensemble, c’est étrange. Et le fait qu’elle ne réponde pas aux miens me procure un mauvais pressentiment. Elle est partie un peu vite ce matin maintenant que j’y repense. Est-ce qu’elle aussi a pris conscience que notre relation prenait un tournant plutôt sérieux tout comme moi ? Peut-être que tout ça l’a effrayé. Après tout, elle s’imagine que je suis un étudiant étranger lambda. Elle doit se demander ce que son père penserait de moi. Ou ce qu'il me ferait plutôt si elle lui parlait de nous… Bordel, tout serait plus simple si je lui révélais ma véritable identité. Elle doit savoir qui je suis. Il est plus que temps si j’espère pouvoir sauver ce que nous partageons. Plus j’attends et plus je prends le risque qu’elle ne me pardonne jamais.
— Ah Falco, tu es là ! me lance Lily-Rose dès qu’elle entre dans l’appartement, trempée à cause de la pluie. Je comprends mieux. Elle est avec toi, c’est ça ?
— De quoi tu parles ?
— Irina ! On devait se retrouver devant la bibliothèque à onze heures. Je l’ai attendu, mais elle n’est pas venue.
— Tu as essayé de la joindre ?
— Evidemment ! Elle ne décroche pas. Elle n’est pas avec toi alors ?
— Non, marmonné-je en serrant les dents, de plus en plus inquiet.
— C’est bizarre ça. Son portable est presque un organe à part entière pour elle.
Putain ! Ça ne sent pas bon tout ça… Je déverrouille l’écran de mon téléphone et ouvre l’application de géolocalisation que j’ai placée dans le sien. Je n’écoute déjà plus notre colocataire qui continue de se plaindre et d’affirmer qu’Irina a plutôt intérêt à avoir une bonne excuse pour l’avoir fait patienter si longtemps. Putain de bordel de merde ! Mon sang ne fait qu’un tour lorsque je vois la position qu’indique le point sur la carte affichée sur mon écran. Qu’est-ce qu’elle fout dans la rue où se trouve le QG des mexicains ? Ces fils de pute ont dû décider de passer à l’action, je ne vois pas d’autres explications. D’un bond qui fait sursauter Lily-Rose qui geignait encore, je fonce dans ma chambre. Dans le fond du placard, j’attrape les deux sacs contenant mes effets personnels. Ceux sur lesquels je voulais que personne ne mette la main. Je m’arme de deux calibres discrets en les glissant à ma ceinture. Mon fidèle coup de poing américain est toujours dans ma poche. J’ajoute deux crans d’arrêts que je camoufle autour de ma cheville en les insérant dans mes chaussettes. Je ne perds pas plus de temps et fonce dans le couloir, sans un regard, ni aucune explication pour Lily-Rose. Je redeviens ce soldat sans foi, ni loi. Sans âme à l’idée qu’il puisse lui arriver quoi que ce soit. Chaque seconde compte à cet instant.
Je crochète la serrure d’une vieille bagnole garée dans la rue. Comme me l’a appris Alessandro, je parviens à allumer le moteur en connectant les fils sous le tableau de bord. Je fonce à travers la ville, sans me soucier de la limitation de vitesse. J’ignore depuis combien de temps elle est entre leurs mains. Ils ont pu lui faire tellement de choses… Je secoue la tête pour chasser ces idées obscures de mon esprit. Ça ne m’aidera pas, au contraire.
Ma paume s’abat plusieurs fois sur le volant tandis que je serre les dents à m’en faire péter la mâchoire. J’ai passé la matinée à me dire qu’elle avait sûre ment besoin d’un peu d’espace alors qu’en réalité, ces bâtards lui avaient mis la main dessus. Voilà pourquoi je n’aurais pas dû succomber à Irina. Mes sentiments pour elle ont faussé mon jugement. J’étais trop accaparé par notre relation que j’en ai oublié ma mission. C’est inacceptable. S’il lui est arrivé quoi que ce soit, je jure de mettre cette ville à feu et à sang jusqu'à y laisser la vie s’il le faut pour buter chaque membre de ce cartel.
Je me gare devant le restaurant où Irina m’avait retrouvée une fois. Celui-là où je me rends tous les deux jours pour prendre mes ordres auprès d’Eduardo Sanchez, leur chef. J’entre dans l’établissement en terrain conquis. Ils me connaissent tous. C’était le but de mon infiltration chez eux, au cas où ils auraient vent de la venue de la fille d’Anton Yourenev, l’ennemi numéro un des mexicains à Milwaukee. Evidemment, c’était l’idée de mon père. Il a toujours un coup d’avance sur ses concurrents. Je n’oublierai pas de le remercier. Je salue les trois hommes au bar avant de m’enfoncer dans le couloir du fond pour rejoindre les bureaux à l’arrière. Je mettrais ma main à couper que cette enflure garde Irina dans son bureau, sans plus de sécurité. Il ne s’attend pas à voir débarquer quelqu’un pour la récupérer. Depuis que je bosse pour eux, ça saute aux yeux qu’ils se pensent intouchables. Ça causera leur perte, ça ne fait aucun doute.
Prenant sur moi pour ne pas défoncer la porte et la tirer de là sur le champ, je frappe un coup et je patiente que le chef aboie son autorisation. Une fois fait, je pénètre dans la pièce et sans surprise, Irina est là. Les mains et les pieds liés à une chaise, ses yeux flamboient de colère. Ses lèvres que j’aime tant goûter et sentir à certains endroits précis de mon corps sont tuméfiées. Du sang sèche au niveau de son arcade sourcilière gauche. Le col de son pull est déchiré et sa coiffure part dans tous les sens. Elle s’est défendue. Putain, je suis fier d’elle. J’espère qu’elle aura bien amoché certains de ces enfoirés. Dès qu’elle me repère, je jurerai voir une flamme jaillir dans ses prunelles. Elle doit être en train de me promettre mille morts plus terribles les unes que les autres.
— Mon poulain aux œufs d’or, s’esclaffe Garcia, un éternel cigare entre ses lèvres moustachues.
— Tu n’as aucune idée de ce dans quoi tu viens de mettre les pieds, me crache ma russe préférée, plus furieuse que jamais.
J’essaie de ne pas trop la regarder. Je ne voudrais pas que ce connard d’Eduardo soupçonne quoi que ce soit.
— Vous vous connaissez ? s’étonne justement ce dernier en écoutant Irina.
Cette remarque prouve à quel point ils sont nuls. S’ils avaient fait un minimum attention à leurs arrières, ils sauraient que nous vivons sous le même toit.
— C’est ma coloc, réponds-je en fronçant les sourcils. C’est quoi le problème avec elle ? Putain, Irina ne me dit pas que tu leur dois du fric !
Elle m'assassine du regard en fulminant en russe. Ses origines ressortent toujours quand elle est contrariée. Et là, c’est peu de le dire.
— Et je n’apprends ça que maintenant ? ricane le chef du cartel mexicain. Je me suis fait chier à menacer ce professeur d’histoire alors que j’avais une solution tellement plus simple sous la main.
Anderson ! Je vais lui faire la peau à ce salopard en prenant tout de mon temps.
— Mon père va vous réduire en miettes, nous menace ma douce, la rage au ventre.
— C’est quoi ce plan putain ! m’écrié-je pour paraître perdu face à la scène.
Il faut que je réfléchisse à quel moment frapper. Ne pas me précipiter. Eduardo ne doit avoir aucun soupçon sur mes intentions pour être pris de court quand je me mettrai en action.
— Rien qui ne te concerne, mon garçon. Oublie que tu as vu ta jolie coloc ici. Qu’est-ce que tu viens faire d’ailleurs ? Tu devais passer demain.
— Ecoutez, si Irina vous doit de l’argent, je suis prêt à payer pour elle.
La fille Yourenev se met à rire d’un air moqueur. Je la foudroie du regard. Elle ne baisse pas les yeux, mais elle est trop aux abois pour décrypter le message que j’essaie de lui faire passer. Je suis de ton côté bordel !
— Ta copine ne me doit rien. Son père en revanche, c’est une autre histoire. Mais je ne veux pas te mêler à tout ça. Sors et oublie ce que tu as vu, c’est bien compris ? me menace-t-il, l’air de rien.
Irina nous observe en passant de l’un à l’autre, semblant dans l’incompréhension la plus totale tout à coup. Je ne sortirais jamais de cette pièce sans elle. Mes mains glissent derrière ma ceinture. Mes doigts s’enroulent autour de la crosse de mes armes munies d’un silencieux. J’espère qu’Irina est prête à me suivre sans rechigner parce qu’on va devoir faire ça vite.
— Pover' mne, moya dorogaya, ( fais-moi confiance, ma belle , en russe) l’alerté-je sans même la regarder pour ne pas perdre de vue ce salopard d’Eduardo.
Garcia a à peine le temps d’écarquiller les yeux qu’il se prend une balle en pleine tête. Son corps tombe sur son bureau en bordel dans un bruit sourd. Je me précipite auprès d’Irina pour couper ses liens avec un de mes couteaux.
— Putain de merde, mais tu es qui au juste ? exige-t-elle de savoir une fois debout tout en se frottant les poignets.
— On peut en parler plus tard… genre une fois qu’on sera sortis de ce merdier ?
— Je ne te suivrai nulle part temps que tu ne m’auras pas dit pour qui tu bosses !
Des bruits de pas se font entendre. Fais chier, putain ! Ça craint.
— Tu sais te servir de ça ? la questionné-je en lui remettant ma seconde arme dans la main.
— Je peux te faire une démonstration tout de suite, me rétorque-t-elle en la pointant sur moi.
— Yo, mec ! On m’a dit que tu étais là ! m’alpague Félipé avant d’entrer dans le bureau.
Il a juste le temps de sortir son flingue que je lui ai déjà tiré en plein dans la poitrine. Dans la salle du restaurant, je perçois de l’agitation. Ça va être chaud de quitter les lieux.
— Reste derrière moi, lui ordonné-je. J’ai une bagnole juste devant dans la rue.
— Et tu crois que je vais te suivre ?
— J’essaie de te sauver la vie, putain ! Si je n’étais pas venu, tu serais sûrement morte avant la fin de la journée.
— Ce n’est pas ce que tu as prétendu au téléphone ce matin, contre-attaque-t-elle. Et comment tu savais que j’étais ici d’abord ?
Elle m’a entendu avec Valentina… Je ne sais même plus bien ce que j’ai dit, mais je m’en soucierai plus tard.
— Je te promets qu’on aura une discussion, mais le moment est plutôt mal choisi, tu ne trouves pas ?
— Si on sort d’ici vivants, j’exige d’appeler mon père dès qu’on sera libre.
— O.K, on peut arrêter de parler maintenant et se tirer de là ?
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