Chapitre 4
﹡🎶﹡
– Combien de temps je dois rester ? Le temps de finaliser mon projet et je rentre à Paris.
Sab se penche vers moi et pose sa main sur mon avant-bras.
–J'adorerai que tu viennes à mon mariage, tu es certaine que tu ne peux rester jusqu'à ce moment là ? Je suis certaine que nos parents seront super contents de te garder !
–Mon billet de retour est déjà pris par mon employeur. Je dois revenir à Paris maximum au 20 décembre.
–Tu es sérieuse, tu vas repartir juste avant les fêtes de fin d'année ?!
Ma mère semble totalement offusquée.
–Primo, je n'habite plus au Canada au cas où tu n'aurais pas remarqué et je dois travailler chez moi le 26 décembre. Vu le temps qu'il faut pour faire le trajet, il faudrait que je parte le 24 décembre pour être de retour chez moi le 25 pour dormir toute la journée. Secundo, je dois passer Noël dans la famille de Pierre. Donc oui, je repars bien avant les fêtes. Je suis navrée pour toi Sab. Par contre, je penserai fort à toi pour ton mariage. Je suis certaine que...
Mon téléphone vibre et je vois une notification de mon petit ami. Désolé pour hier soir (pour toi), on peut s'appeler quand tu veux. Je t'aime. Caillou.
– Que tu seras une mariée vraiment magnifique. J'ai hâte de revoir ton fiancé. J'imagine qu'il a dû changer depuis le lycée !
Je capte un rire de la part de Derek et sa fille lui tape dedans en lui demandant de se moquer de lui.
– Par contre, Luke ne m'a pas dit que tu revenais. Tu lui fais toujours la gueule après toutes ces années ?
J'ai deux paires d'yeux supplémentaires qui me fixent d'un air super surpris. En réalité, je ne sais même pas de quoi elle me parle.
–Je n'ai jamais fait la gueule à ton frère. C'est lui qui n'a plus voulu me parler du jour au lendemain quand on avait 17 ans, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi d'ailleurs. Mais... je n'ai aucun grief contre lui.
–C'est pas ce qu'il m'a dit.
Je la fixe avec étonnement et je finis par sourire.
– Peu importe ce qu'il t'a dit, ça ne me touche pas vraiment. Je ne veux pas vous mettre dehors, mais je dois reprendre le travail.
Ils me laissent mais contrairement à ce que j'ai dit, les paroles de Sab résonnent en moi. « Tu lui fais toujours la gueule après toutes ces années ? » Mon poing se serre. Je suis dégoûtée qu'il m'ait donné cette réputation auprès de sa soeur. Elle et moi nous nous connaissons depuis des années et elle l'a crue. Je n'ose imaginer la réputation qu'il m'a faite auprès du reste de nos connaissances en commun. Luke se fout vraiment de moi. Il ne manque rien pour attendre. Il va comprendre que c'est d'avoir une fille qui lui fait la gueule. Je suis à deux doigts de me lever pour demander à son père où il habite, mais je me rappelle que je suis théoriquement une adulte et que les adultes ne font pas ça. Je déverse toute ma colère dans le travail et je finis par prendre ma tablette pour enfin lire l'un des deux rapports sur la biodiversité du lieu et l'impact du projet que j'ai demandé par des cabinets indépendants. La véranda possède un fauteuil et je m'y installe confortablement en ramenant mes pieds sous moi. J'attrape un carnet pour prendre des notes à côté. Ce que j'ai toujours admiré chez les détracteurs des projets immobiliers, c'est leur propension à tout passer au peigne fin. Je dois faire la même chose. J'ai réussi à faire accepter des projets on ne peut plus difficile avec cette méthode de travail méticuleuse. On ne laisse rien au hasard. Jamais.
–Angèle ? Viens manger !
– Je n'ai pas faim, M'man.
Je n'aurais pas dû répondre ça. J'entends ses petits pas venir vers moi ouvrir la porte menant à la véranda.
–Ce n'était pas une invitation mais bien un ordre. Tu lèves ton nez de tes dossiers et tu viens manger. Ne me force pas à revenir.
Je lève les yeux au ciel et je la suis dans la cuisine où je vois une assiette dressée. Je remarque enfin que l'heure du déjeuner est passée depuis un moment. Je me gratte la tête en la remerciant, gênée. Je picore plus que je ne mange en réalité tandis que Derek est déjà entrain de cuisiner un petit ragoût pour le soir.
–Tu n'aimes pas ? Je dois te cuisiner autre chose ? Je peux le faire.
Je lève les yeux vers mon beau-père. Je n'arrive pas à lui mentir quand il me regarde comme ça.
–Non, c'est très bon Derek, je te remercie. Je me sens encore un peu barbouillée à cause de l'alcool hier. C'est complètement con ce que j'ai fait.
–Je peux savoir ce qu'il t'a pris d'ailleurs ? Tu sais très bien que je déteste te voir dans des états pareils. Tu rentres à peine que déjà, tu bois trop ?
Je soupire largement et mon sourcil se lève.
–Je te signale que tout ne tourne pas autour de toi Maman. J'avais besoin de décompression et...
–Tu trouves ça dans l'alcool. Décidément, la France t'a beaucoup changée.
Elle achève de couper mon appétit. Je relève les yeux, croise le regard de son mari et j'esquisse un léger sourire. Je vais éviter le conflit, sinon je sais que Derek va me réprimander.
–C'était délicieux, mais je n'en peux plus. Je vais retourner travailler.
Ma mère pourtant me retient par le bras.
–Je pense que tu as passé l'âge de fuir sans explication, tu ne crois pas ?
–Tu viens de me couper l'appétit avec tes insinuations et je préfère partir pour faire ce pour quoi je suis ici. Moins je mettrais de temps, moins je te dérangerai.
Je me dégage d'un geste brusque et je file dans ma salle autoproclamée de travail. J'y travaille pendant une bonne partie de l'après-midi jusqu'à ce le soleil décline. Je me sens fourbue en arrêtant et je file dans ma chambre pour enfiler des affaires chaudes. Je trouve ma mère et son nouveau mari assis l'un à côté de l'autre à se câliner.
–Je vais faire un tour.
–Nous mangeons dans vingt minutes, m'annonce ma mère.
–Je voulais juste aller marcher un peu dehors. Je serai de retour pour le dîner.
Je file sans demander mon reste et je me retrouve dans le jardin. Je ne compte pas aller beaucoup plus loin que la propriété de Derek. J'ai mon téléphone bien chargé avec moi et je finis par me rendre sur les réseaux sociaux. Je capte relativement bien et j'essaye de trouver Luke Marshall. Je le retrouve grâce au profil de Thea mais son profil est en privé. Je me décide à lui envoyer un message. Après tout, nous sommes de la même famille à présent.
« Hello, je suis en ville. On dîne ensemble un soir ? »
Je n'ai plus qu'à attendre. Je m'assieds sur le banc en bord de propriété et je regarde les sapins en face de moi. Quand j'étais petite, avec Luke, nous jouions à cache-cache pendant des heures entre les sapins. Le propriétaire du terrain nous hurlait régulièrement de faire attention. Je ne peux m'empêcher de sourire. Je me lève du banc, j'enjambe la clôture et je vais poser ma main sur les sapins. Leur odeur est extraordinaire, je ne l'ai jamais retrouvée ailleurs. Je souris en repensant à Pierre qui refuse d'avoir un vrai sapin dans son appartement pour Noël. Je n'ai jamais osé lui dire que c'était tout ce que j'aimais. Sentir les arbres, leur puissance, leur majesté, leur âme.
J'embrasse l'arbre et je retourne vers la maison de Derek. Je frappe avant d'entrer et je sens l'odeur du petit ragoût préparé par le nouveau mari de ma mère. Je pose mon manteau et j'apparais dans la cuisine où il rectifie sa sauce. Ma mère est entrain d'attraper des couverts.
– Bonne balade ?
– Ça m'a fait du bien. Je vais t'aider Maman.
Elle me tend les affaires sans réellement me regarder. La culpabilisation commence... Je dresse la table au plus vite et mon beau-père me fait signe de m'asseoir.
– Vous n'allez pas décorer la maison ?
– C'est prévu pour dimanche. Sabrina vient avec son fiancé, Sam aussi.
– Pas Luke ?
– C'est pas son truc, répond son père en riant.
Je m'arrête, les yeux écarquillés. Il vient de dire quoi ?
– Depuis quand ? Il adorait Noël ? Il me forçait à décorer notre appartement ! Il m'a même refilé vos propres décorations une année !
– Je t'ai dit que mon fils était un ado con pourtant. Il a arrêté d'aimer ça du jour au lendemain. Je n'ai jamais compris pourquoi, je n'ai pas essayé de comprendre non plus.
–Donne-moi son adresse, je vais aller le tirer de sa grotte et lui dire de venir vous aider. Tu as mal au dos, tu vas pas aller couper et porter le sapin tout seul.
– Je te trouve bien impliquée dans la déco de la maison, sourit ma mère.
– Les Marshall ont toujours réussi à avoir une famille fonctionnelle. Je ne sais pas quand je reviendrai alors... autant que je baigne dedans. Je vais botter le cul de ton fils.
Derek écrit l'adresse de son fils et me tend le papier que je fourrais dans ma poche. Je passais une bonne soirée, je devais bien l'admettre. Apparemment, ne pas rester seule avec ma mère est bénéfique.
– Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ton projet professionnel ? Ou c'est confidentiel ?
– Ça ne l'est pas, je suis là pour le complexe All Nature qui va se construire.
Le visage de Derek se ferme immédiatement. Tiens, mon premier détracteur. Il s'essuie la bouche et repose doucement sa serviette avant de plonger son regard dans le mien.
– Tu plaisantes ?
– Non pas du tout.
–Angèle... Tu te rends compte qu'ils vont tout détruire ? Tout ce que tu as toujours connu ici de beau et de naturel sera buldozé.
– Absolument pas.
– Ne sois pas naïve Angèle, souffle-t-il. On connait tous les procédés des promoteurs.
Un sourire désabusé s'affiche sur mon visage.
–Qu'est-ce que tu connais du projet au juste ? Tu as la moindre idée du bénéfice que cela va apporter à la ville ? Aux habitants et aux commerçants ? Laisse-moi te dire le plus évident : de l'argent.
–Tu penses que c'est le plus important ? me demande-t-il sèchement.
Je le fixe froidement.
– Si tu avais vu ta mère quand tu étais petit vendre certains de ses bijoux pour te nourrir, tu comprendrais que oui, l'argent c'est important pour tout personne qui en manque.
Je me lève de table alors que son visage se décompose.
– Je suis fatiguée, je vais aller me coucher.
Je tourne les talons et je m'éloigne la tête haute. J'ai en réalité envie de hurler mais je ne veux pas être impolie avec lui. Demain est un autre jour, je dois me calmer, à tout prix.
***
Demain pour la suite Wattpaders...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro