Chapitre 20
﹡🎶﹡
J'ouvre la porte alors que la sonnette retentit une troisième fois. Ce n'est pas Pierre qui est derrière la porte mais Luke. Ce dernier a un bonnet enfoncé sur la tête, un blouson de cuir et un sac qu'il tient nonchalamment sur son épaule.
–Qu'est-ce que...
Il ne me laisse pas terminer. Il franchit le pas de la porte, laisse tomber son sac au sol et me prend avec force dans ses bras. Il me serre tellement fort qu'il m'en ferait presque mal. Son odeur m'envahit et pendant quelques secondes j'oublie tout.
–J'ai fait aussi vite que j'ai pu. Il est où ?
–Je... Pardon ?
–Donne-moi son adresse.
J'écarquille les yeux et je le repousse pour le regarder. Luke est particulièrement furieux, je le vois à la prunelle de ses yeux.
–Attends... de quoi tu parles ?
–Ce fils de pute de français, qui te servait de copain, il est où ? grogne Luke.
–Ce... Tu parles de Pierre ?
–Non, du Président de la République, ironise-t-il. Bien sûr que je parle de ce fils de pute de Pierre qui t'a trompé !
Je suis totalement abasourdie et je ne réponds pas pendant quelques secondes qui paraissent interminable.
–Je... comment tu es au courant pour Pierre ?
–Tu m'as appelé Angèle.
–Je crois pas, non !
C'est au tour de Luke de me fixer bizarrement. Il sort son portable pendant que je repousse la porte d'entrée pour la fermer. J'entends ma voix quelques secondes plus tard et j'ai l'air totalement ivre.
« Je sais que tu t'en fous parce que tu m'as demandé de ne plus t'approcher mais... j'ai surpris Pierre avec une autre femme alors que j'allais chez lui. Il était entrain de la baiser... il doit encore être entrain de la baiser d'ailleurs. Est-ce que tu sais pourquoi c'est toujours sur moi que ça tombe ?Tu avais raison, je gâche toujours tout. J'ai jamais rien réussi comme relation dans la vie, que ce soit avec ma mère ou avec toi ou avec mes ex et le dénominateur commun, c'est moi. Putain de bordel, c'est toujours moi ! Je ne sais pas quoi faire. Tu ne peux pas imaginer quelle souffrance j'ai, là tout de suite. J'ai envie de mourir... je me déteste. J'ai tellement mal, pourquoi j'ai si mal... »
J'ai envie de me planquer. C'est incohérent, à peine prononcé comme une rombière alcoolique. Et pourtant ce n'est pas terminé. Oh bordel, dernière fois que je bois de la vodka. Chaque phrase est entrecoupée de reniflement.
« J'ai besoin de toi, Luke.Ne me laisse pas ici. Je ne veux pas être seule dans ce monde. Je veux être avec toi. Je t'en supplie, viens me chercher. Je... »
Luke arrête sa messagerie.
–Je te fais grâce du reste du message sur mon répondeur.
–J'étais bourrée, je suis désolée.
Je suis vraiment morte de honte et je tourne les talons pour me rendre dans mon salon.
–J'ai sauté dans le premier avion. J'ai même pas prévenu mon père. Je lui ai juste dit d'assurer le service du soir par message. Je vais peut-être perdre mon job, en tout cas, je vais me faire défoncer par mon paternel alors...dis-moi que j'ai pas fait tout ça pour rien. Que j'ai pas traversé un océan pour rien du tout.
Je fixe obstinément mes pieds.
–Qu'est-ce que tu veux que je te dise... je ne sais pas pourquoi je t'ai appelé, je ne m'en souviens même pas. Je suis désolée que tu aies pris l'avion comme ça sur un coup de tête.
–Ce n'était pas un coup de tête Angèle. Tu avais l'air totalement désespérée. Tu crois que je peux recevoir un tel message sans réagir ?
Il se rapproche de moi et me relève le visage. Je n'ai même pas besoin de parler, il doit voir la tristesse sur mon visage.
–Tout est vrai, n'est-ce pas ? Il t'a trompé et tu l'as choppé ?
J'acquiesce et je pars m'asseoir sur mon canapé. Je me laisse tomber plus qu'autre chose en réalité. Luke n'a même pas retiré son blouson et il s'agenouille devant moi.
–Je me sens totalement conne. Tu n'aurais pas dû te déplacer pour si peu. Je me sens très gênée. Je ne sais pas pourquoi je t'ai appelé.
Il se rapproche de mon visage.
–Vraiment ? Tu ne le sais pas ?
Je croise son regard et mon coeur se gonfle un peu.
–Je me déteste Luke, autant que tu me détestes, alors, je présume que je voulais te dire que je comprenais tes paroles si dures à mon égard.
–Mais je ne te déteste pas du tout Angèle. Ce serait même tout le contraire. Tu crois que j'aurais fait des milliers de kilomètres et des heures d'avion à côté d'un gosse insupportable pour une personne que je déteste ?
Je n'ai pas le temps de répondre que déjà, la sonnette retentit de nouveau. C'est Pierre cette fois. Luke l'a compris et bondit sur ses pieds, prêt à en découdre.
–Laisse-moi gérer. Tu peux aller dans ma chambre ?
Luke me contemple et acquiesce.
–Je ne vais pas me planquer comme une garçon effrayé. Je ne le suis pas et vu les hommes sur lesquels tu es tombée de ton propre aveu... Si tu as besoin de moi, appelle-moi et je débarque pour le foutre dehors.
Il rentre dans ma chambre et je vais ouvrir la porte. C'est un jeune homme bien habillé qui tient un sac.
–Bonsoir Mme Dubois. Monsieur Rondier m'a demandé de vous apporter ceci avec toutes ses excuses.
Il me tend un sac et tourne les talons. Il y a un mot à l'intérieur : Je suis désolé, problème de dernière minute au travail, je ne pourrais pas venir. J'imagine que tu dois être totalement jet laggée. Bon appétit et à demain ma chérie.
La seule vision de ce mot me donne une nausée soudaine. En temps normal, j'aurais trouvé ça très attentionné mais dans les circonstances actuelles, j'ai juste envie de tout lancer dans une poubelle. Je retourne dans ma pièce de vie et je pose le sac en papier blanc sur ma table.
–Fausse alerte ! Tu peux revenir Luke !
Ce dernier rouvre la porte de ma chambre et en sort.
–Il m'a envoyé un bizu avec un repas. Tu n'as qu'à le manger, je ne veux pas tout gâcher et je ne peux rien avaler.
Je me balance sur le canapé et je me prends la tête entre les mains.
–C'est pas possible ça Angèle. On a un truc à faire.
–Ah ?
–Il est où ton sapin de Noël ?
–Mon... je n'en ai pas et j'ai pas la tête à ça.
–Quand on était plus jeune, tu m'aurais fracassé pour ne pas décorer ma chambre. Alors bouge ton gras Dubois, on va aller te chercher un sapin. Même un faux. Et des décorations.
Je n'ai pas envie de bouger mais il me tire pour me remettre debout. Il a gardé son blouson et il me lance mon manteau dessus. Je ne sais pas exactement où il veut m'emmener mais il me ramène juste chez le fleuriste en bas de chez moi.
–Reste ici.
Il rentre dans la boutique et je le vois sortir une carte bleue. Je suis vraiment faible, c'est officiel. Il me brise le coeur et je le laisse revenir dans ma vie aussi vite.
–On passe le reprendre tout à l'heure...
Je relève les yeux et je vois qu'il a un magnifique bouquet de roses en main qu'il me tend.
–Tu as tellement pitié de moi que tu m'offres des roses.
–Non. Je t'en offre parce que j'en ai envie. En plus, il n'y a pas de poinsettia, c'est ce que j'ai trouvé de plus rouge dans la boutique.
Leur odeur me fait presque chavirer. Ça a dû lui coûter une fortune. J'ai honte de moi encore un peu plus. Il m'entraine dans la première boutique qu'il trouve et attrape un panier. Je le laisse faire. Il a l'air de plus s'amuser que moi à trouver des guirlandes et des boules de Noël. Encore une fois, il dégaine son argent plus vite que moi. Il porte le sac dans la rue et part récupérer le sapin qu'il porte avec son autre main. Il est ultra chargé mais nous ne sommes pas loin de mon appartement.
–Tu ne devrais pas faire ça, me payer des trucs comme ça.
Il ne répond pas au premier abord. Je n'aurais pas le droit d'avoir une réponse. Il relève la tête vers le ciel avant de me laisser passer dans mon immeuble. Il refuse de me laisser porter quoi que ce soit et je l'entends galérer un peu dans l'escalier. Chaque marche me rapproche un peu plus de chez moi et du moment où je serais seule avec moi-même à ruminer.
–Je veux juste ton bonheur, Angèle.
Je me retourne sur mon pallier, surprise.
–C'est tout ce que j'ai toujours voulu. Ne me le reproche pas.
J'ouvre la porte pour le laisser entrer. Je ne vais pas avoir cette conversation sur le pallier de mon appartement avec mes voisins à côté qui peuvent nous épier. Luke ramène le sapin et son pied dans le salon et il l'installe à une belle place. Il se retourne vers moi.
– Te voir heureuse, ça a toujours été ma première préoccupation.
–Fallait y songer avant de me balancer des horreurs à la figure. Tu m'as rendu hyper malheureuse et ce n'est pas un bouquet de roses aussi splendides soient-elles qui pourront régler tout ça. Tu sais pourquoi je suis dans cet état Luke ? La véritable raison ?
Je n'arrive pas à le regarder en face, je fixe les roses que je n'ai pas posé en rentrant dans l'appartement. Je ne sais pas si je vais réussir à lui dire la vérité.
–Bien sûr que je veux en connaitre la raison. Parle-moi Angèle.
Je relève les yeux des fleurs et je vois qu'il s'est assis sur le rebord de mon canapé, au plus proche de moi. Il retire son bonnet de sa tête et ses cheveux en ressortent décoiffés. Ses grands yeux bleus me scrutent, mon coeur s'emballe et je rebaisse la tête. L'idiote va se dévoiler et personne ne pourra l'arrêter... je vais foncer droit dans le mur.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro