﹡🎶﹡

Je me tourne vers Sam, le sourcil levé. Ce dernier ne semble pas avoir conscience que je suis en pleine gueule de bois vu le sourire éclatant qu'il me lance.

–Tu viens avec nous à la patinoire ?

–Non, j'en ai pas du tout envie.

Je le prends contre moi tout à coup sans crier gare.

–Je ne sais pas si j'aurais l'occasion de te revoir avant mon départ, alors...à plus tard. Prends soin de Thea, s'il-te-plaît.

–Ton départ ?

Il se tourne vers son frère.

–Je vais repartir à Paris, mon travail ici est terminé.

–Mais... tu repars aujourd'hui ?

–Le plus tôt possible, je dois juste vérifier mes billets. Si j'ai le temps, je passerai te voir sur Calgary, surtout que Thea m'emmène à l'aéroport. Je vais aller saluer ta soeur et faire mes bagages.

Je lui fais un signe de la main, passe mon regard sur Luke en lui faisant un signe de tête et je sors dans la rue. La luminosité me fait mal et je m'engouffre dans un taxi, direction la maison de ma mère. J'en profite pour changer mes billets d'avion. Il reste juste une place tout à l'heure. J'ai le temps de saluer les membres de ma nouvelle famille. Ma mère est dehors à respirer l'air frais et grimace en me voyant.

–Pourquoi j'ai l'impression que je ne vais pas aimer ce que tu vas me dire ?

–Tony est satisfait du projet, je fais mes bagages, je vais embrasser Sabrina et Derek et je repars.

–Je déteste ce que j'entends.

Je la prends dans mes bras. Cette fois-ci je partirai sans aucune culpabilité.

–Je reviendrai te voir dès que possible et mon invitation court toujours. Vous pouvez venir à Paris quand vous voulez. D'ailleurs, j'aimerai bien que tu m'emmènes les voir. Je reviendrai faire mes bagages plus tard.

Elle est attristée, je le sais et la même humidité vient s'installer dans mon regard. Elle me sourit et prends les clefs de sa voiture pour m'emmener chez Sabrina d'ailleurs. Cette dernière me prend dans ses bras, m'assure qu'elle m'appellera pour Noël et que je peux moi-même prendre mon téléphone quand je le veux pour papoter. Derek lui est plus circonspect.

–Tu ne devais pas repartir le 20 décembre ? Pourquoi tu pars avant ?

–Mon travail est terminé et je n'aime pas l'idée de me payer des vacances sur du temps de travail effectif.

Il sait que ce n'est pas tout, mais il comprend qu'il ne doit pas en parler devant ma mère. Il me prend dans ses bras.

–Tu es la bienvenue ici quand tu veux. Pas besoin de prévenir que tu débarques, on t'accueillera toujours. Même si tu te fâches avec Luke, Sabrina ou Sam. Tu es chez toi, d'accord ? Ça ne changera pas en fonction de l'humeur de mes enfants.

–Merci, soufflé-je contre lui.

J'ai envie de pleurer de partir ainsi comme une voleuse mais je n'ai pas le choix. Mon instinct me demande de partir en courant. J'envoie un message pour demander à Thea de venir me chercher. Une fois à la maison, je fais mes bagages avec un poids sur le coeur. Maman rentre dans ma chambre et s'assied sur mon lit.

–Tu veux que je t'emmène à l'aéroport ?

–Thea va le faire... j'ai pas envie de te déranger et je n'ai pas envie de pleurer avant de rentrer dans l'avion et si tu es avec moi, c'est ce qui va arriver. On a été distante ces dernières années et ça m'a blessée. Je ne veux pas qu'on recommence.

–Je t'appellerai toutes les semaines.

–Une fois par mois, c'est pas mal pour commencer.

Elle me serre contre elle et m'embrasse sur les deux joues.

–N'oublie pas qui tu es. Tu es une fille forte et je t'admire beaucoup. Je n'aurais pas eu un quart de ton courage. Tout ce que tu as entrepris... tu es une femme formidable.

Je suis vraiment émue par ce qu'elle me dit mais elle sort de ma chambre avant de me montrer ses véritables sentiments. Je peux essuyer mes propres larmes sans spectatrice, et elle aussi; Elle m'a toujours appris ça, à être forte et je le remarque à présent. Elle m'a aidé à forger mon caractère déterminé. Après la mort de mon père, c'était vraiment difficile et pourtant, elle a réussi à tenir, elle a réussi à garder intact mon lopin de terre et ma cabane qui doit tomber en ruine désormais. Je regarde ma montre. J'ai encore du temps devant moi avant mon avion et avant que Thea n'arrive et il y a une dernière personne

–Maman ?

Je l'interpelle alors que je descends les escaliers avec mes bagages. J'aurais aimé que Derek soit là pour la soulever cette foutue valise, comme à l'aller. Je la pose dans l'entrée et je me tourne vers ma mère qui vient de faire son apparition.

–Tu viendrais avec moi au cimetière ? J'ai promis à Papa que j'y retournerai.

Elle hoche la tête et enfile de nouveau son manteau. Elle me tend son bras et nous filons, bras dessus, bras dessous vers le cimetière. Elle s'arrête chez le fleuriste et achète un bouquet de poinsettia. Elle le pose sur la tombe de mon père.

–Je suis désolée pour mon mariage. Je regrette tellement ce que j'ai fait avec toi. Je t'ai blessée et je n'arrive pas à me pardonner.

–Tu devrais. C'est vrai que tu m'as vexée mais... je comprends. On a jamais eu une relation de folie.

Elle se tait un long moment et elle attrape ma main dans la sienne.

–Quand ton père est mort, une partie de moi est morte à tout jamais. Je me rends compte que j'ai voulu te garder près de moi par peur de te perdre, comme je l'ai perdu. C'est pour ça que j'ai été aussi critique envers toi. J'en suis vraiment désolée. Dans le fond, je voulais que tu reviennes mais je n'ai jamais eu le cran de te demander de rester. Je ne l'ai toujours pas alors que j'aimerai pouvoir te voir tous les jours de ma vie.

–Je crois qu'on devrait faire table rase de notre passé de reproche et aller de l'avant. En tout cas, je te promets que je reviendrais. Je n'ai pas menti à cette pute de Suzie Douglas. Toute ma famille paternelle a vécu ici et je ne veux pas être la Dubois qui foutra ça en l'air et qui perdra les terres de sa famille.

–Ils sont tous fiers de toi.

–Oui enfin... à avoir. J'ai une demande à te faire d'ailleurs... tu pourrais parler en bien de Suzie connasse à Derek ? Elle veut se retaper Luke de manière officielle et on a fait un deal. Elle ne dépose pas de recours contre mon projet et je parle en bien à Derek. Je ne suis pas suffisamment hypocrite pour ça.

–Mais moi je le suis ? ironise ma mère.

–Non, mais toi c'est ton mari, donc si tu lui dis de ne pas lui faire de remarques désobligeante à l'autre pute, il ne le fera pas parce qu'il aura peur que tu te fâches avec lui !

Ma mère laisse un éclat de rire franchir ses lèvres et m'indique qu'elle le fera.

–Tu ne ferais pas mieux de demander directement à Luke ? D'être sympa avec elle le temps du recours ?

–Je ne veux être redevable envers personne, et surtout pas de Luke.

–Oh... toi tu as toujours un petit... comment tu dis déjà... crush pour mon beau-fils.

–Certainement pas ! m'exclamé-je en rosissant.

–Tu étais déjà amoureuse de lui quand tu étais ado... tu crois que je ne l'ai pas vue à l'époque ? tu crois que je ne vois rien du tout ? Vous avez un lien si particulier... c'est ce que je voulais te dire l'autre jour. Vous ne vous parlez pas pendant dix ans et pourtant, on retrouve la même complicité chez vous deux, vous vous regardez tous les deux de la même manière, vous vous aimez de la même manière.

Ma mère caresse mon visage avec amour et elle décale une mèche de mes cheveux.

–Écoute Angèle, je veux que tu me promettes une chose. Quoi qu'il arrive, je veux que tu suives ton coeur et non ta raison. Si tu aimes Pierre alors fonce, vis cette amour avec passion, avec intensité, comme si demain était le dernier jour et non pas de manière mesurée. Mais si tu es avec lui par habitude, questionne-toi. L'Amour est la raison de notre venue en ce monde, il est pluriel, certes... mais il faut l'expérimenter, le dompter, s'en imprégner. L'Amour doit couler en toi, toucher chaque fibre de ton être et de ton âme. Si tu ne ressens pas un tel amour, cherche-le où qu'il soit. J'ai ressenti un tel Amour pour ton père, je ressens un tel Amour pour mon mari. Je ne peux pas envisager que tu ne ressentes pas cela. Tu comprends ?

–Oui, je comprends Maman.

Elle vient de m'embrouiller, mais je comprends ce qu'elle veut dire. Je ne peux m'empêcher de repenser à ses paroles alors que je charge mes bagages dans la voiture de Samuel. Apparemment, il veut passer du temps avec sa copine et jouer les chauffeurs. Ma mère m'ouvre ses bras et je m'y blottis.

–Je te promets que je vais réfléchir à tes paroles et je reviendrais te voir. On s'appelle dans quelques heures.

Je me détache de l'étreinte maternelle et je monte à l'arrière de la voiture avec mon amie. Le beau-fils de ma mère a mis des chants de Noël qu'il fredonne pendant que nous papotons.

–Ça vous dérange que je fasse un détour ?

–Mec, tu me rends un immense service, il manquerait plus que je te reproche de faire un détour. J'ai le temps avant d'arriver à l'aéroport !

Il se gare dans une rue de la ville. Je vois Suzie Douglas de loin et Thea se met à tellement la critiquer que j'en tremble de rire.

–T'es la reine des garces, Thea Wilson.

–Je l'assume parfaitement, mais... mais putain, il fait quoi là ?

Je regarde à mon tour dans la direction de Thea et je vois Luke arriver avec son frère... C'est ça son fameux détour ? Oh non...