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Mon chauffeur s'arrête devant le portail et je lui tends plusieurs billets sans regarder. Je rentre directement avec mes clefs et je lance un bonne nuit à ma mère qui doit être dans le salon. Je me précipite dans les escaliers et dans ma chambre. J'ai envie de hurler, mais je me contente de pleurer comme une idiote. Je me noie dans un brouillard. Je me sens en colère, mais désespérée également. Tout sur son visage prouvait qu'il me détestait.

Je ne dors pas cette nuit là, non. Je me remémore tout ce que j'ai pu dire à Luke, tout ce que j'ai pu faire pour qu'il me hait à ce point. Je me change au lever du jour et je sors en catimini de la maison pour me rendre au cimetière.

La tombe de mon père est entretenue et je m'assieds sur le marbre glacé. Je ferme les yeux et je laisse mon esprit dériver. Je vais repartir chez moi, à Paris aussi vite que possible. Je vais finir le projet et rentrer à Paris. Mon boss avait prévu qu'il me faudrait du temps quand il m'a pris mes billets, mais si je me débrouille bien, je pourrais avancer mon billet d'avion.

–Je reviendrai te voir Papa.

Je me relève, m'époussète et je file pour travailler. J'ai promis de déposer une copie du projet à la mairie et je dois le finaliser avec les remarques que j'ai eu la veille. Certaines sont très pertinentes et quand j'en fais part à mon boss par téléphone, il me répète que je fais du bon travail. Travailler m'empêche de penser à ce connard de Luke Marshall.

L'imprimante s'arrête alors qu'elle imprime la copie papier du projet. Ma mère n'a pas d'encre chez elle, mais elle a récupéré sa voiture et je lui emprunte pour aller en acheter. Je croise Suzie encore une fois et je l'arrête par le bras.

–Je suis désolée.

–Je te demande pardon ?

–Il ne se passe rien entre Luke et moi. Il n'était même pas dans l'appartement quand tu es venue. J'ai fait ça uniquement pour te faire chier et pour te faire comprendre ce que ça faisait d'être une laissée pour compte. Tu m'as vraiment blessée quand on était au lycée. Tu étais une garce cruelle et je voulais savoir ce que ça faisait au moins une fois d'être comme toi et de pouvoir te narguer. Mais, je m'en fous tu sais... Tu peux te taper Luke Marshall autant que tu le souhaites, c'est pas mon problème, mais par contre, tu ne t'en prends pas à mon projet. Donc voilà le deal. Je remonte ta cote de popularité auprès de Derek et toi tu oublies ton putain de recours.

Je lui donne ma carte.

–C'est mon numéro. Dis-moi ce que tu veux faire.

Je rentre dans le magasin et je prends mon encre avant de rentrer. Mon téléphone bippe dans la voiture et je vois un numéro inconnu.

« Okay Angèle. J'accepte le deal. »

Je suis toute seule à la maison en rentrant. Je finis d'imprimer les documents et j'envoie une version numérique à la mairie en leur précisant que je leur amène un dossier papier d'ici la fin de la journée.

Je sais que Thea arrive en ville aujourd'hui et je veux la saluer avant de repartir. En réalité, j'ai besoin de crier contre Luke sans lui donner la satisfaction de perdre mes moyens.

–Maman ?

Ma mère apparait avec ses pinceaux en main. Ma mère est une artiste à la base et je suis contente de la voir repeindre.

–Je vais aller voir Thea, je ne sais pas quand je rentrerai ou si je rentrerai ce soir, ne m'attends pas.

J'appelle un taxi qui me dépose près de la mairie aux alentours de 17h. Je donne mon dossier à l'assistante du maire et je file chez mon amie. Elle est entrain de décharger des cartons dans sa voiture quand je la fais sursauter.

–Tu m'as fait peur !

Elle me bouscule mais accepte mon aide pour finir de débarrasser les cartons. Elle habite au second étage et sa porte est ouverte. Les cartons sont empilés et je sens qu'elle va avoir besoin d'aide. Je vois qu'elle a déjà installé un sapin de Noël.

–Tu veux que je t'aide à ranger ?

–Ce serait super cool ! J'ai eu le temps de déballer mes affaires dans ma chambre, mais pour le salon, j'ai tout laissé en vrac pour finir ma formation. Je me suis dit que j'allais avoir le temps de le faire une fois que je serai définitivement ici !

–Tu aurais pu demander à Marshall de t'aider.

–Pourquoi Luke viendrait m'aider à déballer mes fringues et mes livres ? me répond-elle avec perplexité.

–Je te parle de Samuel. Tu sais le petit frère avec qui tu tentes de remettre le couvert dix ans plus tard, insisté-je.

–Comment tu... oh putain, il l'a dit à tout le monde ? s'exclame-t-elle en changeant de couleur.

–Son abruti de frère sous-entendait qu'il était puceau et il a lâché le morceau. Tu es d'ailleurs invité pour passer un moment chez les Marshall.

–Je voulais te le dire. En fait...

Elle se laisse tomber sur le canapé

–J'attendais le bon moment. Je veux dire... tu ne m'avais pas parlé du tout du mariage de ta mère et de Derek, alors je ne savais pas si tu étais vexée ou quoi et... je ne voulais pas enfoncer le clou ou te parler des Marshall.

Thea a l'air innocent et je la bouscule en m'installant sur le canapé.

–T'inquiète pas, je peux comprendre que tu veuilles garder ta liaison discrète. Sam a craqué parce que sa famille était vraiment reloue avec lui et il était tôt le matin.

Je pose ma main sur son poignet.

–Je suis vraiment contente de te voir, surtout que je vais rentrer bientôt.

–Tu plaisantes ?

–Je suis là pour le boulot tu le sais et... ça s'est mieux passé que prévu. Je n'ai pas besoin de trainer dans le coin jusqu'au 20 décembre.

Thea se lève tout à coup et je la vois revenir avec deux verres et une bouteille de vin blanc français.

–Tu peux commander un truc ? On va se faire livrer, on va picoler et se raconter nos malheurs. Je veux tout connaitre du projet Dustfall.

Je lui explique tout dans les moindres détails et je continue à parler alors que le livreur arrive.

–Franchement, c'est super cool. Et je dois t'avouer que j'adorerai organiser l'ouverture du complexe.

–Ce serait vraiment super, je te confie le chantier quand tu veux. On peut parler des idées si tu veux et tu me donnes un devis que je ferai valider ?

Thea nous sert un second verre et elle me fait trinquer à ce nouvel avenir pro pour elle.

–Oh fait, pourquoi tu as dit que Luke est un abruti ? Vous n'avez pas réussi à vous réconcilier ?

–Vu qu'il m'a traité de traitre qui détruit tout sur mon passage et qu'il ne veut plus jamais me revoir... je te dirai que non, on est pas réconcilié et ça n'arrivera jamais. Qu'il retourne avec sa pute de Suzie Douglas...

–Il est avec SUZIE ?

Elle en crache presque son vin et elle retourne ouvrir une bouteille. Cette soirée ne va pas se terminer de manière sobre.

–Je te jure ! Il est sorti avec elle et elle appelait ma mère belle-maman.

Elle hurle de rire et je la suis dans son délire. Ça me fait du bien jusqu'à ce que des larmes viennent remplacer mon rire. Thea ne comprend pas alors je lui raconte tout, sans omettre un détail, de notre rencontre dans le restaurant de Derek à ces reproches injustes proférés à mon égard.

–Et tu as ressenti quoi ?

–Quand il m'a insulté ? Je me suis sentie comme une moins que rien.

–Non, dans le chalet, quand vous étiez juste tous les deux et que... enfin, qu'il te tripotait comme une ado en chaleur.

Je me remémore cet instant.

–Je n'ai jamais ressenti ça. Je me sentais en feu et j'ai eu l'impression que... seul lui pouvait l'apaiser. C'était d'une intensité si folle... J'étais une ado en chaleur, clairement. Et après, douche froide. Enfin ce n'était plus une douche là. Il m'a balancé dans l'eau de la banquise et il m'a laissée là.

–Tu sais que tu peux me faire confiance..

–Bah oui bien sûr.

–Tu as des sentiments pour Luke ?

–J'ai toujours eu des sentiments pour Luke. Quand on était enfant, c'était l'insupportable gosse de 2 ans qui m'avait volé ma pomme. Ensuite, c'est devenu l'intrépide garçon avec qui je faisais les quatre cents coups. Puis, mon meilleur ami. Et quand on était au lycée, le seul mec à faire battre mon coeur plus vite. Tu veux savoir si j'ai eu des sentiments amoureux pour lui ? Oui, complètement. J'étais dingue de lui au lycée et j'aurais donné n'importe quoi pour qu'il me voit autrement que... son amie. Alors, je pense que je me suis emballée parce que dans le fond, je suis toujours cette gamine stupide que j'étais alors. Mon teenage dream qui me tripote, le rêve de toute ado.

Je me mets à pleurer de plus belle et je passe une main dans mes cheveux.

–J'ai perdu mon meilleur ami encore une fois et je me sens si mal Thea.

Je sanglote et elle me prend contre elle pour me consoler.

–Tu sais ce que je crois moi ? c'est pas seulement ton meilleur ami que tu as perdu. Je pense que dans le fond, tu as toujours été amoureuse de Luke et que la distance ne te l'a jamais fait oublier totalement. C'est pour ça que tu as accepté de l'embrasser alors que tu es en couple.

Ses paroles résonnent en moi et trouvent un écho favorable. Oui, mes sentiments pour Luke n'ont jamais réellement disparu, même si j'ai tenté de les faire taire.

–Mais tu sais quoi ? C'est pas grave, ma chérie. Luke est un gros con. Tu vas l'oublier aussi vite et reprendre ta vie tranquillement, okay ?

–Je t'interdis de dire quoi que ce soit à son frère.

–Je ne lui dirai rien, mais à la première occas', je lui éclaterai les couilles parce que c'est ce qu'on fait avec ses copines. On les défend, quoi qu'il en coûte.

Je la prends aussi contre moi et nous finissons la seconde bouteille avant de nous endormir comme des idiotes sur son canapé. En me réveillant le lendemain, j'ai une gueule de bois monstre et un mal de crâne important. Je regarde mon téléphone, il est tard, vraiment tard. Thea dort encore à côté de moi et je me lève pour me passer de l'eau sur le visage et en boire; Je suis totalement déshydratée. J'en profite pour vérifier mes mails. Tony, le maire, m'a répondu qu'il est enthousiaste sur le projet et il me remercie du travail effectué. Il m'informe également qu'une fois le délai légal passé du recours, il sera ravi d'être en première ligne pour l'inauguration du chantier. Ça me fait sourire, mais je sais que je suis sur la bonne voie. Il faut juste que je parle en bien de Suzie à Derek et tout sera bon. On sonne à la porte et elle me demande d'y aller. J'ai à peine ouvert la porte que je vois Luke Marshall ainsi que son frère. Je les laisse entrer, sans lancer un regard de plus à Luke. Je vois que Thea a disparu. J'attrape mes escarpins dans ma main et je pousse la porte de la salle de bain.

–Thea ? Ton mec est là. Ça m'a vraiment fait du bien de te voir.

–Je t'aime moi aussi meuf. Tu repars quand ?

–Le plus vite possible. J'ai besoin de me retrouver seule. Je dois réfléchir à tout ça avant même d'aller voir Pierre.

–Je viendrai te conduire à l'aéroport, préviens moi.

Je referme la porte après l'avoir embrassé sur le joue et j'attrape mon manteau.

–Bonne journée ! lancé-je surtout pour Sam.

–Attends une minute...

Qu'est-ce qu'il me veut ?