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45. Rachel

Toutes les âmes étaient en sécurité.

Celles d'Hector, d'Aurore, de Perran. Celles de Geoffroy, Rudolf, Erin, Walter. Celle de Marcus. Et celle d'Urbain.

Rachel s'était inquiétée, plus tôt, de l'impact de la cérémonie sur d'éventuels survivants, mais Gaïa l'avait rassurée : l'âme des morts avait besoin d'être guidée vers le Flux, mais celle des vivants s'accrochait sans mal au corps, le danger de priver quelqu'un de son esprit en l'enterrant trop vite n'existait pas.

Même quand on est désespéré et qu'on voudrait partir ? s'était demandé la jeune femme.

Elle n'avait pas posé la question. Elle espérait que Marcus était en vie mais qu'il dormait profondément, à l'abri de toutes les émotions horribles qui devaient l'avoir envahi. Florent avait eu raison, Albérich s'était joué de lui. Connaissant l'intendant, il devait être dans un état épouvantable. Pas le genre à serrer les dents et faire face. Plutôt le genre à s'effondrer en un petit tas gémissant.

Elle était dure, il s'était montré fiable, la première fois, quand Albérich avait disparu. Il avait servi de rempart aux autres, le visage du Temple, chaque fois que la garde était venue poser des questions, fouiller dans les secrets du conseiller, sans jamais rien lâcher, sinon des grandes phrases creuses.

Tout va bien, gardez espoir, priez, nous vous tiendrons au courant.

Bien sûr.

Ils n'avaient même pas embarqué le moindre Valgrian, quand ils étaient partis jusqu'à cette Tour. Personne pour sauver l'âme d'Albérich au moment opportun. Bon, avec le recul, vu qu'il n'était pas mort, ça aurait sans doute été inutile. Mais qui sait ? Une voix amie, au bon moment, c'était parfois tout ce qu'il fallait pour vous préserver du gouffre.

Mais refaire le passé, c'était, dans le genre, stupide. Perte de temps. Si Albérich avait rejoint les Obscurs, il fallait gérer, pas se morfondre sur des actes manqués.

En parcourant le Temple, aux côtés d'un Brendan Devlin plus fébrile que jamais (et c'était peu dire), Rachel avait cherché des raisons de croire, encore, qu'il y avait là méprise, qu'Albérich était victime d'une cabale. Mais la tête d'Urbain dans son sac semblait mettre fin à tout espoir déplacé. À moins d'avoir vraiment envie d'être de mauvaise foi.

Genre... Maelwyn avait intercepté et tué Urbain puis enlevé Marcus pour faire croire qu'Albérich était responsable. Ce genre de trucs vraiment très crédible que Rachel n'aurait jamais oser verbaliser, de peur de lire le mépris à peine voilé dans certains regards, celui du futur Flamboyant en tête.

Inutile aussi de commencer à s'inquiéter d'un futur sous la houlette de Florent. Personne ne lui disputerait la place, personne n'en avait les épaules ou l'envie. Sûrement pas elle. Mais pas question qu'elle devienne son intendante, non plus. Céleste pouvait danser sur sa tête. Rachel ne faisait pas la différence entre une lentille et un pois chiche, déjà. C'était bon ou mauvais suivant les talents du chef du jour. Fin de l'histoire.

Pensées futiles pour se détourner l'esprit de l'horreur. Ils n'avaient rien trouvé, nulle part. Juste le morceau de toge souillé et son présent immonde.

Comme personne ne voulait prendre la décision de mettre les derniers fidèles dehors et de clôturer cette Veillée funeste, la pluie s'intensifia. Merci le ciel. Avec l'averse, le vent s'invita dans la nef, bouscula les boules de lumière qui s'égayèrent un peu partout, éteignit les bougies, agita les manteaux. Plus efficace qu'un prêtre embarrassé qui pousse les gens vers la sortie. Inespéré.

Comme quoi, quelqu'un, quelque part, veillait peut-être quand même sur eux.

Les novices furent convoyés vers les dortoirs, les portes furent refermées, les Flambeaux organisant rapidement un tour de garde serré à toutes les issues. Rachel s'immisça dans la conversation, désireuse de ne pas rester sur la touche avec les illuminés. Le sourire que lui adressa Othon la réchauffa tout entière, malgré l'humidité, le froid, le poids des événements.

Tous s'accordaient sur le fait que seule une barrière physique pouvait désormais repousser l'adversaire. Personne ne semblait envisager que Devlin ait pu halluciner sa mauvaise rencontre.

Rachel admira leur calme, leur détermination, la manière dont ils recevaient les directives, les discutaient avec sérieux, sans débordements émotionnels, sans colère, sans failles. C'était la base, bien sûr, pour un Flambeau, ce sang-froid à toute épreuve. Ils avaient frémi le temps de la découverte, puis retrouvé leur flegme face à l'adversité. Ils formeraient le rempart nécessaire, elle avait foi en eux.

Espérer que les prêtres démontreraient la même résilience était futile : ils n'avaient pas été taillés dans le même bois. Certains étaient même d'anciens écuyers qui avaient ravalé l'humiliation d'un adoubement impossible.

Jacob, Enguerrand, Horace, Thalie, Deverell, d'autres encore, chacun encaissait à sa manière, glaciale ou fiévreuse, mais aucun ne rua face aux ordres et tous s'en retournèrent à leurs devoirs, dignes. Seule resta Rachel, indécise auprès d'Othon. Florent papillonnait quelque part. Elle n'avait aucune envie de s'y frotter.

— Pour l'heure, le mieux est que vous preniez du repos, dit le chevalier. Discuter de nos possibilités en termes magiques peut attendre.

— Ça veut dire qu'il puise toujours dans le flux de Valgrian ? demanda-t-elle.

Il haussa les épaules.

— Franchement, Rachel, je n'y connais absolument rien. Mais peu importe, à l'heure actuelle. Je pense que la nuit sera tranquille. Il est venu... nous faire sa déclaration. C'est suffisant pour aujourd'hui.

Un soupir anima sa moustache broussailleuse.

— Je pense que nous devrions voir ça comme un progrès. Jusqu'ici, il agissait dans l'ombre... Il a été forcé dans la lumière. Sa marge de manoeuvre est désormais beaucoup plus limitée. Ses plans ont probablement dû changer. Il sera peut-être plus facile de le pousser à l'erreur.

— Et on va faire comment ? demanda Rachel.

— Je n'en sais rien. Mettre un nom sur l'adversaire me rassure, mine de rien. C'est peut-être purement... mental. Mais je vais m'en contenter.

Elle acquiesça. Il n'avait pas tort.

— Qu'est-ce qu'on fait... de la tête ?

— Je vais m'en occuper.

— Je viens.

Il parut hésitant puis acquiesça.

Ils sortirent sous la pluie, jusqu'à l'endroit où ils avaient abandonné leur paquet misérable, sous un arbre. Malgré le couvert feuillu, l'eau avait ruisselé sur l'étoffe et la forme de ce qu'elle dissimulait apparaissait beaucoup plus clairement. Rachel devinait qu'Othon en avait vu bien d'autres. Même s'il n'avait pas traversé les années Koneg, il avait combattu au cours de l'invasion griphélienne, trente ans plus tôt, quand il avait fallu repousser l'ennemi qui débarquait en masse sur les plages, de Belhime à Frimal. Les récits de cette période faisaient encore frémir les plus aguerris et chacun priait pour que ces temps soient révolus à tout jamais.

Sans se consulter, ils entreprirent de bâtir un petit bûcher, la version miniature de ce qu'ils auraient construit s'ils avaient disposé des dépouilles de leurs alliés. Ces dernières étaient encore en transit entre Poralys et Juvélys, de ce que Florent avait pu glaner lorsqu'il s'était rendu à la caserne pour en discuter. La sauvegarde des âmes avait prévalu sur les informations que l'Hildanne de la garde aurait pu tirer des cadavres. Les aînés pensaient que de toute façon, les Obscurs auraient protégé leurs oeuvres pour éviter de se trahir.

Malgré la pluie, malgré le vent, ils parvinrent à allumer leur empilement improvisé. Othon se chargea ensuite d'y déposer leur fardeau, tandis que Rachel déclamait les paroles rituelles, embrasant un moment son propre corps de lumière, alors que la tête se consumait dans une odeur épouvantable. La prêtresse devina d'autres silhouettes sous les arbres, aux fenêtres, d'autres murmures, promesses, regrets. Même si Urbain vivait en marge du groupe, rarement visible, à peine connu, il représentait les autres, ceux qu'on avait célébrés sans pouvoir véritablement prononcer leur nom.

Rachel se promit de venger Perran, son acolyte de la Forêt Morte, se demanda qui pourrait le remplacer, la prochaine fois qu'ils descendraient vers le sud. Elle se perdit un instant dans des réflexions futiles : avait-il laissé des notes ? Pourrait-elle les rassembler, les comprendre ? Qui pourrait en faire le meilleur usage ? Llewellyn ? Non. Il faudrait trouver quelqu'un au Temple, une graine d'érudit parmi les plus jeunes, peut-être Pernille ou Donatien. Un mélange de curiosité et d'esprit d'aventure. Un peu de témérité mais une cervelle bien faite. Ce rire généreux. Ces conseils vestimentaires. Cette confiance en elle pour protéger sa vie, lorsque les créatures les plus monstrueuses de l'île rôdaient dans l'ombre, prêtes à les dévorer.

Elle n'avait pas été là, quand le pire avait fondu sur lui. De simples hommes. Lui qui avait survécu aux shergims et aux goshkas, aux bakitis et aux gungnis. L'absurdité du destin, des desseins de Mivei.

Une main se posa sur son épaule et elle sursauta.

— Tu devrais aller te coucher, lui dit Othon.

Elle était trempée, le feu crachotait sous les assauts glacials du printemps.

— Pas sûre que je pourrai dormir, grommela-t-elle en s'essuyant le visage d'une manche vive.

De la pluie, pas des larmes. Ou alors c'était à cause de la fumée.

— Essaie quand même.

Elle acquiesça.

— Je suis désolée... pour vos hommes, pour Urbain... lâcha-t-elle avec maladresse.

Othon l'entraîna vers la baie qui donnait sur la nef.

— Nous avons été naïfs, murmura-t-il. Nous avons sous-estimé la menace. Mais les regrets ne servent à rien.

Ils s'immobilisa un moment à l'abri du porche, jeta un regard sur le bûcher que la pluie terminait d'éteindre.

— Allons nous coucher.

Ils se séparèrent dans l'espace glacé du sanctuaire, sous les boules vagabondes qui se regroupaient en essaims, comme si elles percevaient, quelque part, que la sécurité se trouvait dans le nombre. Rachel aurait préféré passer la fin de la nuit en bonne compagnie, à deviser de tout et de rien pour tromper les ténèbres, mais Othon avait raison : le sommeil serait leur allié pour les jours à venir.


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