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14. Kerun

Bien sûr, il les avait perdus. Il avait d'abord profité des anfractuosités des parois du tunnel pour s'y hisser, s'était fié à la lampe de Conrad pour ne pas les perdre même quand ils l'avaient distancé. Mais ensuite, les Obscurs s'étaient servis d'un sortilège de brume et d'un charme de désorientation, et Kerun avait beau avoir entraîné ses capacités de pistage pendant des décennies, et connaître les égouts de Juvélys comme sa poche, il n'avait pas réussi à les suivre. Il aurait sans doute pu essayer de les rejoindre à la nage, mais ses chances d'être repéré auraient été décuplées s'il avait dû s'arrimer à leur barque, et s'immerger dans la fange immonde qui coulait dans les conduits enfouis de la capitale n'était de toute façon pas sans risques. Il avait suivi un conduit, puis un autre, un troisième, et encore, pendant la majeure partie de la nuit, sans parvenir à déterminer lequel était celui qu'avait emprunté la barque.

Furieux, épuisé, dégageant une odeur pestilentielle, il avait été contraint de rentrer au bercail, où tous ceux qui l'avaient croisé s'étaient écartés, les mains sur le visage. Il s'était présenté aux archives pour récupérer un plan du sous-sol, mais Stanislas avait exigé qu'il passe d'abord par la salle d'eau. L'elfe avait prévu de faire vite, mais au final, cette petite séance de décrassage lui avait permis de retrouver son calme et de mettre de l'ordre dans ses idées.

Une fois propre, il avait obtenu le plan tant espéré et s'était installé dans un coin du réfectoire pour travailler. Ce n'était pas l'endroit le plus discret du monde, mais sa chambre était beaucoup trop petite pour y déplier la carte, et rester dans les archives, avec Stanislas en vautour suspicieux, aurait certainement terni sa sérénité retrouvée. Il était encore très tôt et il n'était pas rare que certains agents utilisent les vastes tables de la salle à manger pour y étaler leurs dossiers. Il ne détonnerait pas trop.

Le plan, bien sûr, était incomplet. Max, l'elfain spécialiste des égouts, avait été tué au début de la dictature, quand les efforts meurtriers de Koneg s'étaient d'abord concentrés sur un nettoyage en profondeur des services secrets. Max avait eu le projet de cartographier la totalité des tunnels et des grottes souterraines, qui s'étendaient sur deux niveaux, peut-être trois, sous la ville, mais il n'en avait pas eu le temps. Certains de ses carnets de notes avaient pu être récupérés, mais il en manquait probablement des dizaines. Sans compter tout ce qui était resté dans sa tête quand il arpentait, curieux et concentré, le ventre de Juvélys.

Idéalement, on aurait mis un agent proche de la retraite sur la poursuite de ce travail, épaulé d'un plus jeune pour lui servir d'homme de terrain. Mais on n'en avait pas les ressources, pas pour l'instant, et il faudrait peut-être attendre dix ans avant que quelqu'un ne trouve le temps de reprendre ce travail de titan. Sans compter qu'il fallait avoir un goût pour les sous-sols et une certaine tolérance à leur parfum.

Au fur et à mesure de la nuit, des curieux de passage vinrent se pencher sur son examen. Il les chassa sans difficultés : tout le monde savait qu'il circulait dans les conduits enfouis avec régularité, et il pouvait avoir mille justifications légitimes pour le faire. Il profita cependant de l'expertise de Tamara, qui avait un temps infiltré une confrérie occulte issue de l'Académie du Flux, et avait à cette occasion passé un certain temps dans les égouts.

La magicienne le gratifia de son savoir sans rien demander en contrepartie : on n'interroge pas un collègue sur ses activités, sauf s'il choisit de les partager. Kerun ne lui avoua rien, elle ne posa aucune question, mais elle le renseigna sur des passages dont il ignorait l'existence, vers le niveau inférieur mais aussi vers la surface, avant de le dévisager sans sourciller.

« S'il y avait de la magie dans l'air, ils ont pu se déplacer un peu n'importe où, tu sais ça », finit-elle par lâcher, et ce n'était pas une question.

Son visage de demi-néjo avait revêtu une apparence humaine anodine, un don de mimétisme qui aidait quand on voulait rester incognito.

« Les sortilèges de portail ou de téléportation sont rares.

— Pas autant qu'on le voudrait. Et si on a les fonds, on peut trouver des artefacts qui le permettent. Même ici, à Juvélys, dans des boutiques qui ont pignon sur rue. »

Tamara faisait partie des adeptes du flux inerte qui estimaient que Juvélys jouait avec le feu en tolérant certaines pratiques. De son point de vue, les magiciens auraient dû être mieux encadrés, et elle était responsable de la mise en place du fichier les recensant. Venant d'un non-spécialiste, la mesure aurait pu paraître scandaleuse — et pour bien des Juvéliens, elle l'était — mais Tamara avait étudié à l'Académie du Flux et côtoyé ses pairs. Nora avait validé la mesure, convaincu le conseil, et, depuis, la question de l'usage de la magie était posée à chaque nouvelle personne qui entrait dans Juvélys.

« Et parmi les adeptes du Flux Incarné ? »

Tamara haussa ses fins sourcils et relâcha son visage, qui recouvra certains de ses traits néjos. En la regardant, Kerun songea qu'il ne pensait jamais vraiment au fait que son père avait été une créature dangereuse. Il savait que le néjo n'avait jamais fait partie de sa vie.

« Les Galludans sans soucis, bien sûr. Sans doute certains Diwyllites et des Kintaans... Hum. »

Son expression se fit incertaine, presqu'indifférente, et elle lorgna vers le fond de la salle, sans plus le regarder.

« Je ne serais pas surprise que certains Tymyriens en soient capables. Une combinaison ténèbres puis volatilisation, c'est assez approprié, quand on est porté sur la dissimulation. »

Kerun pinça les lèvres et n'ajouta rien. Chercher dans cette voie était peine perdue. Si les Obscurs avaient usé d'un portail ou d'une téléportation, ils pouvaient être n'importe où.

« C'est une chance qu'on ait implémenté la barrière qui empêche de passer outre la muraille, ajouta Tamara d'un ton tranquille.

— Malheureusement, on la franchit physiquement avec une certaine facilité », compléta Kerun.

Il se permit un soupir et se renversa contre son dossier, croisant les bras derrière sa nuque.

« Merci Tamara. »

La magicienne le gratifia d'un signe de tête et s'en retourna à ses propres activités, sans le moindre commentaire. L'elfe passa une main lasse sur son visage et se frotta les paupières. La raison lui soufflait de se replier dans sa chambrette pour y prendre quelques heures de repos, mais la nervosité l'empêcherait d'en profiter. L'aube pointait probablement au dehors, rallier la maison de Kaunia en devenait l'option la plus raisonnable.

Il replia son plan avec soin, un soupir au coin des lèvres. Il ne voulait pas penser à la possibilité qu'Iris et Martin ne soient pas rentrés. Bien sûr, ils avaient su, tous les trois, que la situation était risquée, mais si les Obscurs avaient décidé de les garder dans l'ombre, ils seraient livrés à eux-mêmes, sans plus le moindre soutien de l'extérieur.

En formulant ces pensées, Kerun réalisa qu'il ne pouvait plus faire l'économie d'un coup de pouce magique. Le plan sous le bras, il quitta le réfectoire en direction des hauteurs. Vu son statut, il ne devait normalement pas mentionner de raison pour sortir un artefact des réserves, mais avec Nora en embuscade, il avait tout intérêt à avoir une justification plausible, au cas où. Compte tenu de la grogne dans la diaspora griphélienne, les prétextes étaient nombreux et elle ne demanderait pas de détails, aussi ne s'inquiéta-t-il pas outre mesure.

Il atteignait le local où était entreposé leur matériel le plus précieux, lorsqu'il eut l'oreille chatouillée par une voix connue. Son pas le porta au-delà de son objectif, jusqu'au couloir transversal, qui menait à la salle de réunion. Il s'immobilisa avant de franchir le coin. Maora parlait avec Sido, puis Glenn s'excusa à mi-voix. Plus distante, la voix de Nora résonna pour leur demander d'entrer et de s'asseoir. Le grincement caractéristique d'une charnière qui a besoin d'être huilée, le claquement doux d'une porte.

L'elfe frissonna.

Les agents seniors venaient d'être rassemblés, sans lui, alors qu'il avait passé la moitié de la nuit au réfectoire, sous les yeux de tous. Alors qu'elle le savait à demeure, Nora l'avait volontairement écarté. Cette prise de conscience le figea sur place et pendant une seconde, la stupeur et la rage se disputèrent l'emprise sur son esprit.

Des pas l'arrachèrent à sa paralysie. Rutger arrivait dans son dos et lui jeta un regard amical.

« Ah, je ne suis pas le seul à être en retard », annonça jovialement son homologue.

Kerun relâcha sa respiration.

« Je ne suis pas convié », dit-il d'un ton égal.

Le spécialiste des affaires griphéliennes ouvrit la bouche de surprise, et les mots lui manquèrent. L'elfe se détourna.

« Bonne réunion. »

Il s'en fut sans attendre que Rutger retrouve la parole. La commisération n'arrangerait pas sa situation et il avait mieux à faire que de s'interroger sur les raisons de sa mise à l'écart. Bien qu'il n'y ait pas grand mystère là-dessous : les services secrets venaient sans doute d'apprendre que les Obscurs étaient toujours dans la nature. Lui, le savait déjà.

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