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67. Anton

La cour, son lilas, son écurie, le soleil courageux. En ce mois du lièvre timide, promesse de beaux jours, enfin, après des sixaines grises et humides, Anton avait du mal à franchir les portes du Temple. Assis contre le mur aux présages, genoux entre les bras, il se satisfaisait de la caresse timide du vent frais.

Il savait qu'il aurait dû s'activer, que toute cette oisiveté, ce silence, n'étaient pas propices à la guérison. Quand il fermait les yeux, il faisait parfois noir et tranquille, mais parfois, les images de ce qui s'était produit s'imposaient dans son esprit. Les images, les sons, les odeurs. Ces souvenirs étaient d'une netteté sans pareille, des détails d'une précision folle lui saturaient les sens, et il se demandait pourquoi il avait mémorisé ce genre de choses, alors qu'il avait toujours peiné à retenir les rituels et les incantations.

Entrer dans sa chambre était impossible et passer devant la porte du dortoir lui donnait le vertige. Il n'avait pas faim. Le sommeil était chaotique. Parler avec les autres était difficile. Sonia, Moïra, Brendan. Il savait qu'ils étaient là, mais les mots lui manquaient. Croiser leur regard... Impensable.

Heureusement, il n'y avait pas de fidèles. Il aurait été incapable de les servir.

Souvent, les larmes gonflaient le coin de ses paupières, et il les essuyait du bout des doigts, gêné de son émotion. Mais personne ne le regardait et personne ne l'aurait jugé, sans doute.

Au Temple de Valgrian, il avait été dorloté par des âmes compatissantes. Il savait que le premier jour, la présence des novices l'avait mis dans un état de panique tel qu'ensuite, on ne lui avait plus envoyé que des prêtres adultes, pour ne pas le brusquer. Dame Céleste, leur aînée, était passée le voir chaque jour. D'autres s'étaient relayés, discrets, soutenants, lui offrant une épaule ou une oreille selon ses besoins, de quoi manger, boire, et les herbes nécessaires pour dormir de tout son saoul.

Pourtant, il avait fallu rentrer. Pour Anton, la chose était indispensable, malgré la terreur résiduelle qui ne partirait jamais. Une fois à l'intérieur, il avait réalisé qu'il avait présumé de ses forces. Cette humidité, les lézardes, les craquements, la senteur piquante du vinaigre, tout parlait de mort.

Il était sorti, s'était réfugié dans la cour, puis dans l'écurie, et il avait enfin pu respirer. Il s'y était ménagé un hamac, suspendu entre deux poutres. Leur cheval et les deux mules étaient restés dans les installations des Flambeaux, sans doute faudrait-il aller les récupérer tôt ou tard, mais ce n'était pas le plus urgent. La nuit avait été agitée, peuplée d'ombres et de cris, mais au moins avait-il réussi à dormir. Un rien.

« Excusez-moi. »

La voix l'avait interpelé à bonne distance, comme pour ne pas le brusquer, et il releva les yeux.

A quelques mètres, un sourire doux sur le visage, se trouvait le jeune homme qui leur faisait à manger. C'était un elfain aux cheveux paille, pas très grand, pas très épais, comme la plupart des hybrides. Il tenait un bol à la main.

« J'ai pensé que peut-être... vous auriez faim ? »

Anton avait les viscères nouées, l'idée d'y forcer quoi que ce soit était insupportable. Mais il savait qu'il devait se faire violence. Cela faisait plus d'une sixaine que le drame avait eu lieu. Cela se voyait sur son corps.

« Merci », souffla-t-il.

Le jeune homme — Sam — s'approcha et s'accroupit pour lui tendre le bol. Un parfum fleuri s'en échappait, reflet de la cuisine elfique adaptée aux palais humains. Il le remercia d'un geste de la tête et l'elfain sourit.

« Si vous en voulez plus, il en reste en cuisine. N'hésitez pas. »

Anton esquissa une petite grimace tandis que le marmiton s'esquivait, puis baissa les yeux sur sa pitance. Du riz sauvage et un ragoût violacé, mélange de tubercules et d'herbes, sans doute avec une pointe de miel. L'arôme le fit saliver malgré lui et il mangea, y prenant goût cuillère après cuillère, presque surpris de se découvrir un appétit.

Et puis un éclat de voix fusa dans l'air frais et le figea.

Il demeura paralysé, le geste suspendu, et seul son regard chercha l'origine de ce tumulte. Facile. Il avait reconnu la voix de Brendan, et il leva les yeux vers sa fenêtre, au premier étage. Elle était entrouverte et les rideaux de lin dansaient dans la brise. Des murmures s'en échappaient, tantôt sourds, tantôt plus sonores, sans qu'Anton puisse en grappiller le moindre sens.

Il était incapable de réfléchir à ce que devait ressentir Brendan, et incapable de réfléchir à ce que lui-même devait ressentir vis à vis de lui. De la déception, de la colère. Mais pas vraiment. Tout cela était émoussé. Anton savait que les Obscurs les avaient pris par surprise et qu'aucun d'entre eux n'aurait pu les empêcher de faire ce qu'ils avaient fait. Mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher de blâmer leur chef, qui aurait dû prévoir, préparer, vaincre. Même si c'était ridicule. Ou pas. Anticiper n'était-il pas la voie du destin ?

Il s'adossa plus intimement au dessin du Mur derrière lui. La plupart de ses pairs n'y voyaient qu'une trace d'humidité mais lui savait qu'il y avait davantage dans ces arabesques noires. Rien n'arrivait au hasard, et ce récit de moisissure leur dictait quelque chose. Simplement, il n'avait pas été capable de décrypter le message caché que leur envoyait Mivei.

Déposant son bol dans la poussière, il se leva brusquement et se dirigea vers la porte. Juste avant de la franchir, il prit une profonde inspiration puis se rua à l'intérieur. Il remonta le couloir à grands pas, sans s'arrêter, sans regarder autour de lui, réprimant le murmure des mouches noires, les hurlements des enfants qu'on assassine, de ses voisins de chambrée, les paroles anodines que s'échangent les agresseurs, leurs mains sur son corps, les lacérations, les coups, les gémissements qui échappent à sa propre poitrine, la certitude qu'il va mourir.

Il gravit les escaliers en courant, la vue en tunnel sur ses pieds, le souffle court, déboucha à l'étage, fila vers la chambre de Brendan et s'immobilisa en découvrant qu'on l'avait précédé.

Le jeune cuisinier sursauta et s'empourpra spectaculairement. Il avait un bol à la main, mais Anton était persuadé qu'il était en train d'écouter à la porte. Pivoine, il frappa aussitôt, comme pour justifier sa présence.

La voix de Brendan mit quelques secondes à lui proposer de rentrer. Anton le suivit, soudain oppressé par le couloir autour de lui, les portes et les ombres.

Le grand prêtre était debout, appuyé près de la fenêtre, bras croisés, et sa mine courroucée s'éclaira d'un brave sourire en les voyant entrer tous les deux.

« Je vous ai apporté à manger, dit Sam en présentant son bol.

— Merci. »

Anton regarda autour d'eux mais, bien sûr, il n'y avait personne. L'elfain, de son côté, semblait peu désireux de sortir.

« Il y avait quelqu'un, ici, avec toi », lâcha alors le jeune prêtre.

Il fut surpris de la dureté de son ton, qui s'était mâtiné d'accusation sans qu'il le veuille. L'expression de Brendan s'altéra légèrement.

« Je ne vois pas...

— Si. Je t'ai entendu depuis la cour... et lui aussi... »

Il se tourna vivement vers Sam, qui écarquilla les yeux de stupeur.

« Il écoutait à la porte.

— Moi, mais je... »

Une main sur la poitrine, le jeune cuisinier avait blêmi.

« Anton... Je ne sais pas », intervint Brendan.

Mais son cadet l'interrompit.

« Je veux savoir ce qui se passe, s'offusqua-t-il. Depuis que nous sommes rentrés, nous n'avons pas célébré un office, il n'y a plus personne, le Temple est de nouveau fermé, et toi, tu cours à droite à gauche et... les choses ne peuvent pas rester comme ça. Ce n'est pas pas possible. Ce n'est pas tenable. Les nuits sont... atroces... et les jours à peine moins. Et... Nous étions une force. Une équipe. Nous étions... quelque chose. Et là... C'est comme si nous étions des fantômes. »

Il frissonna et la nausée le prit. Il avisa la chaise voisine et s'y laissa tomber.

« Je veux savoir.

— Anton, je pense que tu es... encore bouleversé...

— Et toi pas ? »

Le grand prêtre pinça les lèvres.

« Si. Si, bien sûr, mais...

— Dis-moi qui était ici avec toi. Ne me mens pas. Tout est déjà tellement... flou. »

Brendan prit une profonde inspiration tandis que Sam gagnait la porte.

« Reste. »

Le cuisinier hocha la tête et s'assit sur la seconde chaise.

« Je discutais avec un agent des services secrets. Qui s'inquiète de nos intentions. »

Anton chercha quelque chose dans son regard.

« Nous avons des intentions ?

— J'en ai.

— Lesquelles ? »

Brendan échangea un regard avec le jeune Sam et Anton comprit que cet étranger qui leur faisait à manger en savait plus que lui sur les projets de leur chef. Cela l'emplit d'un sentiment désagréable, de jalousie, de surprise, de crainte que tout soit en train de s'écrouler. Pourquoi ? Pourquoi Brendan allait-il chercher de l'aide ailleurs ? Les voyait-il tous comme des épaves inutiles, vaincues ? Etait-ce ce qu'ils étaient ?

« Nous allons tendre un piège aux Obscurs. Avec les Valgrians.

— Quoi ?

— Tu as entendu. »

Anton cacha son visage entre ses paumes et prit une profonde inspiration.

« Je veux en être.

— Anton, je ne sais pas...

— Je veux en être. Je dois en être. C'est nécessaire. Je le veux. »

Il releva les yeux. Brendan l'observait, bras croisés.

« Qu'avez-vous dit à l'agent ? demanda alors Sam.

— Je lui ai dit qu'il se faisait des idées. Mais il me surveille. Il va falloir que tu te charges des prochains contacts, comme nous l'avions prévu. Nous devons être irréprochables, sans quoi ils nous empêcheront d'agir.

— Bien sûr », dit l'elfain avec conviction.

Brendan acquiesça, lèvres pincées, puis retourna à Anton.

« Réfléchis-y à tête reposée. Se confronter à eux... Ce n'est pas une mince affaire, après ce qu'il s'est passé...

— Je n'ai pas peur, clama Anton. Je dois le faire. »

Il était conscient de son corps entier, tremblant sur cette chaise, mais quelque chose brûlait en lui, la haine alimentée par une terreur immense.

« Quand ?

— Après-demain soir, vraisemblablement. Mais Anton, sérieusement... Nous sommes assez nombreux...

— Je le veux ! aboya le jeune homme avec rage. Je le veux ! J'en ai besoin ! »

Puis, sans crier gare, il fondit en larmes, se recroquevillant sur lui-même. Des bras vinrent le serrer, contrôlant les sanglots douloureux qui ébranlaient toute sa carcasse. Il se sentit mal et vide et terriblement seul, malgré cette chaleur ferme autour de lui, cette étreinte rayonnante d'énergie. Puis, petit à petit, il s'apaisa. Ses larmes ruisselèrent, ses lèvres s'entrouvrirent sur un gémissement, mais il puisa quelque chose, dans cette aura qui l'encerclait. Une conviction belliqueuse. Une fureur juste. La certitude dévorante qu'ils étaient capables de se venger des torts qui leur avaient été infligés.

Après-demain soir. Un fanal rougeoyant dans une obscurité sans fin.

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