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48. Henry

«  Maître, il y en a quatre de plus qui viennent d'arriver. »

Relevant les yeux du document qu'il compulsait, Henry poussa un bref soupir et adressa un sourire las à son assistante. Échevelée, les joues rosies, elle paraissait épuisée et il n'était même pas midi. Henry savait qu'il n'avait pas meilleure mine. Trop de travail, trop peu d'heures de sommeil, des soucis par milliers, un enfant dont les dents percent, une épouse qui ronchonne, pas d'exutoire pour se purger, un moment, de tout ce qui tourbillonne.

Et maintenant tous ces Griphéliens furieux, qui s'entassaient dans la petite salle d'attente, débordaient dans le couloir, jusqu'au grand hall du Palais de Justice. Henry savait que, tôt ou tard, les Gardes Blancs y mettraient le holà : ils détestaient le désordre et les cris.

« Je ne vais pas pouvoir traiter ces cas individuellement, murmura-t-il en se carrant dans son fauteuil. Les quatorze d'hier plus les huit de ce matin et... combien sont-ils dehors, maintenant ?

— Vingt-trois. »

Il passa des mains lasses sur son visage, puis dans ses cheveux rares, déjà gris.

« Je vais leur parler. »

Quittant le confort relatif de son fauteuil usé, il contourna son imposant bureau de bois miel, encombré d'une multitude de parchemins. Chacun d'entre eux, couvert d'une écriture serrée, relatait un petit drame, des doléances, des revendications, la colère et l'émotion d'un homme ou d'une femme qui se sentait lésé.

La justice. Un crédo, un idéal, un poids constant sur ses épaules. Il l'avait choisi. Il en était fier. Mais il était crevé.

Il louvoya entre des piles instables d'autres requêtes, sous les yeux inquiets de la jeune femme qui avait — folie — décidé de lier son destin professionnel au sien. Elle était intelligente et travailleuse, mais elle ne mesurait pas l'ampleur de la tâche. Tôt ou tard il la perdrait, au profit d'un collègue plus avisé, qui respectait les horaires, distribuait des jours de congé et des compliments, et n'acceptait pas de défendre tout le monde et n'importe qui au nom de principes irréductibles.

Elle lui ouvrit la porte et il déboucha dans la petite salle attenante, où se pressaient une dizaine de personnes. Des Griphéliens, tous. Défaits, revendicateurs, scandalisés. Il les comprenait, bien sûr : on avait embarqué leurs proches sur un bateau immonde, pour aller les expulser sur des côtes ennemies.

Le Cageot ne mettrait que deux sixaines à rallier Jasarin. Le temps qu'une procédure aboutisse, il serait trop tard. Mais rien n'empêchait de penser qu'on puisse aller récupérer les gens, ensuite, et qu'on compense leur misère. Henry n'en savait rien. Il ne s'était jamais retrouvé face à pareil cas de figure.

Il s'était attendu à être pris à partie par ses futurs clients, mais il n'en fut rien. Ils paraissaient figés par l'incompréhensible et lui-même ne put que leur renvoyer sa parfaite commisération. Peut-être étaient-ils surpris de son apparence : petit, maigre, dégarni, Henry savait qu'il n'était pas le plus impressionnant des hommes.

« Je suis désolé, mais je ne vais pas pouvoir vous recevoir tous, annonça-t-il d'un ton maîtrisé. Vu le nombre que vous êtes, je pense plus utile d'introduire un dossier collectif... Si je dois traiter chaque cas séparément... Les derniers ne seront examinés que dans un an... »

Les expressions se tendirent. Trois femmes aux yeux rougis, une quatrième aux traits durs, deux hommes dans la fleur de l'âge, un vieillard, une adolescente blafarde. Des vêtements modestes, rapiécés, un pourpoint luxueux, une robe de prix, l'uniforme d'un garde privé, la tunique d'un peintre, la toge d'un mage de l'Académie du Flux.

Qu'est-ce qui était passé par la tête du Conseil, au juste ?

« L'idéal serait que vous choisissiez trois ou quatre représentants... pour centraliser la liste des disparus... et qui seraient mes interlocuteurs. »

Henry songea aux seize dossiers qu'il avait déjà en cours. A la fureur de Clémence quand il lui expliquerait qu'il ne pourrait pas les accompagner dans leur maison de campagne. A l'épineux problème de la rétribution de ses services.

Mais ces gens avaient été trahis par les autorités juvéliennes, et c'était insupportable. La Tyrgria avait des lois, des valeurs, elles ne pouvaient être bradées, sans quoi...

Il songea à Damien Koneg, à l'incendie qui avait ravagé le Palais de Justice le tout premier jour du coup d'état, un symbole clé de leur chute.

La justice ne serait jamais secondaire. Jamais.

« Lucy... »

Il jeta un oeil sur son assistante.

« ... va continuer à enregistrer vos noms et vos doléances... mais je ne traiterai qu'avec vos représentants. Je dois pouvoir avancer dans l'argumentaire de contestation... et c'est urgent. »

Ils buvaient ses paroles alors qu'il ne pouvait rien leur promettre. Henry savait que les juristes du conseil étaient des molosses enragés. Mais il connaissait la constitution par coeur, mieux que la plupart de ses pairs. Sa réputation n'était plus à faire, sans quoi ces dizaines de personnes n'auraient pas fait la file, depuis la veille, devant ses locaux.

« Je vous remercie pour votre compréhension...

— Maître de l'Atalante... » souffla une voix vibrante d'angoisse.

Il se tourna vers la femme qui l'avait interpelé. Jeune, les mains serrées sur la toile de sa jupe, elle avait certainement perdu un mari ou un amant.

« Certains disent qu'ils vont les tuer en mer. Jeter les corps par-dessus bord.

— Non. Vous ne devez pas vous inquiéter pour ça. Il s'agit d'un rapatriement...

— Le Cageot est un mouroir, lâcha alors une seconde voix, un homme plus âgé, au ton ourlé de fureur. Koneg s'en servait comme salle de torture ! Je sais de quoi je parle !

— Nous ne sommes plus sous Koneg, leur rappela calmement Henry.

— Le général Maelwyn déteste les Griphéliens, souffla un autre homme. S'il l'avait pu, il nous aurait tous mis sur ce foutu bateau. »

Il avait suffi d'une étincelle pour que le petit groupe parte en explosions.

« Mon Grégoire s'est battu pendant la révolution ! Il a même perdu un oeil ! ajouta une des femmes. Il a donné bien plus à Juvélys que bien des gens d'ici !

— Alvin aussi. Il a été emprisonné pendant des mois !

— Mon frère était sur le front en Jasarin ! S'il rentre à Griphel, il sera jugé pour trahison ! »

Le brouhaha flamba soudain, comme chaque personne y allait de son outrage. Henry demeura de marbre, et échangea un regard avec Lucy. Un peu de catharsis nécessaire, sans doute. Qu'y faire ? Ces gens avaient raison.

Pendant une seconde, ses pensées s'égarèrent et, de manière tout à fait inconvenante, une paire de fesses s'imposa dans son esprit fatigué. Le repos interdit, désormais révolu. Henry n'ignorait pas que Martin avait été griphélien, le jeune homme ne le lui avait jamais caché. Grappiller quelques heures de délassement dans cet établissement sordide avait été un risque constant, immense, pour sa carrière et son couple, mais il en avait eu besoin. Il en avait toujours besoin. Mais Martin s'était volatilisé. Se pouvait-il qu'il soit sur ce bateau, lui aussi ? Quelles étaient les chances de parvenir à le récupérer ?

Il s'arracha à ce délire scandaleux. Ce n'était franchement pas le moment d'avoir des élans lubriques.

« Du calme, finit-il par dire en levant les mains. S'il vous plait. Du calme ! »

Les gens se turent, leurs visages empourprés revenant sur l'avocat.

« Je vous promets de relayer toutes ces informations. Les autorités seront forcées de nous entendre et nous récupérerons vos proches. Mais nous devons employer la voie légale, sans quoi nous jouons leur jeu. C'est la raison pour laquelle vous êtes venus aujourd'hui, et vous avez eu raison de le faire. Donnez vos coordonnées à Lucy, puis faites passer le message. Plus nombreux nous serons, plus nous aurons de chances d'aboutir. Mais dans la dignité. Et rapidement. Si c'est encore possible, je peux recevoir vos représentants en fin d'après-midi. Idéalement, il me faudrait des listes quasi complètes pour demain au plus tard. Je vous remercie pour votre compréhension. »

Sans attendre, il fit volte face et battit en retraite dans son bureau, laissant à la pauvre Lucy le soin de gérer les suites. Mais c'était son travail, après tout, ce rôle de filtre.

Pendant un instant, Henry se sentit désoeuvré devant le foutoir qui régnait autour de lui. Il avait l'esprit en mouvement constant et le désordre de son environnement était le reflet de cette énergie mentale inépuisable. C'était le corps qui ne suivait pas.

Un soupir, une profonde inspiration, et il retraça son parcours accidenté jusqu'à sa table de travail. Il savait que le conseil défendrait sa décision en invoquant un article obscur du livre IV de la constitution, qui traitait des situations de crises. Mais il venait de songer à plusieurs paragraphes du livre VI, sur les limites des pleins pouvoirs... Il fallait qu'il s'y attaque tant que sa cervelle bouillonnait.

Ce qu'il fit.

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