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15. Kerun

Kerun courait à perdre haleine. Au sortir de la salle d'état-major, il avait débouché dans la cour où, comme il le craignait, on rassemblait déjà les Griphéliens. Peut-être déjà trois ou quatre cents d'entre eux. Cette vision d'horreur l'avait embrasé de colère et d'angoisse, il avait détourné les yeux, dévalé les marches qui menaient au sous-sol, débloqué la porte des égouts, puis commencé à courir.

Il en avait l'habitude, il s'entraînait chaque matin, depuis des années, pour faire face à ce type de crise. Il connaissait aussi les conduits souterrains par coeur, les itinéraires obscurs, les sentiers oubliés, chaque aspérité dans un mur faussement lisse, les passages qui affleuraient sous la fange, les nids de rats, d'araignées, les planques des faussaires, des receleurs, des contrebandiers. Rejoindre le quartier général des services de renseignement était une formalité, mais une formalité subtile : il devait se hâter sans laisser de traces, cheminer sans être vu, malgré l'étau qui lui oppressait les tempes.

Il est trop tard, songea-t-il. De toute façon, il est trop tard.

Il emprunta une des onze entrées secrètes du bâtiment, déboucha dans un couloir étroit et en franchit les trois sceaux de protection, puis reprit sa course. Du grand hall à la cage d'escaliers, à travers le corridor des archives, puis un étage encore, le réfectoire, les bureaux des officiers de rang moyen, la salle de réunion puis enfin le quartier des chambres sécurisées. Portes ouvertes. De l'eau au sol. Une vague odeur de sang. Il s'immobilisa, plongea le visage dans sa main et prit une profonde inspiration, puis entra.

A première vue, rien de particulier dans la chambre de la jeune Iris de Vainevie. Ses vêtements encore pliés sur le dossier d'une chaise. Ils l'avaient tirée du lit et emmenée en chemise de nuit, la pauvre. Kerun n'avait même pas eu le temps de la rencontrer.

Chez Martin, la piste humide menait à la petite salle d'eau. Le baquet renversé avait dégorgé son contenu sur le sol. Il y avait un peu de sang sur le mur, à hauteur de visage. Le prostitué avait dû faire l'imbécile, comme de bien entendu. Kerun marcha jusqu'à la tache et l'effaça du pouce, mortifié. C'était de sa faute. S'il n'avait pas débusqué le Griphélien dans son bordel, il aurait échappé à la rafle. Il n'était pas dans les dossiers. Iris non plus. Comme si l'elfe avait pressenti que quelque chose était dans l'air... en vain.

Il regagna le couloir, un peu désoeuvré, réfléchissant à ses chances d'aller les subtiliser à leurs geôliers dans la cour du Fort.

« Les soldats les ont embarqués. »

L'elfe fit volte-face. Debout à quelques mètres, bras croisés, August le dévisageait d'un regard sombre. Sanglé dans un pourpoint trop juste pour sa carrure, le cheveu rasé court, il avait l'air d'un mercenaire mal déguisé. C'était ce qu'il était, à bien des égards. Un rustre qui se targuait de maîtriser les subtilités juvéliennes. Il pavoisait, sous ses dehors glacés.

« Ils étaient sous ma responsabilité, dit l'elfe.

— Le général Maelwyn a ordonné l'arrestation de tous les Griphéliens, reprit August. Les tiens y compris. »

Kerun pinça les lèvres, muselant sa colère. A quoi bon polémiquer avec cet imbécile imbu ? Il ne comprenait rien aux nécessités de leur travail.

« Tu leur as donné nos registres. »

Ce n'était pas une question.

« Oui. Ils sont venus les chercher.

— Nous avions discuté de la confidentialité de ces informations. Du fait qu'elles ne devaient pas sortir d'ici, jamais, sous aucun prétexte. »

Kerun se risqua à le fixer droit dans les yeux. Si un regard avait pu tuer, ils auraient été foudroyés, l'un comme l'autre, dans l'instant.

« Le général Maelwyn est un conseiller élu de Juvélys. Il avait un mandat. Nos données sont au service des autorités.

— Des autorités comme Damien Koneg ? »

Les yeux d'August manquèrent jaillir de leurs orbites.

« Kerun ! » aboya subitement une voix dans le dos d'August.

Nora Felden, leur cheffe à tous, venait d'apparaître en fond de couloir. Les poings sur les hanches, elle fulminait.

« Dans mon bureau ! »

L'elfe jeta un ultime regard noir à August puis le contourna et rejoignit sa supérieure à pas rapides. Elle le précéda dans un couloir transversal, puis s'engouffra dans une vaste pièce, Kerun sur les talons. Nora contourna ensuite la table de chêne pour aller s'asseoir, tandis qu'il refermait la porte. Il se coula sur la chaise en face d'elle, une place qu'il occupait trop souvent à son goût.

« Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as failli clamer en plein couloir ? lui demanda-t-elle, glaciale.

— Que Maelwyn est un abruti ? Quelqu'un en doute ?

— Kerun. C'est un conseiller élu, et ton supérieur direct.

— Ça ne change rien.

— Ça change que tu devrais te soucier de la notion de trahison.

— Je m'en soucie, justement. C'est bien pour ça que nous avons mis des garde-fous en place ! Et un de ces garde-fous consistait à ne pas distribuer nos dossiers au premier venu !

— Gareth n'est pas le premier venu.

— Non, il est pire ! »

Nora croisa les bras sur la poitrine et relâcha un léger soupir. Son visage retrouva sa teinte claire, ses taches de rousseur légères. Kerun savait qu'elle était belle pour une humaine, mais il n'aurait pu en juger. C'était le genre de questions qu'il ne se posait jamais.

« La décision de rassembler les Griphéliens n'a pas été prise par Gareth seul, reprit-elle avec sévérité.

— Non. Et je le déplore. Je pensais que Dame Damaer avait plus de jugeote.

— Il va juste les interroger. Ceux qui n'ont rien à voir avec les Obscurs seront aussitôt relâchés.

— Interroger des gens, sans le concours de la garde ou des services secrets ?

— Ils ont aussi des hommes formés pour ça.

— Des hommes formés sur le champ de bataille en Jasarin ! Parlons une seconde de leurs méthodes, veux-tu ? Dois-je te les décrire ?

— Kerun. Tu es de mauvaise foi. Ils ont aussi recueilli des informations auprès de populations civiles... Ce ne sont pas tous des... inquisiteurs.

— Nora, il y a près de trois mille Griphéliens à Juvélys. Tous ne sont pas des enfants de choeur. Comme tous les Juvéliens de souche n'en sont pas. Les chances que les Obscurs qui ont attaqué les Mivéans, si ce sont bien des Obscurs, soient parmi eux sont pratiquement nulles ! J'avais un réseau parmi ces gens. Des agents infiltrés, des informateurs, nous surveillions les cas suspects depuis des mois... Tout ça est réduit à rien par ce genre d'initiatives stupides ! Plus personne ne nous fera confiance !

— Kerun. Tu dis toi-même qu'il y a près de trois mille Griphéliens à Juvélys. Peux-tu me dire, au juste, combien d'hommes tu avais pour les surveiller ? »

L'elfe grimaça. Quarante-sept.

« Tu sais que je ne peux pas te donner cette information.

— Je sais. Mais je sais aussi que ce n'était pas suffisant. Plus rien n'est suffisant, depuis les purges. Nous avons trois cent mille Juvéliens, et moins de trois cent agents actifs. Le triple si je compte les contacts. Moins de mille personnes sur toute la ville. Il pourrait y avoir des Obscurs parmi les Griphéliens. Tu n'en sais rien. Koneg était un réfugié griphélien. Nous l'avions dans le collimateur et il a quand même réussi à fomenter un coup d'état et à ravager Juvélys pendant presque deux ans. L'initiative de Maelwyn est risquée... mais elle pourrait payer.

— Le coût, pour une poignée d'Obscurs, reste trop élevé, répondit l'elfe en secouant la tête. Les Griphéliens qui sont à Juvélys sont en grande majorité des gens qui ont réussi à fuir un régime de terreur. Qui s'efforcent de s'adapter à un nouvel environnement. Qui avaient l'espoir d'avoir trouvé une terre d'accueil. Que vont-ils penser à être arrêtés par les soudards de Maelwyn, bousculés et sommés de révéler leurs secrets ?

— Nombre d'entre eux sont des clandestins. Ils profitent de notre... surcharge de travail... Ils devaient s'attendre, tôt ou tard, à devoir se justifier.

— Et nombre d'entre eux sont nés ici.

— Kerun. Maelwyn va juste les interroger.

— Nora, est-ce que nous connaissons la même personne ? Tu crois vraiment qu'il va agir avec discernement ? Alors qu'il vient de perdre la guerre contre Griphel ?

— Gareth n'est pas homme à se laisser aveugler par ses émotions. Contrairement à certains. »

L'elfe leva les yeux au ciel.

« C'est bas. Je te signale que je viens de me faire insulter en public. Il m'avait déjà balancé des horreurs hier. J'ai passé la nuit dehors. Et maintenant il vient de voler nos données et d'enlever deux personnes dont j'avais besoin ! On sabote mon travail. Rien n'a changé à cet égard. Et ensuite ça va nous retomber dessus, tu vas voir. »

Coudes sur la table, il nicha son visage entre ses mains.

« Esprin. J'ai du boulot sur Esprin. Qu'il se démerde avec ses Obscurs.

— Non. »

L'elfe écarta les doigts. Nora le regardait de ses yeux bleu ciel, sévère.

« Tu vas continuer à enquêter sur cette affaire, jusqu'à ce qu'elle soit résolue.

— Nora. J'ai été viré de cette affaire. Officiellement viré. Devant une douzaine de témoins.

— Ce n'est généralement pas le genre de choses qui t'arrête. Les trois-quarts de tes initiatives sont personnelles.

— Quoi... Je n'ai jamais eu l'intention de... Simplement, je pensais... ce sont mes prérogatives ! Si tu as un souci avec ma manière de travailler... Pourquoi ne m'en avoir jamais rien dit ?

— Je n'ai aucun souci, Kerun.. Mais quand une crise comme celle-ci frappe... Il faut pouvoir faire profil bas.

— Ça veut dire que tu me demandes d'aller contre la décision de Maelwyn ?

— Je te le demande, oui. Mais je nierai t'en avoir donné l'ordre. »

L'elfe se rencogna dans son siège et rit à mi-voix.

« Je vois. »

Elle lui sourit.

« Je ne peux pas faire autrement. Et je ne veux rien savoir de ce que tu fais. Mais je couvrirai tes absences. Et je veux des résultats. Kerun. Tu sais que c'est important.

— Je sais, oui.

— Autrefois, Gareth nous a gardés à l'écart de l'enlèvement d'Albérich... et nous avons obéi. Je sais... que tu penses que nous aurions pu le sauver.

— Nora. Tu le penses toi-même. »

Elle soupira.

« Nous n'avions pas les ressources... au lendemain de la dictature...

— Albérich était un de nos conseillers. Le plus populaire... le plus important d'entre eux. Tu protèges Gareth. Il avait la possibilité de nous solliciter et il a décidé de ne pas le faire. J'aurais été dans cette tour, le chercher. »

Il secoua la tête.

« C'est trop tard, je sais, ressasser n'aide en rien. Mais ça me tue... ça me tue que même ça, il nous le met sur le dos, alors qu'il savait... que nous étions prêts à le faire. Mais nous n'avons pas pu anticiper, alors nous sommes écartés... exactement comme aujourd'hui... »

Il secoua la tête.

« Il me vire de ce dossier et il va répéter que ce sont nos manquements qui ont mené au massacre des Mivéans. Même si ces soi-disant Obscurs frappent encore... Il dira que c'est de notre faute.

— Tu en doutes ?

— Que nous soyons responsables ?

— Que ce soient des Obscurs. »

L'elfe haussa les épaules.

« Je manque d'informations. Les agresseurs l'ont revendiqué en tout cas. Mais je n'ai pas eu le temps de retourner sur place... J'ai dû organiser cette surveillance des Temples. Mais bon... Maelwyn reprend tout, si j'ai bien compris. Il va envoyer des soldats... »

Il rit doucement.

« Mais tu sais tout ça. Tu étais à leur conseil.

— Non. Mais... oui, j'ai reçu ses informations de Dame Damaer. Trop tard pour t'en avertir. Mais je ne suis pas sûre que je l'aurais fait : tu serais resté ici pour les attendre. Ça aurait été pire.

— J'avais besoin de ces deux Griphéliens.

— Il en viendra d'autres. »

Pendant un instant, il songea à la contredire puis se ravisa. Elle avait dit qu'elle ne voulait rien savoir de ses prochains mouvements... il allait s'y conformer.

« Garde un profil bas. Arrête de te disputer avec August. Fais ton boulot.

— Je ne fais que ça.

— Je sais. »

Il se leva en poussant un léger soupir.

« Kerun, il faudra assumer le reste...

— Ne t'inquiète pas. Je rognerai sur mes séances d'exercice et sur les rapports...

— Je doute que Stanislas apprécie. Tu as plusieurs mois de retard. »

Il se tapota la tempe de l'index.

« Tout est ici. Et c'est plus prudent que ça y soit, vu qu'on entre ici comme dans un moulin.

— Kerun. Nous sommes sous l'autorité de Gareth. Tu le sais. Il avait le droit de puiser à nos sources.

— C'est discutable. »

Elle croisa les bras.

« Nous ne sommes pas dans les mêmes circonstances que lorsque Koneg a pris le pouvoir.

— Ces dossiers sont la base de notre travail, Nora. La base, le sel et la poudre. Entre de mauvaises mains... Bouse. Tu as vécu la dictature comme moi !

— Il ne s'agit pas de nos agents.

— Il s'agit de gens. Dont tous les secrets sont désormais entre des mains hostiles. Je ne veux même plus y songer, j'en suis malade. Stanislas attendra ses rapports. »

Il gagna la porte.

« Je vais me laver, me changer, et puis je serai... en vadrouille.

— Réunion du cadre en fin de journée.

— J'y serai. »

Puis, sur un dernier sourire, il s'esquiva dans le couloir.

Heureusement, August n'était pas resté. Kerun ne doutait pas qu'il viendrait se plaindre de son comportement à la première occasion, mais cela le troublait peu. Il avait du travail et cela prenait le pas sur tout autre considération, surtout les plus futiles. Après une nuit à circuler du Temple de Béal à celui de Valgrian en repassant par celui de Gallud et de Rhyfel, il fallait qu'il se trouve des vêtements propres et qu'il passe à la salle d'eau. Ce serait l'occasion de remettre ses idées en place et de trier ses priorités. Le Temple de Mivei, Brendan Devlin, les Griphéliens. Sécuriser un contact à la garde. Trouver une source chez Maelwyn. Sonder la base. Réunion du cadre. Avaler cette nouvelle humiliation. Se reposer, peut-être. Pas aujourd'hui.

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