Retour à Agrabah
-Et maintenant ? Souffla Aladdin.
-On a besoin de renseignement, souffla Jasmin.
Ils se trouvaient tous les deux au milieu de la petite pièce délabrée qui permettait de descendre jusqu'au fleuve, la pièce où ils s'étaient réfugiés, trois semaines plus tôt, après avoir perdu Joël et Abu.
Revenir à Agrabah leur avait pris près de trois jours, comme la dernière fois. À la différence près que Mercure leur avait préparé un sac de provision si conséquent qu'il avait faillit passer à travers du tapis... et qu'ils avaient, cette fois, largement su s'occuper pendant le trajet.
Les adieux avaient été étonnamment rapides et simples, comme si les Nomades avaient anticipé leur décision et s'y étaient préparé. Aladdin et Jasmin avaient beau savoir qu'ils ne reverraient certainement plus Lila-Fanny et Mercure, ils n'arrivaient pas à être véritablement triste, comme si leur instinct leur soufflait que cet adieu n'en était pas vraiment un.
-On doit vraiment abandonner les provisions ? Soupira Aladdin d'un ton de regret.
-Tu tiens vraiment à te promener dans la rue avec ?
-Mais maintenant que j'ai découverts que j'aimais manger, c'est dur d'y renoncer ! Se plaignit le voleur.
-Je t'en reparlerai quand tu n'arriveras plus à grimper sur les toits à cause de ton ventre, plaisanta le prince.
-Très drôle, rétorqua l'autre en sortant du sac deux lourdes capes noires que Lila-Fanny avait sortie de nulle part au moment de leur départ. Je ferais de l'exercice pour garder ma ligne, ne t'inquiète pas.
-Tant que tu m'impliques dans les exercices en question...
Aladdin sourit et posa sur les épaules de Jasmin une cape qu'il ferma aussitôt. Puis il se saisit de la capuche et la rabattit doucement sur le visage du prince, comme s'il lui était douloureux de voir l'ombre manger ses traits.
Ils savaient tous les deux ce qu'ils étaient en train de faire. Plaisanter pour chasser la peur. S'accrocher l'un à l'autre pour chasser la douloureuse possibilité, l'abominable incertitude de ce qui pourrait arriver lorsqu'ils franchiront cette porte.
-Je t'aime, souffla Aladdin en s'invitant sous la capuche du prince pour l'embrasser. Quoi qu'il arrive, je t'aime.
-Je t'aime aussi, répondit Jasmin en lui rendant son baiser.
Ils se séparèrent à regret.
-Crois-moi, souffla Jasmin, j'ai très envie de te dire de faire l'inverse, mais il faut que tu t'habilles, s'il te plait. On a déjà perdu beaucoup de temps.
Aladdin acquiesça et posa sur ses épaules sa cape noire. Lorsqu'il redressa la capuche, il s'attendit presque à ce qu'un petit dragon proteste en chatouillant son cuir chevelu.
Mais non.
Alors ils sortirent tous les deux dans la nuit d'Agrabah, en imitant le silence des ombres. Le bruit rythmé de pas cadencés les précipitèrent aussitôt sous un porche.
-La milice ? s'étonna Jasmin. Ils évitent de sortir la nuit, d'habitude... C'est bizarre que les mafias n'aient pas réagit.
-Pas si, comme tu le soupçonnais, Jafar les a à la botte.
Jasmin acquiesça, songeur.
-Nous ferions mieux de grimper, dit-il enfin. Nous serons plus à l'abri en haut.
Aladdin acquiesça à son tour (après tout, ça avait été son crédo pendant vingt ans), et grimpa le long de la façade avec la facilité et la vitesse d'un oiseau piquant sur un nuage. Jasmin le rejoignit avec un peu moins de grâce.
-Tentons d'abord d'aller chez toi, murmura-t-il. Jafar a certainement fait surveiller l'endroit, mais on ne sait jam...
-Chut ! Le coupa Aladdin. Tu entends ?
Dans la nuit, derrière la rumeur des passants et le pas des gardes, se faisaient entendre une série de cris et d'explosions répétées.
-Là-bah ! s'exclama Aladdin en désignant un quartier, une dizaine de toits plus loin, d'où parvenaient des flashs de lumières.
-Allons voir ce qui se passe ! Décida aussitôt le prince en bondissant sur le toit d'en face.
Aladdin prit une seconde pour s'autoriser à se sentir fier du saut parfaitement exécuté que son amant venait de faire avant de le suivre, son sérieux retrouvé.
C'était un quartier riche, où les maisons se trouvaient exceptionnellement hautes. En bas, une bonne vingtaine de gardes braquaient leurs lance à feu sur dix ou douze personnages au visage dissimulé par des capuches, dont un gisait inanimé et trois autres semblaient sérieusement blessés.
-Rendez-vous ! Lança un garde. Et vous serez épargnés !
-Il n'en est pas question ! Cria la voix de celui qui semblait être le leader. Jafar ne nous épargnera pas, de toute façon ! Vous devriez le savoir ! Vous n'en avez pas assez, de subir son joug ? De tuer sans considérations coupables et innocents ? Vous ne voyiez pas qu'il est en train de détruire Agrabah ?
Le garde qui avait parlé plus tôt marqua une hésitation. Celui qui se trouvait dans son dos l'écarta d'un geste rageur pour prendre sa place et pointa sa lance sur le rebelle.
Jasmin, épouvanté, voulu se jeter en avant pour faire quelque chose, n'importe quoi... Mais Aladdin avait déjà sauté, sans que le moindre bruit vienne trahir son avancée. Il se rattrapa au rebord d'une fenêtre, y prit appui, et précipita son poids à la rencontre du garde, qui tira dans le vide et s'écrasa sur le sol.
Jasmin perdit une ou deux seconde à admirer la façon dont son amant envoyait les gardes au tapis. Il oubliait, parfois, qu'Aladdin était extraordinairement doué. Puis il secoua la tête et descendit – moins spectaculairement – rejoindre la bataille.
Désorientés par ces renforts imprévus, les gardes battirent prudemment en retraite.
-Vite ! Cria le leader. Il faut fuir, ils vont appeler une autre patrouille !
À ses mots, ses compagnons ramassèrent les blessés et se dirigèrent vers une ruelle qui partait à gauche.
-Je fais diversion ! s'exclama le leader en partant sur la droite. Vous deux, ne restez pas planté là !
Aladdin et Jasmin échangèrent un regard.
Je ne laisserai plus personne faire diversion pour me sauver, lança silencieusement le prince à son amant, qui hocha la tête pour signifier que le message était reçu cinq sur cinq.
-On vient avec toi, trancha Jasmin.
Le son de sa voix sembla surprendre le rebelle, qui n'eut pas plus de temps pour s'expliquer : de nouvelles silhouettes menaçantes venaient de surgir au bout de la ruelle.
-Vous savez grimper ? Lança l'homme en se précipitant vers la droite.
-Oui ! Répondirent en cœur Jasmin et Aladdin.
-Alors faites-le ! Répliqua l'homme en sautant lestement sur la statue qui décorait le seuil d'une maison, puis sur la fenêtre du premier étage, dont il se servit pour atteindre la deuxième fenêtre, la troisième, puis la gouttière, le toit, et...
Et Aladdin l'attendait déjà en haut. Le rebelle refusa la main tendue et se réceptionna avec le plus de classe possible, vaguement vexé d'avoir été devancé. Jasmin les suivit de quelques instants.
Sans se concerter, ils sautèrent sur le toit suivant, pour semer les gardes qui avaient tenté de suivre le même chemin qu'eux.
Un quart d'heure plus tard ils s'arrêtèrent pour reprendre leurs souffle (enfin, en ce qui concernait Jasmin et l'homme mystère, parce qu'Aladdin était aussi frais qu'un dragon sortant de son œuf).
-Qui... Qui êtes-vous ? Demanda le rebelle en se redressant, encore un peu haletant.
Sa voix, rendue rauque d'avoir trop crié, sembla légèrement familière à Jasmin, sans qu'il puisse exactement dire pourquoi.
-Qui es-tu toi ? Répondit le prince d'un ton autoritaire.
-Nous sommes deux, tu es seul, et nous sommes venus à ta rescousse, appuya Aladdin. Je dirais que nous avons la priorité.
-Soit, abdiqua enfin l'homme. De toute façon, il semble assez clair que vous êtes de notre côté.
Il retira sa capuche. Dans la nuit noire, le masque de porcelaine qui dissimulait presque tout son visage lança un reflet argenté, comme celui d'une lame sous une lune d'été.
-Mon nom ne vous apprendra pas grand-chose, reprit l'homme masqué. Je dirige plus ou moins l'organisation rebelle...
-Il y a une organisation rebelle ? s'exclama Jasmin.
-Heu... Oui, en quelque sorte. Nous sommes au moins vingt. Enfin, je dirais quinze, après ce soir...
-Quelle organisation ! railla Aladdin.
-Oh, ça va, hein ! On a pas eu le temps de faire mieux, pour le moment. Jafar est fichtrement intelligent. Il semble devancer le moindre de nos mouvements.
-Vous avez peut-être un traître dans l'équipe, suggéra Aladdin. Peut-être même un traître involontaire. Jafar manipule les gens comme un passe-temps.
-Je sais, répondit l'homme au masque de porcelaine, avec tant d'amertume qu'Aladdin se tins coi.
Jasmin s'avança, le visage toujours couvert de sa capuche.
-Vous pouvez peut-être nous aider. Vous vous souvenez, il y a à peu près trois semaines, lorsque Jafar a lancé sa milice dans la ville...
-Vous voulez dire, le jour où Jafar a pris le pouvoir ? Le jour où le prince a disparu ? Oui, je pense que j'arriverai à m'en souvenir, railla le rebelle.
-Oui... Enfin, bref. Justement. Il y a eut une brève rencontre, entre lui et le prince... Et il y avait un jeune homme roux, à ce moment-là... Jafar... Jafar lui a fait quelque chose...
-Et qu'est-ce que vous lui voulez, au jeune homme roux ? Rétorqua l'autre sur un ton méfiant.
-Vous le connaissez ? Il est vivant ?! Dites-nous où il est, s'il vous plait !
-Pourquoi voulez-vous le retrouver ?
-Parce que... Pour affaires !
L'autre sembla hésiter, et, finalement, baissa la tête.
-Je ne sais pas qui vous êtes, dit-il enfin, amèrement, mais vous devriez chercher quelqu'un d'autre pour vos affaires. Celui dont vous me parlez n'est pas digne de confiance.
-Quoi ?! s'offusqua Jasmin.
-C'est un traitre, avoua l'homme masqué.
-Je ne vous permets pas !! Hurla presque Jasmin en s'avançant dans l'idée de se jeter sur lui pour lui faire ravaler ses insultes. Espèce de...
-Vous ne me permettez pas ! Rétorqua l'homme masqué en démarrant au quart de tour. Mais qu'est-ce que vous en savez, d'abord ?
-Euh, attendez... Tenta faiblement Aladdin, en arrière-plan.
-VOUS qu'est-ce que vous en savez !! s'écria Jasmin en lui sautant dessus. Je le connais certainement mieux que vous !!
-C'est la meilleure ! Répliqua l'homme masqué, visiblement furieux, en le poussant pour le faire tomber en arrière. Qui que tu sois, tu m'insupportes assez pour que je te...
Le petit dragon qui se trouvait dans sa poche sortit son museau en grognant, l'air le plus menaçant possible (ce qui n'était pas franchement terrifiant).
Il y eut une seconde de flottement.
-ABUUUUU ! Hurla Aladdin en se précipitant vers son ami, laissant sa capuche tomber.
Le petit dragon eut un hoquet de stupeur, aussitôt remplacé par une onde de joie pure. Il s'éjecta de la poche de son gardien avec la puissance d'une torpille et se jeta sur Aladdin, assez fort pour le déséquilibrer. L'ancien automate et le dragon roulèrent sur le toit en riant, les mains du voleur amoureusement serrées autour de son minuscule ami.
Jasmin se releva et regarda celui qui lui faisait face. L'homme masqué qui semblait, momentanément stupéfié, comme si son cerveau peinait à tirer les conséquences de ce qu'il voyait. Comme s'il savait ce qui allait arriver, mais qu'il n'osait pas espérer, car la déception serait trop grande, trop cruelle...
Le prince retira sa capuche.
-Joël ? Tenta-t-il d'une voix tremblante, terrifié, lui aussi, à l'idée qu'il puisse se tromper.
-JASMIN ! Hurla Joël en se précipitant sur lui pour le serra dans ses bras. Oh, Jasmin...
Le prince le serra de toutes ses forces.
-Joël, balbutia-t-il sans le lâcher. Tu vas bien... J'ai cru que tu étais mort... J'ai cru que je t'avais perdu... Pour l'amour des fées, ne refais plus jamais une chose pareille !
Entre le rire et les larmes, Joël se détacha de lui.
-À vos ordres, votre Altesse...
Jasmin posa ses mains sur les bras de son ami pour les serrer.
-Bon sang ! Ce que tu m'as manqué !
-Jasmin, murmura Joël, tout bas, je n'ai pas eu le temps de t'expliquer pourquoi... À propos de la lampe... de te demander pardon...
-Je m'en fiche, Joël ! Bien sûr que je te pardonne ! Enfin, seulement si tu me pardonnes, moi, de ne pas avoir pu t'aider à ce moment-là, et de ne pas être revenu plus tôt...
-Il n'y a rien à pardonner, répondit Joël en le serrant une nouvelle fois contre lui. Rien du tout. Je suis même content de te voir toi, face d'automate, plaisanta-t-il gentiment en désignant Aladdin du regard.
-Moi aussi je suis content de te revoir, insupportable meilleur ami de Jasmin. Tu as pris soin d'Abu ?
-En fait, c'est lui qui a pris soin de moi ! Il m'a sauvé la vie ! Au moment où Jafar allait tirer sur moi, il a dévié son bras !
Abu se rengorgea, visiblement fier, et Aladdin déposa un baiser sur le haut de sa tête pour le féliciter.
-Et lae génie ? Demanda Joël.
-Dans la lampe, répondit Aladdin.
-Encore ! Le pauvre...
-Joël... Intervint Jasmin, soudain grave, pourquoi n'enlèves-tu pas ton masque ? Et... qu'est-il arrivé à tes cheveux ?
Joël soupira et porta la main au masque en question.
-Un petit cadeau de notre ami commun, répondit-il avec amertume. On peut dire qu'en plus d'avoir les cheveux roux, j'ai aussi senti le roussit pendant un bon bout de temps...
Il retira son masque. Personne ne commenta le trait d'humour. Jasmin avait les larmes aux yeux et Aladdin se taisait.
Puis le prince serra les dents, et son regard brilla de colère froide. Joël fut étonné de le trouver plus grand, soudain, plus imposant.
-Nous allons arranger ça, déclara-t-il d'une voix qui aurait pu être tranquille si le regard qui l'accompagnait n'était pas tremblant de rage. Nous allons tout arranger. Et lui faire payer.
Joël sourit. Puis il mit un genou à terre et posa la main sur sa poitrine.
-Prince Jasmin, je vous suivrais jusqu'au bout du monde.
-Le trône suffira, répondit le prince en question en l'aidant à se relever.
-Si tu t'attends à ce que je m'agenouille aussi, intervint Aladdin, tu peux toujours courir.
-Non, j'attends une bague.
-Une bague ?!
-Je croyais que tu voulais m'épouser...
-Vous allez vous marier ?! s'exclama Joël, la mâchoire pendante.
-Pas maintenant ! Protesta Jasmin.
-Grudubu ! Intervint Abu pour signifier que ce n'était ni le lieu ni le moment pour de semblables considérations, et que le trône n'allait pas se regagner tout seul.
-Il n'a pas tort, dit enfin Aladdin.
Les deux autres lui lancèrent un regard vide.
-Tu parles dragon, maintenant ?
-J'ai deviné ! Rétorqua l'interressé. Bon, Jasmin, je pense qu'on a trouvé quelqu'un pour nous donner les informations qu'on cherchait. Si on allait se mettre à l'abri ? Je connais justement une maison discrète, complètement déserte, avec un sac remplie de provision dans le salon...
-Qu'est-ce qu'on attend ? Répondit Joël avec entrain en suivant le voleur.
Jasmin leva les yeux au ciel. Tout en souriant à s'en décrocher la mâchoire.
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