Quand fumer tue... avec beaucoup d'originalité.
En fait, une part de moi le savait déjà. C'était la seule explication. J'avais vu des gosses se battre avec des pouvoirs qui n'avaient plus rien à voir avec ceux des demi-dieux, en utilisant des hiéroglyphes pour faire de la magie. Les hiéroglyphes étaient une écriture de l'Egypte antique. Sadie et les autres étaient à la mythologie égyptienne ce que j'étais à la mythologie grecque. C'est pour ca qu'elle m'avait parlé d'Anubis comme du dieu des morts, on parlait pas de la même mythologie !Geb, Anubis, Thot. C'était des dieux égyptiens... ce qui prouvait aussi que j'avais aucune culture générale. Sadie m'a adressé un sourire compréhensif.
-Le secret que je te révèle là, seule une poignée de personne à travers les mondes le connaisse.
-Alors vous êtes... ici vous êtes tous des demi-dieux égyptiens ?Entraînés à survivre à des monstres égyptiens ?
-Non, ce n'est pas tout à fait ca. On n'est pas des enfants des dieux, nous sommes des magiciens qui utilisent leurs pouvoirs, descendants des magiciens de l'Egypte antique. C'est ce que signifie suivre la Voie d'un dieu, choisir un dieu tutélaire et se spécialiser dans la pratique de son élément ou son art. Par exemple, suivre la Voie de Shou, qui est le dieu de l'air, c'est être un magicien spécialisé dans la magie de l'air, et aussi longtemps que tu seras ici c'est ce que tu diras être, ca devrait convenir si tu te retrouvais dans l'obligation d'utiliser ce truc, l'Attraction, devant mes élèves. Mais basiquement, notre pouvoir repose sur les mots magiques. Mon frère disait ca très bien, lui, il disait... « la base même de la magie égyptienne est de donner vie aux signes et aux représentations ». Exemple...
Elle a tendu la main vers une statue d'un homme à tête d'oiseau de la taille d'un vase posée sur une étagère contre un mur.
-Ha-di !
Un hiéroglyphe lumineux y est aussitôt apparu, sûrement celui qui voulait dire Ha-di, et soudain, la statuette a tout simplement explosé en mille morceaux. Walt a levé la tête vers le plafond comme s'il craignait les représailles de je ne sais quel dieu, alors que Sadie poursuivait :
-« Ha-di » signifie détruire en égyptien ancien, c'est mon mot magique préféré. Ca marche avec absolument tous les mots, nos seules limites sont la puissance de notre magie et notre imagination. Nous utilisons aussi des baguettes et des bâtons pour réaliser certains sortilèges complexes. Maintenant, pour ce qui est de nos dieux... nous sommes en contact avec eux, tout comme vous, même s'ils ne s'accouplent pas aux mortels. Pendant très longtemps, le lien entre nous a été rompu, jusqu'à il y a une vingtaine d'année où nous avons recommencés à enseigner aux jeunes la Voie des Dieux dont je t'ai parlé. Ils vivent dans ce que nous appelons la Douât.
-La Doigt ?Genre, comme l'Olympe ?
-Non, justement pas. La Douât... c'est pas un lieu, c'est... rhaa si mon frère était là il expliquerait ca mieux que moi. C'est une autre dimension, quoi. Walt ?
Le mec aux cheveux gris a bu une autre gorgée de thé.
-En somme, la Douât est un monde parallèle. C'est là-bas que se trouve le monde des morts, entre autre. Là aussi d'où viennent nos monstres. La Douât a plusieurs couches, comme un oignon, autant de mondes parallèles superposés au nôtre. Dans une de ces strates se trouve le monde des dieux. C'est aussi dans une autre de ces strates que nous entreposons nos armes, nos épées, nos baguettes. Quand nous en avons besoin il nous suffit de plonger la main dans la Douât pour les en sortir – aux yeux d'un observateur extérieur, on croirait qu'ils apparaissent simplement entre nos mains.
-Les dieux... et donc, vous, vos dieux c'est ?... Horus et tout ?Osiris, Isis, Seth, Apoph...
-OLA OLA OLA on se calme sur les noms!, a hurlé Bastet alors que ses cheveux triplaient de volume. Les noms ont du pouvoir, on vous apprend pas ca ?!
-Heu, si.
-Invoquer le nom du Serpent, comme ca...
-Mais c'est bien ca, a reprit Sadie. Par contre, comme je l'ai dis, ils sont différent des vôtres. Pour se manifester durablement dans notre monde, ils ont besoin de ce qu'on appelle un hôte, un être humain...
-Ca marche aussi avec les chats.
-... un être humain ou un animal qui partage son esprit avec la divinité. Plusieurs pharaons de l'Egypte antique ont été des hôtes. Moi-même, j'en ai été une.
Je l'ai dévisagé, m'attendant à moitié à ce qu'il lui pousse des ailes, qu'elle prenne feu ou un truc dans le genre.
-Vous aviez un dieu dans la tête ?
-Exactement. C'était Isis, déesse de la Magie. Très désagréable, vraiment. Elle n'est pas parvenue à prendre le contrôle de mon corps, elle était simplement dans mon esprit et je pouvais disposer de ses pouvoirs. Certains dieux prennent possession des mortels de force, ils entrent dans leur esprit et utilise leur enveloppe charnelle contre leur gré. Ils préfèrent les magiciens, bien-sûr, des hôtes puissants – on a découvert que ca ne marche pas avec les demi-dieux grecs, par contre, qu'ils soient volontaires ou non. Une autre petite aventure avec Annabeth. Le résultat d'une telle possession est... hé bien, bien pire encore que quand je t'ai donné la Plume de Vérité.
J'ai aussitôt senti une étrange déception me tomber dessus. Vous y aviez pensé aussi, j'en suis sûr. Persée Jackson n'avait donc pas changé parce qu'il avait été possédé par un dieu égyptien. Dommage, ca aurait été la meilleure piste qu'on aurait eue depuis le tout début de ce bordel. Je me suis re-concentré sur ce que je ne comprenais toujours pas.
-Qu'ils soient... volontaires ou non ?
-Ouais, certains dieux collaborent avec un hôte magicien consentant. Par exemple, mon ex ici présent...
-Ca c'est moi, a soupiré Walt d'une façon qui suggérait qu'il levait les yeux au ciel derrière ses lunettes de soleil.
-Mon ex ici présent en est un assez bon exemple. Il est depuis une quinzaine d'années l'hôte d'Anubis, le dieu de la Mort.
Je n'ai pas pu m'empêcher de sursauter. C'était comme se découvrir assis à coté d'Hadès. Pourtant, Walt ne ressemblait pas à un dieu, ni dans son attitude, ni dans sa façon de parler, rien n'émanait de lui. On aurait juste dit un mec normal avec des cheveux gris.
-Du coup, sur ce plan de la Douât, il ressemble à un humain, a expliqué Sadie. Mais dans presque tous les autres...
-... c'est un grand black de deux mètres avec une tête de chien ?, ai-je complété.
-Voilà. Aux yeux de certains. Moi je le vois sous la forme d'un beau brun, mais... bref. Seuls de puissants magiciens peuvent servir d'hôte toute une vie durant, et encore, tôt ou tard il y a certaines... répercussions. Quand il avait ton âge tout était normal, mais maintenant... Waltubis ?
-Arrête de m'appeler Waltubis, a grogné Walt.
Mais il a tout de même enlevé ses lunettes de soleil. J'ai eu un mouvement de recul. Ses yeux étaient entièrement noirs, comme ceux... ben, d'un chacal j'imagine. J'ai vite détourné le regard. Le fixer dans les yeux, c'était comme plonger dans la nuit éternelle.
-Ce n'est pas gênant, a-il dit en remettant ses lunettes. Et généralement les mortels ne se rendent compte de rien, nous bénéficions de la Brume, comme vous.
-Je pige plus. Vous êtes qui ?Le mec, Walt, ou Anubis qui a prit le corps de Walt, ou ?...
-Les deux en même temps. Le jour où Walt a accepté de devenir l'hôte d'Anubis, quand il était encore adolescent, ils ont fusionnés pour ne plus former qu'une seule entité, une seule âme, un seul esprit. J'ai les pouvoirs et les responsabilités d'un dieu, mais je vis ici, comme un mortel. Le jour où le corps de Walt aura fini de vieillir et mourra, Walt et Anubis se sépareront.
-... donc en fait vous êtes une sorte de schizophrène magique ?
-Laissez-moi le tuer, a gémit Bastet.
-C'est un peu pareil pour Bastet, a ajouté Sadie. C'est une déesse, elle aussi, la divinité protectrice des chats. Sauf qu'elle ne partage pas son âme avec son hôte, seulement son corps, elle en a en quelques sortes prit possession.
-C'est une chatte qui s'appelle Muffin, a précisé la déesse comme si c'était important.
Des dizaines de questions explosaient dans mon esprit, trop nombreuses pour les formuler, exactement comme quand j'avais découvert mes origines. Ca ne pouvait pas être si... simple !
-Tu as accepté que les dieux grecs continuent d'exister à l'insu des mortels, Derek, a continué Sadie comme si tout ca était évident. En quoi l'idée que les dieux égyptiens en seraient capables est-elle si invraisemblable ?
-Vous... vous rigolez ?Ca n'a... plus rien n'a de sens !
Il y avait un deuxième monde. La mythologie égyptienne, aussi réelle que la mythologie grecque. C'était dingue. Impossible. Et, dans tout mon être je le sentais, c'était dangereux. Personne n'était sensé savoir ca.
C'était insensé. Les dieux grecs existaient, ca je l'avais bien intégré. Mais les dieux égyptiens ?Comment c'était possible ?Comment c'était... compatible ?Les grecs et les romains c'était totalement autre chose, deux mythologies qui n'en formaient qu'une seule, des dieux différents qui n'étaient en fait qu'une seule entité, rien à voir avec ce que je venais d'apprendre. Et puis, si les dieux égyptiens et les dieux grecs étaient tous réels, qui avait créé le monde, pour commencer ?!Nan parce que là du coup quelqu'un mentait forcément ! Rien de tous ca n'avait le moindre sens. Et pourtant, j'étais bien là, entouré de magiciens et de dieux de l'Egypte antiques.
-... Mais... comment vous le savez ?Je veux dire, si on n'est pas sensés se rencontrer, tout ca, comment vous savez pour moi, pour nous ?Le monde grec, vous le connaissez, vous !
-Les seuls égyptiens qui ont jamais eu vent de l'existence des greco-romains se trouvent dans cette pièce, a fait Walt. Enfin, à une exception près. Tous les autres, que ce soit les dirigeants de la Maison de Vie basés en Egypte, ou bien-sûr les élèves et les professeurs que nous avons ici, ignorent totalement que nous ne sommes pas seuls. Moi-même, et encore après avoir fusionné avec Anubis, je l'ignorais toujours. Nous l'avons su par pur coïncidence, quand Sadie a rencontré une certaine Annabeth Chase, et que Carter a rencontré Percy Jackson.
Ah bien-sûr. Je l'attendais, celui-là. Dés que c'était le bordel, Persée était juste à coté.
-C'est qui encore, Carter ?
-C'est mon frère, a répondu sombrement Sadie. Carter Kane. Il dirigeait le Nome de Memphis avec moi, avant. Lui et moi étions les derniers descendants de deux puissantes lignées de pharaons, des magiciens parmi les plus balèzes de tous. On a découvert nos origines ensemble, quand notre père a été... en quelques sorte enlevé par Seth, le dieu du Chaos. On l'a retrouvé, en quelques sortes encore, et on a sauvé le monde en faisant barrage aux projets de Seth. Puis on l'a encore sauvé. Puis on l'a sauvé à nouveau. Enfin, tu vois le genre. Finalement, après qu'on ait vaincu notre dernier ennemi, le temps a passé. Carter a rompu avec Zia – une longue histoire ces deux là –et a eu des enfants, Julius et Amos. Quand on y pense c'est tristement ironique, ces deux là se retrouvent à rechercher leur père disparu exactement comme lui et moi avons recherché le nôtre.
Aïe aïe aïe. J'avais abandonné à la mort les propres neveux de Sadie Kane, la femme qui n'aimait rien tant que faire exploser des trucs. Mais ca expliquait certaines choses sur le comportement des gosses. C'étaient ce que j'avais cru comprendre, que les jumeaux cherchaient le Livre parce qu'ils pensaient pouvoir s'en servir pour retrouver leur père, ou au moins retrouver sa piste. Sadie as continué sans s'apercevoir de mon trouble :
-...et moi j'ai des études de psycho ce qui a rabattu le caquet à mon frère et ses grands airs, j'ai rompu avec Walt, j'ai rencontré plein d'autres mecs, je suis avec personne en ce moment parce-que c'est difficile de rencontrer quelqu'un quand t'habite dans le Passé mais...
-Arrête de faire ca tout le temps !, a grogné Walt. C'est bon, j'ai compris, t'as refais ta vie !
-Désolé, mais j'ai rarement eu une meilleure raison de rompre avec un mec que « tu as fusionné avec le dieu des morts en sachant pertinemment que j'étais amoureuse de lui aussi et tu m'as mis devant le fait accompli sans même m'en parler au préalable » !
-Walt allait mourir, si ont ne fusionnaient pas !C'est pour toi qu'on l'a fait !
-Comme c'est pratique !
-Tu ne savais pas lequel choisir, tu ne pouvais pas te réjouir un peu d'avoir eu les deux ?
-D'avoir PERDU les deux tu veux dire !Vous l'avez envisagé sous cette angle, ca, juste une seconde ?
-DONC, suis-je intervenu. Carter ouais. Il s'est passé quoi ?
-Désolé. On était encore des gamins, à peu près ton âge, on en avait à peine fini avec toutes ces histoires de sauver le monde. Carter a rencontré Percy quand ils se sont retrouvés par pur coïncidence à traquer le même monstre. Ils l'ont vaincus, ensemble, et Carter a fournit à Percy un moyen de le contacter en cas d'urgence. Quand ca s'est produit, chacun n'a pas exactement compris à quoi il avait à faire. D'un commun accord, ils ont décidés de ne pas se poser de questions. Ils avaient sentis que c'était dangereux. Moi j'ai rencontré Annabeth, encore par hasard, une histoire de sceptre. On s'est quittés de la même manière, en jugeant qu'il valait mieux en rester là. Dans un premier temps. Annabeth était une fille qui avait une incroyable soif de savoir, et moi j'étais juste ultra curieuse de faire un truc que je sentais jusque dans mes gènes être totalement interdit. On s'est revus, sans le dire à personne. Je lui ai parlé de notre monde, en échange elle m'a tout dit sur le sien. Carter avait un nom pour décrire ca, la rencontre de l'Egypte et de la Grèce, il disait que c'était dangereux, contre-nature, que c'était aussi risqué et irresponsable que de mélanger de l'eau à du potassium.
-Une explosion..., ai-je murmuré en me remémorant une expérience en cours de chimie.
-Ouais, voilà. Et à chaque instant elle comme moi on le sentait dans nos tripes, mais rien ne se passait, le ciel ne nous ait jamais tombé sur la tête. Alors on est restés amies durant de longues années.
-Tu oublies la partie où tu as été infichue de tenir ta langue, a maugréé Walt.
-Oui bon, j'en ai parlé à quelques personnes. J'étais jeune. Un monde grec, c'était dingue !Je l'ai dis à mon frère, d'abord. Il a tout de suite compris qu'il avait eu affaire à un demi-dieu, lui aussi. C'était quand même mon frère. Puis je l'ai dis à Walt, puisque j'étais avec lui, à l'époque. C'était quand même mon mec. Puis je l'ai dis à Bastet. C'était quand même ma meilleure amie, quoi.
-Les filles, je vous jure...
-De toutes façons je le savais déjà, a fait Bastet dans un haussement d'épaule. J'ai servi Rê, le dieu Soleil, pendant de longues années. Il en savait encore bien plus long.
-Et puis il y a quelques années, Annabeth est venue me voir.
Mon cœur a loupé un battement.
-Trois ans ?
-Oui, trois ans. Vous l'avez su, bien-sûr, quand Annabeth a disparue. Mais vous n'êtes pas les dernières personnes à l'avoir vu. C'était nous. Elle est venue nous voir, ici au Nome de Memphis. Dés qu'elle est arrivée j'ai su que quelque-chose clochait. Elle a réussi à entrer dans notre Temps, sans tapis volant, juste en se servant de ce qu'elle avait apprit dans le Livre. Elle était partie de chez elle sans prévenir personne. Elle cherchait quelque-chose. Ou plutôt... elle cherchait quelqu'un. Et elle avait en quelques sortes besoin de nous pour le trouver. Besoin de la magie de Maât.
-Qui ?Qu'est-ce qu'elle voulait ?Pourquoi elle est partie sans rien dire ?
Sadie a détourné les yeux, mal à l'aise, tout comme Walt. Même Bastet semblait prise d'une passion soudaine pour les bourres du canapé. Finalement, c'est Walt qui a répondu.
-Ecoute, quand le monde a commencé à perdre la tête, nous avons fait des recherches, surtout par la divination. Nous savons que c'est Percy qui est la cause de tout ca, nous savons pour le Mont Olympe. Nous savons pour les Parques, et même pour la prophétie qui, apparemment, te concerne.
-Et alors ?Qu'est-ce que ca a à voir avec ca ?
-Tout ce que tu as besoin de savoir c'est qu'elle a voulu mettre un terme à cette histoire avant même qu'elle ne commence. Et si tu es là à tenter d'empêcher ce qui se prépare, si tu te bats contre Percy Jackson... Hé bien, c'est qu'elle a échoué. Elle a été l'instrument du Destin en fin de compte. Ca n'a plus d'importance.
-Plus d'importance ?Tout le monde cherche cette fille depuis des années !Aux dernières nouvelles elle avait disparue un beau matin sans laisser de traces, vous vous me dites que vous êtes les dernières personnes à l'avoir vue en vie après sa disparition et que vous savez où elle est allée, et...
-... et ca n'a plus d'importance, d'accord ?, a coupé Sadie. On n'y peut plus rien. Quand à ce qui est arrivé à Percy... on ne peut faire que des suppositions.
-Elle est en vie, pas vrai ?, ai-je compris. Vous ne savez pas exactement où la trouver, mais elle est vivante.
Personne n'a rien répondu. Une profonde tension flottait dans l'air, comme si le moindre mot était une allumette prête à faire exploser une pièce remplie de gaz. J'ai inspiré profondément. Ce n'était pas la peine d'insister, clairement elle ne dirait rien. Du moins, à ce sujet. Je devais savoir quelles étaient exactement les limites de son secret, aller jusqu'au bord, et peut-être que je pourrais découvrir le reste par moi-même.
-Et le Livre ?Comment il se retrouve à la Bibliothèque d'Athéna, si Annabeth l'avait quand elle est venue vous voir ?
-Ca non plus, on n'en est pas certain. Seul Carter le sait. Moi... tu vois, quand Annabeth est venue nous voir avec le Livre, Carter a compris ce que c'était. Il a compris son pouvoir, et qu'il nous fallait le détruire.
-Pourquoi ?Parce qu'il contenait trop de secrets ?
-Bien des secrets, ouais. Des prophéties, aussi. Mais si ce bouquin ne doit en aucuns cas être révélé à la face du monde, c'est à cause d'un seul de ces secrets, le pire de tous. Une vérité qui ne doit à aucuns prix être dévoilée. Même Carter ne la connaissait pas, il avait juste senti le danger. Annabeth est ce genre de personne si assoiffée de connaissance qu'elle en devient incapable d'en comprendre le danger, pour elle seule la vérité comptait et l'ignorance ne pouvait pas être une bonne chose. Alors, puisqu'elle avait besoin de notre aide, Carter a posé une condition. Nous allions aider Annabeth, mais à la seule condition qu'elle nous laisse le Livre. Si tu avais vu sa tête quand il lui a dit ca... ils en sont presque venus à se battre. Mais Annabeth avait tant besoin de nous que le désir d'atteindre son objectif s'est fait plus puissant que celui de conserver le Livre. Alors elle nous l'a cédé. Par la suite, après le départ d'Annabeth, Carter a essayé de le détruire – en fait on a tous essayé. A vrai dire, je crois qu'Annabeth s'est résolue à nous l'abandonner parce qu'elle savait qu'on ne pourrait pas le mettre en miette. Carter m'a laissée le lire un moment, pour comprendre comment le réduire en miette, mais très vite, je n'ai plus été capable de penser à rien d'autre. Je ne voulais que lire, encore et encore, j'en aurais oublié de me nourrir. C'est comme ca que j'en ai appris bien trop sur ce grimoire, et sur cette fameuse vérité. Carter m'a empêché de continuer avant que je ne sombre dans la folie. Avant que mon regard ne soit le même que celui d'Annabeth. On a déchaîné sur ce vieux machin les forces les plus puissantes de notre civilisation, on a mit des dieux sur le coup, on y a foutu le feu, on l'a plongé dans l'acide, on a laissé notre crocodile pisser dessus...
-Votre quoi ?
-Peut-importe. Toujours est-il qu'on a découvert que rien ne pourrait nous en débarrasser. Alors Carter a prit une décision. Si on ne pouvait pas le détruire, il fallait le cacher, l'emmener quelque-part où personne, aucuns égyptiens, ne saurait le retrouver. Cette partie du Livre contenait bien trop de secrets grecs.
-Cette partie ?
Encore une fois, silence.
-Personne ici ne t'en diras davantage, d'accord ?Mais... ce que vous appelez simplement le Livre n'est qu'une partie de l'ouvrage total. C'est bien plus qu'un vieux grimoire qui contient les secrets de votre civilisation, la vraie question est pourquoi en contient-il les secrets ?Au début des temps a été créé un seul bouquin, le Livre de l'Alliance, qui contenait tout, les connaissances et la magie de chacun... chacun d'entre nous. Les mythologies. La vérité sur la Création au-delà de notre multiplicité.
-Je comprends rien.
-Ce qui compte, c'est qu'ensuite le Livre a été divisé en plusieurs volumes, il y a très, très longtemps. C'était nécessaire. La partie qui renferme les secrets de l'Egypte se nomme le Livre de Rê. Il y a plusieurs années, nous l'avons cherché et en avons rassemblés les morceaux, sans entrer dans les détails on en a eu besoin pour sauver le monde. Notre volume est tout aussi dangereux que le vôtre. Il y a très très longtemps, à la toute fin de nos aventures, il a été volé.
Génial. Maintenant il y avait plusieurs Livre, et tout le monde s'amusait à les voler. Non vraiment, génial.
-Ca n'a pas d'importance pour l'instant, a coupé Sadie. Donc, Carter est parti, dans ce but, pour trouver quelqu'un qui saurait le dissimuler sans pour autant céder à la tentation de l'utiliser comme l'a fait Annabeth. Il fallait que ce soit un grec ou un romain. Il a tout de suite décrété que ce ne pourrait pas être Percy, qui s'en servirait aussitôt pour essayer de retrouver Annabeth et n'avait pas la force de résister à un tel pouvoir. Mon frère n'est jamais revenu. L'OMEGA avait commencé à nous traquer, en ce temps-là, ils avaient compris que quelque-chose clochait avec ce manoir.
Les ongles de Bastet se sont brutalement allongés pour devenir des griffes.
-On le retrouvera. Personne ne touche à mes chatons, ca non.
-Bastet..., a soupiré Sadie en levant les yeux au ciel malgré son sourire.
-Quoi ?Vous serez toujours mes chatons, même quand vous serez très très vieux !
Soudain, j'ai repéré l'incohérence.
-L'OMEGA avait commencé à vous traquer ?Attendez... Percy n'est devenu cinglé que plus d'un an après la disparition d'Annabeth. Quand Carter est parti avec le Livre, l'Organisation était encore pacifique, non ?
-Pour l'essentiel. Mais Percy avait créé une organisation mondiale, tu vois. Il ne pouvait plus tout contrôler. Une partie de ses Agents, ceux qui aujourd'hui sont le noyau de l'organisation, qui ne vouaient que haine aux dieux et leurs enfants, avaient commencés à capturer des demi-dieux. On appelait ce groupe la Division Fantôme. Percy le savait, et il les recherchait activement, mais il a traqué les traîtres pendant des années sans jamais les trouver. Après tout, difficile de débusquer les traîtres d'une Organisation quand on se sert des ressources de cette même Organisation pour tenter de les trouver. D'après ce que nous savons, quand enfin il les a trouvés, il avait déjà sombré dans les ténèbres et les a tous montés en grade. Ce sont eux qui dirigent l'OMEGA aux cotés de Percy aujourd'hui, qui ont permit d'en faire ce qu'elle est aujourd'hui. Pour en revenir à Carter, qu'il ait été capturé par l'OMEGA ou non, il a certainement eu le temps de déposer le Livre à la Bibliothèque. Il l'aurait rendu aux grecs et dissimulé, exactement ce qu'il voulait.
Sadie a souri avec tristesse et mélancolie.
-Planquer un livre super important dans la plus grande bibliothèque du monde... ouais, c'est vraiment son genre.
Soudain, je me suis souvenu. Le registre d'Iris, à la Bibliothèque. Les initiales de la personne qui avait déposé étaient C.K. Carter Kane. C'était évident. Quand au fait qu'un égyptien ait pu trouver la Sixième Section, ca se tenait, après tout ils voyaient apparemment à travers la Brume autant que nous. Mais quelque-chose ne collait pas. Dans ce cas, qu'est-ce que Jason venait faire là-dedans ?C'est lui qui nous avait mit sur la piste du Livre et d'Arsène Lupin avec toutes les terribles conséquences que ca avait eu, lui qui avait hurlé « Cherchez Arsène Lupin, cherchez le Livre ». Ce qui était sûr, c'était qu'avec Annabeth et Percy hors course, Jason était sûrement le greco romain le plus raisonnable à qui on pouvait confier un truc comme le Livre. Sauf que si Jason avait vu passer le bouquin d'une façon ou d'une autre, il semblait certain que c'était Lupin qui l'avait en sa possession, et non Carter.
-Ouais, ai-je simplement répondu. C'est long à expliquer mais, c'était lui. J'en suis sûr.
-Ca n'explique pas pourquoi il a disparu. Mais il était porteur du Livre grec, il a pu se passer n'importe-quoi.
-Il y en a encore beaucoup ?Des Livres ?
-Tu en sais déjà trop, a rétorqué Walt.
J'avais le vertige. Le monde grec était réel, celui des romains s'était avéré l'être aussi, maintenant la mythologie égyptienne, et si... et si tout était vrai ?Je veux dire, Tout ?Chacune des choses qu'on racontent dans les livres ?Comment ca pourrait être possible, cohérent ?Combien d'entités encore se baladaient tranquilles dans le monde des mortels ?Et si aucunes légendes n'étaient fausses ?Je croyais avoir accepté que plus rien n'était impossible en découvrant que j'étais un fils d'Hermès, mais en vérité c'était ici et maintenant. Le monde était devenu beaucoup trop grand quand j'avais appris pour les grecs mais cette fois-ci c'était au-delà de ce que je pouvais accepter, il ne s'agissait plus d'ouvrir son esprit, c'était le laisser... exploser. Y avait très largement de quoi devenir fou.
-Il vaut mieux ne pas trop y penser, d'après mon expérience, a aussitôt ajouté Sadie en avisant mon regard fiévreux. C'est quelque-chose que nous ne sommes génétiquement pas sensés savoir, se poser trop de questions... pour ce que j'en sais ca pourrait peut-être bien te faire brûler aussi bien qu'une overdose d'ambroisie.
-Tu dois comprendre que le Livre – les Livres – sont une autre histoire, a insisté Walt. Ce qui compte en ce moment, c'est que vos Parques ne vont plus tarder à expirer. Oublie le Livre, oublie même Annabeth Jackson. Tu dois aller à Olympie et tuer Percy Jackson. Tu as peut-être remarqué une certaine agitation, ici. Tout les élèves ont comprit qu'il se passait quelque-chose, quelque-chose de divin. Ils veulent agir, et l'initiative de Julius et les autres prouve que nous ne pourrons plus réprimer leur soif d'aventure très longtemps.
-Ils sont à la recherche du Livre parce qu'ils cherchent la piste de votre Carter Kane, c'est ca ?Parce qu'il a disparu en allant livrer le bouquin.
-C'est cela.
-Ils sont largués, a soupiré Sadie. Ils ne comprennent pas pourquoi on ne fait rien, pourquoi on ne lance pas de quêtes pour sauver le monde ou quoi. Ca a empiré ces derniers jours avec le problème de la disparition de la Magie. Il y en a de moins en moins ici, à Memphis, et il semble que le fait qu'on se trouve dans le Passé n'y change rien, comme si le sortilège qui nous reliait au présent nous liait aussi à ca. Le sort s'affaiblit, peu à peu le manoir quitte le passé, on en voit les premiers signes. Les télés ont recommencés à diffuser les émissions du Présent, par exemple. Et ce n'est qu'un début.
Je me suis remémoré ce que nous avait dit Tristan à Washington, l'Harmonie tenue par les Parques rompue par la mort de l'une d'elles et la terrible conséquence qui en résultait : la Magie normalement présente partout s'éparpillait et se morcelait. Trop présente à certains endroits elle cessait presque d'exister à d'autres. Et puis ce qu'avait dit ce mec quand je me faufilais dans le manoir, les hiéroglyphes qui s'étaient éteints en crépitant entre ses doigts : «Si ca continue comme ca, même la Magie des profs tiendra plus le coup à Memphis. Et si jamais on retourne dans le présent... y aura plus nul-part où se cacher. »
Sadie a ouvert une main où ont surgi des hiéroglyphes brillants de milles feux, puissants, mais malgré tout pas assez si j'en jugeais par son expression préoccupée.
- Si jamais la Magie achève de quitter la ville pour se rendre ailleurs, alors même moi je n'aurais pu de pouvoirs dans le coin. On ne sait même pas si les dieux pourront encore y exister. Imagine un peu, le Nome tout entier qui revient brutalement dans le présent tandis qu'au même moment on perd toute notre Magie, jamais on n'échapperait à l'OMEGA, aucuns de nous. Mais cette fois-ci c'est un problème grec, les grecs l'ont causés et c'est à eux – à vous – de le résoudre, c'est dans l'ordre des choses. Depuis que j'ai compris ce qui est en train de se passer, je tempère leurs ardeurs, mais ils ont besoin d'action. Ils sont totalement inconscients du fait que quelqu'un d'autre que nous peut et doit sauver le monde cette fois-ci. C'est pourquoi j'essaye de les concentrer sur la quête du Livre, vitale elle aussi. On les laisse croire que si on retrouve Carter, on comprendra ce qui cloche avec le monde en ce moment. Mais si vraiment c'est l'OMEGA qui a Carter, alors c'est perdu d'avance. Il faut que tu mette fin à tous ca, ou nos deux mondes vont s'entrechoquer.
Je me suis levé.
-Vous allez me laisser partir, alors ?
-Non, a feulé Bastet.
-Oui, a rétorqué Walt avec un sourire amusé. Si tu jures sur le Styx de ne jamais révéler notre existence à quiconque.
Là, c'est moi qui a sourit.
-Je suis le dernier des Trois de la prophétie. Si je n'atteins pas Olympie, on est tous morts. Que je jure ou non, vous êtes forcé de me laisser y aller, et je ne jure jamais sur le Styx. Mais je ne dirais rien. Pour sortir de là il suffit de quitter le domaine, c'est ca ?
Et là-dessus, j'ai fais volte-face. Je savais qu'ils ne pouvaient pas me retenir, même si quelque-part j'aurais volontiers laissé les égyptiens régler ca à ma place.
-Tu es le dernier ?, a fait la voix de Sadie derrière-moi.
Je me suis arrêté.
-Ouais. C'est ce que j'ai dis tout à l'heure, l'un d'entre nous est...
J'ai essayé de dire mort, à nouveau. Je n'y suis pas arrivé. Peter était mort. A cet instant, je me suis rendu compte que depuis l'instant où ca s'était produit, je ne l'avais toujours pas accepté. C'était ridicule. Il avait servi mes intérêts et puis voilà, je me fichais bien de ce qui pouvait lui arriver. Je m'en fichais. Mais il ne pouvait pas être mort. Je ne pouvais pas... il ne pouvait pas être mort. Je ne voulais pas y penser.
-L'un des deux autre a survécu mais l'OMEGA l'a emmené. Vous l'avez dit, personne ne sait où ils sont.
-Et qu'est-ce que tu vas faire ?
-Je vais à Olympie, je vous dis.
-Non, je voulais dire après.
-... de quoi ?
-Tout ce que tu fais depuis la découverte de tes origines, tu le fais pour que ta vie revienne à la normal, pour survivre aux projets de Persée et pouvoir poursuivre ta route, pas vrai ? Mais avant, Derek, tu ne voulais qu'une chose. Tu voulais retrouver ta véritable famille. Tu n'étais pas heureux. Alors je te le demande, lorsque tout cela sera terminé, lorsque tu seras seul et vivant, comment prévoit-tu d'être heureux? Retournera-tu à la Colonie, où ton nom sera pour toujours celui du traître malgré tous les mensonges que tu pourrais leur raconter ?Chez les mortels, passant encore d'une famille d'accueil à une autre ?Personne ne peut être heureux comme ca. A quoi bon sauver le monde ?
-C'est comme ca que je suis. J'ai besoin de personne.
-C'est un mensonge.
Je me suis retourné à demi avant de lâcher un méprisant :
-Si j'avais menti, vous ne l'auriez jamais su.
-Tu as entendu parler de ce truc, le défaut mortel ?Tous les héros grecs en ont un. Les égyptiens aussi, peut-être.
-Je suis pas un héros grec.
-Annabeth m'avait dit que le sien était l'ubris.
-Vous m'écoutez là ?Je suis PAS un héros grec !
-Celui de Percy, c'était l'amour, il aurait sacrifié le monde pour sauver un ami. Ce n'est pas ton cas évidemment. Non, le tient est très différent. Ton défaut mortel n'est pas l'égoïsme, Derek, ni même la perfidie ou la cruauté...
-Non mais je rêve, je sais déjà plus comment vous vous appelez et vous allez me révéler mon défaut mortel ?!, ai-je raillé. On se connait pas.
-...c'est la lâcheté.
Mon sourire goguenard est mort sur mes lèvres.
-Tu as peur de mourir, peur d'être blessé, peur d'être dévoré, peur peut-être même de perdre tes maigres pouvoirs parce qu'ils sont tous ce que tu as pour te défendre et comme tout le reste trop incroyables pour être vrais, et tu ferais absolument n'importe-quoi pour que tout ca n'arrive pas. Je crois que depuis le tout début de cette histoire, tu n'as pas cessé de flipper une seule seconde.
Elle commençait à m'énerver.
-Ce serait normal, si j'avais peur !Y a une poignée de jours on m'a balancé que le monde était sillonné de terribles monstres cent fois plus puissants que moi qui ne vivaient que pour me dévorer moi et les rares gens dans mon genre, que presque aucuns d'entre nous n'atteignaient l'âge adulte et qu'au milieu de tout ca j'étais le gosse du dieu le plus insignifiant des Douze !Que la seule chose que je pouvais faire pour avoir une petite chance de survivre à toutes ces horreurs anthropophages de trois mètres de hauts c'était apprendre à utiliser une épée, même pas un flingue !Et plus flippant que tout, même si on les tuent ils reviennent quand même, au moment où on s'y attend le moins. Je comprends pas comment ils font tous pour rire, plaisanter, vivre, dire des trucs comme « si vous ne mourrez pas avant, bien-sûr ! » comme si c'était normal et anodin. Alors qu'on peut être tués à n'importe-quel moment et que n'importe-qui n'importe-où peut être un monstre. Si j'avais peur ce serait pas de la lâcheté, ce serait norma...
-C'est pas ce que je voulais dire. Bien-sûr que tu as peur de tous ces trucs, comme nous tous, que tu fuis parfois face à eux pour survivre, comme nous tous. Mais je crois que plus que tout tu as peur d'aimer, Derek.
J'ai aussitôt serré les poings. Cette pauvre conne planquée dans le Passé m'avait rencontré y a trois minutes, elle m'avait fait balancer deux trois trucs en tenant une plume de vérité et elle croyait me connaître parce qu'à coté de tout ca elle avait aussi fait des études de psycho ? Pathétique.
-Je m'en vais, maintenant.
-Tu as peur de faire confiance à qui que ce soit, peur d'éprouver la moindre affection, parce que quand on aime on peut prendre le risque de mourir, d'être blessé, d'être dévoré, de perdre ses pouvoirs, pour protéger ceux à qui on tient. C'est pas pour ca que tu es aussi perfide bien-sûr, ca c'est dans ta nature. Mais tu t'efforces de faire croire que tu n'éprouves rien pour personne parce-que tu es méchant, alors que c'est parce-que t'as pas les couilles. Tu préfères éloigner tout le monde, tu préfère être malheureux que prendre le risque. Cette méchanceté est bien réelle, mais je crois que tu sais aussi bien que moi que tu t'en sers comme d'une armure. Tu es terrifié à l'idée de laisser quelqu'un compter à tes yeux parce-que tu as terriblement peur de souffrir, comme un chien auparavant battu qui deviendrait agressif envers n'importe-quel humain qui s'approcherait de lui. Est-ce qu'un jour tu aurais été incapable de protéger quelqu'un qui comptait à tes yeux, des fois ?
Soudain, quelque-chose en moi a explosé. J'ai fais volte-face en grognant si fort que Bastet a bondit de son fauteuil en crachant.
-Qu'est-ce que vous en savez ?!Qu'est-ce que vous en avez à foutre ?!Personne n'a jamais eu besoin de moi et j'ai jamais eu besoin de personne !Vous êtes pathétiques, tous !Vous vous croyez puissant, parce-que vous avez la Magie ?!Chacun des mômes qui vit ici, chacun d'entre vous, vos amis, votre famille, autant de faiblesses qui finiront toujours par vous éclater à la gueule !Chaque personne à qui vous accordez votre confiance a le pouvoir de l'utiliser contre vous, chaque personne pour qui vous éprouvez quoi que ce soit s'en est une de plus dont n'importe-qui pourra se servir tôt ou tard, et d'une façon ou d'une autre, quoi qu'il arrive ils se serviront de vous, ils vous feront faire des conneries par AMOUR ou ils vont crever parce-que dans ce monde mythomerdique de dingue des gens meurent tout le temps !Vous faîtes des trucs pour les gens que vous aimez que vous savez que vous allez regretter juste pour qu'ils soient heureux, vous sacrifiez des trucs dont vous savez que vous avez besoin juste pour qu'ils soient heureux, vous leur donner l'occasion de vous trahir à n'importe-quel moment, de vous manipuler n'importe-comment, vous vous faîtes du mal à vous-même juste pour entendre un putain de merci sans jamais savoir s'il est sincère !Dés l'instant où vous êtes assez con pour ressentir quoi que ce soit pour qui que ce soit, vous finirez tous forcément par souffrir d'une façon ou d'une autre !Peter s'est laissé bouffé par sa haine de son père parce qu'il l'avait aimé, il a cherché le Livre parce qu'il voulait retrouver sa mère, et à cause de ca, juste à cause de ca, il est mort !Nico Di Angelo a cédé à la tentation, il a essayé d'aimer un gosse comme son propre fils et ca l'a rendu aussi crédule qu'une fillette, assez con pour être trahi par son propre apprenti !Percy Jackson a tellement aimé Annabeth qu'il a jamais pu supporter de la perdre, il a eu si mal que ca l'a rendu fou et c'est pour ca que le monde entier en est là aujourd'hui, parce qu'un pauvre con a aimé plus que tous les autres ! J'ai jamais compté pour personne !POUR PERSONNE !Et c'est pour ca que je suis encore en vie, parce-que j'ai jamais été blessé par des putains d'émotions !Je suis plus puissant que vous tous avec vos dieux, vos incantations, juste parce-que j'ai compris qu'être un traître c'est la seule façon de ne plus jamais avoir mal, d'arrêter d'être vulnérable !Et ce serait de la connerie, genre moi là j'ai peur parce-que je vous regarde vous tortiller dans le balais grotesque que vous appelez l'amour et que je préfère en tirer les ficelles ?!C'est VOUS les pisseuses terrorisées planquées en 2016, VOUS qui avez peur et qui êtes trop lâche pour pouvoir vivre sans vous laisser asservir par des sentiments qui vous rassurent en vous laissant croire que vous êtes pas tout seuls, aimer c'est souffrir, ET JE NE LAISSERAIS PERSONNE ME FAIRE SOUFFRIR !
Sadie n'a pas réagi. Elle n'a pas eu l'air choquée, ni triste. Aucune pitié ne brillait dans ses yeux. En réponse, elle m'a simplement posé une question, comme par curiosité, un truc tout simple :
-Alors pourquoi tu pleures ?
J'ai sursauté. Une larme coulait sur ma joue, une seule. Ca ne voulait rien dire. Ca n'avait aucuns rapports.
-Tu peux prétendre qu'ils ne comptaient pas pour toi, mon grand. Je veux dire, tu t'es quand même enfui en les plantant là, je doute pas une seconde que tu sois mauvais, tout comme je doute pas une seconde que tu n'es pas venu ici de ton plein gré pour nous prévenir que Julius et les autres étaient en danger. Mais je suis presque sûr que toi, tu comptais pour eux – pas pour Julius, pour tes amis je veux dire. Et tu le sais très bien. Je crois que tu détestes les avoir abandonnés, je crois même que tu t'en veux autant que tu te déteste de t'en vouloir.
-On s'en fout, ai-je rétorqué en haletant de fureur, on s'en contrefout !C'est fini !
-Chaque personne que tu aimes est une autre faiblesse, c'est peut-être vrai. Mais si tu n'aimes personne, à quoi bon être fort ?Pourquoi te battre ?Pour défendre ta vie, une vie où il n'y aurait que solitude ?Si le sacrifice de ma vie pouvait sauver celle d'un seul de ces gamins, je la donnerais sans hésiter, ouais. Mais je préfère cent fois ca à une vie entière sans personne à aimer. Je vais te balancer un immense cliché, un truc qui fait même un peu manga, mais c'est vrai : personne n'est plus faible que quelqu'un qui n'a rien à protéger. Et si tu vas à Olympie tout seul, tu n'auras rien à protéger.
-Je ne sais pas où elle est ! J'ai aucuns moyens de le savoir !Pourquoi vous arrêtez pas de parler, pourquoi vous voulez pas arrêter de dire des conneries ?!
Et là-dessus, j'ai fais la chose la plus conne que j'avais faite depuis un bout de temps. Je me suis jeté sur Sadie Kane.
Très calme, elle a saisi la cigarette entre ses lèvres et l'a jetée sur moi en murmurant un mot magique. La clope marquée d'un minuscule hiéroglyphe m'a heurté en plein vol, elle a explosé à mon contact dans un tourbillon de flammes blanches glaciales et j'ai été projeté en arrière, comme repoussé par un champ de force qui m'a envoyé valser contre le mur si fort que j'ai brisé l'étagère contre laquelle j'avais été envoyé. Il y a eu un moment de silence, comme s'il ne s'était rien passé, à peine dérangé par le crépitement des flammes dans l'âtre. Je suis resté avachi contre le mur parmi les débris de bois et les vieux bouquins, haletant, le regard presque dans la vague, rivé au sol. J'avais mal. J'étais toujours furieux, mais je n'avais plus envie de me battre. J'étais fatigué de me battre. J'aurais tué n'importe-qui plutôt que de l'admettre, mais à cet instant je n'étais plus qu'un gamin qui voulait rentrer chez lui et n'avait nul-part où rentrer.
-C'est elle ou moi, ai-je murmuré d'une voix à peine audible. Même si je pouvais trouver l'endroit où elle se trouve, c'est clair que je pourrais jamais aller l'y chercher et atteindre Olympie à temps. C'est elle ou moi. C'est toujours comme ca.
Sadie a longuement soufflé avant de placer les deux mains derrière sa nuque.
-C'est pas mon truc, moi, de dire des machins profonds et plein de bon sens, tout ca... ca c'est le boulot de mon frère. Mais je sais un truc quand même. Le seul que j'ai réellement retenu de cette vie de ouf. Vivre et survivre, c'est pas pareil. Quand je suis partie sauver le monde la toute première fois, avec mon frère, on ne se battait pas pour le monde, le monde dans le fond personne n'en a rien à foutre. Les gens se battent pour protéger leur monde. On voulait juste récupérer notre papa, enlevé par un dieu. Sauver le monde, c'est bien pour tous les autres et tout ca, mais en ce qui te concerne toi, si pour sauver le monde de la destruction tu dois perdre tous ceux que tu aimes, tu n'as rien à y gagner. Ton monde à toi sera perdu quand même. Alors si t'es vraiment si égoïste, hé ben, je crois que ca ne sert à rien d'aller à Olympie, de toutes façons. Pas sans tes copains.
-Ce ne sont, ce n'étaient pas mes, vous êtes en train de me dire quoi, là ?Que je devrais aller chercher Hélèna, où qu'elle soit, quitte à y perdre mes cinq jours, vous êtes une abrutie ?!
-Je ne dis rien du tout. Je présente juste les faits. Derek Anderson n'agit que dans son propre intérêt, pas vrai ?Si tu décides de les retrouver, tu perdras un temps précieux pour sauver notre monde de sa disparition, tu mettras l'existence entière en danger. Si tu leur tourne le dos, alors tu seras à Olympie à temps, sûrement. Et seul. A condition que tu sois assez fort pour atteindre Percy sans aucunes aides, bien-sûr.
Cette femme était cinglée. Si j'arrivais pas à temps à Olympie, si je pouvais pas empêcher Persée de finir le Rituel et de mettre la main sur le pouvoir de contrôler tout ce qui est, elle mourrait comme tous les autres, et pourtant elle essayait limite de me convaincre que ma quête ne servait à rien dans ces conditions. Et ca m'énervait. J'ai balancé les livres qui me recouvraient avec rage, puis je me suis relevé difficilement.
-Qu'est-ce que c'est sensé vouloir dire ?Que c'est justement parce-que j'en ai rien à foutre de personne que je devrais aller la sauver ?C'est complètement débile, vous êtes totalement débile, vous êtes juste en train de vous la péter, ca a zéro sens ce que vous rabachez, MERDE !
-Hé ben, c'est à toi de voir. Si tu veux nous accompagner, je ne t'en empêcherais pas.
-Vous... vous accompagner ?
Sadie a hoché la tête gravement. Walt a posé sa tasse de thé. Bastet a ronronné avec un sourire félin.
-Jusqu'à maintenant, l'unique moyen d'entrer à l'OMEGA, c'était en temps que prisonnier. Pour la première fois, nous avons l'occasion d'y pénétrer les mains libres, sans avoir besoin de savoir où leur QG se cache. Les agents qui ont prit ton amie ont forcément embarqué le Livre aussi, la malédiction qui l'imprègne les aura forcés aussi bien que quiconque à le vouloir pour eux. Nous, nous en avons une page. C'est un lien. Et le Livre est un objet magique. Avec l'aide de Walt, je peux créer un portail qui mènera directement de cet endroit jusqu'à celui où l'Organisation se cache. Ce sera peut être si loin d'Olympie que tu n'y parviendras jamais à temps même si tu sors de là, ou ce sera peut-être à Olympie. En ce qui nous concerne, beaucoup des nôtres ont déjà été capturés, et je suis prête à parier que mon frère est parmi eux. Si Félix arrive trop tard, alors Julius, Amos et Sarah sont parmi eux. C'est peut-être notre unique chance, avant que le Livre ne soit déplacé. Je vais ouvrir un portail, sur le champ. Nous allons infiltrer l'OMEGA, et s'il le faut, nous nous battrons. Une seule question subsiste : viendras-tu avec nous, Derek ?
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