Le pire cauchemard d'Héléna Harper
Ce qui était quand même dingue, c'était que je cumulais les anormalités, et que j'avais toujours pas réussi à en obtenir des superpouvoirs intéressants. Je veux dire, j'avais découvert que j'étais un demi-dieu né du seul Olympien à ne donner plus ou moins aucunes capacités, puis que même pour un sang-mêlé j'étais beaucoup trop bizarre sans que ca n'ajoute rien d'intéressant à mes aptitudes pour autant, et maintenant, alors même que j'étais en train de devenir un loup, vous croyez que j'aurais obtenu un odorat surdéveloppé ?Une ouïe plus fine ?Des crocs, au moins, ou une super-force ?Ben non. Non non, tous ce que j'avais c'était une envie constante de me gratter la tête avec la patte arr... heu le pied. Et encore, j'y arrivais pas.
Après avoir quitté la grange, il a fallut marcher jusqu'à Washington. Comme l'avait dit Peter, c'était pas aussi loin qu'on pourrait le croire, encore une chance. Rappelez-vous quand même que j'avais piqué une tête dans l'East River et que j'avais rien mangé depuis la Colonie : j'étais affamé et transi jusqu'aux os, faut pas rêver. Quand j'avais envisagé de voler de l'argent à des passants, je m'étais rendu compte que mes poches étaient déjà pleine d'un fric que j'avais certainement attracté sans m'en rendre compte. C'était à la fois ce que j'adorais et ce que je détestais avec mon seul et unique vrai pouvoir : il me fournissait ce que je voulais avant que je décide de le voler. Du coup, on avait carrément pu se payer le resto. Pour les fringues, j'avais trouvé aucunes solutions – comprenez-moi bien, oui, j'aurais pu voler toutes ses fringues à un passant sans qu'il s'en aperçoive, je suis sûr que j'aurais pu, mais on avait croisés aucuns gamins de mon âge. Et je pouvais décemment pas prendre celles d'un adulte, même si Hélèna jurait qu'elle saurait en faire un truc « à ma taille et hyper tendance » à la simple aide de son couteau et sa fourchette. Mais au moins, ont mangeaient à notre faim, à la terrasse bondée de monde d'un des meilleurs restaurants de la capitale.
-Tu sais Derek, a dit Hélèna en dévorant avidement sa salade, j'étais pas super emballée à l'idée de partir en voyage avec toi, mais il faut admettre que quand t'es pas en train d'envisager de tuer ou de laisser mourir quelqu'un, y a des supers avantages. Rendez-vous compte, on doit être les tous premiers héros à manger au restaurant au beau milieu d'une quête !
-Restons concentrés, s'il vous plait, a rétorqué Peter. Derek, où tu as dis qu'on se rendaient, déjà ?
-Bien tenté mon grand, me suis-je esclaffé en plantant ma fourchette dans mon steak. J'ai rien dis, et je dirais rien.
-C'est ridicule...
-S'il m'arrive quoi que ce soit, je veux que vous ayez besoin de moi. Pas question que vous continuiez cette quête en me laissant derrière.
-Comme si ont pouvaient te faire un coup pareil !, s'est insurgé Hélèna.
-Ah bon ?C'est ce que je ferais, moi. Mais bref, vous verrez quand on y sera.
-Je me demande encore si on peut vraiment se le permettre. Enfin, c'est important, bien-sûr, mais est-ce que c'est vraiment nécessaire ?C'est pas comme si on allait arriver en retard au pressing, il nous reste plus que douze jours avant de tous disparaître. Et vous pensez vraiment qu'on peut oser en perdre ne serait-ce qu'un seul pour un vieux bouquin ?
-Ce vieux bouquin est responsable de la disparition de ma mère, Hélèna, a répliqué Peter un peu trop sèchement. Il est responsable de ce qui est arrivé à Persée, responsable de tous ce qui s'est passé par la suite. Tout est parti de lui, ce qui veut dire qu'il peut peut-être aussi nous dire comme tout réparer. C'est la première piste qu'on a pour retrouv... pour comprendre ce qui est arrivé à ma mère depuis des années.
-Désolé... je dis juste qu'on aurait pu repasser. Plus tard.
Hélèna m'a jeté un regard inquiet. J'ai haussé les épaules. Elle comme moi, on savait qu'Annabeth Jackson était morte. Mais pas Peter. Il ne l'aurait jamais admit, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'espérer que sa chère maman était en vie, quelque-part, à attendre qu'on la retrouve. Oh bien-sûr, moi la retrouver morte ou vive je m'en foutais, mes motivations étaient totalement différentes : Persée Jackson pouvait nous tuer d'un simple claquement de doigt, il pouvait sans aucuns doutes faire exploser notre sang sans même avoir besoin de nous approcher. Fallait être réaliste, on ne le battrait jamais, et on le savait tous depuis le début : c'était le sang-mêlé le plus fort du monde, et on n'était pas des héros de la trempe des membres du Conseil. Il nous avait déjà battus une fois, si on se retrouvait à nouveau face à lui sans que rien n'ai changé, alors ont se feraient juste dégommer à nouveau. On avait besoin d'aide. Hors, ce bouquin était sensé contenir des secrets millénaires. Je pouvais pas m'empêcher de penser que peut-être il pourrait m'aider à acquérir plus de puissance, ou au moins me révéler les faiblesses de Persée. Après tout, si c'était après avoir découvert ce qui était réellement arrivé à sa femme qu'il était devenu ce qu'il était devenu, peut-être aussi qu'il avait lu le Livre, que sa force lui venait en partie de ce qu'il avait pu y apprendre. Bref, il me fallait ce bouquin.
Je me suis levé.
-Bon, on a perdu assez d...
Soudain, la tension est montée dans l'air, agrémentée d'une désagréable odeur d'œuf pourri. Le sourire d'Hélèna a disparu, Peter s'est vivement écarté de la table. Et comme la première fois, je suis le seul qui a rien pigé avant que brutalement, juste à coté de moi ne surgisse dans un discret flash Tristan Grace assit nonchalamment les pieds sur la table. J'ai poussé un hurlement de terreur avant de m'effondrer par terre sous le regard interloqué de tous ceux qui nous entouraient.
-Les vieux m'envoient, a balancé le fils de Jason pour toute introduction.
-Bordel, mais t'es complètement malade !, ai-je rugit mon portable déjà en main. D'où tu sors, bon sang ?!
-Hé, c'est bon là ?,a grogné le fils de Jason, aussitôt sur la défensive. Si vous pouvez pas affronter ce genre de surprises, vous vivrez pas deux jours de plus. Dégonflés...
-Ont s'attendaient à un autre téléporteur, figure-toi, un type qui ferait qu'une bouchée de toi !Qu'est-ce... qu'est-ce que tu fous à Washington ?!Et à ma table, en plus !
-Et comment tu as fais ca ?, a demandé Peter. D'ordinaire, tu ne peux apparaître qu'en produisant une onde de choc qui repousse tout ce qui t'entoure dans une explosion de tonnerre, là les mortels ne t'ont même pas vu arriver !
-J'aime apparaître dans une explosion, a maugréé Tristan. Je fais ce que je veux.
-Comment tu as pu nous retrouver ?!, est intervenu Hélèna sidérée. On n'a pas arrêtés de bouger !
Tristan lui a jeté un regard mauvais.
-Tu plaisantes ?Au début j'ai eu du mal, et puis quelqu'un a mit le feu au Madison Square Garden ! Les infos parlent que de ca !
Ah tient. Le feu. C'est marrant, quand Orphée avait déchaîné les flammes, j'avais pas songé un seul instant que personne n'était resté derrière pour les éteindre. Je voyais mal Tirésias courir d'un bout à l'autre du bâtiment en train de brûler, en robe de chambre, un extincteur dans les bras.
-Je suis allé là-bas, a continué Tristan avec mépris, et j'ai plus eu qu'à suivre la trace du chaos ! Vous avez laissés dans votre sillage des trucs pétés de partout, y a un hôtel saccagé en ville, des mortels par dizaines qui décrivent une comète noire qui dégommait tout sur son passage. Après, j'ai eu un peu de mal quand vos traces se sont arrêtées dans le fleuve, j'ai cru que vous vous étiez noyés. Et puis là, j'ai vu un champignon de brume nucléaire s'élever dans le ciel, j'ai retrouvé la zone, et j'ai plus eu qu'à suivre un chemin tracé dans un champ de maïs. Non mais vous vous rendez compte ou pas ? Un chemin dans du maïs !Vous êtes ultra-débiles, vous savez ca ?Jamais on n'a vu des demi-dieux aussi bordéliques !
-On le fait pas exprès, a gémit Hélèna, mais on a eu un tas de problème, ont a été piégés et puis...
-... vous comprenez pas. Un SINGE pourrait suivre ce bordel que vous semez derrière-vous, un singe ! Tenez, j'ai même trouvé ce truc là dans une rue pas loin de Central Park.
Il a attrapé quelque-chose à sa ceinture et l'a balancé sur la table. L'épée courte de Peter. Arsène Lupin avait dû s'en débarrasser un peu après avoir prit possession de son corps. Le petit blond l'a récupérée, sans un mot. Et puis Tristan a continué son numéro :
-Vous avez une idée de combien de monstres pourraient suivre votre odeur rien qu'avec ca ?Celle de Poséidon, en plus, le festin que personne a pu se faire depuis des décennies !Le seul moment où je vous aient perdus c'est après votre départ de la grange. Ah, avant ca j'ai trouvé Mr Zhang, aussi. Un vieux con m'a expliqué qu'il était en train de cicatriser et qu'il le laisserait repartir quand il pourrait voler à nouveau sans se déchirer les ailes, y a un cratère dans Central Park !Foutre la merde comme ca, c'est un truc que mes parents et les autres vieux pouvaient faire, mais maintenant y a l'OMEGA. Continuez à faire les intéressants, et les Agents vont vous choper.
J'ai ricané :
-Ouais, clairement toi tu risque rien, tu te téléporterais dans leur dos, et bam, pas vrai ?Comme au collège...
-J'affrontes mes ennemis en face, petit crétin.
-Quels ennemis ?T'es en sécurité, bien planqué à la Colonie, fastoche de donner des leçons de survie !
-Et tu crois qu'on a quel ambiance, à la Colonie ?!, a-il soudain rugit.
C'est seulement là que j'ai réalisé à quel point il avait l'air mal en point. Il avait des bleus partout, des cicatrices encore récentes. Même son regard était différent, un peu moins désinvolte. Comme s'il venait non pas de se battre une fois mais qu'il le faisait tous les jours.
-Ma tante et les autres vieux m'envoient vous dire que chez nous ca baigne, ils veulent pas que vous soyez distraits par ce qui se passe à la Colo, que vous vous concentriez sur la quête et tous, mais la vérité vous la voulez ?Ca craint. Ca craint un max. On a réussis à vaincre les Kères, mais sans arrêt, il faut recommencer.
-Comment ca, recommencer ?La barrière... la barrière n'est toujours pas revenue ?
Le regard multicolore du fils de Jason s'est assombri.
-Nan. Les défenses de la Colo' sont tombées, personne comprend pourquoi. La toison fonctionne, mais elle sert plus de barrière, c'est pas un truc sensé pouvoir se produire. En théorie, dans la situation actuelle, la protection peut revenir à n'importe-quel moment, ou jamais. En attendant, on est totalement exposés à tout et n'importe-quoi, des monstres par dizaines, y a des attaques chaque jours. Y a toujours des Kères dans le lot, mais désormais, on a un peu de tout, parfois des trucs qui auraient pas dû pouvoir se reformer avant des dizaines d'années de plus. Le Conseil commence à envisager d'envoyer les plus petits demi-dieux chez d'anciens pensionnaires pour le reste de l'été, pour qu'ils soient sous bonne garde et tout. Et les enfants des Trois Grands, aussi. La situation est encore bien plus dangereuse qu'elle aurait pu l'être avant parce-que maintenant faut aussi compter avec leur odeur, celle des gamins de Zeus et puis celle de Liam, sans compter les membres du Conseil les plus puissants comme Thalia : leur présence attire les monstres autant qu'elle est nécessaire pour nous en protéger. Mais on se bat, la Colonie tombera pas. Pas tout de suite. Tous les membres du Conseil ont été rappelés, depuis ma mère jusqu'à...
Il a frissonné.
-...Hazel Levesque. Même moi je dois admettre que la magie de cette nana est... la Colonie peut tenir encore quelques jours, quoi.
-Et Jason ?, a précipitamment demandé Hélèna. Jason va bien, pas vrai ?Sinon, tu n'aurais pas l'air aussi... toi-même, hein ?
-Il vie. Mais il est devenu faible, genre faible vraiment craignos. Il dort presque tout le temps, ses cheveux ont virés blancs pour de bon... (il a haussé les épaules) Thalia pense qu'il a trop joué avec les règles qui régissent la condition de demi-dieu, quand il a emmagasiné la puissance de la foudre pendant des années. Les descendants de Zeus ont toujours comme une étincelle qui vibre quelque-part en eux, vous voyez, même moi je la sens. Mais mon père, après qu'il ait relâché toute sa force, il lui en est plus resté assez pour assurer sa survie, un truc comme ca, et il peut plus générer tout seul la quantité d'énergie qu'il devrait avoir naturellement en lui. En tout cas, ca fait que maintenant, si Thalia lui met pas un coup de jus plusieurs fois par jours, en théorie il meurt.
Il avait exposé ca comme s'il parlait du calvaire d'un hamster malade, et pas de son père à l'agonie. Est-ce que le lien que les gosses avaient avec leurs parents était si insignifiant, au bout du compte ?J'avais toujours été persuadé que c'était une des formes d'amour les plus dangereuses au monde, une de celles qui rendait le plus faible, mais Tristan n'avait pas l'air d'aller plus mal que la première fois que je l'avais vu.
-C'est pas ca, a soudain fait la voix de Peter dans mon esprit, sûrement en message privé. Il ne l'admettra jamais, mais il a du respect pour son père, et pour sa force. Si Tristan est aussi vantard, c'est aussi en parti parce qu'il est fier d'être son fils. Il n'est pas inquiet parce qu'il est persuadé que Jason est assez fort pour s'en remettre.
« Sors de ma tête, sale fouineur... », ai-je pensé. Puis j'ai repris la parole à voix haute :
-Ouais bref. Y a un truc que je comprends pas. Pourquoi ils nous envoient un boulet au lieu d'un message-iris ?
Tristan m'a, heu, foudroyé du regard.
-Je vous l'ai dis. La magie est en train de déserter la Colonie, TOUTE la magie. La barrière ne revient pas, on n'arrive plus à envoyer de messages-iris depuis là-bas et les plus faibles d'entres-nous perdent leurs pouvoirs, mais ca vient pas de nous, vous voyez ?C'est cet endroit. Normalement, la magie qui permet l'existence du monde grec existe partout dans le monde, comme l'oxygène, et surtout en Amérique, mais c'est comme si... comme si vu que la Colonie était l'un des endroits du monde les plus chargés en magie, tous était en train de s'inverser, et que sa magie se déversait vers l'extérieur. Chiron affirme que c'est parce-que l'Harmonie est en train de foutre le camp depuis qu'une Parque est morte. Le monde perds la tête, quoi.
-La magie qui se déverse vers l'extérieur..., a répété Peter. Quel genre de conséquences ca peut avoir sur le reste du monde ?
-On sait pas encore. Mais d'après Hazel, si y a presque plus de Magie à la Colo', il a bien fallu qu'elle aille quelque-part, elle a pas pu juste disparaître. En tous cas, on peut déjà estimer que ca a des conséquences sur la Brume : un mec vient d'apparaître à votre table dans un flash de lumière, t'as vu un mortel lever la tête avant que le gros bébé aux tifs d'argent ne couine de terreur ?Et voilà. Comme je suis plus rapide que n'importe-quelle colombe messagère de ma mère, c'est moi qu'on a envoyé vous faire un résumé.
-Non mais écoutez-le se vanter d'être plus malin qu'un oiseau..., ai-je raillé.
-Tu cherches vraiment la merde, hein le nain ?!, a craché Tristan en faisant mine de se lever.
Cette fois, Hélèna a posé une main sur son épaule. Elle a sourit.
-Merci beaucoup, Tristan. C'est vraiment sympa d'avoir fait tout le chemin pour nous retrouver, j'étais... j'étais quasiment sûr que Jason était mort.
Et là, il s'est passé quelque-chose d'inattendu. Tristan a rougit.
-Co... comme si je l'avais fais pour vous !Taisez-vous quand je parle, la prochaine fois !
Sur ces mots, il s'est levé et il a commencé à briller de sa foutue lumière bleutée. Soudain, Peter l'a attrapé par le bras.
-Tu ne rentres pas à la Colonie, pas vrai ?
-Je suis le plus puissant des Legs, petit. Bien plus puissant que toi, à la fois grec et romain. Et en plus moi je suis pas un môme de quatrième (un fin sourire s'est dessiné sur ses lèvres). J'ai le pouvoir, j'ai la vitesse, et j'ai l'intelligence, vous croyez vraiment que je vais retourner chez maman et laisser le destin du monde entre vos petites mains ?Tout ce qui me fallait, c'était un moyen de sortir de ce camp de hippie sans qu'on envoie quelqu'un me courir après. Rentrez, vous. Moi je vais sauver le monde, et je vais le faire tout seul.
-Tu peux pas faire ca, pas maintenant, la Colonie a besoin de toutes ses forces et tu es un de nos seuls téléporteurs, ils ont besoin de toi pour évacuer les blessés, répartir les forces sur le champ de bataille, transmettre les messages, tu ne...
Soudain, le fils de Jason a explosé dans un éclair de lumière aveuglant. Vraiment, c'était le pire des pouvoirs à offrir à un ado en pleine crise. J'ai plissé le nez quand l'odeur d'ozone qu'il avait laissé derrière-lui est montée jusqu'à mes narines. Bizarrement, les mortels ne réagissaient toujours pas.
-Est-ce qu'il va... mourir ?, a demandé Hélèna. C'est comme ca que ca marche, non ?S'il tente de mener la quête à bien à notre place...
Peter a calmement bu une gorgée de thé, l'air songeur.
-Ca dépend. On n'avait pas le droit de faire cette quête à plus de trois, le fils du Fléau etc, mais techniquement, Tristan n'est pas réellement avec nous. Alors, je pense qu'il est plus un élément extérieur à la quête. C'est pour ca que je ne lui ai pas demandé de nous téléporter avec lui, pour qu'on ne se retrouve pas à quatre.
Je me suis à nouveau levé.
-Ben en tout cas, il m'a coupé l'appétit. Maintenant, allons chercher ce truc qui a rendu fou des gens beaucoup plus grands et plus puissants que nous.
-... Derek, a finalement lâché Hélèna. Est-ce que c'est, je sais pas... une blague ?
-C'est ridicule, a renchérit Peter. Vraiment. Comment tu peux croire que personne n'a essayé ca avant, sérieux ?
-Je suis on ne peut plus sûr de ce que j'avance, ai-je rétorqué.
Je le savais, le Livre n'était nul-part ailleurs qu'ici. Enfin, si Arsène Lupin n'avait pas mentit, ce qui serait, genre, carrément une première. C'est sûr que c'était simpliste comme cachette, mais en même temps c'était diabolique. Parce que nous nous trouvions devant la plus grande bibliothèque du monde. La Bibliothèque du Congrès, à Washington.
Le bâtiment avait des allures de palais royal, avec toutes ces colonnes, ces escaliers en pierre... et à l'entrée, en-dessous des escaliers, il y avait une fontaine dans laquelle baignait une statue d'un vieux gars sur un char.
-Ca pourrait mettre des années..., a murmuré Hélèna. On va mourir. Si on prend le temps de chercher ce Livre, on va tous mourir...
-Je ne comprends pas. Lupin a dit « un oiseau l'a laissé dans une forêt où beaucoup vont chercher pitance gardée par le second père de la peur elle-même, celui qui ne dors jamais ». Mais ca, c'est juste... une bibliothèque ?Mais comment tu penses pouvoir déduire une chose pareil, Derek enfin ?!
-Réfléchissez, ai-je insisté. On fait les livres avec du papier, avec des arbres. Et ceux qui vont se nourrir dans les bibliothèques, ce sont ceux qui ont, heu, faim de connaissance, je suppose. Donc, c'est une forêt où beaucoup vont chercher pitance.
-C'est... c'est complètement bidon !, s'est exclamé Hélèna. Cette énigme était minable, on dirait un truc de Fort-Boyard !
-Et la fin ?, a demandé Peter. Gardée par le second père de la peur elle-même ?
J'ai souri.
-Ca, c'était la partie facile. C'est comme ca que j'ai compris, tout le reste découlait de ca. Regardez la statue du vieux, sous l'escalier.
J'étais souvent passé devant, à l'époque où j'habitais dans le coin, sans vraiment y faire attention. C'était un homme barbu, monté sur un char et encadré par deux serviteurs. Et dans sa main, il tenait un Trident.
-Poséidon..., a murmuré Peter. C'est une statue de Poséidon.
-Nan. De Neptune, je crois. Réfléchissez : c'est une statue, donc il ne dort jamais, ses yeux sont en permanence ouverts. Et c'est le père de Persée Jackson. Neptune, la version romaine de Poséidon, qui est d'une certaine façon le père de Persée Jackson autant que lui.
-Mais comment tu as su que la peur elle-même était Persée ?
-Qui ca aurait pu être d'autre ?, ai-je grogné.
C'était comme ca que j'avais pu résoudre cette énigme, et comme ca que Lupin savait que j'y arriverais. Ce type savait comprendre son ennemi comme personne, et il avait deviné je ne sais comment que pour moi, depuis le début de cette histoire, la Peur ne désignait plus personne d'autre que Persée Jackson. Les chances que je comprenne ce truc d'énigme auraient dû être infimes, ca aurait dû prendre des semaines, mais Lupin avait su exactement quoi dire pour que je sache où aller. En fait, je me demandais même s'il n'avait pas déposé la réponse à son énigme dans ma tête en même temps que la vision de Persée et du Trident.
-C'est forcément louche, a avancé Peter dans une dernière hésitation. Si Lupin savait que tu as lu des livres à son sujet, alors il te surveillait depuis très longtemps. Peut-être même qu'il avait un œil sur nous trois depuis des années. Il a fait exprès de formuler ca pour que tu comprennes presque aussitôt.
-Alors tu penses que c'est un piège ?, a demandé Hélèna. Comme le Madison ?
-Oui. Et je pense qu'on n'a pas d'autres choix que d'y aller, comme le Madison.
-Bon, alors c'est réglé, ai-je déclaré en commençant à monter les escaliers.
-J'ai comme une impression de déjà-vu..., a soupiré Hélèna.
Et là-dessus, on est entrés dans la plus grande bibliothèque du monde. Je l'ignorais encore, mais pour le reste de ma courte vie, j'allais regretter notre décision. A ce moment-là, personne n'a réalisé ce qui était en train de se passer, réalisé qu'ont s'embarquaient dans quelque-chose qui allait bien au-delà de notre quête. Personne n'a compris les enjeux, compris que ca n'avait rien à voir avec un simple traquenard primitif comme celui qui nous avait attendus au Madison. Personne n'a compris qu'on faisait une terrible bourde qui serait amené à changer tous le reste de cette histoire. Si on n'avait pas fait ca, si on n'était pas entrés, tous aurait été différent. Et on aurait pu sauver non pas une, mais deux vies.
Dés l'entrée, on a eu un peu de mal à passer, des histoires de carte de lecteur et de postes de sécurités, mais Peter a joué quelques tours avec la Brume, et en un rien de temps ont étaient à l'intérieur.
C'était bondé, rempli de mortels – enfin, il fallait l'espérer. On aurait vraiment dit un véritable palais : de grandes colonnes de pierres, un sol de marbre, tous pleins d'escaliers en marbre, des dessins au plafond... et des dizaines d'immenses salles adjacentes à des salles encore plus grandes aux murs recouverts de livres de toutes les couleurs. Partout, il y avait aussi de grandes pièces remplis de pupitres où des gens étaient plongés dans de grands bouquins ennuyeux – des salles de lecture, quoi. Y avait un silence tellement parfait que s'en était presque flippant, et une odeur de vieux papier qui s'engouffrait dans mes narines comme un poison.
Peter vous auraient décrit ca mieux que moi, mais c'est moi qui raconte, et je déteste les livres. Le petit blond a regardé tous autour de lui avec un regard qui pour la toute première fois depuis que je l'avais rencontré ressemblait à celui d'un gamin émerveillé. Puis il a reprit son visage sérieux et il s'est re-concentré sur l'essentiel :
-Donc maintenant, la suite du plan ?
-... quoi, la suite ?, ai-je rétorqué.
-Chhhhh !, a pesté quelqu'un non loin.
C'était une femme en tailleur gris, avec des lunettes, un chignon si serré qu'il semblait prêt à exploser à tout instant, et des talons-hauts. On aurait dit la parfaite secrétaire d'un grand patron. Elle m'a jeté un regard sévère, puis elle a continué de disposer des livres dans des rayons. Je lui ai fais un doigt d'honneur dés qu'elle a eu le dos tourné.
-Attends, tu nous a conduit ici, et t'as aucunes idées de ce qu'on va y faire ?
-J'en sais rien, j'ai pigé l'énigme et pas vous, voilà, après moi j'en sais pas plus !Les livres, c'est un peu ton domaine, non ?
-CHHHHHHHH !, a presque rugit la bibliothécaire.
Je lui ai fait un bras d'honneur dés qu'elle a eu le dos tourné.
-Alors on a plus qu'à chercher un unique bouquin sans même savoir à quoi il ressemble, caché au beau milieu de la plus grande bibliothèque du monde ?
-Hey, c'est pas pour rien que personne ne l'a jamais retrouvé !
-Tu ne pourrais pas, je sais pas, penser au Livre et l'Attracté ?, a proposé Hélèna. Tu as très envie de l'avoir, non ?
-Hélèna, si je pouvais voler des trucs que j'ai jamais vu, y aurais plus rien qui brille à la Maison Blanche.
-CH...
-Dites chhh encore une seule fois et je fais exploser la bombe planquée sous mon t-shirt, ai-je balancé à la bibliothécaire avec mon regard le plus maléfique.
La mortelle a blêmit, et elle s'est éloigné en trottinant à petit pas rapides. Génial. Avec un peu de chance quand elle appellerait la sécurité on lui rirait au nez...
-Bon, a soupiré Peter, d'accord. Si on part du principe que c'est ma mère qui a laissé le Livre ici, une chose est certaine, elle se sera débrouillée pour pouvoir le récupérer, le retrouver. Et peut-être qu'elle a aussi fait en sorte que la Colonie puisse le retrouver. En d'autres termes, on se sépare, et on cherche quoi que ce soit qui puisse sembler être un indice.
-J'aime bien le plan, mais on se sépare pas, ai-je aussitôt rétorqué. Arsène Lupin nous a amené ici, je vous paris ce que vous voulez qu'il sait qu'on est là et peut-être même qu'il est dans le coin. Si on se quitte des yeux, n'importe-lequel d'entre nous pourrait revenir possédé par un vieux voleur en costume. Donc on reste groupés.
Franchement, ce qui s'est passé ensuite, vous avez pas envie que je vous le raconte. Parce-que tous autant que vous êtes, vous êtes qu'une bande de sadique qui n'attendent qu'une chose, c'est qu'on se fasse exploser la tronche. Donc on va passer à l'essentiel : pendant deux heures, deux heures de pur ennuie, on a parcouru les rayons de la biblio et épluché quatre fois tous les livres qu'on a pu trouver à propos de mythologie grecque – les connaissances de Peter sur le sujet ont doublées, mais on n'était pas plus avancés, aucuns indices, rien qui ressemble à un livre magique et millénaire. C'était ridicule, complètement ridicule et franchement épuisant. Heureusement, on a fini par avoir un petit peu de chance. Enfin, si on veut.
J'ai posé une énième bouquin sur une table avec un soupir désespéré. Franchement, j'avais préféré affronter Tirésias. J'avais mal à la tête, mal aux yeux, je détestais lire, et même ma queue battait l'air derrière-moi sous l'effet de l'agacement. Exaspéré, j'ai essayé de la faire arrêter, sans résultat. Est-ce que je pouvais, au moins ?Je la sentais, mais elle faisait ce qu'elle voulait, comme si elle ne m'appartenait pas.
-Tu vas sûrement apprendre à la contrôler, m'a dit Hélèna pour me rassurer en s'asseyant à coté de moi avec un nouveau livre. Après tout, c'est bizarre, mais c'est une partie de ton corps.
-Ouais. Sûrement.
Le sourire de la fille d'Héra est devenu compatissant.
-Mais ce n'est pas de ca que tu as peur, pas vrai ?Tu crains surtout la suite, la prochaine transformation.
-N'importe-quoi !J'ai peur de rien...
Quelques secondes sont passées en silence tandis qu'ont feuilletaient les bouquins. Finalement, j'ai craqué :
-Je suis pas un fils d'Hermès pas vrai ?, ai-je lâché sans la regarder.
-Mais si !Ce qui est apparu sur ton torse, au collège, c'était un peu gribouillé rapidement, c'était gris, mais c'était clairement la marque d'Hermès !
-C'est ce qu'on se dit depuis le début, et depuis le début, rien n'a de sens. Et si c'était ca, l'erreur ?Depuis le premier jour, je me pose des questions en partant toujours du même principe : Hermès est mon père. Si on exclut cette certitude, alors tout le reste devient plus... compréhensible. Peut-être que mon parent divin a un rapport quelconque avec les loups, je sais pas.
-Qu'est-ce que tu fais de tes pouvoirs ?, a rétorqué Peter en revenant avec un autre livre. Ouvrir les serrures, l'Attraction, ce sont des capacités de voleurs, non ?
-D'accord, mais oubliez ca une seconde. Imaginez une seconde que ce soit possible. Tous devient plus clair : et si le caducée avait eu une tête étrange parce qu'il n'était pas sensé être là ? Et si le signe avait été envoyé par quelqu'un d'autre, quelqu'un qui ne tenait pas à être reconnu ?Normalement, les dieux n'ont aucuns intérêts à revendiquer des gosses au nom de quelqu'un d'autre, à part pour faire une blague, mais quand on y réfléchit, est-ce que ce serait vraiment si difficile pour une divinité, n'importe laquelle, de faire apparaître pendant quelques secondes sur le torse de quelqu'un un symbole qui n'est pas le sien ?Un caducée, par exemple ?Malgré l'importance que ca prends pour nous, la revendication, ca doit être assez élémentaire comme tour de magie.
-Réfléchis un peu. Pourquoi un dieu s'amuserait à faire ca ?A quoi bon revendiquer un demi-dieu si c'est pour faire croire qu'il est le fils de quelqu'un d'autre ?Si ton parent divin avait craint de révéler sa véritable identité, il n'aurait rien fait, tout simplement !
-Sauf que Persée allait me tuer. Les dieux n'ont pas le droit de faire des interventions directes, c'est contre les lois divines, la seule action à leur disposition dans la situation où on se trouvait, c'était la revendication. Qui qu'il soit, pour me sauver la vie il a été obligé de me revendiquer. Sauf que là, le dieu dont on parle – si je suis bien le fils d'un dieu – n'avait manifestement pas envie de se faire remarquer. Alors, il aurait utilisé le symbole de quelqu'un d'autre.
-Au moins, ca voudrait dire que qui que soit ton père ou ta mère, il tient à toi, a avancé Hélèna. Il ou elle a pris un risque pour te sauver la vie.
-Ou alors, il ou elle a besoin de moi pour quelque-chose. C'est à ca que leur servent les demi-dieux, nan ?
-Demi-dieux ?, a soudain lancé une voix derrière-nous.
J'ai fais volte-face dans un sursaut. La bibliothécaire était juste là, derrière-nous, un énorme bouquin dans les bras. Depuis combien de temps ?J'allais lui faire croire qu'on parlait d'un jeu vidéo ou menacer de lui arracher la gorge, au choix, quand soudain, j'ai capté son regard. Il y brillait quelque-chose d'étrange, une lumière carrément pas naturelle. Et qui m'était vaguement familière. Devant notre silence, elle a poursuivi en rajustant ses lunettes, un sourire aimable plaqué sur le visage :
-Voilà qui change tous. Vous êtes donc ici pour la Sixième Section ?
-La bibliothèque du Congrès n'a que cinq sections..., a rétorqué Peter avec méfiance.
Je lui ai jeté un regard alarmé. Il venait d'envoyer un message télépathique à une femme qui était peut-être bien juste une mortelle un peu paumée – ou un peu folle. Pourtant, elle n'a pas eue l'air surprise une seule seconde. Simplement, son sourire s'est élargi, comme si elle posait les yeux sur un enfant légèrement attardé.
-Veuillez me suivre.
En fait, elle n'a fait que quelques pas jusqu'à ce qui semblait être la porte d'un placard à balais que je n'avais pas remarqué jusque là. Ou alors, peut-être qu'il n'y était tout simplement pas encore. M'enfin, vous connaissez la musique : c'était tout sauf un placard à balais. Elle a ouvert la porte. On est entrés. Et aussitôt, j'ai compris qu'ont étaient plus proches de trouver le Livre que les vieux l'avaient jamais été.
-Oh par tous les dieux..., a murmuré Peter.
On venait d'entrer dans une pièce encore bien plus grande que toutes celles qu'on avaient vus jusqu'à maintenant, plus grande que la salle de concert du Madison Square Garden. Des étagères géantes et remplies, couvertes de bouquins, s'élevaient jusqu'au plafond où on ne les voyaient plus du tout. Elles avaient des racines qui s'enfonçaient dans le sol de marbre comme si elles avaient été des arbres, et elles étaient toutes couvertes de feuilles qui exhalaient une odeur incroyablement semblable à celle de la forêt. Et les livres volaient dans le ciel. Oui oui, pour de vrai, ils filaient à travers la gigantesque pièce à la vitesse de petites comètes, arrivaient, repartaient, comme s'ils avaient en permanence quelque-chose à faire, tandis que d'autres échangeaient frénétiquement leur place les uns avec les autres encore et encore puis allaient se ranger et réorganisaient le tout. Au-dessus de nos têtes, les fresques au plafond faisaient ce qu'elles voulaient. Elles décrivaient des scènes de la mythologie grecque, des batailles, des exploits, des quêtes qui se déroulaient sous nos yeux jusqu'à ce que les dessins décident de passer à une nouvelle scène. C'était l'endroit le plus magique que j'avais vu depuis la Colonie.
-Bienvenu à la Sixième Section de la bibliothèque du Congrès, a commencé la bibliothécaire en marchant à petit pas élégant comme un guide touristique en train de faire visiter une cathédrale. Elle a été fondée par Athéna, déesse de la sagesse et du savoir, après la chute d'Alexandrie qui a mené à l'incendie qui a ravagé sa célèbre bibliothèque. On prétend qu'elle contient aujourd'hui plus de livres que de simples mortels ne peuvent le concevoir, qu'ils n'ont pas encore inventé un nombre capable d'exprimer une telle quantité – je pourrais vous le donner, mais cela vous ferait exploser la tête.
-Mais d'où viennent tous ces bouquins ?, ai-je demandé. Et... par les dieux j'aurais jamais cru dire ca un jour, mais où vont tous ces bouquins ?
Peter a attrapé un livre qui filait près de lui un peu trop lentement et a écarquillé les yeux en lisant ce qui était écrit sur la couverture.
-Grimoire de Magie Noire de... de Salem ?!Mais... Salem...
Le livre s'est débattu, puis il s'est envolé à nouveau quand Peter l'a lâché.
-En 1692, une confrérie de sorcière fut percée à jour à proximité de la ville de Salem, a récité la bibliothécaire en regardant droit devant elle. Après les avoir éliminées, les mortels ont brûlés tous les ouvrages qu'ils ont pu trouver leur ayant appartenus. Mais, ce qu'ils ignorent, c'est qu'ils n'en ont trouvés qu'une infime quantité. Voyez-vous, les livres que vous voyez ici ne se déplacent pas d'eux même, non, simplement cette section de la bibliothèque est remplie d'esprits de l'air extrêmement peu bavards. Il y a plus de deux milles ans, la déesse Athéna leur a ordonné de devenir les gardiens de l'Histoire et de la culture, de la protéger coûte que coûte. Comme vous pouvez le voir, ils ne sont que rarement satisfaits de leur organisation, et depuis maintenant trois siècles une partie d'entre eux voudraient classer nos ouvrages par ordre alphabétique tandis qu'une autre se bat pour qu'on les classe par auteur. A vrai dire, c'est ainsi que mon employeuse a pu m'obtenir ce travail, mon prédécesseur a prit parti pour l'ordre alphabétique et les esprits désireux de tout ranger par auteur l'ont réduits en charpie, littéralement. Mais bref. Ainsi, chaque fois qu'une ville fut envahie, chaque fois qu'une bibliothèque fut brûlée, les esprits de l'air se sont introduits sur les lieux avec la discrétion et la vitesse qui leur sont propre pour subtiliser les ouvrages les plus méritants. Vous auriez dû voir la débandade que ca a été lorsque Babylone fut mise à sac, je n'étais pas encore là mais on raconte que l'endroit où nous nous trouvons en ce moment même était au cœur d'une véritable tornade. Et encore aujourd'hui, quand une bibliothèque ferme ses portes ou que tel ou tel livre passe aux enchères, les meilleurs ouvrages disparaissent mystérieusement. Et puis quand les Comics ont cessés d'être à la mode... dans 3 kilomètres au Nord, vous trouverez quasiment tous les numéros de Superman.
-C'est si grand que ca ?, a hoqueté Hélèna.
-Nous amassons des ouvrages depuis des millénaires, mademoiselle, et nos esprits de l'air sont presque aussi rapides que les fournisseurs d'Amazon. Bien heureusement, ils connaissent fort bien leur métier. Aussi...
La femme en tailleur a levé une main manucurée au-dessus de sa tête, sans cesser de marcher.
-Transmutations par l'Alchimie, de Nicolas Flamel !
Pendant un instant, elle a eue l'air d'une parfaite cinglée. Puis, soudain, un énorme volume a filé à travers les airs à la vitesse d'un petit avion et s'est jeté dans sa main, exactement comme si j'avais utilisé l'Attraction. Peter regardait le livre en arborant un visage sidéré.
-C'est... c'est le...
-Comme vous pouvez le voir, nous avons fort bien résolu le problème des distances. Mon employeuse le voit également comme une bonne nouvelle, j'en suis donc assez fier.
-Mais on... avec ca... c'est vraiment là-dedans que Nicolas Flamel a retranscrit la recette de la pierre philosophale ?Et celle pour changer le plomb en or ?C'est le livre-là ?
-Oui oui, a répondu la secrétaire en jetant négligemment le bouquin derrière-elle.
Avant même qu'il ne touche terre, un esprit de l'air s'en était saisi pour aller le ranger. J'ai aussitôt noté le nom du bouquin dans un coin de ma tête, j'avoue.
-Tous nos livres sont à consulter sur place, bien-sûr. Certains d'entre eux renferment les magies les plus noires qui soient, des connaissances bien assez dangereuses pour détruire le monde si elles venaient à tomber entre de mauvaises mains. Nous avons même certaines des œuvres de Stephen Hawking.
-D'accord..., ai-je articulé. Donc... donc il y a une bibliothèque magique cachée à Washington.
-Oui oui, depuis la chute d'Alexan...
-Ouais, j'ai capté. Laissez-moi juste essayer quelque-chose.
J'ai levé la main à mon tour.
-Livre !, ai-je clamé.
J'ai attendu une seconde. Deux seconde. Peter fixait ma main comme si je tenais sa vie au creux de ma paume, empli d'espoir. Et puis il ne s'est rien passé.
-Il va falloir être un tout petit peu plus précis, a suggéré la bibliothécaire.
-Heu... oui. Sans doute.
-Vous êtes donc venus ici à la recherche d'un ouvrage en particulier ?Peu de demi-dieux parviennent à trouver cet endroit, vous avez une chance certaine que je vous aient entendus discuter, la plupart de ceux qui viennent ici sont des dieux.
-En fait...
Peter m'a aussitôt mit un coup de coude en plein ventre pour m'empêcher de continuer, et m'a fusillé du regard. Ouais, d'accord, il faut avouer qu'on avait beaucoup moins de chances de se faire tuer si c'était lui qui parlait.
-En fait, nous avons quelques questions à vous poser. Pour commencer, depuis combien de temps travaillez-vous ici ?
La femme en tailleur a parut décontenancée, puis a fait mine de réfléchir quelques secondes avant de lâcher :
-Plus ou moins cinq ans, je crois. Je n'ai plus jamais quitté cet endroit depuis que mon employeuse m'a ordonné d'y travailler, et l'on perd vite la notion du temps, ici. Mais tant que je peux lui rapporter de bonnes nouvelles, je suis satisfaite.
-Vous avez dit que peu de demi-dieux trouvaient cet endroit. Alors vous vous en souviendrez forcément : est-ce que vous auriez vu passer une fille d'Athéna appelée Annabeth Chase ?Elle me ressemble. Elle a des cheveux blonds, et des yeux... des yeux d'un gris magnifique.
-Non, a répondu la secrétaire sans la moindre hésitation. Personne de ce nom-là. Croyez-moi, en effet je m'en souviendrais, je suis dans l'obligation de noter dans le registre le nom de chaque personne qui a consulté un ouvrage ici ou est venu en faire don, ce sont les ordres de mon employeuse.
-C'est ca, que vous tenez ?, a demandé Hélèna. Ce gros livre, c'est votre registre ?
La secrétaire a posé les yeux sur le livre colossale qu'elle tenait entre ses bras.
-Quoi donc, ceci ?Non, il s'agit d'un ouvrage qui nous a été confié il y a quelques années, à vrai dire c'est le joyaux de notre collection : quand on nous en a fait don, on nous a affirmé qu'il renfermait l'Histoire elle-même ainsi que tous ses secrets, et des choses bien plus dangereuses encore. C'est pourquoi j'aime le garder auprès de moi, là où il se trouve le plus en sécurité. Pour consulter une œuvre aussi importante, il vous faudrait une autorisation obtenue en hauts lieux.
Le temps a semblé s'arrêter. L'air s'est changé en glace dans mes poumons. Je me suis figé. Hélèna s'est figé. Peter s'est statufié. L'un après l'autre, on a tourné un unique regard à la fois stupéfait, sidéré, épouvanté, émerveillé et à nouveau épouvanté sur l'énorme grimoire que la secrétaire tenait dans ses bras. C'était impossible. Ca ne pouvait pas être si simple, si facile. Si ca l'avait été, il aurait été retrouvé depuis longtemps. Ce n'était pas concevable, c'était forcément une erreur. Mais si ce n'en était pas une, si j'avais bien entendu, si ce qui était en train de se produire était réellement en train de se produire, alors ca signifiait qu'on l'avait fait. On avait retrouvés le Livre. Depuis le début, ce qu'on avait sous les yeux, juste sous les yeux, c'était le Livre. C'était incroyable. Insensé. Complètement dingue. Et ont n'étaient pas au bout de nos surprises.
Peter a reprit vie le premier. Il a recommencé à marcher, lentement, le regard fixé devant lui. Mais il ne parvenait à dissimuler ni les incontrôlables tremblements qui agitaient son corps possédé par l'adrénaline, ni les émotions déchaînées qui passaient à travers ses yeux. On l'a suivi sans un mot, sans plus savoir comment se comporter.
-Je vois, a dit le petit blond d'une voix que seule la télépathie pouvait rendre aussi nonchalante. Mais au fait, j'aimerais beaucoup savoir, qui êtes-vous ?Un monstre, une demi-déesse ?Je n'ai pas souvenir d'une bibliothécaire, dans la mythologie grecque. Et qui est cette employeuse dont vous ne cessez de parler ?
L'air de rien, j'ai mis une main dans ma poche, avant de la refermer lentement sur mon portable. Il essayait de savoir quelles étaient nos chances de lui piquer le bouquin sans y laisser la vie. La femme en tailleur a sourit poliment, cette étrange lueur familière dans le regard. Une lueur irisée.
-Vous ne le savez donc pas ?Je suis Iris, voyons, la déesse des arc-en-ciel.
L'effet a été instantané. Hélèna s'est prit les pieds dans ses talons hauts avec un cri strident et s'est effondrée comme une masse, totalement sidérée. Puis elle est restée là, à genoux, tremblante, à regarder Iris qui lui rendait un regard interloqué. Comme si elle fixait la mort elle-même.
-Alors votre employeuse..., a balbutié difficilement Peter qui s'était à nouveau arrêté lui aussi. C'est... c'est... si vous êtes Iris, vous êtes la servante de...
-Hé bien, n'est-ce pas évident ?, a rétorqué la secrétaire comme si en effet ca coulait de source. Qui pourrais-je servir d'autre qu'Héra, la Reine des Dieux ?
Héra. Iris était la servante de la mère d'Hélèna. Cette même mère qui l'avait balancée du haut de l'Empire State Building après sa naissance, cette même mère pour qui le fait même d'avoir une fille sang-mêlé représentait la pire des injures. Là-dessus, la déesse des arc-en-ciel a levé une main où est venu se loger un livre plus petit, et s'est saisie d'un stylo.
-A présent, pourrais-je connaître vos noms ?C'est pour le registre.
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