La Mort, ce soir, dans son dernier concert
-Tu crois vraiment qu'on a bien fait de laisser Frank là-bas ?, a demandé Hélèna avec inquiétude. Tout seul avec ce vieux maboul et ses soit disant oiseaux médecins...
-On n'allait pas emmener un dragon de quinze mètres à moitié crevé ! Et puis il savait à quoi il s'exposait, oublie-le à la fin, Tirésias a dit qu'il le soignerait. Il nous était plus d'aucunes utilités.
On roulait dans un taxi New-Yorkais, en direction du Nord de la ville. C'étaient les indications de Tirésias, aller dans la direction qu'il nous avait pointé du doigt jusqu'à ce qu'on s'arrête, et dire « à la bonne personne » que c'était lui qui nous envoyait. Ca aurait pu vouloir dire n'importe-quoi, mais on faisait avec qu'on avait. Tout ce qu'il nous avait assuré, c'est que ca devait lui rendre service et que ca nous mènerait à un avenir où on retrouverait Peter. En gros, on lui donnait l'avenir qu'il voulait, et il nous donnait le petit.
-Alors..., a encore demandé Hélèna comme pour briser le silence qui s'était installé, c'est qui, Sasha ?
J'ai sursauté.
-... quoi ?
Le sourire malicieux d'Hélèna s'est élargi.
-Sasha, a-elle répété. C'est le nom que tu prononçais dans ton sommeil, quand tu as perdu connaissance après le crash. Alors ?
Je lui ai jeté un regard glacial. Sans même m'en rendre compte, j'ai serré les poings.
-Alors quoi ?
-Arrête, je te vois pas du tout être juste ami avec une fille! Ou être ami avec qui que ce soit, d'ailleurs. D'un autre coté, c'est marrant, je t'imagine pas vraiment avoir une copine non plus, mais, hihi...
-...C'était pas ma copine.
-Ben voy...
-C'était ma sœur, ai-je fini par balancer d'un ton cassant.
Ca l'a coupée net. Elle m'a jeté un regard sidéré.
-Ta... comment tu peux avoir une...
-Au fait, ai-je coupé pour changer de sujet. C'est quoi exactement, ces horreurs à l'avant ?
-Hé, on a qu'un œil mais toutes nos oreilles, vermisseau !, a mugit la vieillarde qui conduisait le taxi.
-Et il est où l'œil, Guêpe ?, a demandé l'autre à coté d'elle.
Vous voyez, Tirésias nous avait dit d'aller dans la direction indiquée jusqu'à ce qu'on s'arrête. Mais comme on manquait de temps et que l'OMEGA surveillait soit disant tous les transports, on avait dû trouver un moyen d'aller plus vite, aussi vite que possible.
Hélèna n'avait pas sifflé le taxi d'une façon des plus classiques : elle avait prononcé un truc en grec ancien, puis elle avait jeté par terre un drachme qui s'était enfoncé dans le sol herbu de Central Park. Bizarrement, j'avait à peine été surpris quand un taxi new-yorkais fait de fumée était tout simplement sorti de terre. Bien-sûr, je ne serais sans doute jamais monté si j'avais pris le temps de regarder le visage du chauffeur. Il y a encore une demi-heure j'étais certain que rien n'était plus moche que Tirésias. Elles étaient deux, deux horreurs au teint gris, vêtues de gris, abominablement laides, qui passaient tous leur temps à se hurler dessus. Et elles n'avaient pas de yeux. Sérieux, juste des orbites vides et dégueulasses, pas de eux. Et cette fois-ci, après les Parques, Tirésias et maintenant les Sœurs Grises, je priais pour avoir fait le tour de tous les vieux-moches-aveugles-de-la- mythologie-grecque.
On allait à une vitesse absolument terrifiante, le taxi slalomait entre les voitures en frôlant l'accident à chaque secondes, grillait tous les feux rouges, roulait sur le trottoir, et ces deux malades avaient l'air persuadées que la seule priorité qui comptait, c'était la leur. J'ai réprimé un nouveau hurlement de terreur quand elles ont encore accéléré, grillés un feu rouge, faillit écraser un gars déguisé en homme-sandwitch sans même faire mine de tenter de l'éviter et sont passées à toutes berzingues entre deux camions qui arrivaient de la droite et de la gauche.
-Tempête, c'est toi qui l'a, l'œil !, a persiflé celle qui conduisait en repassant sur le trottoir avec une terrible secousse pour le simple plaisir de faire passer un chien épouvanté pile entre ses roues.
-Non, je l'ai pas !, a rétorqué Tempête à coté d'elle. Je l'ai pas !
-Qui c'est qui l'a, alors ?!
-C'est Colère qui l'avait, bécasse !
Les deux vieillardes aux orbites vides se sont entreregardées, comme si elles venaient de piger quelque-chose.
-Oh, ont-elles marmonnées d'une même voix.
-Elles sont cinglées..., ai-je bredouillé. Ca fait des jours que je rencontre plus que des cinglés.
-Ce devrait bientôt être terminé, a répondu Hélèna d'une voix tremblante. Enfin, le trajet je veux dire. Tirésias a dit d'aller par là jusqu'à ce qu'on s'arrête, et je n'ai presque plus de drachmes pour les payer. C'est sûrement ca qu'il fallait comprendre.
J'ai voulu répondre, mais Guêpe a sauvagement tourné à droite en sens interdit et un nouveau spasme m'a comme tordu l'estomac tandis qu'un gout de cendres chaudes remontait dans ma gorge. Le gout du nectar qu'Hélèna m'avait donné quand je m'étais évanoui après le crash de Frank. C'était vraiment dégoutant, il persistait des heures après. En fait, on aurait même dit qu'il s'amplifiait.
Hélèna a poussé un hurlement hystérique quand on a encore accéléré et que le taxi a fait une embardée avant de retomber sur ses roues par un incroyable miracle pour faire un tour sur lui-même avant de manquer rentrer dans un magasin de pompes funèbres. J'ai passé une main tremblante dans mes cheveux. Je n'arrivais pas à chasser de mon esprit ce qu'avait dit Tirésias. Il n'avait rien voulu révéler de plus, et j'avais bien compris que je ne pouvais pas le forcer à parler. C'était incroyablement rageant, il y avait quelqu'un qui savait toute la vérité, il était au courant de tout, et je ne pouvais rien lui faire avouer. Ca paraissait fou, mais c'était tout simplement impossible qu'il n'y ait aucuns liens entre l'argent lupin... et Arsène Lupin. Je veux dire, ca ne pouvait quand même pas être un hasard. Et donc, d'une manière encore plus invraisemblable, il y avait peut-être un lien aussi infime soit-il entre moi et Arsène Lupin. C'était trop dingue, comme coïncidence. Mais rien ne liait les deux. Je n'avais aucuns rapports avec Arsène Lupin, si j'avais rencontré mon idole j'en aurais gardé quelques souvenirs. J'ai essayé de me re-concentrer sur notre objectif. Les choses étaient déjà bien assez compliquées comme ca.
-Qu'est-ce que tu sais au juste de ce Nicolas Di Angelo ?, ai-je demandé à Hélèna alors que le taxi faisait un autre bond. Je sais qu'il a voulu me tuer et que Mme Grace l'en a empêché, mais je l'ai jamais vu.
-Il est très bizarre !, a bredouillé Hélèna le regard rivé sur ce qui arrivait devant nous.
C'était vraiment difficile de se concentrer quand notre chauffeur remontait une longue pente en sens interdit le pied enfoncé sur l'accélérateur, en fonçant tout droit sur un énorme camion.
-C'est un fils d'Hadès, mais personne n'a jamais pu dire s'il était ou non un allié de la Colonie KYAAAAA LE FLEUVE !NON, LE CAMION !NON, LE FLEUVE !
-J'maîtrise !, a beuglé Guêpe en donnant un brusque coup de volant pour nous épargner un plongeon dans l'East River.
-Quand... quand il avait notre âge c'était plus clair. Il se battait pour le bien, de son coté, en solitaire. Mais maintenant, il lui arrive d'aider nos ennemis. Il apparaît, et influence les évènements, souvent d'une manière si subtil qu'on ne comprend que bien plus tard l'importance qu'a eu son intervention. Souvent, on se rend compte qu'en fin de compte il nous a aidé, mais sans se soucier d'occasionner des pertes. Parfois il nous met juste des bâtons dans les roues parce qu'il n'est pas d'accord avec les décisions de la Colonie, et puis il disparaît à nouveau. Un jour, il a tué Argos, le responsable de la sécurité de la Colo', et on n'a jamais su pourquoi. Personne ne sait où il habite, ni s'il a vraiment une vie en dehors de tout ca. On raconte que comme ceux de tous les enfants des Trois Grands, ses pouvoirs ont augmentés au-delà de tout ce qu'on attendait, et que d'une manière ou d'une autre il ne peut pas... MOURIR !
-La ferme derrière !
Vous savez, ces ponts qui traversent les fleuves, et qui parfois s'ouvrent en deux pour laisser passer des bateaux? Ceux où il faut attendre que le bateau soit passé pour que le pont se referme et traverser? Hé bien Guêpe n'avait pas envie d'attendre. Elle a foncé droit devant, défoncer la barrière de sécurité, s'est servi du pont en train de se lever comme d'un immense tremplin, et soudain il n'y a plus eu que le vide en-dessous de nous. Comme au ralenti, on est passés juste au-dessus d'un énorme bateau de croisière où des touristes ont levés la tête et commencés à prendre des photos. J'ai vu un gamin ouvrir la bouche sur un cri de stupeur, lentement.
Puis on est retombés de l'autre coté de la route avec un choc retentissant tandis que de la fumée commençait à jaillir de sous le capot. J'ai glapis de terreur quand soudain, ma portière s'est détachée et est allée exploser sur la chaussée dans un nuage de fumée.
-Di... dites, a soudain demandé une Hélèna livide en se penchant vers les sièges avant. Vous n'êtes pas sensées être trois tout le temps ?J'ai un ami qui m'a raconté qu'une fois ses parents avaient utilisés votre taxi. Où est passée la troisième sœur, cette... cette Colère dont vous n'arrêtez pas de parler ?Je peux pas m'empêcher de me dire que ce serait mieux si on pouvait laisser conduire celle qui a l'œil, vraiment mieux !
-Elle est morte, en ce moment !, a hurlé Guêpe en faisant brutalement demi-tour pour foncer à toute berzingue dans une impasse.
-Non, comment ca a pu se produire ?, ai-je bredouillé blanc comme un linge en m'accrochant tant bien que mal à mon siège pour ne pas basculer hors de la voiture.
Elle a foncé dans le grillage au bout de l'impasse qui a brutalement cédé alors qu'un bruit inquiétant montait du moteur, puis elle a encore accéléré et envoyé valser toutes les caisses et les poubelles sur son chemin avant de jaillir dans la rue sous le nez d'une femme enceinte et de foncer au beau milieu de la route alors que des voitures filaient des deux cotés.
-Donc, a crié Hélèna pour couvrir les hurlements des crissements de pneus. Heu, qui l'a tuée ?
-Persée Jackson !
Comme chaque fois que quelqu'un l'évoquait, j'ai senti un frisson me traverser tout entier. Entendre son nom me faisait bien plus peur que de hurler celui d'Hadès en tapant du pied sur le sol.
-Il voulait des réponses, a dit Tempête.
-Il les a eues !, a terminé Guêpe. Maintenant la ferme !J'me guide à l'oreille moi, j'entends plus la route avec vos questions idiotes !
-T'as qu'à regarder devant toi, bécasse !
-C'est pas moi qu'ai l'œil, imbécile! D'ailleurs où qu'il est, l'œil ?
-C'est Colère qui l'a !, leur ai-je rappelé entre mes dents qui claquaient sans interruptions sous les secousses.
-Oh, ont fait les deux sœurs d'une même voix. C'est vrai.
Finalement, j'ai fini par demander :
-Quel genre de questions a posé Persée Jackson, au juste ?
-Des questions dangereuses !, a dit Tempête.
-Des questions interdites !, a complété Guêpe.
-Des questions sur les Artefacts, sur le Trident et le Filet de Zeus, des questions sur la Congrégation, sur les é...
-Tait-toi, idiote !Tait-toi !
Tempête s'est mise à gifler sa sœur à grandes volées, laquelle a entreprit de répondre par des coups de pieds sans lâcher le volant tandis que le taxi zigzaguait en frôlant la mort à chaque nouveau virage.
-Toi la ferme j'm'entends plus conduire !
-Alors t'a qu'à prendre l'œil pauvre cruche !
-C'EST COLERE QUI L'A, BORDEL !, ai-je explosé.
Soudain, on s'est brutalement arrêté dans un terrible dérapage incontrôlé et la voiture s'est enfin immobilisée en heurtant violemment le trottoir. J'ignore encore par quel miracle on n'a pas été propulsés à travers le pare-brise, et j'ai faillis rendre mon déjeuner pour de bon, mais on s'est arrêtés. Vivants.
-J'ai encore de l'argent, a protesté Hélèna. On peut payer pour aller plus loin.
-On s'en fout, ai-je balbutié. Tu fais ce que tu veux, moi je descends.
-C'est pô nous, a rétorqué Guêpe. J'ai rien fais. On avance plus.
-Ben va voir c'qu'y a, idiote !, a jacassé sa sœur.
-Et j'fais ca comment, sans l'œil ?!
-Et justement, où qu'il est l'...
Je suis descendu du taxi avant de céder à la tentation d'en tuer au moins une des deux. J'ose même pas imaginer comment on pouvait survivre aux trois. J'ai mis environ cinq secondes à découvrir la panne : il y avait une bonne douzaine de longues flèches fichées dans les pneus du coté droit. J'ai aussitôt dégainé mon portable pour le changer en bouclier avant de regarder autour de nous. C'était impossible à plus d'un titre qu'on nous ait tirés dessus. On allait incroyablement vite, personne n'aurait pu nous viser à une telle vitesse et avoir le temps de tirer tellement de flèches. Et puis surtout, personne n'avait la moindre raison de le faire.
Hélèna est descendue à son tour.
-Oh par les dieux..., a-elle murmuré en avisant les pneus crevés. Derek, rentre dans le taxi, vite !
-Ca va, calme-toi. Quelqu'un capable de viser les pneus alors qu'on allait aussi vite aurait aussi été capable de nous tuer en tirant à travers les vitres avant même qu'on s'arrête. Celui qui a fait ca voulait qu'on ne puisse pas aller plus loin, pas nous éliminer... enfin, avec un peu de chance. D'ailleurs, il nous a sauvés la vie. Tu te souviens de ce qu'a dit Tirésias ?
-Aller vers le Nord jusqu'à ce qu'on s'arrête... tu crois que c'est ca ?
-Ben, manifestement on n'ira pas plus loin, non ?
J'ai levé les yeux vers le bâtiment devant lequel on avait été immobilisés. Et j'ai souri.
-Et quelque-chose me dit qu'on est au bon endroit.
Devant nous se dressait le Madison Square Garden, un des bâtiments les plus célèbres de New York. Il était absolument immense, presque en forme de dôme géant. Il avait beau être entouré de gratte-ciel, de là où on était on aurait juré qu'il s'élevait jusqu'aux nuages. Tous les gens célèbres s'étaient retrouvés ici tôt ou tard dans leur carrière. C'était à la fois une salle de concert, de conférence, et le lieu des matchs d'à peu près tous les sports importants : hockey, basket... Bref, il pouvait s'y passer à peu près n'importe-quoi. Hélèna avait l'air en même temps émerveillée et découragée.
-Le Madison Square Garden... comment on va trouver un moyen d'entrer dans le Madison Square Garden ?
-Ils ont laissés passer Justin Bieber, je vais bien trouver le moyen. Paye les cinglées, on y va.
-J'entend bien ?!, a piaillé Guêpe toujours au volant. Des flèches dans les roues ?!Ca j'vous garantis que vous allez le payer aussi !
-Je peux les tuer ?, ai-je chuchoté à Hélèna pendant que les deux vieilles folles se chamaillaient pour savoir laquelle allait devoir descendre. Elles ont bien essayés, elles !
-Je vais leur donner tout ce que j'ai, a soupiré Hélèna en cherchant dans ses poches.
-Y a intérêt que ce soit suffisant !, a hurlé Tempête. Et vous allez nous chercher une roue, aussi, parce qu'on n'en a qu'une seule de rechange, j'vous ferais dire !
J'ai changé mon bouclier en poignard.
-Depuis quand je demande des autorisations, moi? Je reviens dans deux secondes, je vais les tuer.
-Laisse tomber !, s'est vivement exclamé Hélèna en jetant son porte-monnaie dans le taxi. On n'a... heu, on n'a pas le temps. Et ca ferait plein de saletés. Allez, viens.
Après seulement quelques pas à l'intérieur de l'immense hall d'entrée, il est devenu évident que quelque-chose clochait. C'était totalement désert, on n'entendait pas un bruit. Je me suis avancé dans l'entrée d'un pas mesuré.
-C'est bizarre. Il devrait y avoir des vigiles. Des verrous partout.
-On s'inquiétait pour rien, c'est tout, a dit Hélèna en haussant les épaules. C'est la nuit, c'est peut-être normal qu'il n'y ait personne.
-... Hélèna, presque tous les spectacles ont lieu la nuit, ou au moins le soir. Et on laisse pas le Madison Square Garden comme ca, sans surveillance! Lady Gaga est venue ici, bon sang !
-Oh, ca va !Je suis sorti de la Colonie que trois fois dans ma vie, je suis pas super au courant de tous ca, figure-toi !C'est peut-être la Brume...
-Quoi ?Elle pourrait, genre... éloigner les gens d'ici ?
-Je pense oui, c'est quelque-chose que peux faire quelqu'un de très puissant. Toutes personnes s'approchant de l'endroit ensorcelé se rappelle aussitôt qu'il a un truc urgent à faire, et il fait demi-tour. Mais pour faire ca avec un bâtiment pareil, où des centaines de gens se rendent chaque jours après avoir attendu impatiemment de s'y rendre pendant des mois... il faudrait vraiment être surpuissant.
-Nicolas Di Angelo en serait capable ?
-Oui, peut-être. Mais pourquoi il voudrait privatiser le Madison Square Garden ?
-Tu sais quoi ?On va aller lui demander.
C'est alors qu'on a fait un pas de plus dans le hall. Et aussitôt, un indicible brouhaha a commencé à retentir. Les rugissements d'une foule, à l'intérieur de la salle de concert. Le bruit avait explosé d'un seul coup, comme si quelqu'un avait soudainement remit le son, un vacarme qu'on aurait dû entendre depuis l'autre bout de la ville. On venait d'entrer dans la zone dissimulée par la Brume.
On s'est entreregardés une seconde. Plus on se rapprochait de l'origine des bruits, et moins ils avaient l'air... humain. Il y avait des aboiements. Des hurlements qui ressemblaient aux meuglements des vaches. Même certains cris d'oiseaux, et des sifflements. La vérité, c'est qu'on savait déjà ce qu'on allait trouver à l'intérieur. Et ni elle ni moi on n'avait envie d'y croire.
Enfin, on a passés le portique de sécurité puis atteint une des entrées de l'immense salle de concert du Madison Square Garden. Et elle était remplie de monstres.
Hélèna a ouvert la bouche sur un hurlement de terreur muet. Bon, d'accord, moi aussi. Les vingt premiers rangs pourtant incroyablement vastes étaient bondés, il devait y avoir cinq mille, peut-être dix milles monstres différents, tous si différents qu'il aurait fallu des siècles pour les décrire un par un. La puanteur qui prenait à la gorge dans la pièce était abominable : sueurs, toilettes publiques, vomi... sang. C'était si intense que ca devait même cacher notre odeur de demi-dieux. Il y avait des créatures ailées qui tournoyaient au-dessus de l'immense scène de spectacle, des fauves velus la gueule ouverte sur des rangés de dents effilées entre lesquelles jaillissaient des torrents de baves, des femmes aux cheveux de serpents qui hurlaient de rire en sautant sur leurs sièges, quelques géants si grands qu'ils dépassaient même les horribles hybrides hommes-chiens non loin d'eux de plusieurs têtes. Des hommes avec le corps de toutes sortes d'animaux et des animaux avec la tête de toutes sortes d'hommes. Un type massif, colossal, prenaient quatre place à lui tout seul, sa hache posée sur ses genoux. Ce n'est que quand il a rugit que j'ai pu remarquer qu'il avait une tête de taureau. Le Minotaure. Et j'aurais pu continuer comme ca pendant très, très longtemps.
Hélèna – bizarrement elle l'avait enfin fermée – a posé une main tremblante sur mon épaule et a pointé du doigt un coin en retrait sur l'immense scène autour de laquelle s'était rassemblée cette horrible ménagerie.
-Peter..., a-elle murmuré d'une voix blanche.
La bonne nouvelle, c'est qu'on venait de retrouver Peter. La mauvaise, c'était qu'il était là, enfermé dans une grande cage aux barreaux noirs comme la nuit, comme un animal sauvage – ce qui manquait pas d'une certaine ironie quand on regardait un peu le public. Il avait l'air un peu mal en point, comme s'il avait dû encaisser quelques coups, et il passait des coups d'épées contre les barreaux sans interruptions – j'ignorais pourquoi on lui avait laissé son arme, mais il restait plus qu'à espérer que celui qui avait fait ca en vienne à le regretter. On était beaucoup trop loin de la scène pour voir son visage avec précision, mais le petit blond devait être épouvanté. C'était insensé que tous ces monstres soient là à hurler à la lune et que personne n'ait encore essayé de le bouffer.
-Qui a bien pu le mettre dans une cage pour l'abandonner là ?..., ai-je soufflé. Et pourquoi ils sont tous là, à... à attendre ?
Soudain, les projecteurs au plafond se sont éteints, et l'obscurité est tombée sur la salle. Bien-sûr, les monstres ont continués à hurler, peut-être encore plus fort. Jusqu'à ce que l'Obscurité tombe sur la salle. Soudain, une terrible aura de puissance s'est abattue sur nous. Je me suis effondré, plié en deux, à deux doigts de vomir. C'était pire que ce que j'avais ressenti quand Clarisse Larue avait déchaîné son pouvoir, pire que quand Thalia Grace l'avait fait. Comme le pouvoir de Jason, mais en terriblement plus froid. Soudain, tout m'as paru plus noir, la pénombre qui nous enveloppait a semblée être avalée, dévorée par une noirceur encore bien plus sombre, éternelle. Le désespoir et la terreur ont explosés dans tous mon corps, envahissant la moindre parcelle mon cerveau, et j'ai soudain était secoué de l'atroce certitude que mon cœur venait de geler à l'intérieur même de ma poitrine. Je me suis plaqué une main sur la bouche juste à temps pour m'empêcher de pousser un hurlement d'horreur. A coté de moi, Hélèna tremblait, les yeux écarquillés, mais tenait mieux le choc, peut-être parce qu'elle était beaucoup plus puissante que moi.
Sur scène, les ténèbres se sont encore épaissies, ont semblées tournoyer sur elles-mêmes... et soudain, deux personnes sont apparues au cœur même de l'ombre. Avant même qu'elles aient fini de prendre consistance, l'une d'elle a attrapé quelque-chose dans son dos, et a tiré droit sur nous. Une flèche. Hélèna m'a précipitamment plaqué contre le sol avant d'en faire autant, mais alors que j'étais persuadé qu'on était la cible, le projectile a filé au-dessus de nos têtes et continué sa route jusqu'à briser la vitre de la salle des réglages derrière-nous. Et soudain, un projecteur de lumière blanche s'est abattu sur la scène pour éclairer les deux nouveaux arrivants. L'un d'eux avait réussi à tirer sur la salle des réglages avec assez de précision pour pousser exactement le bouton qui déclencherait le projecteur. C'était impossible.
-C'est lui, a murmuré Hélèna aplatie à coté de moi. C'est Nicolas Di Angelo.
J'ai difficilement relevé les yeux, à peine remis de la terrible aura de puissance qui flottait encore dans la pièce. J'ai tout de suite su lequel des deux était le fils d'Hadès. Etonnamment, non, Nicolas Di Angelo ne portait pas un long manteau noir qui traînait sur le sol. Est-ce qu'il avait osé la cape? Non plus. Un blouson de cuir? C'était le truc de Mme Grace. En fait, il portait une longue blouse blanche de médecin ouverte sur une chemise bleu nuit et pantalon noir. Bizarrement, j'aurais trouvé ca moins flippant s'il avait débarqué dans une armure intégrale taillée dans du diamant noir. Il avait de très longs cheveux plus noirs que la plus noire des nuits sans lunes qui descendaient jusqu'à ses genoux, contrastant avec sa blouse immaculée. Mais surtout, il se dégageait de lui quelque-chose d'infiniment sombre, de froid et de triste. Pas quelque-chose de mauvais, non. Seulement noir. Il avait les mains dans les poches de sa blouse, comme si il n'avait aucunes consciences du danger de la situation. J'ai pas pu m'empêcher de demander :
-Pourquoi il s'habille comme ca ?...
-On ne sait pas vraiment, a soufflé Hélèna. Je t'ai dis, on ne sait pas s'il a une vie en dehors de tout ca. Mais c'est très possible qu'il ait fait des études de médecine. Une fois, je l'ai vu... je l'ai vu lancer des scalpels. Des scalpels en bronze céleste, qui atteignaient leur cible avec une telle précision qu'un seul parvenait à la tuer.
-Un fils de la Mort qui fait des études de médecines ?C'est... bizarre. Ou incroyablement logique ?Je suis pas sûr.
-Pourquoi il s'habillerait comme un docteur, sinon ?On fait pas des fautes de gout aussi élémentaires sans bonne raison...
A coté de lui, il y avait un garçon beaucoup plus jeune. Il avait l'âge d'être à la fac, environ dix-sept ou dix huit ans, juste assez vieux pour avoir fini le lycée. Bizarrement, il me ressemblait un tout petit peu. On avait le même nez. Le jeune homme a soupiré en passant une main dans ses cheveux blonds. Peter, qui continuait de taper sur les barreaux, devait sûrement passer sa colère sur lui en lui hurlant dans le cerveau.
-Je peux ouvrir la porte de la cage, ai-je fini par chuchoter. Mais pas sans me faire bouffer tous les membres en descendant jusqu'à la scène, et une fois arrivé dans cet état j'aurais un peu de mal à me concentrer.
-Essayons déjà de savoir ce qu'il se passe, a répondu Hélèna sur le même ton. Peut-être que ca peut nous aider, ou je sais pas. On est quand même envoyés par un devin...
Très lentement, on est descendus vers les derniers rangs, à une distance raisonnable des monstres, et on s'est planqués derrière une rangée de sièges.
A ma grande surprise, l'ado portait un pied de micro. Il l'a posé devant Nicolas, puis il a reculé derrière-lui, les bras croisés. Nicolas s'est avancé. Et il a commencé :
-Bonjours à tous.
-Quand qu'on l'tue ?!, a tonné une voix rauque et sauvage dans l'assistance. Quand ?!
-Je vous ai tous réunis ici pour une raison simple. Nous...
-...OUAIS, a coupé quelqu'un d'autre dans la foule, parmi les premiers rangs. Ultra-simple !SIMPLE !ON LES BOUFFHAHAHA !
Sur ces paroles sympathiques, une créature a bondit de sa chaise. On aurait dit un chien noir et velu, tout simplement énorme, avec des airs vaguement humains et qui vraisemblablement était doué de parole. Le chien a fait un bond immense, sa gueule hérissée de crocs couverts de bave semblant doubler de volume pour se jeter sur Nicolas. Tout s'est passé en un instant. Soudain, un pistolet noir comme la nuit a jailli de la manche du fils d'Hadès, et il a tiré une fois, sans même sortir l'autre main de sa poche. Le monstre a explosé en mille morceaux, alors que le bras de Nicolas était dans sa gueule jusqu'au coude. Ca, c'est ce qu'on appelle s'approprier la scène. Il a posé sur l'assistance un regard froid.
-Ce sont des balles de fer stygien. Celui qui meurt par elles ne retourne pas simplement aux enfers. Les plus faibles y subissent une éternité de tourments. Les plus forts sont incapables d'échapper à la fosse avant des centaines d'années. Précisons de plus que ceci est une des armes de l'OMEGA, que je leur ai volé lors de mon infiltration dans l'Organisation, il y a de ca bien longtemps. Elle a été modifiée par Annabeth Jackson pour s'adapter à l'énergie d'un demi-dieu. Quelqu'un d'autre souhaite-il m'interrompre ?
Pas un son ne s'est élevé dans l'assistance. Aux mots « Annabeth Jackson », tous les monstres avaient eu une sorte de mouvement de recul. Je savais pas qu'on pouvait devenir un ingénieur redouté, dans ce milieu. C'était incroyable ce qu'il pouvait faire penser à Persée. Ses menaces, son aura... on aurait dit une version moins terrible de lui, quelqu'un qu'il aurait pu être avant de devenir encore pire.
-Bien. Vous tous ici avez reçu mon message. Il y a trois jours, J'ai envoyé des fantômes à travers la totalité du pays pour vous convier à ce rendez-vous. Je vais aient réunis ici en employant la seule chose qui peut pousser des monstres à se rassembler pour écouter un demi-dieu. La vengeance. Cependant, vous pouvez obtenir bien plus que ce que vous êtes venus chercher ici.
-« Le fils de Percy Jackson sera à New York au Madison Square Garden dans trois jours à minuit. Une fois arrivés, si vous voulez manger ne tuez personne. », a grogné une femme avec une jambe de fer et une autre de bouc. C'est tout ce que disaient les fantômes. Il a quel âge ? J'espère qu'y en aura assez pour tout le monde.
-Avant que je continue, laissez-moi vous présenter celui qui se tient derrière-moi.
L'ado s'est avancé. Soudain, j'ai remarqué ce qu'il portait dans le dos. Un arc et un carquois. Il avait aussi deux autres carquois un peu plus petits qui pendaient à sa ceinture.
-C'est lui, ai-je chuchoté à Hélèna. Je sais pas pourquoi, mais à tous les coups c'est lui qui a tiré dans les roues. Il a dû se poster sur le toit, juste avant de venir ici. Mais pourquoi Nicolas lui aurait demandé de faire nous tirer dessus ?
-On était dans une voiture conduite par des monstres, rappelle-toi. Peut-être que les Sœurs Grises aussi étaient conviés au rendez-vous, qu'il était sur le toit pour surveiller l'arrivée des monstres et qu'il a voulu s'assurer qu'elles viendraient. Peut-être qu'elles avaient refusés l'invitation, mais qu'il a cru qu'elles avaient finalement décidé de venir.
-Son nom est John, a dit Nicolas d'une voix forte. Je l'entraîne moi-même depuis ses onze ans. Il tire mieux que moi. Il peut visualiser une cible aussi clairement que si elle était réellement devant lui juste en entendant ses pas sur le sol, ou le frottement de ses vêtements. Je ne l'ai encore jamais vu manquer une cible, jamais. Si par miracle l'un d'entres vous parvenait à échapper à ma vigilance pendant que je suis en train de parler et tentait de mettre fin à mes jours, John vous tueraient tous – et ne pensez pas une seconde qu'il en soit incapable.
-Ca rime à quoi, ces conneries ?!, a tonné un énorme lestrygon non-loin de nous. Quand est-ce qu'on mange le gamin Jackson ?!
-Peter Jackson était un prétexte, a dit Nicolas d'une voix forte. Un appât pour tous vous réunir ici aujourd'hui. Je sais qu'après cette révélation, les deux tiers d'entres vous projettent de se jeter sur nous pour nous dévorer, c'est pourquoi je vous laisserais faire ce que bon vous semble de Peter Jackson si vous me laisser finir ce que j'ai à vous dire. En revanche, si je suis encore interrompu, vous n'auriez à manger. Et vous mourrez tous, aussi.
Aussitôt, John a sursauté et porté les mains à ses tempes, l'air agacé. Ca ne devait pas du tout plaire à Peter. C'était de la folie. De la folie pure et simple. Ils se servaient de lui comme d'une récompense qu'on agite devant un chien pour qu'il daigne donner la patte. Je me suis remémoré les paroles d'Hélèna qui tremblait à coté de moi : « Souvent, on se rend compte qu'en fin de compte il nous a aidés, mais sans se soucier d'occasionner des pertes ». Suivant ce qu'il voulait dire aux monstres, il se pourrait très bien que Nicolas les laisse dévorer Peter pour gagner leur confiance. Et enfin, le fils d'Hadès a fini par aller droit au but :
-Je suis ici pour vous parler d'un sujet qui nous concerne tous. L'Organisation d'Eradication du Greco-Anormal. L'OMEGA. Il y a encore quelques dizaines d'années, chacun d'entre vous pouvait dévorer, saccager, vous agissiez en toute impunité et n'étiez ralentit que par les quelques demi-dieux capables de vous vaincre. Et puis, Percy Jackson a fondé son organisation.
Des hurlements et des rugissements de fureur et d'approbation ont retentit dans l'assistance.
-Depuis lors, les chasseurs sont aussi devenus les proies. Vous êtes traqués, tués, détruit encore et encore. A la moindre manifestation de votre force, ils vous repèrent, et ils vous éliminent. Il en est de même pour les demi-dieux. L'OMEGA vous privent de votre nourriture en kidnappant les plus jeunes, en éliminant les plus vieux.
-Où est-ce qu'il veut en venir ?...,ai-je murmuré. Il est là pour pleurnicher ou quoi ?
-Et il y a quelques semaines, l'OMEGA est allée plus loin qu'aucuns d'entre-nous n'aurait pu le présager. Ils ont touchés le cœur de notre culture.
-Les Parques ont été capturés, a sifflé une femme avec des lunettes de soleil dont la tête était couverte de serpent. Nous le savons tous depuis la mort de Lachésis. Nous l'avons tous... ressentis. Mais nous n'y pouvons rien.
-Exactement. A cela, nous ne pouvons rien. L'OMEGA est plus fort que jamais au Mont Olympe, ils y ont établis une nouvelle Base. Ils ont mobilisés à travers le monde entier tous leurs agents de rang A afin de garder les Trois Parques et de tenir éloigné du Rituel toutes manifestations mythologiques. Même si les Romains étaient encore là, une attaque serait un échec. Chacun d'entre nous est en danger. Monstres, demi-dieux. Tous ceux qui ont le moindre lien avec la mythologie seront peut-être moins qu'un souvenir dans douze jours. Nous disparaîtrons sans laisser de traces. L'OMEGA et allée trop loin. L'OMEGA a visé trop haut. Il nous faut nous unir, et les détruire tant que c'est encore en notre pouvoir. Pour la toute première fois, les demi-dieux et les monstres doivent faire front ensemble, voilà mon plan. Vous êtes l'élite de vos races, les plus forts d'entre eux, sinon leurs souverains.
-Je peux pas le croire..., a soufflé Hélèna. Il peut pas être en train de faire ca ?
-Voilà pourquoi vous êtes ici. Voilà ce que je vous demande. Prévenez vos alliés et vos subalternes, tous ceux qui seront prêt à vous suivre et à vous obéir. Pour tenir le Mont Olympe, l'OMEGA a fait une erreur. Ils suivent les ordres de Persée Jackson, mais ils ignorent qu'ils ont encore des ennemis en nombre, et ainsi ils ont manqués de prudence. L'Organisation s'est affaiblit en privant le reste du monde de ses meilleurs éléments, leurs forces sont presque intégralement concentrées sur le Mont Olympe et la Grèce parce qu'ils ne redoutent absolument pas une attaque surprise. C'est le moment ou jamais de frapper. La Colonie des Sang-Mêlés va tenter de sauver les Trois Parques, pas avec une armée, avec une quête. Aucunes armées ne pourra accéder au Mont Olympe. Plus rien n'aura d'importances si ils échouent, mais même s'ils réussissent, l'OMEGA tentera autre chose pour nous détruire, encore et encore. Nous avons une autre alternative. L'OMEGA et la Colonie vont se confronter. Et pendant qu'ils seront occupés à s'entre-détruire, nous allons avoir notre seule et unique chance d'attaquer l'OMEGA. La Colonie a refusé cette éventualité, autant par manque d'effectif que par couardise, ils ne veulent pas prendre leur risque de dévoiler leur existence à notre ennemi par une attaque. Mais j'ai pu obtenir l'emplacement de chacun des Quartier Général de l'Organisation. Nous ne seront jamais assez nombreux pour tous les prendre, mais nous allons détruire tous les plus puissants, les fondations de leur Organisation. Sans eux, les autres ne tarderont pas à s'effondrer. Et alors, vous serez libre. Tous sera à nouveau comme avant.
A cet instant, j'ai compris que si on ne l'arrêtait pas très vite, bientôt on serait incapable de le faire. Il était en train de réussir l'impossible, il allait réellement les convaincre de collaborer. J'ai tenté de réfléchir à toutes vitesses. Si Tirésias n'avait pas changé l'avenir, on n'aurait jamais été mis au courant de cette réunion, on aurait continués notre route sans Peter. Nicolas aurait constitué son armée de monstre. Mais c'est là que ca clochait. Pourquoi pas? Pourquoi l'arrêté? Son projet avait l'air très bon. Bon, certes, il avait jeté un enfant de dix ans dans une cage pour le donner en pâture à un millier de monstres affamés, mais à part ca? J'ai essayé de me re-concentrer. Ce qu'on ferait pour sauver Peter empêcherait Nicolas de faire quelque-chose d'horrible, c'était une certitude. Il essayait de faire collaborer des monstres, après tout il y avait trois milles façons que ca finisse mal !Non, il fallait juste sauver...
-Derek ?!, s'est soudain exclamé une voix dans ma tête. Hélèna ?Hélèna c'est toi ?C'est votre présence que je sens au milieu de ces esprits primitifs ?!
J'ai sursauté si violemment qu'on a faillit se faire repérer. Là-bas, sur scène, Peter continuait de donner des coups d'épées sur sa cage comme si de rien n'était. Il était bien trop intelligent pour regarder dans notre direction.
-Tu l'as entendu ?, ai-je murmuré.
-Peter..., a murmuré Hélèna avec soulagement.
-Il peut faire ca ? Communiquer avec nous sans que personne d'autres que nous ne le sache ?
-Mais qu'est-ce que vous foutez ici ?!, a vociféré le petit blond.
-La ferme, ai-je pensé de toutes mes forces, dés qu'ils auront fini de te prendre pour un fou on va être repéré, tait-toi !
-...il commence à parler comme ca quand il a peur, a coupé Hélèna.
Puis elle a fermé les yeux. Et soudain, c'est sa voix à elle que j'ai entendu dans ma tête :
-Reste calme, Peter, on va trouver une solution pour te sortir de là. C'est juste que pour l'instant, on sèche carrément...
-Tu..., ai-je balbutié. Comment t'as...
-C'est pas moi, a-elle chuchoté normalement. C'est Peter. Quand il discute avec plusieurs personnes à la fois, alors elles sont toutes connectées par leurs esprits. Son pouvoir ne nous relie pas chacun à lui, il nous relie tous ensemble.
-Vous n'auriez jamais dû venir, est intervenu Peter. Vous auriez dû continuer la quête sans m...
-T'as un truc avec l'idée de rester derrière pendant que les autres continuent sans toi, hein ?!, ai-je pensé d'une voix exaspéré. Y a une prophétie qui raconte qu'au minimum deux d'entre nous vont crever, j'ai pas l'intention de devenir un personnage secondaire mort au début de la terrible histoire du jeune Peter Jackson, fils d'un ancien héros forcé de tuer son père pour sauver le monde en perdant ses compagnons de quête en route !
-Moi, je suis là pour te sauver pour de vrai, Pet' !, a précisé Hélèna.
-Non mais vous vous croyez en pleine discussion SMS ?!, a vociféré Peter. Je me fiche de qui est venu pour quoi, vous allez repartir tous les deux !Je me débrouillerais !Ce type en noir c'est Nicolas Di Angelo, on ne peut pas être certain de ce qu'il va faire de m...
-Il a pas compris, ai-je à nouveau coupé. T'as vu Hélèna ?Il comprend pas. Peter, je me FOUS de ce que t'as envie de faire, ou de si tu vas survivre à ta super aventure ou quoi, tu vas sortir d'ici avec moi parce-que dans le cas contraire je suis quasi-sûr que c'est MOI qui vais mourir. Donc, d'une façon étrange et un peu tordu, je vais te sauver la vie parce-que je suis le pire des égoïstes. Maintenant, écoutez-moi. Y a pas trente six milles manières de procéder. On est clairement trop faibles pour se débarrasser de cette ménagerie par la force, ils sont beaucoup trop nombreux. Alors, il ne nous reste que la ruse.
-Pas si vite !Pas question que je laisses ma vie entre tes mains dans ces circonstances, la stratégie c'est mon rayon.
-Ah bon ?Alors pourquoi c'est toi, qui va te faire bouffer ?J'ai dis la ruse, la ruse c'est MON rayon.
-Faîtes-le ensemble, ce fichu plan !, s'est exclamé Hélèna. Comme si on avait le temps pour une discussion aussi ridicule...
-Et toi, ca te dirais pas de réfléchir, pour une fois ?
-Je... je suis plus dans l'action. L'action pas fatigante, celle qui ne décoiffe pas. Trouvez un plan, et puis on verra bien ce que je fais.
Soudain, une idée m'est venue. Une idée brillante, à la fois simple et suicidaire.
-Ouais..., ai-je susurré d'une voix inquiétante. T'es plus dans l'action, hein ?
Il nous a fallut de longues minutes pour régler les quelques détails qui pouvaient hypothétiquement nous éviter une mort qui restait tout de même quasi-certaine. Quand enfin on a eu fini de tout mettre au point, Nicolas n'avait toujours pas fini son speech, et de plus en plus de monstres semblaient lui prêter de moins en moins d'attention.
-On peut supposer d'après les paroles de l'Oracle que la quête ne parviendra pas à son terme avant le tout dernier jour, continuait le fils d'Hadès. Nous seront incapables d'être plus précis. C'est donc à midi pile que tout commencera.
-IL MENT !
Même Nicolas n'a pas pu dissimuler sa surprise. Hélèna venait de se lever. Elle se tenait dans l'allée, entre deux rangées de siège, les poings sur les hanches. Et elle tremblait comme une feuille. Tous les monstres se sont tournés vers elle, trop stupéfait pour envisager de la dévorer. Pour quelques secondes. Derrière Nicolas, John a bandé son arc et a avancé en visant la rouquine, mais Nicolas a levé une main pour l'arrêté. Il ne savait pas quoi faire.
-C'est un demi-dieu !, a continué Hélèna livide. Vous allez vraiment croire ce qu'il avance ?Nicolas Di Angelo est un membre du Conseil de la Colonie des Sang-Mêlés, un fils d'Hadès !Il n'est rien d'autre qu'un rikiki !
-« Il n'est rien d'autre que votre ennemi », idiote !, ai-je soufflé à voix basse bien planqué derrière les sièges. Continue : « il ne cherche que votre mort ».
Les arguments que je murmurais à Hélèna étaient merdiques. Vraiment, c'était nul. Mais presque tous les monstres présents étaient incapables de réfléchir plus de deux secondes. Oh, ils ne s'en sont pas prit à Nicolas, non. Les premières secondes de stupéfaction passées, sans même avoir écouté ce qu'elle avait à dire, l'intégralité de l'immense salle de concert s'est jeté sur Hélèna en se marchant les uns sur les autres malgré les exhortations au calme de Nicolas. Avec un hurlement de terreur extrêmement réaliste, Hélèna a détalé par la sortie la plus proche.
C'était le chaos, il n'y avait qu'un seul amuse-gueule, au moins trois milles monstres en voulaient un morceau et ca faisait dix minutes qu'on les faisait saliver devant un demi-dieu inaccessible. En plus, Hélèna étant l'unique fille d'Héra à avoir jamais vu le jour, son odeur l'indiquait pour chacun comme un en-cas qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion de gouter, potentiellement succulent. Vous savez pourquoi il y a plusieurs entrées dans ce genre d'endroit ?Parce-que si toute une foule en délire tentait de passer par une seule porte, jamais ils n'y parviendraient.
Aussitôt, alors que la moitié des enfers poursuivait une fille d'Héra qui beuglait de terreur les deux bras en l'air en courant à la vitesse d'un personnage de cartoon, je me suis glissé hors de ma cachette et j'ai commencé à remonter la foule à contresens. C'était absolument terrifiant. Je frôlais des mâchoires deux fois plus grandes que moi, des corps velus et puants, des écailles, les odeurs étaient plus fétides les unes que les autres et j'ai failli être écrasé par d'immenses pieds et des sabots à plus de quinze reprises. Mais ca fonctionnait. Nicolas et son apprenti échangeaient des paroles rapides en gardant les yeux fixés sur la foule, sans se douter qu'il y avait un autre demi-dieu qu'Hélèna dans le coin. C'était maintenant qu'il fallait agir, tant qu'ils hésitaient sur la conduite à tenir. Nicolas ne tarderait pas à juger qu'il valait mieux venir en aide à Hélèna pour le bien de la prophétie et en deux vols d'ombres il lui aurait sauvé la vie – après tout au bout du compte il n'avait aucunes raisons de la considérer comme une ennemi. Difficilement, j'ai réussi à atteindre les premiers rangs. Il ne faudrait plus longtemps avant que tous les monstres aient réussi à quitter la salle, le chaos ne me dissimulerait que quelques minutes tout au plus. J'ai contourné le devant de la scène jusqu'à ce que je me retrouve derrière les deux demi-dieux, et j'ai grimpé dessus, lentement. Peter a continué de taper contre la cage – tout changement de comportement aurait pu inciter Nicolas a tourné la tête, et s'il tournait la tête je perdais aussitôt la mienne. J'étais juste à quelques mètres de lui. Manifestement, son apprenti essayait de le dissuader de venir en aide à Hélèna lui-même :
-Vous ne gagnerez pas leur confiance en venant en aide aux demi-dieux, toute votre argumentation repose sur le fait que vous leur avez tourné le dos !
-Mon argumentation n'aura plus aucunes raisons d'être si la prophétie n'arrive pas à son terme, a rétorqué le fils d'Hadès d'une voix calme où pointait une touche d'affolement. Et c'est ce qui arrivera si Hélèna Harper meurt ici. D'un autre coté, elle est particulièrement forte. Si jamais elle pouvait s'en sortir par elle-même, nous serions sûr de conserver les monstres de notre coté...
-Laissez-moi y aller. Laissez-moi la sauver, vous direz que je vous ai trahis, je fuirais avec la fille et vous pourrez détruire l'OMEGA. Je pourrais même continuer de vous êtres utile en aidant les Trois à poursuivre leur quête.
-Tu ne bouge pas, John. La force est tout ce que ces monstres comprennent, si je ne peux pas faire obéir mes subordonnés, alors ils arrêteront de m'écouter. Mais nous avons besoin d'Hélèna en vie...
L'espace d'un instant, j'ai envisagé de le tuer. Nicolas, je veux dire. L'occasion était parfaite, il me tournait le dos, il était en pleine conversation, je n'aurais plus jamais une telle chance. Mais il y avait son apprenti. Même si je pouvais poignarder Nicolas dans le dos, je ne serais jamais assez rapide pour éviter de me prendre une flèche. Non, je devais m'en tenir au plan. Toujours s'en tenir au plan. Enfin, à petit pas, j'ai pu atteindre la cage de Peter. Il n'a même pas tourné le regard vers moi, il a continué de frapper les barreaux comme un zombie. Il avait le regard étrangement vide.
-Derek, tu fais quoi ?!, s'est-il soudain exclamé sans changer de comportement.
-A ton avis ?Je vais ouvrir le verrou, le plan est un peu basé là-dessus !
-Non, je veux dire, où tu vas ?!
-Jusqu'à ta cage, crétin !
-... ma cage ?
C'est là que j'ai compris. Trop tard. Je venais de tendre la main pour plaquer ma paume contre le verrou. Et il n'y avait que de l'air froid sous mes doigts. De la Brume.
A mon contact, l'illusion s'est dissipée comme un courant d'air et le faux Peter a disparu dans un fin nuage de fumée. Aussitôt, Nicolas Di Angelo a sursauté et a fait brutalement volte-face en dégainant son pistolet. Son apprenti a encoché une flèche à une vitesse qui défiait la raison et attendu le commandement du fils d'Hadès, calme et concentré. Et comme la vie est dégueulasse, l'air a ondulé juste à coté de l'archer et Peter est apparu, à genoux, à peu près aussi amoché que l'illusion, désarmé – ben bien-sûr, évidemment ! – et attaché par des chaînes noires comme la nuit dont émanait une légère vapeur noire. Il me regardait avec un air effaré tandis qu'il comprenait ce qu'il venait de se produire.
Lentement, très lentement, j'ai lâché mon poignard qui est tombé sur le sol avec un bruit sourd, puis j'ai levé les mains en l'air.
-Salut. Ca... ca va
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