
7
Plongé dans ses songes, Alex s'inventa une nouvelle vie au cœur d'un monde fantastique. Siltaria le fascinait et toutes les histoires de sa mère continuaient d'embellir ses rêves, ainsi il se retrouva au cœur d'un immense château blanc. Toutes les histoires que lui racontaient sa mère lui étaient revenues en tête, toutes sans exception afin de le faire rêver, afin qu'il oublie tout ce qui lui était arrivé.
Seulement, les évènements de la veille l'avaient trop marqué. Ainsi, en un instant son rêve se retrouva englouti par d'immenses flammes et il sombra dans un cauchemar infernal. Des torrents enflammés s'abattirent sur lui alors qu'au-delà du brasier il entendait des cris, ceux de sa mère. Et quand le visage de cet homme lui apparut, il se réveilla en sursaut et cria. Aussitôt, l'aeflein se réveilla et bondit hors de son lit.
— Qui va là ! Halte !
— Glen, c'est moi... J'ai juste fait un cauchemar.
Ce n'était pas juste un cauchemar, c'était aussi une nouvelle lame qui perça son cœur et brisa ses espoirs. Comment sa mère aurait-elle pu survivre à une telle chaleur ? Il secoua la tête, non, elle lui avait promis de revenir. Elle était en vie.
— J'ai revu cet homme.
Glen soupira, se leva et partit allumer une lampe champignon.
— La capitale est plus sûre que n'importe quel autre endroit en Siltaria, cela va de soi. Alors je doute que cet homme puisse t'atteindre à nouveau.
Glen avait-il seulement raison ? Cet homme le reconnaitrait sans aucun doute et Alex doutait d'être en sécurité tout au long de la journée.
— Il ne m'aura pas oublié.
Alex ne se fit que plus pâle ce qui n'échappa pas à Glen. Ses yeux fixèrent son matelas de feuilles alors que tout son corps tremblait sous l'effroi. Dans un long soupir, Glen lui tendit sa dague.
— Tiens, au cas ou. Je dis toujours qu'une dague ça rassure !
Alex fixa la dague avec crainte, cette arme ne le rassurait pas. En réalité, savoir qu'il pourrait s'en servir renforçait ses peurs, ce sentiment de danger qui pesait dans son coeur. Glen comprit tout de suite son erreur et changea de discours.
— Enfin, je veux dire... Tu n'as rien à craindre mais c'est une sécurité en plus, tu vois ? Comme ça t'es spur que personne te voudra du mal... Bref, retourne te coucher !
Glen bondit dans son lit comme si Alex venait simplement de faire un mauvais rêve. Comment pouvait-il déjà se mettre à ronfler alors qu'un danger menaçait le fils de son amie ? Alex soupira et s'allongea sans quitter le plafond des yeux. Il mit du temps à s'endormir et pour cause, il craignait de revoir cet homme. Il espérait ne jamais avoir à faire à lui, ne jamais le croiser à nouveau.
*
Alex se réveilla les yeux humides. Toute la journée précédente lui revint en tête à la vitesse d'un TGV et cela le choqua au point où il resta inerte dans son lit un moment. Son âme venait de quitter son corps laissant son cœur battre dans le vide, sans aucune raison. Sa mère lui manquait. La lueur d'espoir enfouie sous sa peur et sa peine faiblissait et manquait à tout moment de s'éteindre. Que devait-il faire ?
Où était sa place au milieu des aefleins ? Nulle part. Autrefois, il aurait aimé vivre dans un tel univers, un monde semblable à celui d'un jeu de rôle, mais aujourd'hui c'était différent. Peiné, il tritura le dernier souvenir de sa mère : ce médaillon. Jon Rainy pouvait-il l'aider ? Accepterait-il ? Tout était flou.
— Tiens, je t'apporte à boire, lança Glen. J'ai bien compris que notre nourriture ne te convenait pas. Tu ressembles bien à Katrina, soupira-t-il.
Alex se redressa et attrapa le bol fumant. Il n'avait ni faim ni soif : à vrai dire il voulait juste dormir. Il n'avait pas la force de bouger, de parler ou de faire quoi que ce soit d'autre. En vérité, il commençait tout juste à réaliser ce qui lui arrivait.
— T'as fait tomber ça, déclara Glen en lui tendant son téléphone.
Ses yeux s'écarquillèrent. Il n'y avait pas pensé un seul instant et même s'il n'était d'aucune utilité ici, c'était le seul objet qui le reliait à sa vie d'avant. Un trésor en quelque sortes.
— Merci... J'imagine que les aefleins n'en ont pas.
— Non. J'ai même rien compris à ce truc.
Alex sourit. Il comprenait mieux à présent pourquoi les nouvelles technologies dépassaient toujours sa mère, elle ne s'y était jamais habituée. De plus, en dix-sept ans le monde avait beaucoup changé.
— Il faut que tu avales quelque chose, gamin.
Quand bien même cette épaisse soupe brune dégageait une douce odeur agréable, il dut se forcer à la boire. Il découvrit un réel délice, bien meilleur que la larve d'hier. Pour autant, même s'il se sentait réchauffer, il n'avait pas envie de la finir.
— C'est pas mauvais.
— Je sais, je sais !
— Dites... Comment se fait-il que deux mondes existent ?
— Bonne question ! s'écria Glen avant de rire à gorge déployée. Je n'en ai aucune idée. Je ne suis même pas sûr qu'Ellora ait la réponse alors qu'elle était là bien avant pas mal de monde.
— Elle est si vieille que ça ?
Glen ne put retenir un léger ricanement.
— Surveille ton langage. Si elle apprend que tu l'as traitée de vieille, ça va barder. Les aefleins vivent terriblement longtemps, si longtemps qu'on ne compte pas notre âge.
Cette longévité avait quelque chose d'effrayant, tout comme ce qui l'attendait. Au fond, l'inconnu le terrifiait. Il se trouvait dans une maison champignon sous terre, alors qu'allait-il encore découvrir ?
— Je dois avouer que j'ai un peu peur de la suite...
— Ce monde est nouveau pour toi, c'est compréhensible ! Tout ira bien.
Ce n'était pas la première fois qu'il lui disait que tout irait bien et cela commençait à l'agacer. Comment pourrait-il aller bien ? Il devait repartir de zéro et il était probablement recherché.
— Comment renforcer ses défenses mentales ?
S'il voulait empêcher ce mage de feu de le retrouver, il devrait bloquer ses pensées.
— Voilà une excellente question ! Imagine un mur solide qui entoure ton esprit.
— Et ainsi personne ne pourrait atteindre mes pensées ?
— T'as tout compris !
Glen lui adressa un large sourire qui, à cause de ses dents en scie, parut presque cruel. Mais Alex souriait, heureux. Il se sentait déjà plus en sécurité à présent.
— Vous sauriez m'entrainer ?
— Mmh... Possible ! dit-il en haussant les épaules. Suis-moi !
*
Glen s'éternisait à tenter d'enseigner la télépathie à Alex depuis des heures déjà et, impossible pour lui d'utiliser son pouvoir. C'était grâce à la concentration naturelle des aefleins qu'il ne percevait aucune pensée. Seulement, c'était aussi la seule fois qu'il désirait s'essayer à la télépathie.
— Tu vas finir par y arriver ! le rassura Glen. Utilise ta conscience !
Dans un long soupir d'exaspération, Alex se laissa tomber dans l'herbe fraiche. Il n'en pouvait plus. Pourtant, il parvenait parfaitement à se concentrer. Ni l'écoulement du ruisseau ni le souffle du vent ne le dérangeait. D'ailleurs d'où venait ce vent ? Il ne s'était pas posé la question jusqu'à présent mais il était vrai que c'était étrange.
Alex soupira à nouveau, las de tout ça. La télépathie l'agaçait. Il ne voulait pas entre les pensées de tout le monde mais il en avait besoin pour se protéger.
— Les aefleins ont-ils des pouvoirs ? demanda-t-il.
— Bien sûr ! Nous pouvons communiquer avec n'importe quel être vivant et regarde bien !
Il leva les mains et, sous le regard ébahi d'Alex, attira quelques cailloux vers lui. De la télékinésie. Il n'en revenait pas, quelles surprises ce monde allait-il encore lui offrir ?
— Je pense que j'aurais préféré ce pouvoir, grommela-t-il.
— Je te comprends !
— Qui t'es toi ?
Aussitôt Alex se redressa et se retourna vers cette voix enfantine. Trois petits aefleins se tenaient derrière lui, en train de l'observer avec intérêt et fascination. La fille qui lui avait parlé possédait de longs cheveux bleus, elle s'avança alors que les deux autres restaient en retrait.
— Alex est un humain, sourit Glen. Ne l'embêtez pas.
— Oui oncle Glen !
La petite s'approcha de lui et se mit à le fixer de ses grands yeux jaunes. Alex lui adressa un léger sourire. Ces enfants étaient comme lui, ils faisaient face à l'incroyable.
— Hoziel... soupira Glen avant de poser ses mains sur ses épaules. Retournez jouer vous voulez bien ?
Tous trois partirent comme ils étaient venus et Glen se mit à rire.
— Nous ne voyons presque jamais d'humains alors nos enfants sont vite intrigués. La gamine, Hoziel, est la fille d'Orick que tu as rencontré à ton arrivée.
Orick et lui étaient donc frère, cela expliquait leur ressemblance frappante.
— Les rumeurs vont vite ici, bientôt toute la cité te connaitra.
Alex aurait donné cher pour disparaitre, il ne voulait pas avoir des centaines de regards sur le dos. Soudain, il sursauta. Un énorme poisson semblable à un serpent jaillit de l'eau avant d'y replonger.
— N'aie crainte, ils ne te feront rien, le taquina Glen d'un rire gras.
— Siltaria est aussi... étrange ? demanda Alex.
Cette remarque fit rire Glen si fort qu'il sentit de nombreux regards se tourner vers lui.
— Tout va te sembler nouveau alors je suppose, oui.
Il espérait ne pas être trop perturbé, au moins les villes ne se trouvaient pas sous terre.
— Je crains qu'il soit l'heure d'y aller, souffla Glen.
— Déjà ?
— L'arbre qui te mènera à Avanh n'est pas tout près, expliqua-t-il. Et il vaut mieux que tu arrives à la ville de jour, un voyageur nocturne c'est toujours suspect.
— Vous m'accompagnerez ? s'inquiéta Alex.
— Hélas non.
— Voyager seul...
Alex frémit, il ne se sentait pas capable de faire route seul. Il aurait aimé avoir un guide. Et puis, il n'oubliait pas que ce mage pouvait lui tomber dessus à tout moment : un soutien aurait été appréciable.
*
Lors de son voyage, Alex découvrit d'autres endroits merveilleux comme ce lac dont lui avait parlé Glen. C'était une immense étendue d'eau au-dessus de laquelle s'élevaient des orbes lumineux. Des insectes d'après Glen. De gros insectes brillants qui firent frémir Alex. Il était dégoûté à l'idée qu'ils puissent l'approcher.
Par la suite, ils passèrent non loin de vastes champs de plantes violacées. Alex avait l'impression de voir des algues de plusieurs mètres de haut. Les montures des aefleins volaient non loin, se posant parfois pour en manger quelques-unes. Et enfin, ils arrivèrent près de la porte de sortie de cette cité.
— Et voilà ! Pas d'inquiétude, tu vas léviter jusqu'au sommet et tu te retrouveras à la surface sans soucis.
Alex trembla, il redoutait ce moment. Sa chute n'avait pas été sans problème, loin de là, il crut qu'il allait y passer et il craignait de se retrouver dans les feuilles de l'arbre. Voire dans les airs.
— Et après, soupira-t-il, retrouver Jon Rainy.
— Dès que tu l'auras trouvé, tout ira pour le mieux.
Il grimaça, il doutait que tout aille pour le mieux. Même si Jon lui apportait tout le soutien possible, il ne pourrait pas le renvoyer chez lui, il ne pourrait pas lui garantir que sa mère allait revenir, qu'il allait retrouver une vie normale. Il porta la main à son médaillon et souffla.
— Et si ça ne va pas ? osa-t-il demander. Les aefleins accepteraient-ils que...
A la grimace de Glen il comprit qu'il ne valait mieux pas compter sur le soutien des doyens. Alex il espéra de toutes ses forces que sa mère revienne au plus vite, car elle reviendrait : elle le lui avait promis. Il y pensait tout le temps comme si cela allait la faire revenir. Au contraire, il perdait espoir. Le feu avait tout dévorer sur son passage, alors était-ce possible que ses plantes en soient venues à bout ?
— Les doyens sont flippés. Je dois te révéler quelque chose, le répète pas mais il y a eu des disparitions. Certains d'entre nous sont sortis de la cité et n'en sont jamais revenus, alors les chefs ont peur. Tu comprends ?
Alex, en plus de comprendre, devint pâle comme un linge. Il ne savait pas s'il aurait souhaité obtenir cette information plus tôt ou ne pas l'obtenir du tout. Il sortait d'une ville aeflein, il était la cible idéale.
— Quand t'arriveras à utiliser ta télépathie, tu pourras me contacter.
Alex acquiesça, il y compterait bien.
— Et n'oublie pas ça. Je sais que tu n'aimes pas ça, mais on sait jamais.
Il lui tendit alors sa dague accompagnée de son fourreau de cuir. Cette arme le fit pâlir. Elle lui rappelait qu'il n'était pas en sécurité et qu'à tout moment il pouvait être forcé de l'utiliser, de tuer pour sauver sa vie.
Glen lui remit sa dague accompagnée d'un fourreau de cuir.
— Merci.
— Bonne route. J'aurais aimé t'apporter l'aide que Katrina m'a offerte par le passé... Mais les doyens en ont décidé autrement.
Alex lui sourit. Il n'avait pas les mots, Glen avait été assez généreux comme ça. Il n'avait pas besoin de plus.
— Tout ira bien, lui promit Glen. Tu trouveras Jon et il t'aidera.
Après une dernière accolade, Glen laissa Alex seul dans cet arbre. Comme il s'en était douté, ce tronc ne servait pas d'ascenseur. Dans un cri, il se retrouva expulsé dans les airs. Ses hurlements se répercutèrent contre les parois de bois, il allait si vite qu'il en eut le tournis. Par chance, le trajet fut de courte durée. En un instant, il se retrouva sur l'herbe fraiche. Quand il se redressa, ses yeux se plongèrent sur un magnifique paysage verdoyant. Au loin, derrière quelques hauts arbres, se trouvait un petit sentier qu'il se décida d'emprunter. La boule au ventre, il fit route vers la capitale. Il doutait et pensait encore à sa mère, il ne l'oubliait pas.
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