Chapitre 59
Château d'Avalon — Salle du Trône
Si le château d'Avalon était connu pour sa noble austérité, aucune pièce parmi les dizaines qui composaient les lieux ne représentait autant cet aspect que la salle du trône elle-même. C'était une pièce immense, flanquée de part et d'autres de colonnes de marbre formant une haie d'honneur. Aux pieds de chacune de ces colonnes se tenait un garde. Leur tenue était très sommaire : une cotte de maille, des épaulettes, des genouillères, un casque grotesque tout rond qui enveloppait quasiment toute leur tête. Ils tenaient dans leurs mains lances, épées ou boucliers. Quelques-uns gardaient à leur portée un fusil.
Le gris dominait les murs, le sol, le plafond. Dans cet océan gris de souris dormait paisiblement un tapis d'un rouge vermillon, vif, jeune. Ses bords se constituaient de fins liserets dorés. Il s'étendait de la grande double porte sur laquelle était gravé l'emblème de la famille royale, une tête couronnée d'une coiffe ressemblant aux bois d'un cerf adulte, au fond de la vaste salle, grimpant quelques marches d'un escalier minuscule qui menait à un trône. Un trône aussi large que grand. Il semblait à la fois imposant et confortable.
Dessus était assis quelqu'un.
C'était un homme petit, en témoigne le trône trop grand pour sa stature. Un homme petit, vêtu d'une cotte de maille recouvrant son torse. Son habit était recouvert d'une sorte de toge royale qui couvrait une de ses épaules. L'autre n'était pas nue ; cachée par une épaulette d'un or aussi terne que le soleil lui-même, la guerre semblait être une seconde nature pour elle. Elle rappelait l'imposante ceinture belliqueuse qui pendait fièrement sur le bas de son buste, permettant de tenir une sorte de pantalon de la même matière que le reste de son vêtement.
Mais le plus impressionnant chez cet être, le plus visible, le plus surprenant, venait de ses bras. Deux gants métalliques... Non, deux prothèses ornaient ses avant-bras. Elles ressemblaient vaguement aux gants des chevaliers qui peuplaient les récits anciens. Des prothèses incomparables aux merveilles nées du sein de la science. Une allure archaïque, voilà ce qu'elles dégageaient. Et pourtant ! Une aura de force s'en émanait. L'on disait que chaque fois qu'un doigt du roi se pointait vers un interlocuteur, alors cet interlocuteur tremblait. Telle était la réputation de cette main d'argent.
Hélas ! Si seulement ces bras terrifiants et supérieurs n'appartenaient pas à cette face si simple, à ce corps si rabougri, à cette tête semblable à n'importe quelle autre tête ! Des cheveux blancs en bataille, un visage sur lequel le temps a roulé, des yeux d'un brun commun à tous les autres yeux qui existaient en ces mers. Des yeux épuisés par les aléas du monde. Une petite moustache fournie se posait au-dessus de cette bouche lasse comme une cerise sur un gâteau. Elle était d'ailleurs d'une rousseur solaire, seul vestige de la jeunesse de cet être royal.
Tel était Nuada aux mains d'argent, roi d'Edens Shield.
Ce dernier était accompagné d'un homme de taille moyenne. Néanmoins, il apparaissait à première vue presque aussi vieux. Si la tenue du roi était similaire aux tenues des autres habitants du pays et particulièrement de sa garde royale, celle de l'autre personnage contrastait avec le paysage. Il portait avec toute la magnificence d'un empereur une large tunique dont la couleur rappelait celle des plumes de corbeau. Resserrée aux poignets, son habit, qui, par sa texture, évoquait toutes les douceurs de la soie, elle dissimulait un tronc certes étroit mais que l'on devinait travaillé. Les manches larges laissaient entrevoir des poignets fins, musclés, adroits, terminés par des doigts d'une extrême finesse. La tunique descendait jusqu'aux genoux de l'homme et n'était tenue que par une large ceinture d'un rouge flamboyant, un rouge plus solaire encore que les roses se réveillant au son de l'aube. Les pans de ce vêtement recouvraient une sorte de jupe fière qui tombait jusqu'aux chevilles timides de l'individu, soutenues par deux chaussons de la même couleur. Sur l'épaule, l'homme arborait un emblème particulier d'un jaune criard : une lance entourée de deux serpents.
Cet homme, qui se tenait à la gauche du roi, dégageait une aura solide, comme un roc. Son visage ne pouvait appartenir qu'à celui qui avait traversé les âges. Quelques rides parsemaient son profil neutre et sévère et soulignaient un regard d'un vert si clair que les pommes les plus vertes du verger sauraient connaître le rouge de la honte. Les ravages du temps avaient grignoté une part de sa chevelure, traçant les contours d'une calvitie sur les côtés de son crâne. Pourtant, il arborait deux tresses insolentes blanches qui retombaient sur chacune de ses épaules.
Les bras croisés dans le dos, son regard glissait d'un bout à l'autre de la grande salle du trône. Chaque fois qu'un des soldats qui attendait osait le regarder, le contact visuel ne durait pas plus d'une seconde. Non pas parce que les gardiens semblaient effrayés par la prestance de l'individu, mais bien parce que ce dernier choisissait de regarder ailleurs. Il balaya ainsi la pièce rapidement avant de se concentrer sur le roi lui-même.
— Tout est en marche, commenta soudainement Nuada. L'heure approche.
— Il faut pourtant vous ménager, répondit l'homme. La santé est fragile et on ne sait quels troubles pourraient surgir.
— Je ne le sais que trop bien. Le temps passe, l'histoire s'agite et...
— Et la santé est précieuse. Seul un être sain peut rester au sommet.
Nuada jeta un regard en coin à son accompagnateur. Il avait parlé d'un ton qui mêlait la sécheresse des vastes plaines et la volupté des vents d'été. Comme à son habitude, ses paroles étaient sages, malgré leur apparence aussi dure que la pluie ne tombait drue sur les îles automnales.
— Je peux prétendre à rester au sommet grâce à vos soins.
— Ma médecine agit, mais seuls les cœurs forts savent s'en accaparer tous les bienfaits.
— Vous êtes un être unique, docteur Ju. Je ne regrette pas d'avoir fait appel à vos dons.
Le dit docteur Ju ne se départit pas de son air neutre et profond. A vrai dire, il ne s'en défaisait que très rarement. Ainsi était Bao Ju, le médecin personnel du Roi.
— La vie est précieuse, répéta le docteur. Il faut la traiter avec soin.
— Hélas, des sacrifices sont nécessaires quand cela concerne des choses encore plus précieuses.
— Telles que... ?
— L'avenir de la nation.
— Pourtant, sans existence, pas d'avenir. Il faut ménager vos efforts. Il est inutile de lutter avec trop d'ardeur.
— Ce n'est pas ainsi que se comporte un Roi.
Le médecin hocha légèrement la tête. Nuada était connu pour ses positions fermes, ses avis tranchés et sa vision du monde.
— Hélas, je ne suis pas seul...
Une quinte de toux violente vint interrompre la phrase du roi. Il porta sa main argentée à sa bouche, comme pour tenter d'étouffer sa maladie et d'éteindre l'incendie qui ravageait son corps. Malheureusement, c'était impossible. Ses poumons s'enflammaient et un brasier violent calcinait son être entier. Depuis quelques mois, la sentence divine avait pris d'assaut la forteresse de son corps. Depuis quelques mois, ses crises, plus cruelles encore que les lances qui pleuvaient sur les champs de bataille, attaquaient ses membres et son système respiratoire.
La maladie du roi hurlait tant que les gardes, pourtant entraînés à l'immobilisme et à l'impassibilité, se tournèrent vers le trône et y lancèrent un regard inquiet. Fallait-il intervenir ? Pourquoi le médecin n'intervenait-il pas ? Bao Ju n'avait fait que décroiser ses bras dans le dos.
D'un coup, Nuada se crispa. Les gardes froncèrent les sourcils. Avaient-ils bien vu ? Bao Ju, bras tendu, venait de frapper le roi aux mains d'argent, une main sur sa nuque, l'index et le majeur enfoncés à la jonction entre sa colonne vertébrale et sa tête. Les yeux du vieil homme s'écarquillèrent comme deux soucoupes. Son corps entier se paralysa. Les soubresauts dans sa cage thoracique s'arrêtèrent si brusquement qu'un râle passa sa gorge sous l'expression estomaquée des spectateurs. Alors que tous commençaient à s'agiter, Nuada cessa de bouger. Ses muscles se détendirent.
— Eh, le doc ! rugit un des gardes. Qu'est-ce que tu fais à notre...
— Pas de panique. Je n'ai fait que réguler les énergies de votre souverain.
— En l'attaquant ?!
— Douteriez-vous de ma connaissance ?
Le ton n'avait rien de dur ou menaçant, néanmoins le garde impétueux ravala son impertinence. Le regard perçant du docteur ne quitta son interlocuteur qu'une fois ce dernier n'eut la tête baissée, bredouillant des excuses incompréhensibles.
— Allons, dit le roi. Ne nous énervons pas... Je vais bien... La technique du docteur est très efficace.
Les gardes échangèrent un regard perplexe. Disait-il la vérité ? Après tout, il avait l'air de se porter mieux après l'action de Bao Ju. Peut-être n'y avait-il rien à craindre, finalement ? Nuada pointa un doigt métallique vers l'un des soldats :
— Les Den Den Mushi sont-ils prêts ?
— O... Oui, votre Majesté !
Aussitôt, un homme apparut par une porte dérobée. Il tirait une sorte de socle roulant et le posa devant les marches du trône. Nuada dévisagea longuement le petit appareil qui se trouvait au sommet du socle. C'était un Den Den Mushi de taille moyenne. Un de ces escargophones spéciaux. La couleur de sa coquille différait légèrement, signe qu'il servait à une autre fonction que le simple appareil téléphonique.
Bien vite, l'escargophone s'agita. Son petit chant iconique retentit. Puis bien vite, une lumière sortit de ses yeux pour se réfracter plus loin. Une communication vidéo se lançait. Bao Ju s'écarta quelque peu, restant à bonne distance pour garder un oeil sur le roi sans le gêner. Il restait toujours à sa gauche, prêt à intervenir quand il le faudrait.
L'image de la vidéo, d'abord floue, laissa apparaître un ciel grisonnant. On devinait une terre battue derrière, même si le cadrage n'était pas optimal. Deux silhouettes se dévoilèrent d'abord. Le soleil brûlait tant l'écran que les traits des deux personnages s'avéraient difficilement reconnaissables. On distinguait simplement des traits féminins. Deux silhouettes hautes, l'une portant une sorte de chignon, l'autre, une queue de cheval. Sans plus tarder, elles furent rejointes par trois autres silhouettes. Les rayons du soleil qui dardaient sur l'image finirent par se dissiper, laissant pleinement leur interlocuteur admirer leur apparence.
Elles étaient vêtues toutes les cinq de la même manière : une protection solide, composée d'une cotte de maille sur tout le torse ainsi que d'un plastron protégeant le poitrail. Leur tenue était sertie de deux épaulettes sphériques. Posé sur la cotte de maille, le plastron épousait leur torse avec fierté, et pointait vers le nombril. Là où se trouvait le coeur se dessinait aussi fièrement une chouette.dorée. Le cadrage ne permettait pas d'observer la totalité de leur être mais on pouvait aisément deviner qu'en dessous de cette cotte de maille, elles portaient un flanquart guerrier dont la couleur rappelait celle des gantelets puissants qu'elles exhibaient avec triomphe.
La première chose que l'on remarquait était cette aura de noblesse qui flottait autour d'elles. Une aura forte, calme, comme cette eau limpide des légendes dont on connaît la puissance cachée. Une aura pourtant jeune, car ces jeunes femmes ne dépassaient pas la trentaine. Toute la vivacité du monde, toute la fougue de la jeunesse et l'ardeur des aventures semblaient les entourer.
Elles étaient assises sur des caisses, dehors, sous le soleil qui dardait ses rayons de feu au cœur d'un ciel bleu teinté de gris. Des nuages au loin présageaient un temps mauvais.
— Votre Majesté ? s'éleva une voix, celle au centre. Vous nous entendez ?
— Parfaitement bien...
— L'Escouade de Diamant au rapport.
Nuada fixa un instant les cinq guerrières dans la vidéo. La lumière commençait à bouger ; on apercevait mieux leur apparence. Celle qui venait de parler, dont la voix résonnait avec force, dévoila un visage ferme, probablement la plus vieille de toutes. Elle ne devait cependant pas avoir plus de trente ans. Un visage ferme, donc, aux traits marqués par la sévérité du monde, et pourtant qui ne reflétait aucune agressivité, n'inspirant qu'un respect total. Ses cheveux blonds tombaient dans son dos, s'organisant dans une sorte de chignon à l'arrière de sa tête, mais qui laissait voguer librement quelques mèches indomptables jusqu'au bas de sa nuque. Son front dégagé laissait entrevoir deux yeux aussi gris qu'un ciel triste, posés en dessous de fins sourcils légèrement froncés, accompagnant un nez et une bouche tristement banals.
Telle était Morgan, la cheffe de l'escouade. On racontait bien des choses au sujet de ces cinq combattantes, mais Morgan était celle qui en pâtissait le plus. On disait de son lame affutée qu'elle dominait la nuit et tranchait des corps par milliers. Une armée entière ne saurait résister à son courroux, un courroux qu'elle dirigeait sur les folles mers du Nouveau Monde. La perfidie surnaturelle de son fer aurait, disent les rumeurs, fait chuter un nombre indécent de têtes.
— Comme prévu, continua-t-elle d'un ton ferme, nous nous sommes rendues au royaume de nos alliés. La route n'a pas été longue, nous avons d'abord commencé par le Royaume de Pastaland.
— Le Roi Louis Ji a rapporté une forte présence de forbans près de ses eaux, lança une seconde voix.
Elle venait de la plus petite des guerrières. C'était une combattante féroce, dont l'allure était plus bourrue que celle de Morgane. Pourtant, elle respirait une confiance si noble qu'on lui aurait confié mille et une tâches sans sourciller ni craindre le moindre échec, en témoignent ses mains puissantes et son regard déterminé, aussi marron que celui de Morgane était gris. Elle passa une main dans ses cheveux, pour recaler le serre-tête qui permettait à sa coiffure — un carré ordonné aux mèches plus noires que les plumes d'un corbeau — de rester en place. Ses pupilles fuyaient vers l'horizon, scrutant les alentours avec soin, avant de reporter son attention sur l'écran.
— Et qu'en est-il, Viviane ?
— Nous confirmons. Plusieurs équipages de pirates ont accosté sur l'île, d'autres ont été aperçus en mer aux alentours. Un conflit a éclaté près de la ville et nous sommes venues en aide aux gardes royaux en mauvaise posture.
— C'est normal, ajouta Morgane. Puisqu'une partie d'entre eux naviguent sur la délégation qui fait route vers nos terres.
— Il faut bien aider ces pauvres âmes perdues... ricana une troisième.
— Yseult... maugréa une autre voix.
La-dite Yseult jeta un regard en biais à son équipière. Iguraine était connue pour son ton avisé et sérieux. Un ton empreint de sagesse. Un ton qui ne laissait pas place au doute. Un ton qui, malgré tout, transpirait d'une de ces fragilités qui forgeaient les grandes âmes. Un ton qui contrastait pleinement avec celui d'Yseult, dont la fougue ardente brûlait jusqu'au soleil lui-même.
Yseult ne faisait preuve d'aucune méchanceté ; ses railleries tranchaient peut-être dans le vif, mais toute la sincérité du monde nageait dans son regard. Une sincérité qui ferait pâlir de jalousie toutes les eaux les plus limpides du monde. Il fallait bien faire preuve d'un esprit taquin dans un monde aussi fade et rongé par les maux. Yseult l'avait bien compris. Ça ne l'empêchait pas d'être l'une des plus combatives. De loin la plus grande des cinq — au moins deux mètres vingt, là où les autres dépassaient seulement le mètre quatre-vingt-dix —, elle était aussi celle qui en imposait le plus. La première chose que l'on remarquait chez Yseult, en dehors de sa taille, était son air sévère. Un visage anguleux, fier, guerrier, qui portait deux yeux à demi-fermé, d'un marron automnal qui évoquait un crépuscule cinglant. Son front était bien dégagé, ses cheveux tirés des deux côtés de sa tête, formant une raie dégagée sur le haut de son crâne, couronné d'un chignon, dont la forme rappelait celle d'un sourire. Sa bouche se courbait en un sourire fier, ornementé de deux lèvres fines, contraste évident avec sa carrure. Des cinq, Yseult était d'ailleurs la seule à porter un collier d'or et d'argent, agrémenté d'un rubis qui rappelait le ton chaleureux de son regard.
A côté, Iguraine n'avait rien à voir. Si Yseult avait une prestance monstrueuse, Iguraine restait beaucoup plus en retrait. Un calme olympien se dégageait de son visage. Elle dissimulait des pupilles d'une neutralité parfaite derrière une paire de lunettes stylisées. En dehors de ces lunettes, d'un bleu qui défiait toutes les nuits d'été, la seule chose qui distinguait cette guerrière au corps filiforme des autres était sa longue chevelure. Une chevelure qui glissait jusque dans son dos, libre d'être chatouillée par le vent porteur d'espoir. Une chevelure qui, pourtant, encadrait son visage de la même manière qu'elle encadrait les expéditions menées par ses camarades.
Les deux jeunes femmes s'opposaient autant que la lune et le soleil, que l'eau et l'huile et que les épées sur les champs de bataille. Pourtant, nul opposant qui avait eu le malheur de croiser le fer avec elles ne pouvait dire qu'elles ne s'entendaient pas. Leur coopération faisait frémir n'importe quel imprudent se dressant sur leur route. Si l'on connaissait Yseult pour son amour des navires, plus imposante encore s'avérait la passion de son amie pour le bruit belliqueux qu'ils faisaient lorsqu'ils arpentaient les mers et visaient de leurs canons mortels les obstacles impertinents.
— Oh, ça va, pesta Yseult. Tu ne sais pas plaisanter.
— On ne plaisante pas avec la vie des gens.
Yseult poussa un long soupir. Le ton badin, ce n'était vraiment pas le truc d'Iguraine. Quelle peste elle pouvait être quand elle le voulait !
— Peut-on se concentrer sur notre rapport ?
Les deux guerrières dévisagèrent Morgane. Ah, celle-là ! Il n'y avait rien de plus important pour elle que la mission. Mais elle marquait un point. Le roi patientait de l'autre côté de l'écran. Il ne montrait aucun signe d'agacement. Seulement, était-il bon de faire attendre un vieil homme fatigué par l'épreuve du temps et les rouages cataclysmiques du monde ?
Yseult soupira, marquant la fin de la discorde.
— Notre affrontement s'est soldé par la défaite cuisante des pirates, expliqua Viviane. Nous nous sommes assurées qu'aucun ne puisse s'enfuir, bien évidemment.
— La situation était à peu près similaire dans le royaume de Glass Cup. Rien à signaler au large de Brambles en revanche...
De l'autre côté de l'écran, Nuada acquiesça doucement. Le rapport de son escouade était plutôt rassurant. Malgré l'opportunisme des pirates, la situation restait sous contrôle. Mais ce n'était pas une surprise. Il n'existait aucune escouade en ces mers plus efficace que celle-ci.
— Je suis ravi de l'entendre, réplique-t-il.
— Et vous ? Quelle est la situation de votre côté ?
— L'on m'a rapporté que la délégation de Glass Cup aura un peu de retard. Le conseiller du royaume de Brambles ainsi que le roi de Pastaland sont déjà arrivés...
Le roi cacha soudainement sa bouche avec sa main. Une nouvelle crise... Cela devenait de plus en plus fréquent. Durant tout le rapport de ses guerrières, il avait tenté de faire bonne figure. Son visage stoïque et attentif, vieux comme un arbre fier, dissimulait la forêt de ses faiblesses, pleine de branches prêtes à céder sous la force du vent et de troncs écorchés. Nuada le savait : ces temps lui rongeaient son énergie, pareils à une horde de charognards volant dans le ciel et picorant le macchabée de ses espoirs.
— Et vous, comment vous sentez-vous, votre Majesté ?
La question venait de la dernière des guerrières. Elaine. Comment pourrait-on la décrire ? Comment pourrait-on décrire ce visage si concentré et si concerné en même temps ? Lorsqu'elle arpentait les rues de la capitale, les gens se retournaient. Les petites filles pointaient un doigt admirateur et les petits garçons sautaient de joie. Toujours une parole pleine d'allégresse et d'empathie sortait de ses lèvres. Toujours elle prenait un moment pour prendre la main des femmes qui la saluaient, toujours elle offrait un digne salut de la tête aux hommes qui l'observaient, toujours elle déambulait dans les rues pavées comme une reine, posant ses pupilles sur les murs et les cieux.
Ses traits rappelaient autant la sévérité que la bonté. Un auguste regard brun perçait à jour quiconque se tournait vers elle. Deux grandes rides barraient son visage de son nez à ses lèvres, témoin de son âge avancé. C'étaient là les grandes caractéristiques de ce visage si connu sur l'île ; car il émanait du reste une tranquille banalité. Ses cheveux, coiffés en un carré lui arrivant au niveau de la nuque, encadraient son air serein. La seule chose qui la distinguait vraiment de ses camarades venait de la toute petite cicatrice qui fendait sa lèvre.
— Ma santé n'est qu'un souci mineur face aux questions qui nous attendent, répondit le roi.
— Il s'agit d'un sujet primordial, bien au contraire !
L'emportement d'Elaine face à la désinvolture du roi laissa un vide dans la conversation. La guerrière ne manquait jamais de rappeler ô combien la vie était importante, et les autres, de l'écouter, fut-ce un roi ou un empereur. Personne n'ignorait les conseils avisés d'Elaine qui, malgré la distance qui les séparait, respectait à la lettre sa position de doctoresse.
— Ne t'en fais pas pour moi, dit Nuada. Toute mon énergie est concentrée dans la réussite de ces prochaines heures. Je laisse ma santé entre les mains de notre royaume. Tu le sais mieux que quiconque, Elaine, je m'entoure de personnes compétentes.
Elaine accusa le coup. Son apparence bourrine ne le laissait pas présager, mais le roi aux mains d'argent n'ignorait pas comment utiliser les mots. Après tout, c'était là l'essence même d'un roi.
— De plus, ce n'est pas le moment. Le Sommet va commencer d'un instant à l'autre...
— Vous pourrez compter sur nous, lança Morgane. Nous rentrons sous peu. Si toutefois rien ne vient perturber notre voyage. La priorité reste d'honorer notre rôle en tant que lance de fer du royaume. Nos alliés sont précieux, mais les relations, elles, sont fragiles.
— Oui.
Le roi savait mieux que quiconque cela. Malgré l'apparente neutralité des regards, les mains s'agitaient et complotaient dans les dos. La confiance n'était qu'une rose livrée aux turpitudes de l'existence. Mais il restait serein. Rien ne pouvait venir à bout de ses plus fidèles guerrières quand elles combattaient ensemble. Séparées, elles étaient redoutables. Ensemble, aucun miracle n'était inaccessible.
— La coopération n'a pas été facile ! regretta Yseult. Ils sont sacrément bornés, les gardes. Surtout dans le royaume de Pastaland. Un vrai cauchemar !
— Ne parle pas comme cela de nos alliés, grimaça Iguraine.
— Pourquoi ? Ce n'est qu'une vérité.
— Oui, mais...
— Alors tout va bien ! Je ne les insulte pas, j'énonce une réalité !
Iguraine détourna le regard. Yseult pouvait être têtue, quand elle le voulait !
— Prenez garde, répondit malgré tout le roi.
— Les sorcières du crépuscule ne sauraient manquer à leur devoir !
L'appel par escargot-caméra continua pendant quelques instants, sous les yeux des gardes, à la fois concernés par ce qui se déroulait près d'eux, et distraits par l'attente. L'un d'entre eux tapa le bras de son collègue :
— Tu penses que c'était une bonne idée ? demanda-t-il, avant de préciser, voyant le regard intrigué qu'on lui renvoyait. D'envoyer l'escouade dehors.
— C'est normal, ouais. Le royaume a son bouclier et sa lance de fer. Si le bouclier reste en place, il faut bien aller de l'avant.
— Mais en ces temps compliqués... Le groupuscule qui se révolte...
— Les chevaliers sont assez pour s'en occuper et freiner leurs ardeurs ! N'oublie pas que le bouclier est aussi fort que la lance !
— Oui, mais c'est sans compter les autres problèmes... L'entreprise a des problèmes en ce moment...
Le garde interpellé, visiblement plus âgé que son compagnon, étouffa un rire gras. Le plus jeune des deux fit une moue devant l'air de son interlocuteur.
— T'es nouveau, toi, ça se voit ! T'inquiète pas. C'est une légende, cet esprit voleur !
— Pourtant il existe bien, ce nain chapardeur...
— Oui. Il existe. Mais je ne crois pas à toutes ces légendes. Il doit se cacher sous une autre forme. Probablement un coup des révolutionnaires qui veulent priver l'entreprise majeure du pays de son armurerie. On finira par l'avoir un jour, sans doute.
— Si tu le dis...
— Tu devrais peut-être te concentrer sur ce qui nous attend. Espérons simplement que tout se passe sans encombre...
Le jeune homme acquiesça. Oui, il l'espérait vraiment.
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Château d'Avalon -- Salle de réception
— C'est inadmissible !
Une voix venait de rugir dans le grand salon luxueux. C'était une voix forte, une de celles qui avaient l'habitude de faire exécuter les ordres. Elle provenait d'un petit bonhomme, pas plus haut que cinq pommes. Vêtu d'un costume vert par-dessus un haut blanc, de petites bottes en cuir et d'une couronne à branches certies de rubis, il avait l'air de tous les autres rois. Sur sa face sévère, ridée et allongée, se fronçaient des sourcils fournis, au-dessus de deux petits yeux malicieux et calculateurs. Mais le trait le plus flagrant venait de sa moustache garnie, partant de chaque côté de son visage en deux pointes vers le bas.
— Nous faire attendre de la sorte ! Ce fichu seigneur... !
— Allons, allons, roi Louis Ji... Les temps en mer peuvent être compliqués, vous le savez autant que nous.
Le roi de Pastaland dévisagea son interlocutrice. C'était une noble d'une trentaine d'années tout au plus. Blonde aux cheveux courts, elle arborait un faciès avenant. Quelques rondeurs caractérisaient ses joues rouges, contrastant avec son corset d'un bleu roi criant et sa longue jupe blanche. Elle agita une main pleine de parures argentées. La reine du royaume de Brambles, connue pour son ton courtois et ses gestes remplis d'allégresse, arracha une grimace arrogante au roi qui lui faisait face.
— Autant sinon plus ! Vous ne prenez pas souvent la mer, n'est-ce pas, reine Petal ?
— Plus souvent que vous ne semblez le penser. Là n'est de toute manière pas la question. Espérons qu'il ne soit rien arrivé au navire du royaume de Glass Cup. C'est là le mieux que nous puissions faire.
Louis Ji envoya un regard assassin en direction de la reine Petal. A ses côtés, un grand homme, aussi grand que fin, croisa les bras. Derrière son monocle, il dardait d'un oeil mauvais le souverain de Pastaland. Il fallait dire que le conseiller de Brambles n'était pas connu pour être l'homme le plus affable du Nouveau Monde, contrairement à sa reine, beaucoup plus agréable.
— Le temps est précieux, maugréa Louis. Ce conseil a beau être nécessaire... Il est insultant de devoir attendre de la sorte.
Personne n'émit aucune contradiction. Premièrement, parce que le roi de Pastaland, connu pour son tempérament de feu et son habilité à être grincheux en toutes circonstances, ne lâcherait pas l'affaire et que répondre ne ferait que donner naissance à une conversation sans fin et à un dialogue qui ne rimerait à rien. Deuxièmement, parce qu'il était préférable d'économiser ses forces avant le début du Conseil.
Enfin, parce qu'il marquait un point. Mais ça, leur fierté de souverains ne leur permettait pas de l'avouer.
Dans ce grand salon luxueux et aux couleurs chatoyantes, un silence gênant flottait. Installés sur des canapés en velours, face à une table remplie de spécialités de l'île, les invités profitaient d'un service assuré par des servants soucieux de bien recevoir ces êtres d'exception. Tous les regards se dirigeaient d'un voisin à l'autre, dans l'attente d'une faiblesse, une lèvre qui tressaille, un nez qui se retrousse, une main qui se crispe. Tous attendaient la défaillance de l'autre, prêts à dégainer une remarque cinglante.
Kathos se tenait à l'écart. Attentive à la moindre demande de ces quelques personnes exceptionnelles, elle ne voulait pas les décevoir. Bien qu'elle tenait à faire la meilleure impression possible, la jeune femme ne parvenait pas à contrôler le tremblement discret de ses membres. Un tremblement qu'elle devait à la façon dont les autres dévisageaient, détaillaient, analysaient tout ce qui les entourait. Des regards méprisants, venant de ces rois qui n'avaient connu que le luxe et les pays bien rangés !
Kathos déglutit. Non, ce n'était pas bien de penser ainsi. Que savait-elle de leur vie ? Que connaissait-elle de ces figures si rares ? Le monde était sens dessus dessous depuis des mois. La guerre au sommet avait absolument tout chamboulé. Plus récemment encore, la défaite du pirate Don Quichotte — qui était également le roi de Dressrosa — avait encore un peu plus marqué le monde au fer rouge. Un monde branlant, un monde vacillant. Elle se souvenait encore de cette fois où il était venu. Doflamingo... Il était si... grand ! Si imposant ! Comme un oiseau qui déployait ses plumes. Elle ne l'avait aperçu qu'une fraction de secondes. Elle n'avait aperçu de lui que son manteau rose et ses cheveux blonds. De dos, avec sa voix si grave, le pirate dégingandé lui avait paru... beau.
Terrifiant, mais magnifique en même temps.
C'était très étrange. Elle ne se souvenait pas de grand-chose d'autre venant de lui. Elle se souvenait de l'aura sinistre qui entourait ce personnage à la tenue estivale, comme un ciel d'encre entourant un coucher de soleil. C'était étrange. Presque poétique. Kathos, l'espace d'un instant, avait ressenti en elle la terrible envie de l'approcher. D'échanger quelques mots avec lui.
Aussitôt avait-elle fait un pas dans sa direction que sa raison lui avait rappelé que ce n'était pas une bonne idée.
Doflamingo ne l'avait pas vue. Ou peut-être que si, lorsqu'il avait jeté un coup d'oeil furtif à la décoration. Peut-être pas. Elle, en tout cas, elle l'avait regardé. Jamais un pirate ne l'avait autant marquée. Elle qui n'était qu'une simple villageoise, elle qui n'avait jamais connu que la périphérie de la ville de Guru, elle avait pu avoir un aperçu de l'immensité des mers.
— Qu'est-ce que vous attendez ? La prochaine Rêverie ?!
Kathos sursauta. Le roi Louis Ji la regardait avec une insistance crasse. Visiblement, ce roi détestait attendre. Il détestait qu'on lui désobéisse. Il détestait qu'on ne prenne pas ses ordres au sérieux. Depuis son arrivée, ce roi n'avait eu de cesse de marcher la tête haute, de s'asseoir la tête haute, et de ne jamais baisser le menton. Non pas comme l'impératrice pirate, qui, racontait-on dans les recoins des bars, levait si haut le menton que sa tête s'en renversait, mais de manière infiniment plus subtile, d'une manière si caractéristique des rois qui ne baissaient jamais le menton.
La jeune servante comprit bien vite ce qu'il attendait. Sa tasse était vide. Elle s'approcha, se confondant en excuses, puis servit le personnage. Il la remercia d'un hochement de la tête si subtil qu'il échappa presque à l'assemblée. Un timide sourire se dessina même sous sa moustache caractéristique.
— Il est bon, ce thé ! Pourriez-vous me resservir, mon enfant ?
Le commentaire ne provenait pas du roi, bien évidemment, ce serait peut-être trop demander. Non, celle qui venait de parler ainsi n'était autre que la reine Petal. Kathos manqua de bégayer devant la gentillesse et la politesse de son interlocuteur. Bien sûr, il convenait aux reines de maîtriser les mots. Bien sûr, ce n'était qu'une demande polie, une requête qui avait des allures d'ordre. Malgré tout, un sentiment de bonheur s'empara de la jeune servante. Quand bien même la vie dans ce palais n'était pas un enfer, Kathos estimait qu'un grand nombre de rois et de reines ne modulaient que trop bien leur langage face à ceux qui leur étaient inférieurs.
Pas cette reine.
— Bien sûr, votre Majesté.
A l'aide de gestes précis, répétés cent fois, peut-être mille — elle avait arrêté de compter —, Kathos remplit la tasse de la reine Petal.
— Et ces biscuits sont délicieux. Je ne m'en lasse pas ! Doréréréréréréré !
— Heureux qu'ils soient à votre goût, votre M...
— Je les adore ! insista-t-elle. Vraiment ! Vous faites de merveilleux produits, c'est à en tomber au sol.
— Tout de même, vous exagérez, votre Majesté...
C'était le conseiller qui venait de prendre la parole. La Reine lui proposa alors de goûter les biscuits étalés sur la table. Kathos, peu intéressée par la suite de leur discussion, se détourna pour admirer le reste de la pièce. Elle n'arpentait que très peu cette aile du château, puisque la jeune servante était affiliée à d'autres tâches, en particulier celle d'accompagner la princesse Iris, qui, un jour, lui avait confié détester se rendre ici. Une question traversa l'esprit de la domestique : que pouvait bien penser la princesse à ce moment précis ? Avait-elle eu le temps de se préparer à la réunion ? Car, si elle boudait le petit salon d'attente, elle ne pourrait en aucun cas échapper à la conversation au sommet.
Elle reporta ensuite son attention sur les gens présents dans les lieux. En dehors des deux dirigeants et du conseiller, Kathos ne comptait que trois autres gardes. Les autres attendaient en dehors du salon, probablement pour ne pas paraître impoli ni insultant envers le royaume d'Edens Shield. Il fallait bien entretenir de bonnes relations, surtout à l'aube d'une si grande journée.
— Votre roi n'est pas encore prêt ?
Pour la seconde fois en un laps de temps beaucoup trop court à son goût, Kathos sursauta. Ses épaules tressaillirent quand le conseiller de la reine de Brambles se mit à la regarder.
— Il ne devrait plus tarder, monsieur, répliqua Kathos d'une petite voix. Désirez-vous autre...
La malheureuse n'eut pas le temps d'achever sa phrase. Les portes dans son dos s'ouvrirent dans un grincement métallique. Tous les visages se tournèrent dans un même mouvement.
— Navré de l'attente, messires ! lança une voix enchantée.
— Vous... ! grogna le roi de Pastaland.
Le nouvel arrivant sourit. Un sourire vif, brillant de mille feux. Les mains posées sur les hanches, il ne ressentait aucune honte. Incapable de capter la tension dans la pièce, il s'avança pour prendre place sur le siège qui lui était destiné. Il avait même distancé le garde du palais qui était supposé l'accompagner, ce dernier se trouvant encore au pas de la porte.
— Vous ai-je manqué ? clama l'impudent.
— Vous arrivez en retard et vous nous servez ce genre de provocation... ! s'indigna le roi Louis Ji.
— Il est vrai que ce n'est point très poli, roi Vidro... commenta Petal.
Le roi Vidro posa ses yeux sur Petal. Une expression désolée teintée d'un semblant de joie s'empara de son visage. Les autres comprirent bien vite qu'il n'était aucunement navré.
— Voyons, chère amie... Ce sont les aléas de l'océan. Je n'y peux rien ! Je ne puis contrôler les mers, pensez-vous.
— Si vous le pouviez... ? testa le conseiller de la reine.
— La réponse est évidente, enfin ! Bien sûr que je n'en ferais rien ! Trop ennuyant.
— Vous n'avez pas la mesure des choses, grogna Louis.
— Peut-être. J'ai au moins celle des mots.
L'insolence du jeune souverain tira une grimace de colère au roi de Pastaland, tandis que la régente du royaume de Brambles étouffa un gloussement amusé. Voilà qui était fort intéressant ! Vidro était connu pour son tempérament joueur. A peine plus âgé que Kathos, il faisait forte impression, avec son visage d'ange, ses longs cheveux noirs réunis en une queue de cheval, ses sourcils fins, ses yeux plissés et ses canines légèrement plus grandes que la moyenne.
— Petit... !
— Enfin ! le coupa Vidro. Puisque je suis là, nous allons pouvoir commencer, n'est-ce pas ? Mademoiselle ?
Kathos comprit qu'il s'adressait à elle, renforcé par un large sourire qui aurait rendu honteux n'importe quel romantique.
— Sa Majesté... ne devrait plus tarder... Mais... Nous attendons encore un invité... — Nous, rois et reines d'outre contrées, nous sommes tous là, sauf le vôtre.
— Sa Majesté se prépare. Son conseiller est déjà présent, mais il n'a pas désiré attendre ici.
— Son conseiller ? Cette crapule de Naro ? grommela Louis Ji.
Kathos réprima un sourire. Même en dehors des terres d'Edens Shield, le bonhomme à la tête de la plus grande entreprise du pays n'était guère apprécié.
— Ce n'était pas comme si nous avions grand-chose à nous dire, remarqua Petal.
— Si même notre chère reine ici le dit ! souligna Vidro.
— Notre dernier invité ne devrait pas tarder, se contenta d'informer Kathos. Veuillez nous excuser pour l'attente...
Dehors, le château d'Avalon projetait ses grandes ombres sur l'îlot qui l'accueillait depuis plusieurs centaines d'années. Un rayon de soleil tapait sur ses pierres grisâtres. Les grandes portes de l'entrée étaient plus impressionnantes encore vues de près. Elles tutoyaient avec aisance les géants, peut-être même qu'ils n'avaient pas à se baisser pour entrer à l'intérieur. Deux gardes étaient postés devant, leur lance acérée prête à défendre le territoire contre n'importe quel ennemi.
Son long manteau porté sur ses épaules, le contre-amiral Drian esquissa un sourire. La mission était claire. Il ne fallait pas échouer. Foi du mot "justice" qui flottait fièrement dans son dos, il réussirait.
Le sommet allait bientôt commencer. Et il était temps de montrer qui dominait les mers.
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Château d'Avalon — Geôles des profondeurs
Il faisait sombre.
C'était la première chose que l'on pouvait dire de cet endroit. La nuit entière projetait son royaume hideux sur ces lieux. Un parfum de moisi et d'humidité flottait dans l'air. Quiconque le respirant sentirait l'étau de la nausée foudroyer sa poitrine. Quiconque humant ce parfum de mort et de solitude verrait sa tête tourner et ses sens se renverser.
La pénombre dévorait tout de cet endroit. Seules les rares lueurs de bougies, vacillantes et aussi lointaines que l'illusion du soleil perçu au fond d'une caverne, offraient un minuscule halo. Un halo qui nourrissait les illusions de liberté. Un halo trompeur, qui faisait danser les spectres du désir dans l'esprit brumeux des captifs.
La pierre froide rendait tout confort impensable, et ce n'était pas le silence, lourd comme les cieux, qui allégeait les coeurs. Les murs de pierre, réguliers, composés de carrés de calcaire parfaitement alignés et de la même taille, ne laissaient place à aucune fantaisie. Des parpaings, collés à d'autres parpaings, boîte solide et hermétique, cercueil des âmes sorties du droit chemin. Aussi austère qu'un tableau vide, elle accueillait une couchette solitaire, refuge des cauchemars des corps ligotés, pauvre élément de décor sur lequel on s'installait dans l'espoir de soulager la douleur.
Un calme monotone couvrait la pièce. Les jours qui s'écoulaient enfilaient leur costume d'années, les semaines se paraient des dorures des mois, et les secondes, enfants maudits, imitaient avec le plus grand réalisme la passivité des heures sombres. En quelque occasion, un couinement de souris traversait les couloirs derrière les barreaux. Si on avait de la chance, un museau pointu pouvait rendre visite, en attendant celle des gardiens miséricordieux qui ramenaient la pitance.
Des souris et des hommes. C'était là le lot des condamnés.
Dans un recoin de cette grotesque cellule, une silhouette se tenait enchaînée. Un homme. Musclé. Ses longs cheveux blancs tombaient sur son visage, dissimulant des yeux sombres et épuisés. Une masse d'égratignures marquait sa peau meurtrie. Ses mains. Ses mains, puissantes et guerrières, étaient emprisonnées par des chaînes d'acier. Ces serpents terribles, avides de chair, entouraient son torse. Jaloux, ils scellaient leur prisonnier et ne laissaient pas d'échappatoire. Il redressa la tête et s'appuya contre le mur pour soulager le poids de ses fers. Une goutte de sang perlait sur son front et descendait le long de son visage épuisé mais résolu.
Il jeta un coup d'oeil au reste de la pièce. Ah... Que de souvenirs... Depuis combien de temps n'avait-il pas mis les pieds dans cet endroit... ? Ce château... Ces murs solides et anciens... Ces couloirs escarpés... Ces pierres hypocrites... Au cours de sa vie, cet homme avait fait en sorte de ne pas ressentir de regrets à la fin du parcours. Mais il faut croire qu'on ne pouvait y échapper lorsqu'on emprunte la voie de l'épée.
Comble de la provocation, son fidèle javelot était planté à plusieurs mètres de lui. Un soupir franchit ses lèvres. Il y repensait parfois, à ce javelot qui l'avait tant accompagné. Son passé lui revenait en plein coeur, perdu au milieu de cette prison profonde. Il le savait bien, il n'y resterait probablement pas longtemps. Ils allaient le tuer. S'il ne sortait pas, il se ferait tuer.
Mais était-ce une mauvaise chose ?
Des images traversèrent son esprit. Il avait sa lance en main. Tout était chaos autour de lui. Il y avait cette voix. Ce sentiment qui jaillissait dans sa poitrine. Peur ? Non. Dégoût ? Oui, mais plus encore que ça, une boule avait pris forme au fond de ses entrailles, une boule qui s'infusait dans tout son être et dont le nom lui était malheureusement familier..
Haine.
Il l'avait connu, ce sentiment. Ce sentiment vorace, cet être famélique qui habitait les âmes perdues à la recherche d'obscurité, cette masse informe qui refusait l'amour et la lumière.
Puis il l'avait submergé.
Il l'avait sentie gonfler en lui. Elle avait dessiné ses regrets à l'aide de sa lame. Et il y avait cette silhouette. Cette ombre.
Balor poussa un long soupir. Ses lèvres s'agitèrent comme un poisson hors de l'eau pour susurrer ce nom qu'il n'avait pas prononcé depuis si longtemps.
— Pendragon...
¤¤ To be continued... ¤¤
NDA : Bonsoir !
Il est là ! Enfin ! Ce chapitre tant attendu ! (ou pas, d'ailleurs, après ce temps d'absence)
J'espère que vous allez bien, chers lecteurs, chères lectrices ! Je suis particulièrement heureux de vous retrouver aujourd'hui, surtout après presque deux mois d'absence. Si vous saviez combien vous m'avez manqué. Je ne sais même pas par quoi commencer... Ah, si ! Evidemment, même si vous allez sûrement me dire que je n'ai pas à le faire, je préfère m'excuser. Ce chapitre a été particulièrement long à écrire pour plusieurs raisons.
Déjà, il faut parler de mon rythme d'écriture qui n'est absolument pas au beau fixe en ce moment. Je n'arrive tout simplement pas à écrire de manière régulière même si j'essaie. Le deuxième point, c'est que je suis beaucoup plus actif sur Twitter maintenant, en tant que twittos One Piece. Je sais, on pourrait me le reprocher de ne pas concilier les deux et d'avoir commencé Twitter (enfin, X, maintenant) alors que ce projet n'est toujours pas fini. Mais Twitter m'aide beaucoup à parler de One Piece et de ma passion, j'ai même rencontré des gens formidables que j'aime beaucoup (big up à mes potos twittos, vous vous reconnaîtrez), et je peux parler de One Piece d'une autre façon qu'ici ! Et si vous voulez me rejoindre dans cette aventure, venez me follow, mon pseudo c'est Umi_page (vive l'originalité ahah).
Ensuite, ce chapitre a nécessité beaucoup de recherches et j'ai mis beaucoup de temps à construire les personnages qui apparaissent dans ce chapitre. Je voulais que tout soit bien pour ces personnages, même s'ils ne sont pas forcément les plus importants. Pour moi, ils le sont, et c'est ce qui compte, donc je voulais leur donner une vraie construction digne de ce nom.
C'est pour ça que j'ai mis énormément de temps à écrire ce chapitre, sans compter qu'il y a aussi les vacances et que ça change ma motiv. J'ai d'ailleurs fêté mes 24 ans. Et One Piece ses 26 ! C'est fou ! J'adore cette oeuvre (non, sans blague ?) et je fais tout pour lui rendre hommage de la plus belle des manières.
Enfin voilà ! Je voulais absolument publier ce chapitre aujourd'hui, le 6 août, puisque c'est une journée importante pour One Piece. En effet, aujourd'hui, c'était la diffusion de l'épisode 1071, l'épisode du Gear 5 ! C'était inconcevable que je ne me cale pas sur cet épisode absolument légendaire et mythique. L'avez-vous regardé ? J'espère qu'il vous aura plu, moi, j'ai adoré !
Ah ! Et suis-je bête, j'ai failli oublier ! Un grand merci pour les 10k ! Après un peu plus d'un an de publication, on a atteint les 10 000 vues ! C'est un pallier énorme ici et je vous remercie vraiment de suivre ma fanfiction. C'est un des projets qui me tient le plus à coeur, alors merci, merci, merci, dix mille fois et plus encore !
Voilà ! J'espère que ce chapitre vous aura plu.
Aujourd'hui, on s'éloigne des Mugiwara pour se concentrer sur le château d'Avalon et sur la vie royale. Cinq nouveaux personnages ont fait leur apparition : l'escouade de Diamant, autrement nommée les "sorcières du crépuscule" ! Une équipe d'élite à la hauteur du penchant masculin qui se trouve sur Edens Shield (composée d'Yvain, Kara, Lancelot et deux autres, inconnus pour l'instant, au cas où vous l'auriez oublié)... Ils préparent le Sommet en vertu de l'alliance inter-nations... J'espère que ces personnages vous plaisent, parce que j'ai mis du temps à les construire, en essayant de rendre hommage à de grandes femmes de l'histoire.
Aux côtés du roi Nuada qui fait lui aussi son apparition, se trouve Bao Ju, dont je ne vous dirai rien de plus, si ce n'est que j'espère qu'il a su faire bonne impression.
De l'autre côté, les rois et reines qui assisteront à la réunion du Sommet sont là. Une petite scène dans laquelle on retrouve Kathos et qui montre que Drian est aux portes du château, alors que Naro est à l'intérieur... Les choses sérieuses vont commencer !
Et enfin, tandis que dans la lumière tous profitent du thé et des petits biscuits, dans l'ombre des geôles, on retrouve enfin Balor ! Eh oui, il n'est pas emprisonné au même endroit que les Mugiwara et Charlie... Que va-t-il lui arriver ? Et qui est ce Pendragon dont il prononce le nom ? Les réponses arrivent bientôt... !
Voilà ! J'espère que vous aurez passé un bon moment en lisant ce chapitre qui a mis du temps à arriver et que vos vacances se passent bien ! Le prochain chapitre, je ne sais pas quand il arrivera mais je vais faire en sorte de ne pas trop traîner à le sortir, j'espère que vous me pardonnerez.
En attendant, prenez soin de vous et passez de bonnes vacances !
Umi
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