Chapitre 29
Les ruines n'avaient pas lâché beaucoup d'informations, et il en était de même pour les quelques constructions intactes fouillées de fond en comble. Certes, les renseignements que le groupe des archéologues avait recueillis s'avéraient précieux pour l'étude du quotidien de ces gens, mais aucune révélation sur le Poisson d'Or n'avait été dévoilée. Rien qui permette de retrouver la créature légendaire.
Loin d'abandonner, Robin avait continué, s'enfonçant un peu plus dans ces lieux inhabités. Elle était à présent à l'intérieur d'une de ces petites structures — une habitation, visiblement. La jeune archéologue se tenait au cœur d'un salon déserté. Quelques meubles anciens délaissés s'y trouvaient, une table croulant sous un manteau de poussière trônait au milieu et du lierre courait sur les murs à quelques endroits éventrés.
— Il semblerait que cette construction abritait des gens, dit-elle. Au vu des lieux, je dirais qu'ils avaient une fonction.
— Comment tu peux déduire ça ? demanda Usopp.
— C'est simple, répondit l'archéologue. La maison est proche du plus gros temple, il y a un accès direct. De plus, j'ai vu quelques documents que je serais curieuse d'analyser. Je dirais même qu'ils s'occupaient de la gestion de cette communauté... Peut-être était-ce un clan ? C'est probable...
Robin parlait plus pour elle-même que pour ses compagnons. Lors de ses études, il n'était pas rare qu'elle murmure une formule, une date, un nom pour le retenir, que ses hypothèses franchissent ses lèvres sans même qu'elle ne s'en rende compte, qu'elle disserte même toute seule.
Elle ouvrit un parchemin avec d'infinies précautions. Vieux comme le monde, elle sentit le papier craquelé sous ses doigts. D'un regard rapide, elle balaya les lignes sous ses yeux. L'encre était effacée, difficilement lisible. L'écriture apparaissait malgré tout comme assurée, précise, soignée. De cette seule observation, Robin en déduisit que le niveau d'instruction de ceux qui logeaient ici était élevé. La finesse de l'écriture, le type de papier qu'ils avaient utilisé, et ce qu'elle parvint à lire lui apprit qu'il s'agissait de comptes en lien avec le temple principal.
— Un clan religieux ? souffla-t-elle. Est-ce qu'ils vénéraient la créature que l'on recherche ? Ils sont peut-être morts par sa faute.
— T'es pas obligée d'imaginer le pire ! l'invectiva Usopp.
Elle continua son étude un long moment encore, tournant les pages encore et encore, jusqu'à ce qu'une voix résonne, prononçant son nom. Elle posa le parchemin sur la table et sortit pour rejoindre le temple principal, là où se trouvaient Charlie et les autres. C'était d'ailleurs lui qui venait de l'appeler.
D'un pas prudent, elle réduisit la distance entre eux. Depuis qu'ils soupçonnaient une intrusion sur les lieux peu de temps avant leur arrivée, ils redoublaient de vigilance. Qui pouvait prédire la venue d'ennemis ? Une attaque surprise pouvait très bien les faucher, aussi, ils gardaient en tête que derrière chaque mur, chaque colonne, chaque ruine, pouvait surgir un adversaire.
Son expérience au sein de différentes organisations clandestines ou criminelles avait fortifié ses défenses.
— Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle, une fois réunis.
Elle n'eut pas besoin d'obtenir de réponse. Le carnage parlait de lui-même. L'intérieur de l'édifice était recouvert de gravats et de ruines. Au milieu, une statue était brisée en mille morceaux. On y devinait des écailles brisées, des nageoires fendues, un corps volumineux. Un œil roula même aux pieds d'Usopp qui poussa un cri de terreur. Mais elle ne l'entendait pas.
Elle n'entendait que le bourdonnement de son ire.
Une colère froide qui s'emparait d'elle, gelée comme les pôles, plus froide encore qu'un iceberg.
Un trésor inestimable jonchait à ses pieds. Elle s'avança, observa solennellement les murs lézardés et criblés d'impacts, l'autel brisé, les colonnes fendues, le marbre souillé. Une fresque, presque intacte, se déroulait sur les murs. Elle représentait différents individus, ployant le genou face aux écailles dorées de la statue représentant la créature marine. Des coupes de cuivre gisaient à terre et des fissures couraient sur le pavé blanc. Un véritable massacre.
— Quelle horreur.
Zoro lui lança un regard en coin. Sa voix, glaciale, soufflait l'intense rage qui tempêtait dans son coeur. Les moments durant lesquels Robin perdait son calme se comptaient sur les doigts d'une main. Elle avait toujours été courtoise, se montrait gentille, aimable, patiente. Son tempérament ne la poussait jamais à se fâcher avec qui que ce soit ou à se montrer désagréable.
Aujourd'hui, ses yeux jetaient des éclairs. Ses yeux foudroyaient le monde. Même avec sa puissance, Zoro n'aurait pas aimé se retrouver dans le camp adverse. La voir ainsi lui fendait le coeur et le mettait lui aussi dans une colère noire. Qui avait pu souiller un tel endroit ?
Il était clair, maintenant, que tout ceci n'était pas naturel. Quelqu'un avait saccagé ce lieu. Le vice-capitaine se demanda bien quelles étaient les motivations de ces êtres. Que voulaient-ils ?
Ses questions restèrent muettes. Il préférait se concentrer sur Robin, agenouillée à quelques mètres de lui, examinant un débris de statue.
— Qui a pu faire ça ?
La question de Chopper ne connut aucune réponse. Tous étaient sidérés devant un tel spectacle.
— C'est un désastre, commenta Charlie.
— Est-ce que tu sais quelque chose ? grogna Zoro.
— Comment veux-tu que je sache ce qu'il s'est passé ici ?
— Tu nous as pas attirés dans un piège au moins ?
Charlie se tourna vers le vice-capitaine des Mugiwara, outré. Ses yeux bleus, tous petits de colère, fixaient son interlocuteur dans un mélange d'incompréhension et de froideur. Il avait même posé sa main sur la garde de son sabre.
— Pardon ? Tu oses m'accuser de vous tendre un piège, Roronoa ?
— Et pourquoi pas, après tout ? Qu'est-ce qui nous dit que tu n'es pas le responsable de tout ce bordel, hein ?
— Et comment ça pourrait être moi, abruti ! C'est la première fois que je viens ici ! Je suis aussi surpris et choqué que toi.
— Ah vraiment ?
— Euh, les gars... On ne va peut-être pas se battre ici... suggéra Usopp.
La tension était à son comble. Les deux épéistes se dévisageaient froidement, la main posée sur leur sabre respectif, prêts à dégainer au moindre mouvement suspect.
— C'est pas le moment, continua Chopper.
— Ton histoire est louche, commenta Zoro. Qui nous dit que tu n'es pas un traître ? Que tu ne te sers pas de cette histoire pour te débarrasser de nous ?
— Allons, Zoro... Il ne peut pas nous avoir fait ça... dit le renne.
— Il ne faut écarter aucune possibilité.
— C'est vrai, reconnut Charlie. Mais je n'ai aucun intérêt à le faire. Ne te l'ai-je pas déjà dit ? Si je dois t'affronter, ce ne sera pas en tant qu'ennemi. Il y a trop d'enjeux dans cette histoire. Alors cesse tes stupides accusations et mettons la main sur ceux qui ont fait ça.
— Zoro.
Alors qu'il allait répliquer, l'interpellé se retourna. Robin le regardait avec insistance.
— S'il te plaît. L'important est de comprendre cette histoire et sauver cette île.
— D'accord.
Il jeta un regard mauvais en direction de Charlie, qui le fixa à son tour sans un mot. Au bout d'un moment, Zoro se tourna.
— On bosse ensemble. Mais s'il s'avère que tu nous as tendu un piège... Je te tranche en deux. C'est clair ?
— Très clair, répondit Charlie sans l'ombre d'une plaisanterie.
— Humpf.
Zoro leur tourna le dos et s'éloigna. Robin et Charlie échangèrent un petit regard entendu. La méfiance du sabreur était naturelle. Ils ne se connaissaient pas. Accorder sa confiance à n'importe qui pouvait s'avérer dangereux. L'archéologue avait mis en garde son capitaine face à Law, parce qu'elle plus que quiconque connaissait le goût amer de la trahison.
— Si j'avais été dans la même situation, nul doute que ma réaction n'aurait été différente de la sienne. Même si moi, j'utilise un peu plus mon cerveau...
Robin ignora la pique envers son ami et acquiesça doucement, toujours préoccupée par ce qu'il s'était passé au sein du temple.
— Au moins, nous avons appris certaines choses, assura le poète.
— Et vu des choses que l'on n'aurait pas dû voir, ajouta-t-elle. Sortons. J'en ai vu assez.
Charlie ne dit rien et se contenta de la suivre. Mieux valait ne pas la contredire. Il la connaissait de réputation : on disait qu'elle pouvait se montrer terrifiante lorsqu'elle était en colère. Les gens l'appelaient même l'enfant démon, ce n'était sûrement pas pour rien. Il ne tenait pas particulièrement à vérifier cet aspect de sa personnalité.
Une fois à l'extérieur, ils décidèrent de faire le point. Cette expédition dans les temples s'était montrée moins instructive qu'ils ne l'avaient espéré. Ils avaient bien appris des choses sur les êtres qui vivaient là, une communauté réduite de gens, probablement religieux, vivant en marge des grandes villes de l'île. On y vouait un culte à un panthéon de créatures marines, incluant celle qu'ils cherchaient. Ces gens ne semblaient pas particulièrement riches, mais leur érudition et leur artisanat — ils avaient retrouvé des outils pour forger des métaux et des cristaux dans une des constructions — en faisaient une communauté particulière. C'était probablement ce qui avait attiré des êtres peu scrupuleux.
— En gros, tout ce qu'on a appris, c'est que des gens vénéraient cette créature et que son sanctuaire a été attaqué récemment, c'est ça ? On a rien appris de plus utile...
Le ton abattu d'Usopp souffla un vent de découragement sur le petit groupe.
— L'étude de ces lieux était malgré tout intéressante, tempéra Robin en souriant.
Elle se retourna pour caresser la façade du temple d'un doux regard. Gênée par le vent, elle replaça une mèche de cheveux qui lui chatouillait la joue.
— Et maintenant, on fait quoi ? questionna Chopper.
— On devrait peut-être attendre les autres...
Alors même que le sniper n'avait pas terminé sa phrase, un bruit terrible, plus puissant qu'un millier de grognements bestiaux, plus terrible qu'un craquement de mille verres, résonna dans toute la vallée. Tout le monde sursauta et se retourna. C'était si soudain ! Ils échangèrent des regards inquiets. L'assourdissant fracas dura bien de longues secondes, devenant de plus en plus faible, jusqu'à disparaître.
— C'est quoi ce bordel ? s'écria Zoro.
— Ce bruit... Il vient du côté de l'eau !
— Quoi ! Mais alors... Luffy et les autres...
Ils se précipitèrent vers l'étang en quatrième vitesse. Quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent au bord de l'eau. Rien ne semblait avoir changé, hormis quelques volutes de poussière grise qui s'échappaient un peu plus haut, sur la façade.
Les regards s'assombrirent. Le bruit avait été horrible, long, continu, pareil à des coups de marteaux assénés par mille géants enragés. Nul doute qu'il s'était passé quelque chose dans ce lieu sombre... Ils attendirent quelques secondes, sans doute convaincus que les explorateurs allaient ressortir, indemnes, victorieux. Ils allaient ressortir couverts de poussière, mais souriants. Ils allaient ressortir. C'était sûr. Luffy allait éclater de rire sous les expressions horrifiées et moralisatrices des autres. Nami allait le frapper, Law allait l'engueuler. Ça ne pouvait pas se passer autrement.
Les secondes s'écoulèrent. Aucune trace du groupe. L'inquiétude, cette fois-ci, monta d'un cran.
— On... On fait quoi ? demanda Usopp.
— On va les chercher, décréta Zoro.
— On cherche la bête, déclara Charlie au même moment.
— Non mais ça va pas ?! s'écrièrent les deux idiots en se fusillant du regard.
— Charlie, on ne peut pas abandonner nos compagnons, dit Robin. On aura plus de chances de retrouver la créature si on continue ensemble.
— Humpf. Si tu le dis.
Charlie se détourna avec humeur. Usopp et Chopper s'observèrent, complices :
— Un point partout, observa le médecin en riant malicieusement.
— Finalement, même quand Sanji n'est pas là, c'est animé, répondit Usopp sur le même ton.
— On vous entend ! crièrent les deux épéistes parfaitement synchronisés.
— Aaaaaah ! On est désolés ! s'excusa le duo en reculant de plusieurs pas sous l'éclat menaçant des lames sorties de leur fourreau.
Zoro souffla. Qui lui avait fichu des imbéciles pareils ? Parfois, il se demandait bien comment il pouvait avoir la force de garder son calme et de ne pas les noyer. Il remercia silencieusement Robin d'un hochement de tête. Même si sa prise de position s'expliquait logiquement, elle avait tenu tête au poète alors qu'ils semblaient s'apprécier. Elle lui répondit par un petit clin d'oeil, ce qui ne manqua pas de perturber assez l'épéiste pour lui faire détourner le regard.
— On pénètre dans la grotte ? demanda Usopp, peu rassuré.
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée. Vu le fracas, je pense que c'était un éboulement, dit Charlie.
— Ils ont peut-être été enterrés vivants, suggéra Robin, pensive.
— Arrête d'imaginer le pire ! s'écria le sniper.
— Dans tous les cas, on ne pourra pas passer.
— Alors on fait quoi ? Ils sont peut-être coincés ! s'inquiéta Chopper.
— On voit si on ne peut pas trouver une autre sortie... Réfléchissez, répondit Charlie. L'entrée est ici, donc ça veut dire qu'il y a certainement une sortie. Je n'y suis jamais allé, mais je sais qu'il y a un village au nord, bien après le mont rocheux que nous voyons. Et comme la mer est loin, c'est sûrement grâce à cette eau-là qu'ils s'alimentent.
— Donc... On va devoir faire le tour ?
— J'en ai bien peur.
Un petit silence flotta. Faire un détour considérable pour retrouver les autres n'enchantait personne. Mais ils n'avaient pas le choix. Avancer en demi-groupe serait beaucoup moins productif, maintenant qu'ils avaient recueilli quelques informations.
— Bon, et on passe par où ? demanda Zoro.
— D'ici, il me semble que deux chemins sont possibles pour rejoindre le village au nord. Des marécages d'un côté, une forêt de l'autre. Si on prend la forêt, on va perdre un temps précieux. Mais on est sûrs de ne pas faire de mauvaises rencontres.
— De... De mauvaises rencontres ? pâlit Usopp.
— C'est une île du Nouveau Monde, à quoi t'attends-tu exactement ? Des briques de construction, un arc-en-ciel, des renards qui aiment la neige ? Vous pensiez arriver sur une île qui vous sert le thé dans des tasses géantes ? Ou sur une île comestible remplie de gâteaux et de bonbons, peut-être ?
La moquerie de Charlie fit mouche.
— C'est une île qui regorge de créatures sauvages, expliqua-t-il.
— Nous sommes assez forts pour nous débarrasser de quelques insectes ou de quelques mammifères encombrants, grogna Zoro. Quoi, tu aurais peur ?
— Pas du tout, gronda à son tour Charlie. J'avais surtout peur que tu te casses un ongle.
L'expression de Zoro se transforma en une grimace de colère, comme lui seul savait si bien les faire.
— Tu me cherches ?!
— Nous, oui, souvent, pouffa Chopper, un peu plus loin.
— On devrait lui attacher une sorte de signal pour pouvoir le suivre, dit Usopp.
— Tu pourrais fabriquer ça ? s'extasia le renne.
— Au moins, ça lui éviterait de se faire déchiqueter par une horde de bêtes sauvages, plaisanta Robin.
— Ah, dégueu ! ronchonnèrent les deux peureux.
— Je vous entends, bande d'enfoirés ! Je vais vous découper en rondelles !
La colère de Zoro envers ses camarades eut le mérite d'éviter une énième dispute entre les deux sabreurs. Même les colonnes aux alentours semblèrent trembler devant sa fureur.
— Et du coup... on fait quoi ?
— C'est évident, non ?
Usopp regarda tour à tour les deux sabreurs. La lueur qui brillait dans leurs yeux ne lui plaisait pas du tout. En observant son compagnon et leur allié du jour, il imagina le pire... qui arriva bien vite.
— On passe par les marécages !
¤¤ To be continued... ¤¤
Bonjour, bonjour !
Voici le chapitre 29 ! Aujourd'hui, on retrouve le groupe des archéologues. Si les recherches sont plutôt fructueuses dans celui de Luffy, on ne peut pas en dire autant ici... Enfin, ils ont enfin remarqué que quelque chose ne se passait pas bien et vont donc se mettre en action.
J'ai bien aimé écrire cette partie. Elle renferme un petit easter egg, mais il va falloir avoir l'oeil pour le repérer et savoir d'où ça vient. Je m'amuse beaucoup à en laisser quelques uns dans mes chapitres. Si jamais vous les retrouvez, félicitations !
En attendant, on se retrouve dimanche prochain pour le chapitre suivant.
Je vous remercie sincèrement d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous aura plu. Prenez soin de vous, je vous embrasse,
Umi D. Page
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