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Le Petit Thierry

La lame du rasoir parcourait doucement sa joue pendant qu'il réfléchissait. Un soupir, un faux mouvement, une goutte de sang qui vient s'écraser sur le col blanc de sa chemise. Pas le temps d'en changer. Il colle rapidement un pansement sur la plaie avant de remonter les yeux vers le miroir qui lui fait face. Quarante-et-un ans, seul depuis trop longtemps, des poches noires sous les yeux que l'alcool et la clope avaient aidé à s'accentuer, pas très impressionnant du haut de son mètre cinquante-neuf, une calvitie qui lui ronge la tête jusqu'en haut du crâne, Thierry ne s'attarde pas devant la glace. Il s'empare du peigne et plaque ce qui lui reste de cheveux sur le côté gauche comme il le fait depuis vingt ans, traverse son petit appartement, enfile sa veste et ses chaussures et songe à la soirée qui s'annonce. Lui et ses amis avaient prévu de se retrouver au bar le soir, comme beaucoup de soirs, remarque-t-il.

«Le petit Thierry». C'est comme ça que ses copains l'appellent. A bien y réfléchir, ce surnom, il ne l'aime pas vraiment. Depuis la primaire qu'il lui colle à la peau, même les pions du collège l'appelaient ainsi, «le petit Thierry». Il a beau ne pas l'aimer, il lui correspond bien ce surnom. Il fourre son thermos de café dans sa sacoche de cuir, glisse une cigarette entre ses lèvres et franchit le pas de la porte. Le ciel gris de Paris lâche quelques fines gouttes de temps à autre qui viennent humidifier le front de Thierry. Celui-ci se dirige vers la boulangerie, écrase sa cigarette sur le rebord d'une poubelle et achète un croissant comme il le fait tous les matins. La boulangère lui lâche le même faux sourire que la veille, elle lui lâchera sûrement le même demain. Sûr qu'elle pleure aussi au fond de l'arrière boutique, les traces sur ses joues en témoignent pour elle. Un fils qui a mal tourné, un mari qui la bat? Qui sait? Pas Thierry en tous cas. Plus de dix ans qu'il passe à la même boulangerie, prend le même croissant à la même boulangère et même pas capable de connaître son nom.

 Le quarantenaire traîne le pas jusqu'à la station de métro la plus proche, son croissant à la main. Il descend les marches, passe le même portillon marqué par les passages incessants que chaque matin. Le petit Thierry s'assoit sur un banc bordant la rame, boit quelques gorgées de café avant que le métro ne se pointe au bout du tunnel. Il franchit d'un pas l'espace séparant la rame du wagon, s'écrase nonchalamment sur un des sièges durs comme du bois. Pas trop de monde à Saint-Georges à cette heure là. Juste assez pour occuper la majeure partie des places libérées. Thierry pose sa tête sur la vitre et observe son reflet le défiant du regard. Le métro démarre, toujours dans la même position, tenant ferme sa sacoche contre son ventre replet, l'homme en costume continue de s'observer pendant que les murs recouverts de graffitis du métro parisien défilent à l'arrière plan. Les derniers sièges encore vides se remplissent rapidement au fil des arrêts, un homme rentre dans le wagon et commence à chanter, guitare à la main. On gagne sa vie comme on peut. Surtout que, pour une fois, sa voix n'est pas trop désagréable. L'espace se ressert autour de Thierry, lui, il continue de regarder le tunnel de béton,les yeux rivés sur la vitre. Ce qu'il peut faire sombre dans ces tunnels sordides. 

Thierry réfléchit de nouveau à son quotidien, déjà trois fois qu'il y pense aujourd'hui et huit heure n'a pas encore sonné. Inquiétant, songe-t-il. Mais il ne peut s'en empêcher, à quarante-et-un ans, il vit la même vie monotone qu'il y a dix ans, qu'il y a quinze ans aussi. Rien. C'est le seul mot qui lui vient à l'esprit alors que des larmes lui montent subitement aux yeux. Il les refoule, observe les gens assis autour de lui dans ce foutu métro parisien qu'il emprunte tous les jours. Est-il le seul à avoir ce sentiment? Les mêmes amis qu'il voit tous les vendredis dans le même bar et qui ressortent chaque fois les mêmes blagues, le même patron embourgeoisé qu'il croise tous les jours sans oser lui demander l'augmentation qu'il devrait lui donner, pas de femme, encore moins d'enfants, plus de père depuis longtemps et une mère gâteuse qui ne le reconnaît même plus.  A quoi bon continuer? Alors que ses idées noires le rongent de l'intérieur, des larmes lui montent de nouveau aux yeux, et cette fois-ci impossible de se cacher. Sa voisine d'en face le regarde bizarrement. Elle hésite,mais elle n'ose lui parler. Elle ne fera rien, Thierry le sait, personne ne fera rien. 

Sa vision se brouille, est-ce à cause des larmes? Ses yeux le brûlent, il les sent injectés de sang. Le pourtour de tout ce qu'il voit est constellé de tâches rouges. Les images lui apparaissent par flash. Il essaye de bouger, de se démener, il n'y peut rien. Les larmes affluent et il sent maintenant ses joues trempées de larmes salées. Une lueur écarlate l'attire du côté de la fenêtre. Il tente de résister mais son regard se bloque contre la vitre. Non, pas contre la vitre, contre ce qu'il y a derrière. Ce qu'il y voit le terrifie. Une forme monstrueuse le fixe avec un sourire narquois. Un visage pourri, à moitié décomposé, un rictus affreux. Des vers grouillent et tombent de l'œil gauche qui n'est plus qu'un orbite rempli d'immondices. Toute la face gauche du visage est brûlée, ensanglantée, décharnée. Pourtant l'affreuse tête continue de sourire à travers la vitre. Son côté droit, lui, n'a pas une égratignure mais un maquillage horrible et une peau aussi pâle que celle d'un mort. Thierry veut crier, il ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Il parvient à détourner la tête, sa vision est encore trouble et ralentie et toujours cette couleur rouge qui ne cesse de recouvrir tout ce qu'il voit. Les personnes qui l'entouraient ont disparu. Le wagon s'est arrêté mais aucun quais en vue. Thierry tente de se lever mais reste accroché à son siège. Il scrute difficilement ce qui se passe par dessus son épaule gauche. Le wagon semble en flamme, du moins c'est ce qu'il perçoit mais impossible d'en être sûr, tout ce qu'il voit prend maintenant des teintes rouge vif. Il n'entend plus rien, si ce n'est un rire affreux qui semble provenir de l'affreuse face qui continue de le fixer et de se rapprocher petit à petit de la vitre. 

Soudain, il parvient à se décoller de son siège et les portes du métro s'ouvrent sur un quai là où quelques secondes auparavant, il n'y avait rien. Thierry se précipite hors du wagon, abandonnant sa précieuse sacoche au pied de son siège. De grosses larmes lui coulent sur les joues, et elles le brûlent, le brûlent si fort qu'il en tombe à genoux. Il tente de les essuyer, en vain. Il regarde ses mains et les voient couvertes de sang, un sang qui lui brûle tout autant les mains que les joues. Il tente de hurler mais rien ne se produit, il n'arrive qu'à ouvrir la bouche et recevoir quelques gouttes de cet affreux liquide rouge sur le bout de la langue. Alors, le petit Thierry parvient à se redresser cahin-caha et se remet à courir. La station lui paraît familière, malgré ses murs rouges et son sol de la même couleur. Saint Georges. Il se dirige alors précipitamment vers la sortie. En haut du grand escalier, il ne voit rien, une lueur écarlate l'aveugle à tel point qu'il est obligé de gravir les marches la tête baissée. Il parvient enfin en haut. Sa chaussure droite foule le sol et ce qu'il devine ne lui plaît pas du tout. De l'herbe, ça il le sait, il le sent sous sa semelle de cuir. Après quelques secondes, il trouve le courage d'ouvrir les yeux. Certes, de l'herbe, mais c'est à cause de cette gigantesque mare de sang qui recouvre tout qu'il a senti sa pompe s'enfoncer dans la terre devenue rouge et visqueuse. Il retient un haut-le-cœur et lève les yeux vers l'horizon. Une plaine. Une plaine couverte d'herbe grasse, mais rouge, aussi rouge que le sang qui lui brûle les joues. Il perçoit quelque chose au loin, quelque chose qui se rapproche. Quelqu'un. Un homme qui court vers lui, le bras droit en l'air. Il court de plus en plus vite, droit sur Thierry, ce qu'il tient dans sa main droite s'avère être un long couteau de cuisine. L'inconnu hurle à la mort et se jette sur le quarantenaire, pointe en avant. Tout ne dure qu'une fraction de seconde, un saut, une roulade, du sang partout, Thierry sent ses mains se refermer sur la gorge de son agresseur, alors il sert, sert, jusqu'à sentir le pouls de son adversaire accélérer sous ses phalanges. Il hurle et il y parvient cette fois-ci. Prostré au dessus de l'homme au couteau, il sent les jambes de ce dernier s'agiter nerveusement et ne relâche la pression qu'une fois sûr de la mort de l'homme qui lui fait face. La main moite encore chaude lâche le couteau dans l'herbe imbibée de sang et plus un souffle ne sort de la bouche de l'inconnu qui, quelques secondes plus tôt, fonçait tête baissée, arme à la main sur le pauvre Thierry. Soudain, seul au milieu de ce cauchemar, la tête lui tourne. Il sent ses yeux se fermer petit à petit, tout ce qui l'entoure perd brusquement sa couleur et, soudain, tout devient blanc.

Thierry se réveille, le cerveau embrumé, endolori, décoiffé. Il est à moitié allongé dans une rue pavée et trempée. A côté de lui, un homme, il ne bouge pas, il reconnaît son visage, c'est son agresseur. Mais tout cauchemar semble s'être évaporé. Plus de couleur rouge, plus d'affreux visage rongé de vers, plus de sang. Des hommes l'entourent, ils sont tous vêtus du même uniforme bleu et braquent quelque chose sur lui. Une arme. Thierry comprend vite, le cauchemar n'est pas fini, il doit encore se défendre.

«-Levez vous et gardez les mains bien en évidence sur la tête!»

 Alors qu'un autre de ces hommes baisse son arme et s'approche de lui avec des menottes, le sang de Thierry ne fait qu'un tour, il bondit sur son deuxième agresseur et agrippe sa gorge de ses petites mains courtaudes. Des cris, un coup, il ne bronche pas, et hurle à nouveau tout en serrant sa victime de plus en plus fort. Des bras essayent de le retirer, sans succès, il ne plierait pas face à ces démons. Il entend un hurlement, une détonation et ressent un vive douleur dans les côtes, quelques secondes plus tard, ce sont son dos et son bras droit qui sont touchés. Sa vision se brouille, il pleure, de vraies larmes cette fois-ci, et il sent quelque chose de froid braqué contre sa tempe. Le petit Thierry perçoit un énième cri, une dernière détonation puis plus rien, il s'affale sur le corps suffoquant du policier étendu au sol. Et de ses yeux morts qui ne voient plus rien, des larmes rouge sang dégoulinent, venant brûler ses joues humides et son costard froissé.  

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