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(Ivan )
Sa réponse pour le moins énigmatique ne me convient pas.
— Je ne vais pas me contenter de cela. Est-il mort ou fait-il semblant de l’être ?
— Il est mort.
Le ton de sa voix est assez explicite. Ce ne sont pas des paroles en l’air. Pour autant, je l’imagine mal m’expliquer alors qu'il ne me connaît quasiment pas.
— Vous n’allez pas m’en dire plus ? Pensez-vous que je vais aller vous dénoncer au premier commissariat que je vais croiser ?
Le petit bruit accompagné d'un rictus peu discret me surprend. Je ne pense pas qu'il soit un militaire mais c’est certain, il n’a rien à voir avec le genre de personnage qu'était Dalibor.
— J’avais fait une promesse à Irina. Mentale mais tout aussi valable. Me montrer à la cérémonie aurait été stupide et n’aurai rien changé. Je voulais m’assurer que ce salopard ne vous avez pas trouvé. Anzor travaillait pour Aslan. Il n’a pas été très difficile de le rencontrer discrètement. Une infime part de moi espérait une bonne nouvelle.
— En venant me cacher dans mon propre pays ? Pas une seule fois l’idée n’a surgit dans mon esprit. J’ai fait en sorte de rayer tout lien avec ce pays. Le seul que je me sois autorisé était le poing d'Irina.
— Celui qui a servi de piste à Misha, c'est cela ?
— Croyez-vous que cela puisse le mettre en danger ?
— Non. Seules les personnes qui étaient en fuite avec vous et Dalibor ont vu ce poing en glaise. Ce salopard, si toutefois il y avait pensé, n'en fera rien. Il n’avait aucune piste sur le lieu où vous pouviez être. Mon passé militaire m’a appris comment interroger. Il ne m’a pas menti. Je n’ai obtenu aucune réponse. Mais je me suis assuré qu'il ne fasse plus mal à qui que ce soit.
Que dire ? Rien. Ses mots étaient suffisamment clairs et en même temps, il n’a rien avoué. Combien d’hommes naïfs comme moi Dalibor a-t-il brisé ? Combien de femmes comme Irina ce salopard a-t-il vendues ou abusées sans en payer les conséquences ? Piotr a mis fin à ses agissements.
— Irina espérait retrouver son frère, elle souhaitait vivre pas très loin de vous. Apprendre à vous connaître. La vie ne se déroule pas toujours comme on le souhaite. J’espère que d'où elle est, elle voit que son frère est vivant et heureux.
— Puis-je vous poser une autre question ? Plus personnelle ?
— Vous êtes aussi intuitif que l’était votre sœur. Je suis resté à ses côtés bien au-delà de la mission confiée par Anzor. Notre relation était forte, basée sur la confiance qu’elle avait trouvé en moi. Je n’ai caché aucun de mes sentiments et elle ne les a pas rejetés. Notre différence d’âge, sans être importante, ne nous causait aucun problème. Sa maladie ne nous en a juste pas laissé le temps. Et avant de vous reprocher quoi que ce soit, sa pneumonie était chronique. Elle n’aurait pas pu être enrayée. Avant de partir, son seul souhait était que je vous retrouve. En confiant les carnets à Misha, elle a, sans le savoir, fait le bon choix. Elle doit en être heureuse.
Je n’arrive pas à dire un seul mot. Cet homme a vécu plus de temps auprès de ma petite sœur que moi.
— Prenez le temps nécessaire maintenant ou plus tard pour lire l'intégralité de ses cahiers. Ils représentaient tout ce qu’elle aurait voulu vous dire en face. Je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit de méchant dedans.
— Misha m’en a lu beaucoup de passages. Certains sont très douloureux. Voulez-vous que je vous en fasse une copie ?
— Ils ne m’étaient pas adressés.
— Non mais sans vous, ils n’existeraient pas.
Silence, il était parti.
Une respiration, deux bras qui m’enlacent et un bisou déposé sur la joue.
— Je viens de croiser Piotr. J’ai pensé que, peut-être, ma présence te ferait du bien.
— Ta présence me fait toujours du bien. Tu m’aides à aller de l’avant. Sans l’initiative de Josef que j’ai tant critiquée, je n’aurais pas pu serrer Aslan contre moi.
— Personne ne te le reproche. Aslan aussi avait peur. Mes parents vont les héberger, lui et Piotr.
— La générosité est de famille. Peut-être devrais-je sortir de l’ombre ?
—Ils connaissent ton existence et je ne crois pas me tromper en supposant qu'ils ont compris depuis un moment que tu comptes pour moi.
—Je cultive avec soin mon image d’ours.
—J’accepte la version ours aussi. Ton téléphone n’a pas arrêté de vibrer, dit-il en me tendant celui-ci. Le nom de Sam aussi. Prends le temps de lui parler, j’accompagne Piotr et Aslan de l’autre côté.
Deux sonneries et il décroche.
—Peux-tu me dire à quoi te sert ton téléphone portable si tu ne regardes jamais les messages que les gens te laissent ?
—Je l’avais laissé sur la table, désolé. Certains événements se sont légèrement précipités ici, commenté-je.
—Pardonne moi, parfois je n’arrive pas à contrôler mon impatience !
— Une chance que Romain ne soit pas jaloux !
—Ta remarque me rassure un peu, ton humour est toujours là. Raconte !
— Te rappelle-tu de notre conversation concernant Aslan ?
— Notre ? Au sujet de cet homme, il est préférable de dire “nos”, il me semble.
— C’est vrai. Pour Josef, se rendre en Tchétchénie était important. Conscient des précautions qu'il devait prendre, il avait un peu la sensation de marcher sur des œufs avec ces différents interlocuteurs.
— Ne me dit pas qu’Aslan était l’un d’eux ?
— Tu es pénible…
— Faut dire que franchement ne te lance pas dans l’écriture d'un polar, la notion de suspens, tu ne l’as pas du tout.
— Ivan. Je vais te donner un coup de main. Je le baillonne, raconte ton histoire, intervient Romain.
— Merci. Aslan voulait se faire sa propre opinion sur la possibilité de mettre en place un lieu de refuge pour des Tchétchènes en danger. Une remarque concernant une possible mauvaise réaction d'un certain Ivan sur des informations concernant Irina a provoqué son intervention.
— Il va venir ?
— Il est déjà là.
— Et moi qui te râles dessus parce que tu n’es pas attentif à mes appels… Cela a dû être un sacré choc !
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