~18~
( Ivan )
La pièce qu'il nomme chambre est gigantesque. Enfin elle me donne cette impression. Mon appartement à lui tout seul doit y rentrer !
—J’avoue, dit-il avec un incroyable sourire, elle a une taille hors-norme. À l'origine, je souhaitais la couper en deux mais j’ai rarement l’utilité de trois chambres. La mienne est sensiblement de la même taille, mais l’énorme bibliothèque prend un large pan de mur. Tu trouveras le nécessaire pour la toilette dans le placard, ne te gêne pas. Si cela ne te dérange pas, je passe à côté saluer mes parents. Tu peux accéder au jardin par cette porte si tu veux fumer.
Et en deux secondes, il a disparu. Quand va-t-il revenir ? Un quart d’heure ? Une heure ? Qu’est-ce que j’en sais du temps nécessaire pour saluer ses parents, moi ?
Celui d'une cigarette est arrivé. Par prudence, j’en ôte une du paquet, il en reste quatre. Pas question que je me retrouve en manque ce soir.
Derrière la porte désignée par Misha, je découvre un spectacle auquel je ne m’attendais pas du tout. Rien à voir avec un coin clope classique. Une petite terrasse couverte ainsi qu’une petite table ronde digne d'un bistrot. Tout autour, des plantes en pots, des petits arbustes posés au sol ou sur des petits bancs. J’imagine très bien Misha en pleine discussion avec quelques-uns de ses amis ici. L’envie de partager ce lieu avec Sam est quasi-immédiat. Un coup d’oeil sur mon téléphone m’assurant d'un réseau suffisant, je me lance.
—Nous sommes arrivés.
—Quel enthousiasme dans cette voix ! Tu es bien installé ?
—La maison est, comme il le disait, très vaste. La chambre est plus grande que tout mon appart. Et regarde où je suis condamné à fumer, dis-je exprès d'une voix plaintive.
—Mazette. C’est mieux que ton microscopique balcon. Sait-il que ses plantes vont souffrir ?
—En dehors de celle-ci, précisé-je en montrant ma clope, il ne m’en reste que trois donc elles ne craignent pas grand-chose.
—Sevrage et stress ne font pas bon ménage.
—Il n’est aucunement question de sevrage, grondé-je. Son père fume aussi, Misha va donc récupérer un paquet en attendant, il est parti les saluer. Tu rentres quand ?
—Demain matin. N’oublie pas que tu peux me contacter à n’importe quel moment !
—Je sais. Ah je pense qu'il revient. Je te laisse.
( Misha )
J’ai cru que je ne partirai jamais. Les parents ont tout fait pour me dissimuler leur déception de ne pas rencontrer Ivan. En fait, je ne sais pas trop comment je vais m’y prendre. Dois-je le laisser décider du moment ou être directif ? Un tout petit coin de ma tête regrette de ne pas avoir accepté la proposition de Sam. Ivan ne ressemble en rien aux personnes que je fréquente habituellement. Il me déstabilise dans sa façon d’être et de faire. Sa palette d’expressions et de postures est impressionnante. Je m’arrête devant le frigidaire pour vider la glacière de plats préparés confiés par ma mère. Habituellement, elle réussit à se contenir ou tout du moins à être relativement discrète. Là, je n'ai même pas tenté d’argumenter.
Aucun bruit mais la porte du patio est entrouverte.
—Le lieu est plutôt calme, hein ?
—Apaisant. Les plantations sont ton œuvre ?
—Une des passions de ma mère. Je tente juste de ne pas les laisser mourir. Elle adore aussi cuisiner et s’assure ainsi que je mange à ma faim. Voici un ravitaillement tabac, dis-je en posant deux paquets de cigarettes. J’espère que ton coup de fourchette est efficace parce que mon frigidaire est au bord de l’explosion.
—Merci, dit-il, en empochant les cigarettes. L'idée de me restreindre commençait à me stresser. Je rembourserai ton père. Mon appétit est du genre capricieux. J’ai très longtemps flirté avec l’alcool qui me faisait tout oublier. Sam veillait sur moi avec plus ou moins de succès.
—Tu parles au passé pour me rassurer ?
—Pas le moins du monde. Je tente de maîtriser cet aspect très peu glorieux de mon existence. Mais j’arrive à ne plus mordre quand d’autres boivent à mes côtés, conclut-il avec une grimace digne d'un fou !
J’espère que c’est une blague car je ne peux contrôler un éclat de rire.
—Bonne réaction, bravo. Ceci étant dit, mon comportement a parfois été plus que limite. Maintenant si je m’aperçois que le risque de flancher est proche, je pars.
— Autant le préciser, ceux qui viennent manger ici le savent, s'ils veulent boire, ils apportent. Ma seule exigence est mon droit à m'opposer à leur départ lorsqu'ils ne sont visiblement pas en état. Tu ne peux pas savoir le nombre d’amis que j’ai perdu !!
A son tour, il part d'un éclat de rire tonitruant.
—Je suppose que tu es impatient de commencer. Mon estomac semble être bien réveillé et j’ai cru entendre le tien gronder. Mangeons.
—Je doute d’arriver à avaler quoique ce soit. Est-ce que je peux les voir ?
— Bien entendu. Suis moi.
Je m'inquiétais sur la façon d’agir, Ivan a résolu mon problème. Dans sa question transparaît tout ce qu'il attend de cette lecture. L’impatience est forte mais la crainte est bien là.
—Ils sont dans ma chambre. Depuis que ta sœur me les a confiés, ils n’ont eu qu'un seul lecteur. Moi.
Même s'il ne les avait jamais vu, impossible de ne pas repérer les trois cahiers au milieu de la table. Plus un bruit, son regard est fixé sur eux. Sa main se tend, et il me fixe comme s'il me demandait l’autorisation. Un simple mouvement de la tête et sa main se pose sur la couverture. Ses doigts l’effleurent tendrement au point que ma présence me semble illégitime. Par pudeur, je ferme les yeux ne voulant aucunement le gêner dans ce moment si intense. Un sanglot à peine étouffé, des pas vifs, il a disparu.
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