~15~
(Misha)
Ai-je bien entendu ? Ivan est prêt à me suivre afin d'accéder aux cahiers de sa sœur. Je réalise à quel point tout ceci est important pour lui.
—Attends une petite seconde, Ivan, l'interrompt Sam. Peut-être peux-tu attendre quelques jours de plus. Le temps nécessaire pour organiser mon absence…
—Non, Sam. Je n’attends pas. Ni Chloé ni Romain ne seront encore une fois privés de ta présence. Quand avais- tu songé partir, Misha ?
—Je n’avais rien de fixé à vrai dire. Je n’ai même pas réservé quoique ce soit pour ce soir. J’étais persuadé que cette fois encore…
—Pour l’hôtel ce soir, je pense pouvoir résoudre le problème, intervient Stefan qui est resté silencieux depuis un certain moment.
Lui comme Sam semblent inquiets. Sont-ils seulement hyper protecteurs envers Ivan ou est-ce une nécessité ?
—C’est gentil de votre part, mais je peux me débrouiller. Ne pas prendre de décisions sur un coup de tête, ne signifie pas que je n’ai rien organisé pour autant. J’ai une légère tendance à vouloir un peu trop organiser, je travaille à minimiser cela. Je dois. Enfin, dans l’idéal, j'aimerais être rentré dans deux ou trois jours. J’ai des partiels au début du mois prochain que j’ai un peu mis de côté.
—Je n'ai aucun impératif. A part un lieu pour dormir, bien entendu. Y-a-t-il pas trop loin de chez toi des Airbnb ou un truc du genre. Les hôtels ne me conviennent pas vraiment.
—J’avoue ma méconnaissance sur ce sujet. Lorsque j’ai à bouger ce qui est déjà extrêmement rare, l’option hôtel me semble la plus pratique. En fait, je n’ai pas encore mon propre appartement. La maison familiale est largement assez grande pour que nous arrivions, mes parents et moi, à y vivre sans être dans l’obligation de supporter une trop grande proximité.
(Ivan )
Ses mots percutent mon esprit. Qu'il partage la maison avec ses parents ne me choque pas plus que cela. Il n’a pas caché qu'il était étudiant et même si, d’après les infos données par Stefan, il a 27 ans, rien n’est choquant. Ce qui m’interpelle, moi, est ce qui a bien pu pousser cet étudiant d'un milieu aisé voire très aisé à accompagner des personnes malades dans leur solitude.
—Je ne t’ai pas demandé. Tu es étudiant en quoi ? Médecine ?
—Ah non, réplique-t-il avec un grand sourire. Aucun atome crochu avec ces matières-là ! Je ne suis guère à l’aise à la vue du sang. Mon secteur est plus proche des sciences humaines à vrai dire.
—Et c’est en raison de ces études que tu t’es retrouvé à croiser ma soeur !?
—Pas le moins du monde. Une de mes amies fait partie d'une association. Rien à voir avec une distribution de nourriture ou de fringues et c'est ce qui m'a attiré. Ils offrent des moments de paroles. Lisa adore lire à voix haute, et très vite, elle réussit à s'intégrer dans des lieux où plus personne ne dispose de temps pour le faire. J'ai assisté à une prise de contact dans un hôpital. Son sac contient différents romans, histoires, contes. Elle n'impose rien, surtout pas et très vite, une sorte de magie s'installe. Une fois, le choix fait, sa voix raconte, les mots apaisent, éveillent celui ou celle qui écoute.
—Tu as fait pareil avec Irina !?
— Pas du tout. Ma lecture à voix haute est catastrophique. Les mots s'entrechoquent, trop pressés de sortir ou trop lents. Mais, Lisa dit que je possède une sorte de don, dont je n'ai même pas conscience ceci-dit. Une facilité naturelle à communiquer qui semble contaminer mes interlocuteurs. Ceux-ci ne me rejettent pas, écoutent, et très vite se libèrent de leurs mots à leur tour.
J'entends un gloussement sur ma droite, Sam se marre.
—Ben quoi, s'exclame-t-il avec son sourire en coin. Un bavard hypnotisant et un taiseux, franchement je suis pressé de voir qui va remporter la partie !
Je hausse les épaules dépité par ses gamineries.
—Cela ne résout pas mon problème de couchage, grogné-je.
— La partie de la maison que j'occupe possède trois chambres, et deux salles de bain. Nous n'aurions que la cuisine à partager. J'ai cru comprendre que tu es un oiseau de nuit, je dors peu moi-même, une manie commune à beaucoup d'étudiants.
—Et tes parents vont être d’accord ?
—Je n’ai pas de compte à leur rendre concernant les personnes qui viennent chez moi. Ils ne me demandent pas plus mon accord pour leurs invités, réplique-t-il avec humour.
—Mais tu seras chez toi combien d'heures par jour ? Même si je ne suis pas en période créative, je ne peux pas rester trop loin de mon atelier longtemps. Une semaine te semble être suffisant ?
—Je n'en sais strictement rien. Concernant la quantité, il s'agit de trois cahiers style écolier. Même si l'écriture d’Irina est serrée, ce n'est pas vraiment un problème. Ta réaction, elle, est par contre imprévisible.
—Comment cela, ma réaction ?
—Ta sœur n’a pris aucun gant. Ses mots sont bruts, lâchés sur le papier. Ils m’ont fait mal. Je doute que cela ne te touche pas.
Lui non plus ne prend pas de gants pour dire les choses. Et subitement, j’ai très envie de faire marche arrière. La partie de mon cerveau, celle à qui il arrive, de moins en moins souvent, de prendre le contrôle se frotte les mains. En l’espace de quelques secondes, j’ai opté pour la stratégie la plus évidente : fuir.
—Vas-tu continuer longtemps de te faire mal ? m'interpelle Sam.
— C’est à croire que je ne suis pas capable de faire autrement.
–Tu as en toi la volonté, mec. A moins que Stefan me mène en bateau, tu n'as perdu le contrôle que deux fois cette année !? Je suis particulièrement bien placé pour savoir à quel point cela mérite des félicitations.
—C’est encore deux fois de trop, grogné-je.
—Ivan, ne sois pas trop sévère envers toi. Mes démons sont si petits par rapport aux tiens. Ma proposition de t’accompagner n’a pas pour but de t'infantiliser. Misha ne sera pas capable de décrypter quand tu es sur le point de dérailler. Donne-moi quelques jours pour organiser le truc avec Romain.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro