23 - Et le masque se brisa
Il était très tard quand Juliet et Owen se permirent de frapper à la porte du Capitaine. Il va sans dire qu'ils avaient débattu durant tout l'après-midi pour savoir si oui ou non, il fallait lui en parler avant de le dénoncer. Car oui, ils comptaient bien le dénoncer.
Ce fut sa femme qui leur ouvrit la porte, et son sourire disparut bien vite quand elle vit les visages sérieux et renfermés de Juliette et Owen.
« Bonsoir, est-ce que tout va bien ? demanda-t-elle.
— Bonsoir Madame. Est-ce que votre mari est chez vous en ce moment ?
D'abord confuse, elle hocha ensuite silencieusement la tête avant d'appeler le Capitaine par son prénom. Il descendit bien vite et il se planta devant Juliet et Owen. Il n'y eut qu'un regard d'échangé entre eux, mais le Capitaine comprit très rapidement la raison de leur visite.
Un long silence suivit, durant lequel la femme du Capitaine se demanda seulement ce qu'il se passait. Elle n'était pas inspecteur, mais elle n'était pas dupe pour autant.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? se décida-t-elle à demander.
— Rien, ma puce. Je dois discuter avec les Inspecteurs Evrard et Holman. Tu peux aller te recoucher, ne t'en fais pas, répondit doucement le Capitaine.
Juliet et Owen accompagnèrent les paroles du Capitaine avec un sourire peu convainquant, et la femme du Capitaine se décida à remonter les escaliers pour rejoindre la chambre à coucher. Le Capitaine les invita ensuite à entrer, et ils s'installèrent tout les trois dans le salon.
— Vous savez pourquoi nous sommes là, déclara Owen, n'est-ce pas ?
Le Capitaine répondit par l'affirmative d'un mouvement de tête. Ils soupirèrent tout les trois.
— Pourquoi m'avoir confié le dossier du Parlement si c'est pour savoir pertinemment que j'allai trouver l'identité de quelques membres ? Pourquoi avoir prit un tel risque ? Vous saviez que vous risquiez gros en me mettant sur ce dossier. Alors pourquoi ?
— Holman, vous savez quel est le seul moyen de sortir du Parlement ?
— J'en ai mon idée, en effet.
— Il y en a deux en réalité. La première c'est de mourir. Suicide, accident, overdose, meurtre... Du moment que vous n'y restez pas, tout les moyens sont bons.
— Et la deuxième ? osa demander Juliet.
— Être dans un endroit où l'on ne peut pas physiquement être avec les Hiboux.
Il y eut un moment de silence. Owen se décida à la briser.
— La prison ?
— Oui, Holman, la prison.
— Mais pourquoi voulez-vous aller en prison ? demanda Juliet.
— Parce que je veux quitter le Parlement, Evrard. Je ne souhaite pas non plus mourir, ma femme a besoin de se nourrir, mais il est devenu trop dangereux pour moi.
— Mais il va me falloir quelque chose pour vous arrêter. Un motif, une motivation...
— C'est moi qui ai tiré sur Jenny, déclara le Capitaine en coupant Owen dans sa phrase.
Juliet se leva immédiatement et elle s'éloigna. Owen fit signe au Capitaine de continuer.
— Le Grand Duc est un homme pragmatique. S'il demande quelque chose, on le fait. Il a réussi en peu de temps à toujours se débrouiller pour avoir un train d'avance sur tout. Alors, quand j'ai reçu le dossier du Parlement dans mon département, je lui en ai parlé. Il m'a demandé de le confier à l'inspecteur le plus débrouillard de mon département. Il ne voulait pas de noms. Il voulait le découvrir par lui-même. C'est ce pourquoi je vous ai confié le dossier. Par ordre du Grand Duc.
— Vous aviez autre chose derrière la tête, n'est-ce pas ? demanda Owen.
— Oui. Je suis rentré dans le Parlement parce que j'avais besoin d'argent.
Owen roula ses yeux au ciel.
— Tout ceux qui rentrent au Parlement ont besoin d'argent ? demanda-t-il avec une pointe de sarcasme dans sa voix.
Le Capitaine ignora sa pique et poursuivit.
— Le Grand Duc m'a promit énormément de choses. Et il les a toutes tenues. J'ai été promut Capitaine très rapidement. Des inspecteurs très compétents ont rejoint mon unité, me permettant d'assurer la continuité du département. Ma femme a eu droit à sa greffe de rein dont elle avait besoin. Tout ce que j'ai demandé, il l'a fait. Mais depuis quelques temps, le Grand Duc... Le Grand Duc me semble plus tendu et plus sur les nerfs qu'autrefois. Il y a quelque chose qui a changé dans son comportement, et il est devenu bien plus dangereux. Certes, Jenny a voulu s'enfuir plusieurs fois, et à certains moment j'ai essayé de l'aider, mais ça n'a pas marché. C'est le Grand Duc qui m'a demandé de tuer Jenny. Mais je n'ai pas pu.
— Quand vous vouliez que je démembre l'organisation, ce n'était pas que pour vous, n'est-ce pas ?
— Je ne suis sûr de ne pas être le seul à être retenu par la menace.
— Je dois savoir quelle est l'identité du Grand Duc. Je dois savoir où sont les laboratoires de fabrication de sang bleu. Sinon je ne pourrai rien faire.
— Croyez-vous vraiment qu'il cous suffira de demander pour savoir ? Personne ne connait le visage du Grand Duc. Si vous voulez savoir qui c'est, il faudra gagner sa confiance totale. Et ça, personne n'y est parvenu.
— Qu'est-ce que vous êtes en train de suggérer ?
— Écoutez. Pour le moment, le Grand Duc me considère comme un traître. Arrêtez-moi. Mettez-moi derrière les barreaux. Faites un sorte que je sois coupable.
— Mais à quoi ça va amener, tout ça ?
— Owen, déclara le Capitaine, si vous voulez démanteler le Parlement, ce n'est pas de l'extérieur qu'il faudra le faire, c'est de l'intérieur. Vous comprenez ce que je veux dire ?
— ... Vous voulez que j'infiltre les Hiboux...
— Vous collez au profil. Vous ressemblez énormément au Grand Duc. Vous êtes intelligent. Vous ne perdez pas votre sang froid. Vous êtes solitaire. Vous n'avez personne dans votre vie personnelle. Aucune attache. Vous pouvez le faire.
Owen réprimanda un frisson. Personne dans sa vie personnelle, ce n'était plus vraiment le cas...
— Et la fabrication du sang bleu ? Un éventuel quartier général ?
— On se réunit tous dans des lieux différents à chaque fois. Quand à la fabrication de sang bleu, je n'en sais rien du tout. C'est le Grand Duc qui a un contrôle total sur toute la production.
— Capitaine, c'est impossible. Je suis flic ! Je ne peux pas infiltrer le Parlement ! Le Grand Duc ne me fera jamais confiance !
— Owen, dans cette ville, tout le monde peut être corrompu.
— Vous me demandez de quitter le peu de chose que j'ai pour quoi ?! Arrêter un pauvre trafiquant de drogue ?!
— Non. Pour que le sang arrête de couler à flots. Pour que la ville retrouve un équilibre. Pour la protection de la population. Vous savez plus que quiconque que de nombreuses personnes sont en danger, peut-être même plus que ce que l'on l'imagine.
Le visage souriant de William dansa devant les yeux d'Owen pendant quelques instants.
— Arrêtez-moi et détruisez cette organisation de l'intérieure.
— Et comment je rentre en contact avec eux ? Vous avez à moitié tué le seul témoin viable qu'on avait.
— Ce n'est pas dur d'attirer l'attention du Grand Duc. Ce n'est pas dur de rentrer au Parlement. Ce qui est dur, c'est d'en gagner la confiance et d'en sortir. Mais je sais que vous pouvez faire ça. Vous en avez le tempérament. Certes, vous n'aurez plus votre confort habituel, mais cela en vaut la peine, croyez-moi. Il faudra juste couper les ponts avec votre entourage pendant quelques temps, sous peine de les mettre en danger. Pas comme je l'ai fait avec ma femme, malheureusement.
Owen se plongea dans ses pensées. Il songea à tout. Son quotidien. Sa vie privée. Ses habitudes et ses manies. Il songea à William. Cette espèce de petite tornade souriante qui avait réussi à rentrer dans sa vie et à la changer en si peu de temps. Il fallait qu'il le protège lui. Owen ne voulait en aucun cas l'impliquer plus qu'il ne l'était déjà.
— Sous quel motif je vous arrête ? demanda-t-il au Capitaine
— Corruption, agent double pour une organisation de drogue et tentative de meurtre sur témoin sous protection, ça devrait suffire.
— Et votre femme ?
— Je lui ai écrit une lettre plus tôt dans la journée. Il y a des billets d'avion avec.
Owen soupira avant de se lever.
— Vous ne voulez pas lui en parler en face ? Je vous laisse le temps, je vais voir Juliet. »
Lui et le Capitaine repartirent dans des directions différentes. Il retrouva Juliet sous le porche de la maison, frissonnant dans le froid et la nuit noire. Il passa un bras autour de ses épaules, pour la réchauffer. Même à peine éclairée par la lumière de la lune, il pouvait dire sans mal qu'elle avait pleuré.
« Alors ? demanda Juliet.
— Je vais arrêter le Capitaine.
— Bien.
— Et je vais infiltrer les Hiboux.
— Quoi ?! »
« Et je vais briser le cœur de William... »
———————
Mais comment tout cela va-t-il se terminer...
♥︎
— Nano.
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