Chapitre 8
« Jisung... Faut vraiment qu'on parle s'il te plaît. »
Il n'avait plus quitté le lit depuis plusieurs jours, sauf pour aller aux toilettes ou voler un peu de nourriture dans la cuisine. Jisung se sentait pathétique. Il avait coupé son téléphone, fermé ses volets, et s'était roulé en boule dans son lit depuis la soirée. Les larmes s'arrêtaient de couler parfois, à force d'épuisement et de fatigue.
Jisung était rongé par la culpabilité.
Malgré sa gueule de bois affreuse du lendemain matin, il se souvenait de chaque détail de la pendaison de crémaillère de chez Minho. Les danses, le karaoké, le baiser. Tout défilait en boucle dans sa tête, à tel point il sentait les lèvres de son aîné gravées sur les siennes. Il avait merdé, il savait. Il n'aurait jamais dû s'approcher du danseur. Il n'aurait jamais dû passer ce pari stupide. Il avait tout gâché parce qu'il ne savait pas se tenir.
« Jisung, viens m'ouvrir, il faut qu'on parle tous les deux. »
La voix de Félix était à peine étouffée par la porte. Les seuls moments où Jisung quittait sa chambre, c'était lorsque son ami partait en cours. Sinon, il ne l'avait plus vu depuis la soirée non plus. Comme personne d'autre.
« Ni toi ni Minho me parlez depuis l'autre soir !! Franchement, vous me gonflez. Je sors, t'as pas intérêt à piquer ma bouffe aujourd'hui. »
Les bruits de pas de Félix s'éloignèrent sur ces mots. Jisung entendit vaguement le bruissement de vêtements dans l'entrée avant que la porte ne s'ouvre et se referme sur un silence glacial. Jisung sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux : l'anxiété et le stress le tordaient dans tous les sens. Il avait merdé. Il n'aurait jamais dû passer ce pari. Il n'aurait jamais dû être attiré par Minho. Si de prime abord, il l'avait simplement trouvé attirant, les semaines passées avec son aîné avaient juste découvert des facettes de sa personnalité qu'il ne soupçonnait pas. Le danseur était la personne la plus douce et attentive qu'il connaissait. Jamais il n'avait émit de jugement à son encontre. Il avait toujours été à son écoute. Bienveillant, tendre, attentionné.
Le cœur de Jisung avait fondu comme neige au soleil.
Désormais il le savait. Il l'aimait. Chan et Changbin avaient raison depuis le début. Jisung ne savait même pas pourquoi il avait nié pendant autant de temps. Ça n'avait servi à rien. C'était comme lutter contre le vent. Minho l'avait emporté dans les tréfonds de quelque chose qu'il ne connaissait pas et il ne savait pas comment appréhender ce sentiment.
L'idée même que Minho puisse être heureux sans lui, donnait à Jisung l'envie de s'arracher le cœur.
C'était si douloureux, cette pointe dans la poitrine. Il ne trouvait pas de quoi l'apaiser. Parfois il regardait son téléphone et se disait qu'en l'allumant, peut être que Minho l'aurait appelé pour lui dire de tout oublier et qu'ils pouvaient recommencer comme si de rien n'était. Ça lui était impossible bien entendu, mais peut être que si son aîné acceptait, ils pourraient se revoir comme avant. Se promener ensemble. Voir les yeux de Minho briller d'excitation lorsqu'il voyait un chat errant. Se chamailler avec lui et esquiver un coup de coussin qu'il lui aurait lancé à la figure. Admirer ses joues rouges lorsqu'il le complimentait sur sa cuisine.
Rien qu'à évoquer ces souvenirs, la gorge de Jisung se serrait de nouveau. Mais il ne pleurait pas : il n'en avait plus la force. Il n'aimait jamais aimé à ce point, et maintenant il comprenait pourquoi. C'était trop douloureux.
Inspirant à fond pour essayer de calmer ses nerfs, Jisung finit par se redresser dans son lit. Sa chambre était plongée dans le noir, sans aucune vue sur l'extérieur à cause de ses volets fermés. Il sentait ses cheveux gras sur le haut de sa tête, même sa propre odeur le rebutait.
« Je ne suis pas si facile. »
« Tu as plus souvent l'air mélancolique qu'autre chose derrière ton apparence de petit provocateur. »
« Je n'ai pas envie de m'offrir à la première personne qui me le demande. »
« Tu veux m'embrasser ? »
« Sung, bien entendu je t'abandonnerais jamais. »
Les paroles de Minho tournaient encore et encore dans sa tête. Il avait besoin d'une douche.
Le jeune homme trouva la force de se relever et d'aller prendre des vêtements propres dans son armoire. Lorsqu'il ouvrit la porte de l'appartement, il fut surpris d'y voir une grande partie des affaires de son colocataire éparpillée partout. Ignorant le bazar, ses pieds le guidèrent jusqu'à la salle de bain et il fut surpris d'y trouver un post-il de Félix accroché sur le miroir.
Tu es autorisé à prendre mon shampooing exceptionnellement.
Rebutant un léger rire, Jisung se déshabilla avant de filer dans sa cabine de douche. L'eau chaude lui fit le plus grand bien, il se sentait objectivement répugnant. Rien ne l'aidait pourtant à vider sa tête : dès qu'il fermait les yeux, c'était le sourire de Minho qui envahissait ses paupières. Il emprunta le shampooing de son colocataire, savourant ses mèches propres qu'il les rinça assidûment, avant de sortir de la cabine pour se sécher. Il se lava également les dents et enfila sa tenue propre avant de mettre son linge sale dans le panier.
D'ordinaire, il sera allé voir Minho. Mais là il ne savait pas quoi faire.
Alors qu'il sortait de la salle de bain, il fut surpris d'entendre la porte de l'entrée s'ouvrir et se fermer. Son sang se figea dans ses veines et il crut bondir au plafond lorsqu'il reconnu la silhouette de Changbin, accompagné de Félix. Les deux jeunes hommes l'observaient d'un air fatigué. Jisung sentait de nouveau la culpabilité crépiter dans son ventre et avant même s'il ne puisse esquiver un mouvement vers sa chambre, son aîné lui fit signe de ne pas bouger.
« Toi, tu t'assois dans le canapé. Félix, tu veux bien nous faire du thé ? Je vais ouvrir sa chambre. »
Changbin était un aîné que Jisung adorait taquiner en temps normal. Mais son air sombre et ses yeux sévères ne lui donna aucune envie de se rebeller. Au contraire, il contempla ses pieds avant de réussir à faire quelques pas pour aller s'installer sur le canapé du salon. Il maudissait ce meuble : les meilleurs moments passés avec Minho s'était déroulé ici. La honte gonflait dans sa poitrine lorsque Changbin entra dans sa chambre pour y ouvrir la fenêtre et les volets. Mais le jeune homme ne fit aucun commentaire lorsque son ami ferma la porte derrière lui et vint s'installer sur un des fauteuils du salon.
Félix arriva quelques minutes plus tard, armé d'une théière remplie à ras bord ainsi que de trois mugs avant de s'asseoir à côté de Jisung dans le canapé.
« Avant que tu ne dises quoi que ce soit, c'est Félix qui m'a demandé de venir. » commença alors Changbin en enlevant sa casquette. « Tu ne peux pas rester comme ça Jisung. »
« Pourtant c'est toi qui m'a dit de faire bouger les choses avec Minho. » réussit à croasser le jeune homme en restant les yeux rivés sur ses genoux. Le désagréable goût de la bile lui remontait le long de la gorge : il détestait ça. « Voilà le résultat. »
La rage commençait à bouillir dans son ventre. Après tout, c'était Chan et Changbin qui lui avaient conseillé d'aller parler à Minho de cette attirance. Lui aurait volontiers garder ça pour lui. Il aurait été très heureux à continuer de vivre comme il le faisait, passer tout son temps libre avec le danseur à faire ce qu'il leur plaisait.
« Merci d'ailleurs. » ajouta t-il d'un ton sarcastique sans relever les yeux. « ça a vraiment été utile comme conseil. »
« Tu as vraiment eu une conversation avec Minho ? » demanda alors Félix d'une voix plutôt neutre. Il avait servi les mugs de thé et attendait une réponse.
Conversation n'était pas vraiment le terme correct, en toute objectivité. L'alcool avait joué un grand rôle dans ce qu'il s'était passé quelques jours auparavant. Jamais Jisung n'aurait osé faire ce qu'il avait fait s'il n'avait pas assez bu. Ce n'était pas glorieux. Il le savait. Mais l'idée de devoir parler de quelque chose de si sérieux à Minho lui serrait la gorge à un point qu'il n'imaginait pas.
« Ton silence veut tout dire... » reprit alors son colocataire en soupirant. « Minho est quelqu'un de sensible malgré les apparences. Et surtout un grand sentimental. »
« J'ai merdé, je le sais Félix. » le coupa immédiatement Jisung en osant pour la première fois lever les yeux sur ses amis. Aucun d'entre eux n'avait un visage sympathique. « J'aurais mieux fait de pas l'embrasser, c'était débile et... »
« Non, ce que tu aurais dû lui dire c'est que ton histoire de pari à la con, c'était de l'histoire ancienne. » interrompit Changbin d'une voix forte. « Tu aurais dû aborder le sujet dès le début et dire qu'au final tu t'en foutais parce que... »
« Parce que rien du tout ! » reprit Jisung en fronçant les sourcils. « Je ne pouvais pas deviner que Félix lui avait vendu la mèche dès le premier jour. »
Après avoir retourné le plan dans tous les sens dans sa tête, ça ne pouvait être que Félix qui avait craché le morceau. Il pensait sincèrement que son ami n'aurait rien dit, mais non. Il avait tout balancé à son demi-frère sans aucune hésitation. La colère bouillait toujours dans le ventre de Jisung, il avait sincèrement envie de balancer son colocataire à Changbin, qui était assis juste là en face de lui, pour se venger. Mais ça n'arrangerait rien à la situation.
« Je lui ai vendu l'info parce que je connais mon frère. » reprit Félix d'une voix calme. « Il s'attache beaucoup, ou pas du tout. Quand je lui ai dis en quoi consistait ce pari, il était persuadé de ne jamais s'approcher de toi. Mais... »
« Mais quoi hein ?! » lança Jisung, amer et dépité de se prendre la leçon par ses deux amis. Sa colère était plus dirigée contre lui même que contre eux, mais il devait se défouler. Depuis plusieurs jours, la tristesse et la rage le dévoraient de l'intérieur et il n'y tenait plus.
« Hey, pas la peine d'être désagréable. » le coupa de nouveau Changbin en montrant un côté moins doux de lui même. « Félix a voulu préserver son frère, il pouvait pas imaginer la tournure des événements. »
« Quelle tournure ? Que j'allais vriller comme un con ?
Félix leva les yeux au ciel en l'entendant parler. Le jeune homme le sentait : il exaspérait ses amis. Il aurait donné cher pour s'enfoncer dans un trou de souris et y disparaître.
« Jisung, tu es plus bête que ce que j'imaginais. » reprit alors Changbin en passant sa main sur son visage pour tenter de se calmer. « Minho tient à toi. Il faut être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. »
Le compositeur semblait s'être figé sur place. Il avait mal entendu, il ne voyait que ça comme solution. Minho tenait à lui ? C'était peut être un ami certes mais il avait piétiné sa confiance. C'était répugnant. Il se dégoûtait lui même. Sa colère était noyée dans ses regrets. Perdre Minho, l'espace de quelques jours, le rendait fou. Imaginer un quotidien sans lui était au dessus de ses forces. Il l'aimait, et il avait tout gâché. Sa bêtise lui avait coûté plus cher que la réputation d'être un homme facile.
« Il faut que tu ailles lui parler. » continua Félix en essayant de capter le regard de son ami. « C'est quelque chose qu'on ne peut pas faire pour vous, Minho ne me réponds pas et il ne répondra pas à son téléphone non plus. Tu dois aller le voir et éclaircir les choses. »
« A quoi ça servirait... ? » demanda alors le jeune homme d'une voix faible. « Je n'aurais jamais dû... »
« Sois honnête avec lui. Dis lui ce que tu ressens et que ce pari ce n'était qu'une histoire débile que tu as regretté dès que tu l'as mieux connu. » reprit Changbin, l'expression de son visage s'adoucissant. « De ce que Félix dit, Minho pense sincèrement que tu ne l'apprécies pas spécialement et que tu faisais ça que pour le pari. »
« Comment il peut imaginer un truc pareil ? L'interrompit Jisung, l'air perplexe. Ses deux amis échangèrent un regard avant que Félix ne reprenne la parole :
« Va lui parler. Vous devez vous expliquer. »
Étrangement, Jisung sentit autre chose pointer dans son ventre en entendant son colocataire dire ça. S'il lui suggérait, c'était qu'il avait une bonne raison non ? Pour la première fois en plusieurs jours, le jeune homme ressentait autre chose que des émotions négatives. Sans aller dire qu'il espérait quoi que ce soit, l'adrénaline à l'idée de revoir Minho faisait crépiter l'impatience au bout de ses doigts. Sans un mot de plus, Jisung se leva du canapé pour aller enfiler ses chaussures dans l'entrée.
Il ne réfléchissait plus : il n'y avait que Minho dans sa tête.
Après avoir enfilé son manteau et ramassé son portefeuille, il fila hors de l'appartement sans même un regard à ses amis. Il dévala sa cage d'escalier avant de filer à l'extérieur pour rejoindre le métro le plus proche. Les regards vers lui étaient inquisiteurs : que faisait un jeune homme à courir dans la rue comme ça, les cheveux encore trempés de sa douche, sans aucun regard en arrière ? Mais Jisung s'en foutait. Il n'avait rien d'autre que le danseur au fond de lui.
Alors qu'il s'installa dans la rame de métro, il se rendit compte qu'il avait bêtement oublié son téléphone portable chez lui. Oubliant jusque son anxiété, il demanda le jour et l'heure à un inconnu : même si ce dernier le dévisagea d'un air surpris, il consentit à lui répondre. Jisung se remémora l'emploi du temps de son aîné : en ce moment même, il devait tout juste rentrer de son travail pour retourner à son appartement.
Sans son portable, la durée du voyage fut décuplée. Le jeune homme devait retenir sa jambe de bondir sur place à cause du stress. Chaque seconde était multipliée par deux tant il était impatient. Lorsque le métro arriva enfin au bon arrêt, Jisung n'hésita pas une seule seconde à se remettre à courir pour sortir de la station. Ignorant les regards sur lui, il continua de filer jusqu'à l'immeuble où se trouvait le danseur.
Il allait le revoir.
Peut être allait il se faire envoyer chier, peut être allait il à peine apercevoir son aîné. Mais il allait le voir, et cette fois ci, qu'importe si Minho ne voulait pas l'entendre. Il allait lui dire, il allait prendre son courage à deux mains et lui dire qu'il tenait à lui plus que tout. Que ce pari n'était qu'une idée à la con qu'il avait jugée lui même mauvaise dès le début. Que ce n'était que son masque et l'image qu'il voulait donner de lui qui était comme ça, mais que le vrai Jisung, celui qui faisait de lui son entièreté, n'était pas comme ça.
A bout de souffle, il arriva en bas de l'immeuble qui l'intéressait. La porte d'entrée était légèrement ouverte, il fila à l'intérieur du bâtiment et rejoignit aussitôt le palier d'où était l'appartement de Minho. Jisung avait le cœur qui battait si fort dans sa poitrine qu'il avait du mal à respirer, pourtant, il n'attendit pas de reprendre son souffle avant de cogner à la porte de son aîné.
Hormis le bruit de sa respiration, il n'entendait rien d'autre autour de lui. Jisung avait chaud, il n'arrivait pourtant pas à se calmer autrement. Le sang battait si fort dans ses tempes qu'il en avait le tournis.
La porte s'ouvrit enfin, et Jisung crut sentir sa respiration lui manquer.
Minho se trouvait dans l'encadrement de la porte. Le jeune homme aurait aimé dire qu'il rayonnait : mais ce n'était pas le cas. Il avait l'air fatigué, éteint. Malgré sa beauté intacte, la lueur dans son regard n'était pas vraiment là. Le danseur l'observa d'un air surpris, probablement ne s'attendait il pas à le voir sur son palier de porte, surtout après ce qu'il s'était passé. Jisung sentait un mélange d'émotion contradictoire se mélanger en lui. La joie, le regret, le plaisir et la tristesse.
« Qu'est ce que tu fais ici ? » murmura Minho en détournant le regard. Il ne refermait pas la porte complètement à la vue de Jisung, ce que le jeune homme estima être une petite victoire.
« S'il te plait Minho. » répondit Jisung en s'approchant doucement du danseur. Sans s'en rendre compte, il posa ses doigts sur l'encadrement de la porte pour qu'il ne la referme pas sur lui. « J'aimerais qu'on parle. J'ai fais une connerie et... »
« Je n'ai rien à te dire. » rétorqua aussitôt son aîné sans relever les yeux. Il semblait si fermé et obtus que l'espoir mourut en quelques secondes dans la gorge de Jisung.
Non.
« Alors laisse moi te parler juste, écoute moi et ne dis rien. Laisse moi une chance de m'expliquer Minho je t'en prie. Je regrette tellement la façon dont ça s'est passé, il faut que je te parle. »
Il devait le laisser parler. Il le fallait. Jisung n'allait jamais s'en remettre si Minho ne voulait même pas l'écouter.
Les larmes faillirent jaillir de ses yeux lorsque le danseur recula pour ouvrir la porte et le laisser entrer dans son appartement.
L'endroit n'avait plus rien à voir avec le désastre que Jisung avait quitté quelques jours plus tôt après la soirée. L'appartement était rangé, propre et sentait bon le frais. Pourtant du coin de l'œil, Jisung nota aussitôt ce qui n'allait pas : des chaussures mal rangées dans l'entrée, un plaid roulé en boule et jeté négligemment sur le dos du canapé ou encore le tapis de yoga à moitié déroulé sur le sol. Minho était une personne qui aimait l'ordre. C'était possible que ça ne soit qu'une coïncidence mais il ne pensait pas. Le jeune homme sentait de nouveau l'odeur de son aîné proche de lui, c'était rassurant et grisant à la fois. Il aurait aimé tout effacé d'un coup d'éponge, mais ce n'était pas possible.
Le danseur semblait presque fragile. Recroquevillé, les bras enroulés autour de lui pour se protéger de l'extérieur, Minho était magnifique. Avec le regard rivé sur le sol, ses longs cils caressaient ses joues à chaque battement de paupière. Ses cheveux châtains étaient un peu long, son air mélancolique était splendide. Jisung voulait le prendre dans ses bras pour ne jamais le lâcher.
« Alors ? Qu'est ce que tu veux ? »
Malgré son apparente faiblesse, la voix de Minho était venimeuse. Le cœur de Jisung se comprima dans sa poitrine : entendre son aîné parler de cette manière n'était pas familier pour lui. Il avait merdé. Il avait tellement merdé qu'il se sentait rongé par le dégoût. Dès qu'il croisa le regard du danseur, il avait envie de s'enfuir.
« Je voulais dire que je suis désolé. Je suis désolé d'avoir passé ce pari avec Félix. Pour moi, tout ça ce n'était qu'un jeu. Je ne suis pas du genre à m'attacher c'est vrai... »
Les yeux de Minho étaient de véritables dagues d'acier. Plus il parlait, plus le jeune homme se sentait pathétique. Il devait continuer, si tout s'arrêtait là, son aîné ne voudrait plus jamais lui parler. L'idée lui était insupportable.
« Tu avais raison. Ce n'est qu'une façade. Je veux me rassurer, me dire que j'ai le contrôle et que tout va bien tant que je n'éprouve rien de plus que de l'attirance physique. Mais... »
Mais...
« Mais avec toi je ne contrôle rien... » murmura t-il en sentant ses yeux s'embuer de larmes. Il ne devait pas pleurer, mais c'était au dessus de ses forces. « Je n'ai aucun contrôle sur ce que je ressens, je me suis raisonné. Je ne voulais plus faire ce pari. J'en avais plus rien à foutre, je te le jure. »
Il fallait qu'il le dise. Il devait le dire.
« Plus le temps passait, plus je me disais que je risquais de tout perdre si je faisais un geste déplacé. À la soirée de l'anniversaire de Jeongin, j'aurais pu gagner ce pari, on était tellement saouls tous les deux, j'aurais pu mettre ça sur le compte de l'alcool... »
Le silence qui tambourinait dans ses oreilles le rendait malade. Jisung essaya de calmer sa respiration qui commençait à s'emballer. L'anxiété montait comme une vague en lui au fil des secondes. Mais il fallait continuer.
« Mais je ne voulais pas. Je ne voulais pas tout gâcher, parce que tu as pris une place si importante dans ma vie, parce que c'était qu'un pari à la con et que jamais je n'aurais franchi cette ligne avec toi. Je... »
Tenir, encore un peu.
« Tu es la première personne avec qui je n'ai pas envie de foirer quoi que ce soit. Si je t'ai embrassé, c'est... C'est parce que... »
Parce que...
Jisung trouva le courage de relever les yeux. Devant lui, Minho l'observait de ses grands yeux félins, une expression indéchiffrable sur le visage. Ses lèvres étaient entrouvertes, son regard perdu, ses joues rosées. Tout en lui était parfait. Il était sa perfection à lui, avec ses piques désagréables, son côté maniaque et sa douceur incomparable.
« Parce que je tiens vraiment à toi Minho. » chuchota t-il, presque à bout de force. « Tu me plaît, j'ai pas envie que tu t'éloignes, mais je ne sais pas comment gérer ça. J'ai peur de te perdre, tu es important et ces derniers jours ont été horribles... »
C'était terrifiant ce silence. Pesant. Jisung ne savait pas où regarder, il se contentait de fixer Minho pendant que des larmes dévalaient ses joues. Il était à la pitié de son aîné : si ce dernier se mettait à rire en le foutant à la porte, son cœur allait voler en éclat. Jamais il n'avait aimé si fort, ça le détruisait de l'intérieur. Si le danseur ne voulait pas de lui, tant pis, mais il voulait juste rester à ses côtés encore un peu. Même si c'était pour le voir retourner avec Seungmin ou avec un autre homme, ou avec n'importe qui d'autre. Pourvu qu'il soit heureux. C'était tout ce qu'il voulait.
« Je t'ai détesté. »
La voix de Minho ne tremblait pas elle. Il était sérieux et calme. Son regard s'était adoucit, mais ses bras restaient désespérément serrés autour de lui pour se protéger de tout.
« Je t'ai vraiment haïe ces derniers jours. Au début, je te trouvais amusant à papillonner autour de moi comme une abeille autour d'un pot de miel. Félix m'a dit dès le premier jour à propos du pari. Il me connaît. »
Le danseur passa une main sur son visage, il était épuisé lui aussi.
« Il sait que je m'attache vite et fort. Alors j'ai gardé mes distances, mais ça n'a pas prit longtemps avant que je ne cède. Je me souviens de la soirée de Jeongin. Je me souviens t'avoir provoqué mais tu n'as pas cédé. »
Pourtant, Minho lui avait assuré ne se souvenir de rien au petit matin.
« Alors je me suis dis que tu étais un gars bien. Quelqu'un de confiance. Puis, plus je te connaissais, pire c'était... Je ne voulais pas céder, pas pour un pari à la con, pas là dessus. »
Le danseur se redressa, retirant enfin les bras autour de lui pour se redresser et grandir. Jisung fut soulagé de voir au fond de ses yeux crépiter quelque chose : Minho n'était plus vide.
« Je ne baise pas pour le plaisir. » lança t-il sans quitter le jeune homme des yeux « Je n'embrasse pas n'importe qui juste pour m'amuser. Je fais l'amour, avec une personne que j'aime et en qui j'ai une confiance aveugle. Voilà pourquoi je ne voulais pas céder Jisung. Parce que pour toi, ce n'était qu'un jeu et un nom de plus sur ta liste. Si pour me protéger je dois renoncer à toi, alors je le ferais. »
Jisung avait merdé. Il s'en voulait plus que tout au monde.
« Mais j'ai cédé... » continua Minho, la voix à peine plus audible qu'un murmure. « J'ai cédé parce que derrière les apparences j'ai vu une personne incroyable. Tu étais fragile et fort à la fois, tu trouves toujours le moyen de surmonter les épreuves et d'être bienveillant envers les autres. Tu m'as toujours fait rire et accompagné lorsque je me sentais mal. »
L'ombre du sourire du danseur sur ses lèvres donna un frisson dans le dos de Jisung. Il était incroyable à ses yeux, son cœur battait la chamade et il ne voulait qu'une chose : être à ses côtés.
« J'ai eu envie d'appeler Seungmin. » reprit il en observant son cadet « Je voulais qu'il revienne et efface tout ça, qu'il me rappelle jusqu'à quel point il m'avait aimé et, je suppose, m'aime toujours. Malgré tout ce qu'il ressent je sais que je ne suis pas la bonne personne pour lui. »
La jalousie brûlait dans le ventre de Jisung. Il ne détestait pas Seungmin, c'était un homme bien. Mais savoir que son aîné avait été effleuré par l'idée de reprendre une relation avec lui le rendait malade. Il en avait la nausée. Minho continuait de murmurer :
« Mais... Il n'y a que toi qui me regarde comme ça... »
Le compositeur aurait pu écrire mille tirades sur la beauté de Minho. Il aurait pu écrire des millions de poèmes pour décrire tout ce qu'il ressentait. Mais ça n'aurait jamais été suffisant.
« Je te regarde comment ? » murmura Jisung, les larmes au bord des yeux.
« ... Comme si tu m'aimais plus que tout. »
Le temps était devenu aussi poisseux que la mélasse. Jisung ne contrôlait plus ses gestes : il se contenta de faire un pas vers son aîné. Celui ci ne recula pas, alors il en fit un deuxième. Puis un autre.
Ce ne fut qu'une fois devant Minho qu'il se rendit compte à quel point sa présence lui coupait le souffle. Les mains tremblantes, le jeune homme passa ses bras autour des hanches de son aîné pour le tenir doucement. Le danseur laissa échapper un léger soupir : ses yeux à lui aussi étaient embués de larmes.
« C'est le cas, tu es le meilleur pour deviner ce que je ressens. » chuchota le compositeur en esquissant un sourire.
Minho fondit immédiatement dans ses bras. Son beau visage se crispa sous les larmes avant qu'il ne s'enroule de lui même tout autour de Jisung. Ce dernier frémit en sentant son aîné nouer ses bras autour de ses épaules tout en enfouissant son visage dans son cou. Le jeune homme prit une profonde inspiration : l'odeur si douce de Minho emplissait ses poumons pour la première fois depuis des jours, et c'était aussi libérateur que de respirer après une longue plongée. Enfouissant son nez dans les cheveux de son aîné, le compositeur le berça tendrement contre lui.
Le soulagement déferlait dans la moindre parcelle de son corps. Minho ne le rejetait pas. Minho restait à ses côtés et se coulait dans ses bras comme la rivière dans son lit. Sans pouvoir lutter plus, Jisung enserra le corps musculeux du danseur contre le sien. Aucun filet d'air, même le plus fluet aurait pu passer entre eux.
« T'es vraiment débile... » marmonna le danseur, en laissant échapper un hoquet tant il se retenait de pleurer. Jisung lui ne pouvait plus se retenir, il souriait à travers ses larmes de soulagement.
« Oui, je sais. Pardonne moi. » répondit il aussi doucement que possible sans cesser de bercer le garçon contre lui. Il le serra plus fort, lui arrachant un souffle de stupeur. «Ne m'abandonne pas Minho, je t'en prie. Reste avec moi. »
Le danseur se décolla à peine de lui. Des larmes s'étaient emmêlées dans ses longs cils. Minho l'observait avec une tendresse qui donnait la sensation au jeune homme que ses genoux s'étaient transformés en gelée.
« Tu as conscience de ce que ça implique? » demanda son aîné, l'air plus sérieux « Tu ne pourra pas partir. Si tu fais ça je t'arrache la tête. »
Jisung crut qu'il allait sincèrement éclater de rire. Toute sa nervosité s'était envolé comme si de rien n'était. Il se mordit les lèvres pour s'empêcher de rire trop fort mais c'était dur pour lui. Minho avait tant d'espoir dans les yeux que le moindre doute s'évaporait dans le corps du cadet. Oui, il voulait ça, il le voulait si fort qu'il était persuadé de ne pas survivre si le jeune homme dans ses bras le repoussait.
Il l'aimait si fort que son cœur semblait bondir hors de sa poitrine.
« ça me va alors... » murmura t-il avant de venir quémander un baiser.
Il n'y avait rien de tout ce qu'il aurait pu imaginer. Pas de feux d'artifices dans les yeux, pas de lumière transcendant son esprit ou son corps. Juste les lèvres chaudes et humides de Minho contre les siennes. Elles s'épousaient si bien que Jisung était persuadé de ne pas mériter sa chance : son karma n'était pas équilibré. Mais qu'importe. Pour rien au monde, il n'aurait céder sa place à cette seconde.
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