Chapitre 5
Ses yeux fixaient le plafond, perplexes et en même temps fous de rage. Il n'était pas passé par le bureau de Rémi... L'angelot aurait-il oublié de lui préciser ce détail ?
Il se leva, évita la pile de linge étalée sur le sol, s'habilla de vêtements propres et décontractés, passa dans le salon. Cette journée allait se résumer au sauvetage de son couple, car c'était bien la seule chose constante qui le dévastait à chaque fois !
David prit son chat sous son bras et, même s'il regretta de ne pas avoir pris un t-shirt à manches longues face à cette bestiole griffue, ne se démonta pas jusqu'à la voiture. Il ouvrit la portière avec sa main libre – il avait oublié de fermer à clefs la veille et, même s'il manquait maintenant l'auto-radio, se mit au volant – et appuya la pédale d'accélération. David passa par un fleuriste et posa le bouquet de lys sur la place du mort. Bien qu'Oscar se soit endormi – Dieu soit loué, ce chat est gentil comme un cœur, quoique susceptible et vengeur – mieux valait être méfiant, au cas où ce dernier roulerait sur les fleurs lors d'un virage.
Guidé par le GPS de son portable, car ce n'est pas grâce aux trois petites fêtes de réveillon passées chez ses beaux-parents qu'il connaissait le chemin par cœur, il arriva, paumé, au milieu d'un village voisin, sur une route juste assez grande pour laisser passer sa voiture.
— Sacré bagnole, tu étais obligée de crever aujourd'hui et dans cet endroit paumé ?!
Il se calma en tapant du pied les quelques cailloux présents sur le sol, puis réveilla Oscar en douceur pour ne pas s'attirer ses foudres. Il prit ensuite le bouquet d'une main et le téléphone de l'autre.
— Oscar, j'y vais à pied, tu viens ? proposa-t-il à son chat, qui venait d'ouvrir seulement un œil, pour connaître la raison de ce réveil.
David se redressa et partit sur la petite route, la bestiole poilue et compliquée à comprendre à ses trousses. En passant d'un peu trop près du fossé, il se retrouva avec les chaussures et le bas du pantalon recouverts d'une boue épaisse, et poussa une série de jurons avant de continuer sa route. Ne pas se concentrer sur ces malheurs, Dieu a une raison... est-ce d'ailleurs Dieu qui décide ? Ou le Destin ? Ou... Rémi ? Non, ça ne peut pas être Rémi, il m'avait demandé si ça s'était bien passé !
À un carrefour, son portable s'éteignit, vidé de toute trace de batterie. En soupirant, David choisit au hasard un chemin, presque sûr que les deux autres étaient les bons et que celui-ci ne menait à nulle part. Ce fut une réelle surprise pour lui quand il remarqua connaître cette route. David prit son chat à la manière du Roi Lion.
— L'espoir est revenu, Oscar ! L'espoir et la chance ! Nous sommes bientôt arrivés, et tu pourras de nouveau t'endormir sur un canapé moelleux !
À ce mot, le chat miaula de plaisir. Vient-il vraiment de comprendre ? Peu importe, il faut que je trouve cette satanée maison!
Et ce n'est que trois longues heures plus tard, après quelques rebrousse-chemins et crises de nerfs, qu'ils arrivèrent devant la petite maisonnette de campagne tant attendue !
David toqua à la porte, tandis que la bestiole dormant normalement vingt heures sur vingt-quatre, s'allongea, pour un repos bien mérité, sur un pot de verveine en fleur. Personne ne répondit d'abord mais, trente trois secondes plus tard, une petite tête enfantine apparut derrière la vitre de la fenêtre, mirant la bête endormie et flasque.
— Chat, chat ! C'est Oscar ! cria la petite depuis l'intérieur.
— Oscar ? s'interloqua la vieille voix de la belle-mère.
— Oui, dans le basilic !
— Mais je n'ai pas de... Oh non ! Ce chat a osé se mettre dans ma verveine ?!
Des pas assurés et en colère allant vers la porte se firent entendre dans toute la maison – et même à l'extérieur. En voyant son gendre à l'entrée, la vieille resta perplexe, surtout quand celui-ci lui fit un « coucou » gêné/hébété avec un bouquet de fleurs à la main. Elle lui proposa de rentrer – elle ne pouvait pas lui dire de partir – et sortit tout de même déloger l'animal assoupi dans sa plante aromatique.
La petite fille de trois ans courut vers son père et se blottit dans ses bras. Celui-ci posa les lys sur un guéridon en acajou massif.
— Moi aussi tu m'as manqué, Thaïs. (Elle enfouit sa tête dans le cou de son père) Tu sais où est ta mère ?
— Dans ma cabane.
— Tu veux venir avec moi la chercher ?
Le jardin était vaste et peuplé de dizaines d'arbres fruitiers, fleurs, et plantes aromatiques – le basilic étant absent car il avait été dévoré par les limaces une semaine de cela. La cabane, elle, était simplement construite de branches d'arbres un peu trop basses, allant jusqu'au sol, formant ainsi une sorte de cocon géant.
— Louisa ? s'enquit David en éclaireur, à l'entrée de la cabane, avec toujours sa fille dans les bras.
— Tu n'as pas vu mon message ?
— Mon portable est à sec.
Il sortit l'objet en question et le donna à sa compagne, comme quand on donne son passeport, mais ici pour vérifier l'authenticité de ses paroles.
— T'es plein de boue, rit-elle.
— Malheureux incident entre mon pied et le fossé.
David posa Thaïs sur le sol, car des fourmis dans le bras se faisaient maintenant ressentir. Celle-ci courut hors de l'endroit secret pour aller chercher le chat qui venait, à son rythme, jusqu'à eux. Elle le montra fièrement, elle aussi en mode Roi Lion, à sa mère, qu'elle rejoignit aussitôt. Le chat, content à l'idée de pouvoir dormir dans les bras de sa maîtresse, ronronna de plus belle avant d'enfouir sa tête velue à côté de son postérieur. Celui qui oserait le déloger – mis à part Louisa – aura déchaîné le démon et subira ses châtiments mesquins, comme la bâillement à trois centimètres de ton nez (car chez les chats, tout est toujours programmé d'avance). Louisa caressa l'animal vicieux, démoniaque, et pourtant toujours adorable, non sans faire virevolter quelques poils.
— Vous faisiez quoi, avec mamie ? demanda la maîtresse.
— Une tarte aux pêches.
En se rappelant avoir posé les fleurs, David leur demanda d'attendre quelques secondes. Il courut dans l'herbe mouillée, ce qui lui fit recevoir les apostrophes de sa belle-mère, quant aux traces de boue qu'il laissait derrière lui.
— Voilà, dit-il en tendant le bouquet à sa chérie. (Il hésita à mettre un genou à terre et en rire mais le sol terreux et humide l'en dissuada) Je ne voulais pas que ça se finisse comme ça... alors je t'ai apporté ces fleurs, cette chose (il désigna Oscar, qui leva les yeux et le fixa d'un regard noir), et ma personne. La voiture est coincée à quelques heures de là, je sais pas trop où.
— Et bien... tous les malheurs du monde te sont arrivés, j'ai l'impression !
— Oh non ! Il en reste en stock, je crois...
Sa bouche forma une gigantesque sourire qui lui fendait le visage en deux. Mère et fille ne comprirent pas trop ce qui était amusant dans ce qu'il venait de dire mais, par pure solidarité, firent de même. Il s'excusa avant de sortir de la cabane, pour se planter, la tête face contre le ciel, et murmurer : « Merci Rémi... ».
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro