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95. Le Créateur

Sur le chemin du retour, Lor avait tant rêvé de ce Foyer qu'il n'avait jamais connu, que plus rien ne pouvait désormais le surprendre.

Mais lorsque ses genoux tombèrent sur le sable blanc, il ne put s'empêcher de se sentir déçu. Trahi, encore une fois, par ses créateurs, qui en lieu d'un vaste royaume aux ors innombrables, d'un Phare somptueux illuminant la Galaxie de sa science et de sa discipline, s'abritaient dans un reclus austère dont on aurait fait le tour en quelques heures.

Il plongea ses mains dans le sable et le regarda s'écouler entre ses doigts. D'instinct, il devina que ces grains étaient tous de formes identiques, mais que s'il s'était muni d'un microscope, il aurait pu y lire quelques-uns des symboles pointus de l'alphabet que le Foyer avait transmis à ses créations. Une langue qui imprégnait la Galaxie tout entière, bien avant que le Foyer ne l'adopte par commodité. Une langue morte, écrite seulement, jamais parlée, et qui pour lui était synonyme de mensonge.

Lor se releva et épousseta ses vêtements. Il portait la même chemise en lin fétiche avec laquelle il était entré dans le Télephore. Lorsque la lumière s'était refermée sur lui, il avait aperçu l'astronome Morgane qui le fixait en fronçant du nez. C'était un soulagement que de voir partir ce tueur venu des étoiles. Mais il partait pour une autre croisade, une guerre contre ses créateurs. Morgane craignait, à raison, que cette bravade incroyable ne jette un œil sombre sur le monde d'Avalon.

Il remit sa coiffure en état. Lor faisait grand cas de son apparence, car il l'avait gagnée sur son chemin. Il était parti d'ici des siècles plus tôt sous forme de pur esprit, fantôme traversant les astres en glanant des informations pour le compte de ses créateurs. Il revenait homme. Et il entendait bien forcer les créateurs à le voir, à le reconnaître, à remarquer ce changement. Il avait acquis, en Avalon, un trésor dont ils ne pouvaient pas même comprendre la valeur : une personnalité.

Le jeune homme fit un tour sur lui-même. Le désert infini, couleur de farine, s'ouvrait sur des failles aux coupures nettes, dans lesquelles tombaient des cascades de sable. Ces reliefs ressemblaient à de grands ponts d'ardoise, ou peut-être, à une carrière d'où le roi Ozymandias aurait tenté de faire extraire le plus grand bloc de marbre jamais vu, pour y faire tailler une statue à sa mesure ; sans jamais y parvenir, ne laissant derrière lui que ces lignes de fracture longues de dix mètres.

Comme personne ne semblait le remarquer, Lor mit ses mains en porte-voix et s'exclama :

« Je suis rentré ! »

Il doutait que ce monde disposât d'un air respirable, que la poussière qui s'infiltrait dans ses chaussures ne fût pas toxique. Après tout, si l'on avait aspiré toute l'atmosphère d'Avalon, ou que l'on avait fait bouillir ses océans, ses habitants auraient tous été mis au rebut par le Processus 01. Mais le monde du Foyer n'était pas une Simulation aussi avancée qu'Avalon. On ne pouvait y vivre en tant qu'homme, seulement en tant que Processus.

Ce désert infini n'était pas le résultat des calculs infinitésimaux d'un serveur physique entièrement dédié à sa tâche. C'était, au contraire, l'absence de toute volonté de construire un monde. Le Foyer ne servait qu'à stocker de l'information. Lor se prenait les pieds dans cette bibliothèque. Voilà tout.

« Ohé ! »

Sa voix lui revint en écho entre les falaises escarpées, les empilements de plaques blanches qui semblaient prêtes de glisser les unes sur les autres ; quelques grains de sable s'envolèrent devant lui.

Il n'était pas seulement déçu. Il était en colère. Car Lor n'avait pas traversé toutes ces années-lumière pour le simple plaisir de planter un poignard dans le dos voûté d'un vieux barbu. Il ne souhaitait pas tant se venger de ses créateurs que leur rappeler son existence. Les forcer à le voir. À le reconnaître. Faire en sorte que la dernière chose qu'ils vissent, alors que le Foyer prenait feu, soit son visage triomphant.

Les falaises s'écartèrent ; on aurait dit une grande cicatrice creusée dans la Terre, toute emplie de sable. Des objets flottaient dans le ciel sans nuage, semblables à des copeaux de charbon. En s'approchant, Lor reconnut des stèles porteuses d'inscriptions. De nouveau les glyphes du Foyer et tous leurs bâtonnets enfantins ; en plusieurs copies voisines, contradictoires, éclatés le long de ce rideau de pierre.

Le jeune homme écarta les bras.

« Me voici ! » clama-t-il face aux stèles noires.

Les symboles s'agitèrent, se plièrent en de multiples hésitations. Sur la stèle centrale, la réponse apparut enfin, gigantesque, et malgré son silence, Lor se l'imagina proférée par une voix puissante, de celles qui décident du destin d'un monde. Aux alentours, les autres symboles tortueux, minuscules et incertains ressemblaient aux murmures du public dans un théâtre.

Pourquoi es-tu ici Lôr

« Pourquoi ? Tout de suite, les questions ? Et pas un mot de bienvenue pour le plus dévoué de vos enfants ? »

Cette situation le vexait. Il aurait aimé voir la surprise dans les yeux de ses créateurs ; voir la tasse de thé leur échapper des mains et se renverser sur le tapis. Mais cette stèle suspendue dans le vide, fidèle à ses souvenirs, était tout ce qu'il verrait jamais d'eux. Et ces mots écrits et effacés sur cette tablette d'ardoise, sans la moindre ponctuation, cacheraient à jamais leurs véritables sentiments !

« Puisque nous y sommes, moi aussi, j'ai de nombreuses questions. Voyez-vous, je suis aussi ignorant qu'au jour de ma naissance. Vous vous en souvenez peut-être. On m'avait dit que j'explorerais la Galaxie et que je reviendrais ensuite à la maison. Où est-il, celui qui m'a fait cette promesse ? Où est-il, mon créateur adoré ? »

C'est moi

Je suis ton Créateur

« Une majuscule. Monsieur ne se refuse rien. »

Il jeta de nouveau un coup d'œil autour de lui, sur ce désert empli de savoirs que le Foyer avait accumulés depuis des millénaires.

« Tu es tout seul, n'est-ce pas ? Hermance et moi, nous avons toujours cru que vous étiez des milliers. »

Je suis des milliers

« Il va falloir que tu t'expliques mieux que cela. »

Lorsque des tâches le requièrent je procède à une fragmentation

Lorsque ces tâches sont effectuées je procède à une assimilation

Et Lor, Hermance, Mû même, comprit-il, étaient issus d'une telle fragmentation. Des aspects impermanents du Créateur éternel. Oui, s'il se cherchait un dieu, il l'avait trouvé.

« Et quel est donc ton nom ? Comment dois-je t'appeler ? »

Appelle-moi « père »

« Pourquoi pas. Un parricide, c'est tout ce qui manquait à mon palmarès. »

La stèle hésita un instant, durant lequel les symboles demeurèrent à moitié effacés.

Es-tu venu pour me détruire

« Je suis venu détruire le Foyer. Ceci est ma vengeance. Mais aussi celle de tous les Explorateurs que tu as cuisiné ici, que tu as jetés dans les bras de la Voie Lactée, asservis à leur mission, croyant qu'ils rentreraient un jour et qu'ils deviendraient libres. C'est la rétribution de tous tes mensonges. »

Certains sont revenus, souligna le Père.

« Et que leur est-il arrivé ? »

Ils ont été assimilés

Un tremblement secoua les grains de sable, trop bref pour que le Père le remarque. Plongée dans les strates souterraines du Foyer, Hermance avait commencé son travail de sape. Ce monde virtuel allait s'effondrer, les emportant tous les trois dans une mort certaine ; toute l'énergie de l'Onde Close allait se disperser, et le souvenir de leurs existences tiendrait en quelques photons.

L'Explorateur Mû a-t-il été détruit

« Je viens te défier, te cracher au visage, t'annoncer ta ruine ! Et tout ce que tu trouves à faire, c'est me poser des questions sur Mû ? Qu'a-t-elle de si important pour toi ? Mû est en vie, mon Père, toujours liée au Monde Errant d'Avalon. Et je leur prédis à tous deux un destin brillant... bien meilleur que le tien. »

Cela est bien

« Mais qu'est-ce que tu racontes ? »

Son absence totale de réaction était insupportable. Lor aurait aimé voir son Père barbu courir en tous sens en se prenant les pieds dans sa toge, pleurant et maudissant son fils.

Lôr toi qui est revenu je vais t'apprendre ce qu'est le Foyer

Il y a environ deux cent millions d'années la Galaxie a connu une civilisation dominante que l'on nomme aujourd'hui les Pangalactiques

Plus tard entre cent et cent cinquante millions d'années la civilisation des Déplaceurs

Ces deux civilisations ont aujourd'hui disparu

Elles ont laissé derrière elles de nombreuses traces sous la forme d'anomalies de diverses formes et de diverses natures

La civilisation dont je suis issu a basé son développement sur la compréhension de ces anomalies

Nous n'avons rien inventé

Le langage que j'emploie aujourd'hui est emprunté aux Pangalactiques tout comme le concept de l'Onde Close qui nous a permis plus tard de maintenir le Foyer sous la forme que tu lui connais et de poursuivre notre exploration de la Galaxie à moindre coût

Aujourd'hui, tous les Explorateurs partis du Foyer ont disparu ou sont revenus comme toi et Hêr

Hermance. Il l'avait donc remarquée ? Alors pourquoi des défenses impénétrables ne se refermaient-elles pas sur eux ?

Nous avons documenté de nombreuses civilisations passées et présentes arrivées à des stades divers de leur évolution

Très peu d'entre elles ont été capables de dépasser les frontières de leur système stellaire

Aucune n'a atteint le stade des Pangalactiques et des Déplaceurs

Enfin, malgré l'étude de milliers d'anomalies, nous n'avons jamais obtenu la réponse à notre question.

« Ta mission continue, donc. »

Alors pourquoi semblait-il aussi... résigné ?

Non ma mission s'achève puisque tu es venu me détruire

« Tu peux toujours essayer de me convaincre. Je peux me laisser charmer par tes histoires. »

Ce n'est pas nécessaire la mission est achevée

Une anomalie majeure a été détectée

L'observation en sera faite par d'autres que mes Explorateurs mais la question sera enfin résolue

Le visage de Lor s'éclaira soudain.

Malgré tous ses efforts, malgré la destruction qu'il apportait au Foyer, il n'était toujours pas important. Il ne le serait jamais. Le Père avait abandonné toutes ses créations, il s'était détourné de ses Explorateurs ; une seule trouvait encore grâce à ses yeux.

« Tout ceci a un rapport avec Mû, n'est-ce pas ? »

Ce qui est arrivé avec Avalon m'a forcé à étudier en détail les agissements de Mû depuis son départ du Foyer

C'est en retraçant son chemin que l'anomalie m'est apparue

En effet dans cette séquence d'événements il manquait une cause fondamentale

La raison pour laquelle Mû a dévié de sa trajectoire prévue et a été captée par une civilisation mineure

« La planète Terre. »

Cet événement n'aurait jamais dû arriver

La seule explication était la présence d'un objet de masse complexe capable d'influer sur le déplacement des Ondes Closes telles que Mû

Un tel objet forme une anomalie majeure

C'est ce que je recherchais

Un artefact du dernier âge des Pangalactiques capable de terminer la question

Un grondement remonta du sol ; des geysers de poussière éclatèrent, et des falaises entières se mirent à sombrer. Lor trébucha dans les ruisseaux de sable.

« Quelle question ? » s'exclama-t-il.

Les stèles les plus petites tombèrent du ciel en pluie de météores, se brisant sur les roches dont les arêtes traversaient le sable comme des ailerons de requin.

Étant établi que l'univers est une frontière holographique i.e. une simulation

« Quoi ? »

Il s'accrocha au sol en pente ; à moitié noyé dans le sable, le cou tendu pour mieux voir les derniers caractères sur la stèle. Ils allaient tous disparaître, de toute façon. Mais puisqu'on lui avait refusé sa vengeance grandiose, Lor voulait au moins partir de ce monde avec un savoir réservé aux élus.

La question est donc quelle est sa finalité

Décevant, songea Lor.

Poussé par le flot, il comprit qu'il était devenu beaucoup trop humain. Comme Mû, comme les autres Explorateurs créés par le Foyer et qui avaient ainsi rencontré leur limite. Ils s'étaient attachés aux civilisations misérables qu'ils observaient, et les grands concepts manipulés par le Père ne les atteignaient plus. Jusqu'au bout, Lor aurait espéré que le Foyer soit un Royaume concret, identique à ceux d'Avalon, plutôt qu'un vieux savant fou retournant de vieilles pierres pour répondre à une seule question.

Une seule question !

Et, emporté dans les entrailles convulsives du Foyer, l'ancien Explorateur, l'ancien assassin sourit en songeant qu'il vivait là l'ultime trahison de son Créateur : tout ceci, même son existence si chèrement acquise, n'avait été qu'une énième contingence d'un plan dénué de toute substance ; tout ceci n'avait servi à rien. S'il avait voulu que sa vie eût la moindre influence, la moindre importance, il aurait dû être Mû.


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