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90. Si vous en avez le courage


Aujourd'hui, presque tous ceux qui virent se lever le Soleil de Mû, il y a un siècle, sont morts. Le Dragon de Cristal n'a pas reparu depuis ; le temps des miracles est derrière nous.

Clodomir d'Embert, Journal


Pendant dix minutes, Rafael ne sut que faire. Malgré sa moustache et son uniforme bleu, il était indistinguable des réfugiés prostrés sous leur toit minuscule, qui regardaient la pluie dévaler les rues d'Istrecht en priant. Alors que sa priorité aurait dû être de trouver une solution, il ne pouvait s'empêcher de penser à Florencia, d'imaginer la princesse assistant à pareille scène depuis son balcon, à Hermegen ; de voir de loin son peuple se terrer dans des caves sans issue, poursuivi par l'eau contaminée.

La pluie diminua ; on n'entendit plus que le clapotis des gouttières. Il faisait si sombre qu'un lancier tendit sa lampe électrique à Rafael. Le commandant éclaira la ruelle et se rendit compte que les globules étaient plus nombreux qu'il ne l'imaginait, et qu'ils avaient grossi ; ils fusionnaient entre eux pour former de nouvelles créatures.

Non loin, quelqu'un frappait aux portes comme Rafael un peu plus tôt. Mais il insistait davantage. Pris d'un doute, le commandant pointa le faisceau de la lampe dans la direction du bruit, et vit une grande silhouette longiligne, drapée dans une sorte de cape rapiécée. C'était son seul vêtement, couvrant à demi ses membres fins aux articulations protubérantes, à la peau noire et luisante. Son bras droit se terminait en une longue faux cruelle.

La créature tourna la tête vers lui avec un grincement. C'était un masque de Paladin, un corbeau au long bec, surmonté de deux oculaires rondes, et d'un chapeau à large bord – autant de reliefs purement soudés à son crâne.

Son sang ne fit qu'un tour. Rafael dégaina son pistolet et le coup de feu partit aussitôt ; il manqua de peu la tête du corbeau et se perdit entre les briques. La silhouette noire s'écarta avec agilité et disparut à l'angle de la rue. On entendit sa faux s'abattre sur une porte avec un grand craquement.

Le commandant se tourna vers ses hommes effarés.

« Suivez-moi. »

S'il vous plaît. Si vous le pouvez. Si vous en avez le courage. Il n'ajouta rien d'autre, mais sentit leur hésitation. La sienne venait tout juste de disparaître. Aux dires d'Aelys d'Embert, le Dragon de Cristal était mort, pour un temps. Mû ne viendrait pas sauver Avalon, pas comme la dernière fois. Si les humains désiraient un miracle, ils devaient le faire advenir eux-mêmes.

Deux lancières restèrent en arrière pour défendre les civils ; les autres déplièrent leurs lances d'acier et emboîtèrent le pas à Rafael.

Ils remontèrent la rue en abattant les corbeaux les uns après les autres. Les plus petits ne dépassaient pas un mètre de haut et ressemblaient à des lutins au nez pointu. Ils étaient aussi les moins vifs ; le commandant ne les manquait jamais, et ses hommes les achevaient à terre à coups de lance. Mais les grands faucheurs leur échappaient toujours, comme s'ils parvenaient à se fondre dans la pénombre.

Rafael sentait la Peste noire qui s'agitait dans sa main, dans tout son bras, et son doigt se crispait sans cesse sur la détente. Manquant de munitions, il lâcha son revolver et ramassa une carabine à côté du corps d'un garde poignardé, qu'il rechargea avec difficulté.

En relevant la tête, son fusil à la main, il eut le souffle coupé.

Il se trouvait nez à nez avec un loup. Ou peut-être un renard. Ou bien ni l'un ni l'autre. Il avait une fourrure gris-bleu et de larges pattes dont les coussinets semblaient à peine frôler les pavés. Son regard bleu nuit fixait Rafael avec intérêt, voire une sorte d'amusement.

Le renard tourna brusquement la tête ; les lanciers suivirent son regard. Un grand corbeau marchait dans l'ombre en traînant sa faux démesurée, la tête penchant sur le côté comme un démon désœuvré. Le Nattvas bondit dans son dos et planta ses crocs dans son épaule ; le bras armé pivota en tous sens avant d'être totalement arraché. Ne pouvant rester sans rien faire, Rafael attendit que le renard retombe à terre pour faire feu. La tête du corbeau éclata et sa silhouette tomba comme un sac d'os.

Le Nattvas se tourna vers lui une dernière fois, comme pour le remercier, avant de grimper sur le mur le plus proche en quelques bonds.

Dès lors, toute leur marche dans la ville Nord ne fut plus qu'un rêve halluciné. Au début, ils croyaient venir à bout des corbeaux ; mais ceux-ci se multiplièrent jusqu'à les forcer à battre en retraite. Dans tous les recoins de leur regard, et partout où ils posaient le faisceau de leurs lampes, ils voyaient des méduses noires suçant des cadavres de rats, et des groupes de noctureuils se jeter sur elles pour les mettre en pièces. Au loin, on entendait mugir les grands Creux, ricaner les Changeants ; des nuées de chauve-souris et de corbeaux s'affrontaient dans le ciel avec des sifflements stridents.

Car la nuit était venue, et les Nattväsen, bien plus nombreux que ne l'imaginait Avalon, étaient sortis de leurs trous pour accomplir leur devoir.

Rafael et ses hommes rejoignirent un autre groupe de lanciers qui errait dans les rues dévastées ; ils étaient accompagnés de Paladins tout juste sortis de leurs geôles, armés de sabres ramassés en chemin. Il avait suffi de les démasquer pour qu'ils redeviennent des hommes comme les autres. Leur petit groupe s'arrêta à quelques dizaines de mètres d'un square construit autour de deux grands chênes centenaires. Les arbres jumeaux, des Creux, s'étaient arrachés du sol ; ils abattaient leurs branches tordues sur toute une clique de corbeaux, faisant sauter les pavés à chaque coup. Rafael décida de faire un détour.

Comme il le soupçonnait, de nombreux civils avaient été pris au piège par l'orage et la nuit ; des familles entières avaient trouvé refuge dans des cabanons de fleuristes, des enfants dans des boîtes aux lettres, des courtiers dans des poubelles. Leur petit groupe s'agrandit ; Rafael, craignant à chaque instant que la pluie recommence, se résolut à marcher jusqu'au quartier général des lanciers.

C'était l'ancien bâtiment de la Bourse, devenu une halle commerciale, puis un entrepôt pour la Compagnie Impériale du Chemin de Fer ; un palace à trois étages dominant fièrement une immense place pavée. Celle-ci était calme, mais à en juger par les lampadaires renversés, dont les ampoules grésillaient encore, les bancs publics arrachés et les impacts de balles, les lanciers venaient d'essuyer un premier assaut.

Arrivé à dix mètres des fenêtres, une balle sauta à ses pieds.

« N'avancez pas plus près ! On ne peut pas laisser entrer des gens contaminés. »

Le commandant gratta le dos de sa main. On y voyait mal, mais il devinait bien que sa peau grisonnante s'écaillait déjà.

« Prenez au moins les civils, plaida-t-il.

— Combien ?

— Une vingtaine. »

Les hommes, lanciers ou simples manutentionnaires, qui se tenaient derrière les vitres, se concertèrent brièvement.

Des cris perçants mirent fin à leur conciliabule ; dans les trois rues menant à la place remontaient des groupes de corbeaux, certains déjà aux prises avec des Nattväsen. Rafael leur força la main et mena soi-même les civils jusqu'aux portes entrouvertes, qui claquèrent sur le dernier réfugié.

« On essaiera de vous couvrir » promit l'homme à la fenêtre.

Le commandant ne trouva rien à répondre et arma sa carabine.

Dans un souffle, le renard qu'ils avaient croisé plus tôt descendit du mur et se glissa à côté de leur groupe. D'énormes grenouilles dentues trottaient sur la place, tandis que des chiens-volants se laissaient tomber sur les lampadaires éteints.

Lutter aux côtés de Paladins et d'ombres de la nuit, c'était quelque chose que Rafael n'aurait jamais pu imaginer la veille. Même si ce combat était perdu d'avance, même si cela signifiait perdre Florencia, cette scène lui apporta un certain réconfort.

Le renard s'assit à côté de lui. Il semblait partager ses pensées. Si les Nattväsen n'avaient qu'une seule chose en commun avec l'humanité, c'est qu'eux aussi, ils rêvaient parfois de ce qu'ils ne pouvaient accomplir. Ce qu'Aelys avait compris avec Maïa, Rafael le comprenait ce soir.

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