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80. L'Empire brisé


Aujourd'hui, j'ai battu Eldritch. Je ne le bats que dans ces rares moments où la fatigue et l'orgueil prennent le pas sur sa raison ; c'est là qu'apparaissent ses points faibles.

Clodomir d'Embert, Journal


Les trois mille hommes déjà engagés sur le pont se retournèrent pratiquement au même instant. Seul sur un terrain dégagé, chacun d'eux aurait pu courir jusqu'à la ville Sud, mais ils formaient une foule compacte.

Le Haut Paladin, fraîchement débarqué de son cheval paniqué, négligea les soldats qui se piétinaient déjà entre eux et fit de grands gestes des bras en direction du train.

« Reculez ! » s'époumona-t-il.

L'affaissement de la partie centrale était désormais une évidence. Les rails se pliaient en grinçant et des fissures éclataient sur toute la longueur du pont en projetant de la poussière et des copeaux de ciment. En arrière-plan, les hideux grondements continuaient de faire trembler la ville. Les arches glissaient les unes contre les autres, rompant cet équilibre stable qui les avait maintenues au-dessus du vide durant six siècles. Les poutres d'acier se tordaient comme des tiges de roseau, tandis que le béton craquait au-dessus d'elles.

« Reculez ! Reculez ! »

C'était impossible pour les automotrices, embourbées dans le flot humain ; leurs pilotes avaient déjà décampé. Avec effroi, Eldritch vit qu'un de ces monstres à l'arrêt commençait à glisser vers lui ; les chenilles raclaient le sol inégal dans une grande traînée de poussière. Il tourna ensuite son regard vers le train, dont les freins commençaient à gémir dangereusement.

Non, il ne pouvait pas reculer. Les brillants ingénieurs de Kitonia n'avaient pas prévu ce cas de figure. Les trains, comme l'Empire, n'avaient jamais atteint leur limite, jamais atteint le bout du monde ; ils n'avaient jamais appris à faire marche arrière.

Le pont formait désormais une pente de quelques degrés, assez pour faire trébucher certains des Paladins, aussitôt écrasés par leurs comparses. Les wagons blindés, chargés de matériel, pesaient sur les freins de la motrice. Celle-ci rampa de quelques centimètres dans un grincement strident.

Il y eut un claquement net, sur une note beaucoup plus aiguë que le brouhaha ambiant ; un vérin hydraulique venait de sauter. Le train se mit à descendre vers la ville Nord, prit de la vitesse, percuta le cheval fou qui fut catapulté par-dessus le pont.

Alors qu'il approchait du milieu, le chemin de ronde se brisa sous son poids. La motrice piqua du nez et s'abîma dans un déluge de pierres et de poutrelles métalliques. Le sol se pencha de dix degrés supplémentaires, jetant à terre Eldritch ainsi que des centaines de Paladins, réduits à grimper à quatre pattes sur les corps étouffés de leurs camarades.

Un choc immense se répercuta dans leurs os. Un tronçon central du pont s'était effondré ; un wagon transportant de l'essence cristalline, tombé dans le trou, venait d'y être broyé dans un geyser bleuâtre ; plus bas, au niveau des fondations séculaires, deux arches penchées venaient de se rencontrer. Leur équilibre instable n'offrit à Eldritch qu'une poignée de secondes pour emplir ses yeux du désastre.

Le pire, ce n'était pas que deux mille hommes tombent dans le Grand Ravin. Le pire, c'était que la puissance de l'Empire soit ainsi défaite par les Sysades – car c'était une évidence, pour lui comme pour la foule amassée du côté Nord. C'était le Pacte de Mû qui renaissait de ses cendres, malgré les promesses du Pacte d'Auguste.

Poussés par la foule, des Paladins tombaient aux étages inférieurs, s'accrochaient à l'armature squelettique de l'ancienne ville centrale. La moindre secousse dégarnissait ces grappes humaines ; certains sautaient volontairement en criant, se promettant qu'ils survivraient à une chute de trois kilomètres dans les eaux agitées du Ravin.

Eldritch se releva d'un bond, dégaina son sabre.

« Aelys ! cria-t-il par-dessus le tumulte. Viens ici, Aelys, viens te battre ! Décidons ensemble le destin de ta lignée ! »

Le sol se déroba sous ses pieds et son estomac fit un bond. Le dernier équilibre venait de se rompre. Le pont d'Istrecht, à l'exception de deux portions d'arches jetées de part et d'autres comme un message inachevé, s'effondrait.

L'air siffla aux oreilles d'Eldritch. Le tablier du pont se retourna comme une crêpe, se brisa en plusieurs morceaux, qui remontèrent au-dessus de sa tête ; en dessous, les pierres immenses des fondations du pont flottaient telles des montagnes émergeant de la brume. Le train tombait à côté de lui en ligne droite ; il se plia tout à coup en deux, les wagons se séparèrent, heurtèrent les rochers, déclenchant une cascade de débris. Une automotrice flambant neuve passa tout juste à côté de lui ; plusieurs hommes hagards y étaient encore accrochés, comme si son blindage les sauverait de l'impact.

Le brouillard qui occupait le fond du ravin était si dense qu'il ressemblait à un nuage, et un instant, Eldritch fut tenté de croire qu'au lieu de chuter dans les abîmes, il s'élevait au ciel. Des gerbes d'eau, des fragments de pierre, des portes et des roues de métal en remontaient parfois, dans un grondement continu fait de milliers d'impacts.

Une des grandes pierres le précédait ; elle déchira le brouillard et révéla un court instant la surface agitée de l'eau qui serpentait au fond du Ravin, ainsi que les parois de grès rouge couvertes de fragments calcaires et métalliques. La brume se reforma tout juste au moment où Eldritch pénétrait son domaine ; il entendit le choc de la montagne, sentit le déplacement brutal d'une masse d'air, et fut frappé par une vague d'une puissance inouïe.

Ses bras, ses jambes et son cou se brisèrent ; l'eau arracha son masque et sa cape. Il cessa de respirer pendant de longues minutes. Seule la Peste le maintenait encore en un seul morceau. Aveuglé par l'eau bouillonnante qui le tenait à sa merci, il devina à peine les pierres de plusieurs tonnes qui perçaient la surface, parfois à quelques mètres de lui ; les machines qui éclataient comme de simples jouets, et occasionnellement, la lueur rouge d'une tache de sang, diluée en une demi-seconde par les flots salés.

L'eau froide lui fit perdre connaissance.

Quand il se réveilla enfin, il était étendu face contre terre dans le sable, ses membres pliés à l'envers. Il lui fallut un certain temps pour les remettre en place. L'impression de mouvement persistait, mais il était bien immobile ; il s'était échoué à l'embouchure Ouest du Ravin, à vingt kilomètres d'Istrecht.

Le ciel s'était assombri ; il avait dû rester inconscient une bonne partie de la journée. Eldritch parcourut la plage de long en large. Il trouva un certain nombre de corps auxquels semblaient s'intéresser les mouettes, des pièces de métal dont il ne parvenait à déterminer l'origine, et s'arrêta devant un wagon éventré qui vomissait des boîtes de conserve. Le bras de mer du Grand Ravin continuait de déverser des débris ; des planches de bois flottaient sur l'océan à perte de vue.

Le Haut Paladin leva la tête vers les falaises de grès rouge, immenses et infranchissables. Il était encore en vie, mais Istrecht lui était inaccessible.

Il remarqua une silhouette dans leur ombre ; peut-être attendait-elle son réveil depuis des heures. Les yeux vert et bleu d'Aelys étincelèrent, et la jeune femme le rejoignit sur cette bande de sable coincée entre l'océan et la falaise.

Elle dégaina son sabre, le salua sommairement et pointa la lame dans sa direction.

« En garde. »

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