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60. La Forteresse de Mû

C'est fait.

Je réservais mon dernier échantillon pour ce jour. Mon corps a reconnu et rejeté la Peste ; je suis immunisé.

Clodomir d'Embert, Journal


Aelys aurait pu courir plus vite que Lor, mais la traversée de la baie, la course dans la Forêt et l'affrontement du Bandersnatch avaient sérieusement entamé ses réserves. Elle dut s'arrêter pour reprendre son souffle, tandis que Lor disparaissait à l'angle du couloir en riant.

« Attends un peu » maugréa-t-elle.

Malgré les élancements dans son diaphragme, elle reprit son sprint – et s'arrêta aussitôt.

Quand on lui avait parlé de la Forteresse de Mû, elle s'était invariablement imaginée un petit château surmontant une colline, avec quelques tours blanches, des petits drapeaux claquant au vent, et une girouette en forme de coq grinçant au sommet du donjon. Mais la partie émergée de la Forteresse, sur Avalon, n'était qu'une porte. Et le couloir débouchait d'un bloc de pierre tout à fait similaire, à la vague forme de pyramide arrondie.

Un espace infini s'étendait dans toutes les directions, baigné d'une lumière douce, calme et changeante, qui grattait les ombres de tous les objets et affadissait leurs contours. L'intérieur de la Forteresse était un autre monde, sans frontière visible, sans horizon clair, supporté uniquement par l'esprit du Dragon de Cristal.

Aelys se trouvait sur une plate-forme isolée, au centre du monde – car chaque point en était le centre. Des murs, des corridors, des colonnes, des statues formaient plus loin une longue traînée de comète, comme si quelqu'un avait déconstruit un palais antique brique par brique, et dispersé ses constituants pour les recompter.

Les surfaces, d'apparence minérale, lui parurent douces au toucher, comme recouvertes d'une fine fourrure invisible. Aelys s'approcha du bord et agrippa une pierre flottante ; le choc engendra des irisations qui se mirent à onduler sur sa surface et se poursuivirent jusque sur sa main. La physique de ce petit univers avait quelque chose de flou et d'inquiétant.

« Par là » dit Maïa, sous sa forme transparente.

Elle pointa du doigt une petite silhouette agrippée à un énorme pilier penché en diagonale, brisé en trois morceaux comme une obélisque écroulée.

Elle crut d'abord qu'il avait fait usage de ses pouvoirs de Sysade pour franchir ces cinquante mètres de distance ; mais dans ce cas, il n'aurait pas eu besoin de trouver ses prises sur la surface de pierre inégale, en maudissant Wotan et Mû avec éloquence.

Car ces pouvoirs n'avaient pas cours dans la Forteresse. La Super-Administratrice était seule maîtresse des lieux. Cela la soulagea – une épine de plus dans le pied du tueur. Mais Lor était déterminé, plein de ressources, et sans morale ; il tuerait Mû dans son sommeil sans hésiter.

« Comment a-t-il fait ?

— Suis-moi ! »

Maïa sauta dans le vide – dans sa forme incorporelle, étant aussi légère que l'air, elle pouvait se le permettre. Une vague blanche traversa l'espace, comme si le concierge invisible des lieux, voyant arriver des visiteurs, tirait les rideaux en toute hâte. Un sol s'était formé sous ses pieds. Quand Aelys la suivit, elle trouva à ce monolithe inégal la même consistance que les autres vestiges flottants – peu rassurante, mais suffisante pour s'y élancer.

Elle fit quelques pas et la pierre, déséquilibrée par sa présence, se tourna sur le côté. Aelys glissa sur plusieurs mètres, se rattrapa d'une main aux fondations d'un mur écroulé, dont les pierres flottaient plus loin comme des bulles dans un verre de champagne.

Maïa passa à côté d'elle et se rattrapa sur une plate-forme circulaire, supportant deux colonnes brisées et une statue anonyme. Faute de mieux, Aelys s'y laissa tomber, atteignant le centre par miracle.

Beaucoup de débris étaient invisibles, marqués uniquement par les volutes de lumière irisée qui se heurtaient contre eux. Aelys leva la tête et vit Lor poursuivre sa course, sans prendre de trop grands risques. Il se laissait quelques secondes de réflexion entre chaque saut ; on ne devient pas un assassin professionnel en fonçant tête baissée.

« Il est beaucoup trop loin.

— Nous pouvons le rejoindre, mais il faut que tu me fasses confiance.

— Tu sais très bien que tu l'as, ma confiance.

— Alors, suis-moi. Ne t'arrête pas, sinon tu perdras l'équilibre. »

D'un petit bond, Maïa franchit un mètre de vide, s'agrippa à une paroi presque verticale et grimpa les deux mètres en quelques enjambées. Cela avait l'air facile, puisqu'elle n'avait pas de poids. Aelys prit de l'élan et la rejoignit.

Son champ de vision se réduisit bientôt à son amie transparente qui bondissait avec souplesse d'un débris à l'autre. Elle courait sur une colonne abattue qui aurait pu autrefois supporter le poids du monde ; montait quatre à quatre des fragments d'escaliers qui ne menaient nulle part, tombait de deux ou trois mètres sur les plafonds retournés de grandes salles, dont les fresques lui auraient certainement beaucoup appris sur la vie de Mû, si elle les avait seulement remarquées.

Lor vit qu'elle se rapprochait ; dans son sillage, les rochers poussés hors de leur équilibre se fracassaient, engendrant de nouveaux débris.

« Il va t'arriver quelque chose ! » cria-t-il avec un sourire mauvais.

Il avisa un pan de mur tombé en travers de son chemin et l'envoya tomber d'un coup de pied. L'objet tourna sur lui-même dans une pluie de petits cailloux blancs. Aelys changea de trajectoire pour les éviter, perdit Maïa de vue et sauta sur un autre mur, à l'horizontale. Son pied traversa les briques fragiles ; le choc renversa la surface à laquelle elle essayait de s'accrocher, et elle se retrouva suspendue au-dessus du vide, tenue par la pointe de sa chaussure et par quelques doigts crispés.

La petite plaisanterie de Lor avait déclenché une réaction en chaîne, dont il essayait tant bien que mal de s'extirper. Les arches d'un pont à demi effondré se fracassaient les unes contre les autres comme les cloches de Pâques, le forçant à des sauts de plus en plus périlleux, pendant qu'Aelys sentait ses prises se raréfier.

« Maïa !

— Je suis là » s'entendit-elle répondre.

La Nattvas ayant pris le contrôle, Aelys se sentit tout à coup plus légère, même si les douleurs dans ses articulations malmenées ne firent que se décupler.

Elle se cassa deux ongles mais raffermit sa prise sur le mur, envoya sa jambe libre sur le côté pour faire contrepoids, et d'un geste fluide, se balança de l'autre côté. Le vestige, dont la poussière avait déteint sur ses vêtements, partit en sens inverse ; l'espace d'un instant, qui parut une éternité, elle se retrouva en équilibre sur la tranche, bras écartés telle une ballerine.

Aelys se vit danser parmi les pierres détachées plus haut par Lor, qui s'abattaient autour d'elle en pluie de météores ; elle se vit sauter sur des îlots toujours plus minuscules, qui ne supportaient son poids qu'une demi-seconde. Elle finit par remonter une série de dalles blanches qui s'étaient détachées l'une après l'autre, formant la traîne onirique du dernier morceau de la Forteresse, son point le plus élevé.

En jetant un coup d'œil en arrière, elle vit la demeure de Mû intacte ; ses ponts, ses arches, ses tours, fidèles à la légende ! Mais ce n'était qu'un mirage, encore incrusté dans ce petit monde comme une poussière dans l'œil de Dieu.

« Impressionnant. Mais j'ai quand même gagné. »

Le dallage incomplet, parsemé d'ouvertures dans lesquelles remontaient des lueurs fantomatiques, menait à une sorte de Colisée ceint d'une muraille circulaire très épaisse, doublée de colonnades. Son architecture rappelait celle des Précurseurs, de même que ses pierres énormes semblables aux arches d'Istrecht ou au mur de Vlaarburg.

Lor prenait la pose, appuyé sur une porte triangulaire semblable à celle de la Forteresse. Malgré son avance, il ne l'avait pas encore ouverte. Car il était inquiet, et camouflait cette appréhension sous un sourire exagéré. Pourquoi la Forteresse s'était-elle déconstruite ? Ni Maïa, ni Aelys n'en savaient davantage.

Un instant, la Nattvas fut parfaitement immobile ; elle avait même cessé de respirer. À la seconde suivante, elle volait au-dessus des dalles, méprisant le vide qui sourdait entre leurs jointures descellées. Lor fut tout aussi rapide ; il se mit en garde et dégaina son couteau de chasse d'un air menaçant.

Maïa vit l'arme et crut qu'il allait s'en servir, mais ce n'était qu'une feinte. Un poing s'écrasa dans son estomac ; Aelys retomba à terre comme une masse, avec l'impression que tous ses organes internes avaient fui aux quatre coins de son corps.

« Eh oui, je n'ai aucune morale, je frappe même les filles. Et même Mû. »

Il fit une révérence moqueuse. La porte, cette fois, se referma aussitôt sur lui. Si des délégations entières pouvaient être admises dans la Forteresse, les audiences à Mû se déroulaient en secret.

Maïa quitta le corps d'Aelys et reprit sa forme de fantôme, silencieuse, abattue. La jeune femme regretta d'avoir abandonné son sac en début de chemin. Elle aurait bien aimé boire un peu d'eau. Tout son corps lui faisait mal, surtout son ventre ; peut-être qu'il lui avait éclaté le foie.

Elle se laissa tomber contre le mur.

Elles avaient fait ce qu'elles pouvaient. Le reste appartenait à Mû.


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