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33. La réserve


Auguste a organisé une réunion avec Eldritch, Soren, Rufus et Irina. C'est elle qui m'en a parlé. Apparemment, il s'est mis en tête de leur expliquer ses hallucinations du mois dernier. En tant que docteur du groupe, je me suis déjà exprimé sur les effets de l'hypothermie et l'incroyable inventivité d'un cerveau en perdition. Mon doute scientifique n'était donc pas le bienvenu...

Clodomir, Journal


Eldritch fit le chemin jusqu'à Kitonia à bord de son train blindé personnel. Dans le wagon-bibliothèque, un assortiment confortable de bois, de cuirs et de fauteuils matelassés, il consulta quelques rapports relatifs aux nouvelles infrastructures en construction à Istrecht, notamment le prolongement du train au-dessus du Grand Ravin. Une entreprise que les ingénieurs de l'Empire n'hésitaient pas à qualifier de délicate, compte tenu des délais étroits imposés par Auguste.

Sur les cris d'orfraie d'un célèbre ténor de Hermegen, dont le grésillement du phonographe amplifiait les trémolos, Eldritch vit défiler d'imposantes montagnes, puis une steppe interminable où les peuples nomades avaient fait paître leurs chèvres durant des siècles. Ce mode de vie avait désormais pratiquement disparu. Cent cinquante ans plus tôt, le Premier Empire, dirigé par Lennart le Magnanime, avait fait de Kitonia sa base arrière, et empli la cité australe de fourneaux et de machines qui avalaient toute la main-d'œuvre disponible à la ronde.

Lorsque l'Empire avait été défait à Istrecht, ces paysans aux poumons noircis par le charbon s'étaient égaillés vers le Nord, et Kitonia, à demi vidée de ses habitants, avait fait faillite. C'était dans cette ville mourante qu'Eldritch avait fait ses premières armes de Paladin, en compagnie d'Auguste, Clodomir, Rufus, Soren, Irina et quelques autres.

Quand le mur noirci, surmonté de fumerolles blanchâtres, surgit à l'horizon, Eldritch ne put réprimer un soupir. Il abhorrait cette ville et ses trois mois de nuit australe. Malgré ses tours, ses murs et son ancien palais impérial décrépi, Kitonia n'était rien d'autre qu'un campement de circonstances ; aucun homme sain d'esprit ne voudrait s'installer ici pour la vie et fonder une famille.

Les marteaux des forges troublèrent bientôt les élans du ténor et Eldritch arrêta le phonographe. Ils frappaient nuit et jour depuis trente ans, depuis le début de cette mutation de Kitonia, ville déliquescente, en une vaste usine et un camp d'entraînement pour Paladins. Son isolement faisait toute sa vertu. Ici, les espions du Nord avaient le plus grand mal à transmettre leurs missives.

Le Haut Paladin fut accueilli à sa descente par un homme sans masque, chose de plus en plus rare dans cette cité qui respirait au rythme du Second Empire. Il reconnut un des gratte-papier qui compilaient les rapports qu'il passait des heures à lire. Mal à l'aise, l'homme dansait sur ses deux pieds comme s'il avait marché sur un chardon. Le système de refroidissement de la chaudière les enveloppa d'un brusque panache de fumée blanche, forçant Eldritch à essuyer ses oculaires d'un geste las.

« Auguste m'a demandé de venir vous voir.

— Oui, messire, je vous attendais.

— Pourquoi ne pas envoyer un courrier à Istrecht ? Je l'aurais lu. »

L'homme portait une chemise blanche et un manteau au col épais, dont la couleur rappelait un peu la cape des Paladins – rien d'étonnant, puisque l'Empire cousait ses uniformes à cent mètres de là, dans un grand bâtiment grisâtre d'où résonnait le cliquetis ininterrompu de machines à tisser mécaniques.

« Dans la situation où nous sommes, messire, la confidentialité est essentielle.

— Même si la princesse de Hermegen lisait par-dessus notre épaule, je ne vois pas en quoi cela menacerait nos intérêts. Enfin ! On n'est jamais trop prudent, je suppose. Montrez-moi. »

Derrière eux, de grandes grues à vérins hydrauliques, qui ressemblaient à des pinces de crustacés, déchargeaient des wagons de bois et de minerais. Une œuvre parmi d'autres de ces brillants ingénieurs enfermés à Kitonia.

En traversant la ville, ils croisèrent nombre de Paladins dont aucun ne reconnut Eldritch ; ils le prenaient sans doute pour un nouveau venu. Ayant ôté ses épaulettes dorées, rien ne le distinguait des autres corbeaux.

Il songea à Ludwig et Ilyas. Son erreur était de croire qu'il avait quelque chose à leur apprendre, qu'il pouvait transmettre le secret des Hauts Paladins. Mais il n'y avait là aucun secret, aucune recette à suivre, aucune formule mystique à enregistrer : simplement une sélection cruelle et arbitraire. Ce bref retour sur les terres de sa jeunesse le lui rappelait fort bien ; il n'était lui-même qu'un jeune ignorant quand il avait saisi la main d'Auguste.

Irina avait échoué parce qu'elle aimait déjà Clodomir, et que cet amour lui montrait une autre voie.

Le soir de son départ, Eldritch avait tiré un trait sur elle et s'était présenté face au Patient ; il ne lui restait rien d'autre, aucun retour en arrière n'était possible ; c'était réussir ou mourir.

« C'est par ici, messire » souffla le comptable impérial.

Ils franchirent un cordon de gardes et de molosses muselés, plantés en travers de hautes grilles forgées ici même ; ils atteignaient le cœur de la zone industrielle. La chaleur et la puissance des hauts-fourneaux devenait perceptible. Des wagonnets de minerai défilaient tout près comme des veaux menés à l'abattoir, sur le rythme de marche militaire imposé par les marteaux. Des cheminées, dont la peinture s'écaillait comme l'écorce des vieux arbres, les écrasaient de leur immensité verticale.

Eldritch remarqua que plusieurs d'entre elles ne crachaient plus.

Des bâtiments avaient été fermés, leurs entrées cadenassées. Pour la première fois depuis trente ans, on avait arrêté deux fours. L'acier et les machines sortaient de Kitonia à flux tendu ; les stocks autrefois constitués avaient fondu, et les vastes entrepôts adossés aux usines ressemblaient à de grandes bouches affamées.

Quelque chose n'allait pas dans les entrailles de l'Empire.

Le comptable justifia plusieurs fois de son identité, et au dernier contrôle, les Paladins en charge de la sécurité, des rustres d'une stupidité minérale, croisèrent les bras face au Haut Paladin.

« Je suis Eldritch, le Clément. »

N'importe qui aurait pu le prétendre, mais seul un Haut Paladin pouvait inspirer cette peur viscérale qui les fit blêmir derrière leurs masques. Ils avaient entendu parler de la Peste, après la grande épidémie d'Istrecht ; une peste qui s'était déclenchée le lendemain d'une visite du Haut Paladin Rufus.

Enfin, ils entrèrent dans un dernier entrepôt, dont les murs n'étaient pas faits de tôle comme les autres, mais d'un épais remblai, conçu pour résister à d'éventuels incendies et autres accidents industriels. Le bâtiment était divisé en trois salles, séparées par des portes coupe-feu. Le comptable appuya sur un interrupteur, et deux séries de tubes à néon s'illuminèrent le long de l'allée centrale.

Eldritch reconnut aussitôt les cuves de métal standardisées, dont les marquages à la peinture blanche soulignaient la dangerosité. Tout Avalon les avait déjà vues sans le savoir, transitant sur des wagons spécialisés, sous haute surveillance.

L'essence cristalline !

Elle était produite ici même, à Kitonia, et stockée dans trois entrepôts secrets – celui-ci, Gormelo et Stokkel. Au fond de l'entrepôt, dans l'ombre, Eldritch pouvait distinguer les formes alambiquées des distillateurs ; ils étaient recouverts de grands draps, comme des vieillards faisant la sieste, car on les avait mis à l'arrêt eux aussi. De même que les presses hydrauliques, les machines les plus puissantes au monde, seules capables de réduire les cristaux de Sysade en une poudre acceptable pour leur transmutation alchimique.

« Il y a trois mois, mon prédécesseur a pris la décision de réduire d'un tiers la concentration de cristaux dans l'essence. Mais cela n'a fait que retarder l'inévitable. Nous n'avons plus de cristaux.

— Comment est-ce possible ? » S'étrangla Eldritch.

Avec l'ouverture des concessions minières, le Second Empire avait accumulé un véritable trésor d'écailles de Mû. Les prospecteurs avaient poursuivi cette œuvre, les arrachant de chaque breloque, chaque décoration où ils étaient venus se nicher en six siècles d'ignorance. Ce n'étaient pas les Sysades eux-mêmes, mais plutôt les collectionneurs privés qui leur avaient donné le plus de fil à retordre.

Et de croire qu'en trente ans, ces réserves immenses s'étaient évaporées !

« Il y a vingt ans, on estimait les réserves suffisantes pour cinquante années de consommation. Mais si vous avez lu mes rapports, vous avez dû voir que la consommation a augmenté. C'est à cause des nouvelles lignes de train... »

Le train ! Le train qui avait fait l'Empire pouvait-il le défaire, aussi simplement que cela ? Non, bien sûr que non. Il resterait les bataillons de Paladins installés dans presque chaque ville du monde. Il resterait ce grand pouvoir, dont Auguste n'avait effleuré que la surface...

« Quelles sont nos réserves ?

— En mettant bout à bout tous nos stocks, et en supposant une gestion irréprochable des approvisionnements, et au rythme de consommation actuel...

— Abrégez.

— ... nous viendrions à manquer d'essence dans un an, et il faudrait commencer à faire des choix. En revanche, en faisant preuve de sobriété, en réduisant la vitesse des trains, nous pourrions tenir au moins deux ans.

— Bien. »

Eldritch fit un geste en direction des cuves. Il devinait, à présent, que beaucoup d'entre elles auraient sonné creux s'il les avait cognées de sa main gantée.

« Je veux que personne ne sache. Ceci doit être le secret le mieux gardé de l'Empire. Le train doit rouler normalement ! Rationnez d'abord l'industrie de Kitonia.

— Mais dans ce cas... dans un an...

— Ne vous affolez pas. Je m'occuperai de sécuriser d'autres approvisionnements en cristaux. »

Ils ne dureraient pas, eux non plus. Mais le Second Empire était beaucoup plus qu'un jerrycan à moitié vide. C'était une idée. C'était un pacte. Et ce pacte était tout son avenir.

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