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32. AUGUSTE

Auguste est ressorti chasser. Je ne l'ai appris que ce matin. Il a tué un bœuf musqué et l'a traîné à lui seul sur la moitié du chemin.

Eldritch dit que c'était un coup de chance. Mais la chance seule ne suffit pas à expliquer qu'un homme survive deux fois à un tel blizzard.

Ma seule explication, c'est qu'il est né ici, à Kitonia, et que sa résistance au froid surpasse largement celle de gens ordinaires comme nous, élevés sous de plus clémentes latitudes.

Clodomir, Journal


Le train s'arrêta à Arlec, à dix kilomètres au Nord d'Istrecht. La petite bourgade, comme nombre de nœuds stratégiques du Second Empire, s'était transformée en nid de corbeaux ; au sortir de la gare et sur le chemin de leur voiture à moteur, Eldritch et ses deux Paladins ne virent pas grand-chose d'autre que des masques à œillères et des capes grises.

Au loin, surgissant d'une plaine devenue amère et sèche, les tours de brique d'Istrecht défiaient un vent perpétuel, à l'odeur de sel, qui semblait avoir taillé la ville comme une montagne rouge. Quant au Grand Ravin, on le devinait à peine. Il fallait s'en approcher bien davantage pour que se détache le bord opposé de cette immense déchirure, qui séparait les terres australes du continent d'Avalon. À son point le plus étroit, large d'un kilomètre, les Sysades des Précurseurs avaient déposé des arches de pierre d'un seul tenant. Elles formaient un pont si large qu'un quartier entier avait pu s'y installer, qui donnaient son surnom à la ville suspendue.

Istrecht se remettait à peine de l'épidémie de Peste Noire qui avait mis le pouvoir royal à genoux, et Eldritch croyait encore sentir dans l'air l'odeur des piles de corps que l'on jetait dans le Ravin. Mais Auguste, en bon stratège, avait créé le problème et sa solution. Les Paladins, à qui il était autrefois si difficile d'entrer à Istrecht, avaient été accueillis à bras ouverts pour combattre l'épidémie. Leurs masques les protégeaient de ces microbes agressifs contre lesquels la médecine d'Avalon était impuissante. Si la Peste s'était vite évanouie de la ville, les Paladins étaient restés. Ils supervisaient le rationnement des ressources manquantes, collectaient les impôts, et traçaient à la craie ce chemin de fer qui viendrait enfin traverser la capitale pour relier le Nord et le Sud d'Avalon.

La voiture, un pachyderme à quatre roues qui cahotait sur les pavés, déposa Eldritch en plein milieu de la plaine. Le Haut Paladin ordonna à ses sbires de l'attendre à la garnison de la ville ; il devait tout d'abord rencontrer Auguste.

Il se retrouva seul quelques instants avec le soleil et le vent couleur d'ocre. Les rois d'Istrecht avaient tiré leur parti de ce climat peu favorable. Puisque le blé refusait de pousser au pied de la muraille, ils avaient planté sur cette pente sèche une série de moulins, dont le vent agitait les pales de toile jour et nuit. Tous les villages des alentours venaient y apporter leur grain ; la farine n'avait plus qu'à faire un kilomètre jusqu'à ses consommateurs finaux.

« Messire Eldritch ? »

Deux Paladins descendirent le chemin approximatif qui semblait mener en droite ligne au Ravin.

« Je suis arrivé à Arlec ce matin. On m'a dit qu'il était ici.

— Le Grand Paladin médite. Il ne doit pas être dérangé. »

On reconnaissait de récentes recrues ; un homme mûr à en juger par sa voix, qui reconnaissait les fines épaulettes dorées sur la cape d'Eldritch, mais qui ignorait les liens indéfectibles unissant le cercle des Hauts Paladins.

« J'ai le droit de déranger Auguste, assura le Haut Paladin avec agacement, tout comme je le tutoie et l'appelle par son prénom. »

Les deux Paladins se regardèrent en hésitant.

« C'est au bout du chemin, dans le Ravin. »

Eldritch les abandonna et fit bientôt face à ce vide béant que même les débris de toutes les villes d'Avalon n'auraient pu combler. Aux abords du Ravin, le vent avait taillé le grès rouge en arêtes saillantes, comme les dents d'un monstre souterrain. Un brouillard épais montait du bras de mer qui, un kilomètre plus bas, joignait deux océans.

Un chemin de marches inégales, creusées dans la paroi du Ravin, permit à Eldritch de descendre l'équivalent de quelques étages. L'inarrêtable vent d'Istrecht sifflait désormais au-dessus de sa tête ; l'atmosphère autour de lui s'empesait. Il déposa des pas de plus en plus légers.

Une grande ouverture hémisphérique avait été mangée dans la paroi de pierre, dont la voûte lointaine s'était partiellement effondrée. Elle se poursuivit en un tunnel encombré de débris, grossièrement étayé avec les mêmes poutres dégrossies que la Compagnie découpait en traverses de chemin de fer. Des blocs de grès s'étaient détachés selon des axes à peu près rectilignes, suivant les lignes des dépôts sédimentaires. Certains avaient été déplacés, traçant de longs sillages sur le sol comme un trait sur une tablette d'argile.

À son passage, Eldritch étudia ces indices et conclut que des Sysades s'étaient affrontés ici.

Au bout du tunnel, il rencontra une porte triangulaire, découpée dans un mur de pierre noire épais et rectiligne. Toute la surface était couverte de petites inscriptions, des glyphes en bâtons dans lesquels l'esprit imaginatif aurait distingué toutes sortes de saynètes. La langue des Précurseurs. Il s'agissait d'un de leurs vestiges.

Cette porte, normalement réservée aux Sysades, était restée bloquée en position ouverte à la suite de l'affrontement qui avait secoué ce temple enfoui. Eldritch parcourut du regard les murs du tunnel, devenu régulier mais étroit, sur lesquels se poursuivaient les frises incompréhensibles.

Il atteignit enfin une salle circulaire, vide de tout contenu, à l'exception d'un homme et d'une bassine posée sur un trépied. L'homme avait les mains croisées dans le dos, et la tête penchée sur la bassine, un récipient plat situé à la hauteur de sa taille. Quant aux secrets originels du temple, ils avaient été emportés par les Sysades.

« Eldritch.

— Tu m'as entendu entrer ?

— Je vois les vibrations dans le miroir. »

Auguste tourna son visage dans sa direction. Lui aussi portait un masque, mais ce n'était qu'un carton blanc, attaché par deux sangles, qui laissait libres ses oreilles et sa chevelure ambrée. Le Grand Paladin était un bel homme, vêtu d'une tunique noire ; sa ceinture et le fourreau de son sabre avaient des ferronneries dorées. Sa voix profonde et assurée ne pouvait laisser personne indifférent.

« Tu es venu me faire ton rapport ? »

Eldritch hocha la tête, tout en s'approchant de la vasque de pierre posée sur son trépied en fonte. Elle ne contenait pas de l'eau, mais du mercure. Le Haut Paladin ne voyait pas grand-chose dans ce liquide argenté et très épais. Mais Auguste le Patient, qui contemplait de tels miroirs depuis des décennies, pouvait y repérer les vibrations les plus infimes. C'est sans doute pour s'adonner à sa contemplation dans le plus grand calme qu'il s'était retiré ici, en attendant de faire insonoriser les souterrains de son futur palais à Istrecht.

« Clodomir est mort, dit Eldritch. Il avait transmis la Lignée à un anonyme, dans le but de la perpétuer – mais j'ai également tué cette personne. »

Auguste émit une longue inspiration.

« Ta mission est achevée. Pourtant quelque chose semble te troubler.

— Les Sysades sont éliminés. Plus personne en ce monde n'est en mesure de s'opposer à nous. Pourtant, je dois te l'avouer, sur le chemin du retour, j'ai été pris d'un doute. Nous avons mis une telle application à éliminer nos ennemis que, dans le vide qu'il s'est créé, de nouveaux adversaires, plus ambitieux, plus téméraires, pourraient prendre leur place.

— Depuis quand craignons-nous les ambitieux et les téméraires ? Il n'y a que deux sortes d'hommes en ce monde, Eldritch : ceux qui sont appelés à nous rejoindre, et ceux qui sont appelés à disparaître. »

C'était une évidence, pour lui en tout cas, et depuis longtemps. Auguste n'avait jamais douté de son succès. Ce pour quoi, sans doute, ce succès lui était venu avec tant de facilité. Ce n'était pas l'Empire qui le préoccupait, qui hantait ses jours et ses nuits, c'était ce miroir.

« Lorsque tu as revu Clodomir, comment était-il ?

— Vieux, lâcha Eldritch. Assez pour me rappeler le compte des années – trente ans depuis Kitonia, depuis le premier soir où tu nous as montré tes pouvoirs. »

Auguste hocha la tête.

« Il ne reste plus beaucoup d'entre nous, remarqua Eldritch. Toi, moi et Rufus. Tous ceux que nous avons formés après sont morts de la Peste, comme Irina.

— Ah, Irina... pauvre enfant. Elle ne voulait rien de tout ceci, c'était une évidence. Mais quand elle a fait son choix, il était trop tard – nul ne peut renoncer à ce Pacte. »

Constatant qu'Eldritch n'avait pas bougé, Auguste croisa les bras avec flegme. Contrairement au Haut Paladin, il ne portait pas de gants, car ses mains à lui n'étaient pas d'un blanc plâtreux veiné de noir ; elles avaient la peau souple et douce d'un jeune citadin, sans la moindre trace d'usure que l'on aurait pu déceler passé la cinquantaine.

« As-tu autre chose à me dire, mon ami ?

— D'ici peu, je t'amènerai un autre candidat au Pacte.

— Es-tu sûr de toi, cette fois-ci ? Les précédents n'ont pas eu beaucoup de chance. La force requise pour passer le Pacte n'est pas quelque chose que l'on trouve facilement à notre époque d'abondance et de prospérité pour le Paladinat. Nous, quand nous étions rendus à chasser les rats de Kitonia et rationner nos patates dans ces hivers interminables, nous avions faim, mais nous avions cette force.

— Nous verrons. »

Eldritch désigna du doigt la vasque de pierre. Une question lui brûlait les lèvres.

« Pourquoi regardes-tu encore dans le miroir ? »

Il aurait aimé qu'Auguste abandonne ses recherches et embrasse pleinement son rôle d'Empereur d'Avalon. Mais d'année en année, et malgré les succès qui pavaient son chemin, le chef suprême du Paladinat se faisait toujours plus distant et reclus. Il était devenu, pour le Paladinat, une légende vivante.

Auguste trempa le bout du doigt dans le métal toxique et en agita la surface.

Trente années plus tôt, dans l'hiver sombre de Kitonia, il avait mené une expédition dans les glaces – une chasse à l'ours, au phoque et à toute créature vivante peuplant ces terres désolées, qui aurait pu fournir quelque subsistance supplémentaire à la cité affamés. Mais une attaque, peut-être des ours, peut-être des hommes, ou peut-être des Nattväsen, avait décimé le groupe et laissé Auguste errant seul dans les neiges éternelles.

« Ce que j'ai vu, la première fois, tu ne peux même pas l'imaginer. C'était un message envoyé par les dieux. Je ne parle pas de Mû, de Wotan, ni des Précurseurs, je parle bien des dieux, qui règnent au-delà de ce monde. »

Son premier miroir était une étendue de glace si pure qu'elle reflétait le ciel étoilé à la perfection. Il avait tourné en rond des jours entiers sur ce lac inconnu, que personne n'avait pu retrouver. Et son esprit fiévreux avait vu, dans le reflet, ce que tout autre homme se serait refusé à voir.

« J'ai compris la nature d'Avalon. J'ai compris comment fonctionnait ce monde, comment passer outre les privilèges réservés aux Administrateurs et Super-Administrateurs Système. Et c'est sur les instructions de ces dieux que j'ai créé, que j'ai écrit le bacille de la Peste, ce précieux allié qui nous a permis d'arriver jusqu'ici. Oui, la Peste est sortie de ma propre pensée. Mais tant d'autres choses pourraient suivre ! Il a suffi d'un message incomplet pour faire de moi un nouvel homme. Mais ce n'était que le début. Cette matière noire est un outil, un simple outil... mais ce n'est pas assez.

— C'était largement assez pour bâtir le Second Empire.

— Le Second Empire est une contingence. Ce que je veux, en priorité, c'est remplacer Mû aux commandes d'Avalon. Je veux que nous soyons libres d'aller partout dans l'espace. Et j'ai le sentiment que c'est cette liberté dont les dieux voulaient nous faire le don... si seulement... je pouvais revoir ce message ! »

Il écrasa son poing dans la surface du miroir. Des gouttelettes de mercure tombèrent jusqu'aux pieds d'Eldritch.

Une fois l'Empire complété, il ne restait plus à Auguste que son obsession originelle : le message et sa signification. Eldritch avait d'abord pensé, trente ans plus tôt, qu'Auguste était tout simplement un homme exceptionnel, qui avait réussi à pirater le code de la Simulation de l'intérieur ; mais cette explication ne collait plus. Pour programmer la Peste Noire, il fallait une science inatteignable aux humains d'Avalon, même les Sysades.

« Et s'il n'y avait personne derrière ce miroir ? murmura-t-il.

— Je continuerai quand même de regarder. Je n'ai rien vu de tangible, mais je sens, je sais que de nouvelles révélations approchent – je veux être là, lorsque le miroir me transmettra un nouveau message. »

Constatant ce qu'il venait de faire, avec sa main qui dégoulinait de mercure, le Grand Paladin reprit rapidement sa contenance, se redressa et ajouta :

« Mais ce sera pour plus tard. Les contingences matérielles de l'Empire sont plus pressantes. Demain, prends le train pour Kitonia. Lorsque tu seras là-bas, demande à voir les dépôts de la Compagnie Impériale des Cristaux ; les hommes t'ouvriront les portes, ils te diront tout. Encore une fois, j'ai besoin de tes conseils. »


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