Chapitre 4
Je me réveille sur le modeste lit de mousse dans lequel je m'étais endormie la veille au soir, au seul détail près qu'il est désormais trempé de pluie, tout comme mes vêtements. Le feu s'est éteint et Gwenn dort toujours, mais en frissonnant de froid. Je m'assieds et ferme les yeux un instant, en repensant aux événements de la veille. Ma mère est venue me chercher à l'entraînement, elle m'a bannie pour deux raisons -qui sont totalement raisonnables-. J'ai trouvé Gwenn dans la forêt et nous avons fini par cheminer ensemble.
J'entends Gwenn remuer et s'asseoir, elle s'étire et baille avec dignité. Elle me regarde et je ne sais pourquoi, je sens la haine monter en moi. Et sans pouvoir me retenir, je lui dit :
-Pourquoi t'as fait ça ?
-Fait quoi ? Me répond-elle
-Tu le sais très bien, je lui lance en la toisant.
-Je pensais qu'on m'admirerait pour avoir fait cette découverte ! Surtout pour que les gens oublient ce qu'il s'est passé, mais ils ne m'ont pas cru.
-Que s'est-il passé ? Je m'encquiers
-Rien qui ne t'intéresse ! Des trucs de princesse !
Je la regarde d'un air moqueur, tentant de lui rappeler que moi aussi, je suis une princesse, après tout. Elle secoue la tête, prenant conscience de son erreur.
-C'était il y a longtemps, pendant la fête de la Lune, tu sais ce que c'est, n'est-ce pas ? Enfin, ça n'a pas d'importance. Je devais défiler avec la lanterne sacrée... et la poser sur son socle avant que ma mère ne la fasse s'envoler, mais... je... je suis tombée et la lanterne s'est cassée.
-Et donc ?
-J'ai cassé la lanterne de la fête de la Lune ! C'est pas un simple bibelot ! C'est un objet sacré qui était utilisé chaque année pour la fête, et ce depuis des centaines d'années !
Je ne dis rien et me contente de hocher la tête. Je ne sais pas comment la réconforter. J'ai du mal à comprendre son histoire, c'est un accident, elle ne l'a pas fait exprès, après tout ! Je lui adresse un sourire rassurant. Je n'en reviens pas ! Qu'est ce que c'est dur d'être aimable !
-Viens, on se lève, si on nous trouve ici, on va se faire égorger...
-Eh ben ! Ça rigole pas avec Le territoire ici hein !
-Non, surtout quand tu vis caché et que si un autre royaume te découvre tu vas sûrement finir attaqué ou pire...
-Je vois le genre... lance-t-elle
Nous marchons pendant encore un moment avant d'apercevoir enfin l'herbe verte des plaines du néant. Le soleil commence à traverser les arbres de moins en moins nombreux. Nous arrivons à l'endroit où des ombres, je passe à la lumière.
-Que sais-tu de nous ? Je dis à Gwenn
-C'est à dire ? Répond-elle
-Eh bien, qu'est ce qu'on raconte aux enfants sur notre royaume pour leur faire peur ?
-Hmm, Commence-t-elle. Avant, vous viviez comme un royaume à part entière, puis vous avez volé la couronne de la Reine du Soleil, Miléna, donc vous avez été banni définitivement de l'île. Même si vous n'avez visiblement pas respecté ça.
-Nous n'avons pas volé cette couronne. Je dis fermement.
-Tu dis vrai.
-Attends, quoi ? Je fais, incrédule.
-Tu es une piètre menteuse, tu te souviens ? Fit-elle en arquant un sourcil.
C'est à ce moment précis que j'éclate de rire, et Gwenn aussi. Je ne sais pas pourquoi, mais le fait qu'elle se souvienne de ce que j'avais dit a provoqué chez moi un sentiment hilare. Je m'arrête net de rigoler quand je sens enfin nettement le soleil m'aveugler, me chauffer de sa douce lumière. Nous y sommes : les plaines du néant.
J'avance prudemment tandis que Gwenn sourit franchement, c'est facile pour elle, elle a l'habitude !
Tout à coup, j'entends un bruit, un frétillement dans les hautes herbes grasses de l'étendue. Je m'arrête, aux aguets, ça pourrait être n'importe quoi !
Je sursaute quand une pie s'envole des fougères en un bruit de plumes et de claquement d'air. Je regarde Gwenn d'un air dégoûté, et, quand son regard trouve le mien, elle éclate de rire, d'un rire fort, pas nerveux, le seul sincère qu'elle laisse échapper depuis notre rencontre dans les bois.
-Décidément, tu es vraiment une petite nature, toi ! Fait-elle entre deux fous rires.
-Non, je... je ne suis pas une petite nature, dis-je avant de baisser les bras pour me rendre à l'évidence.
👑👑👑
Je m'éveille dans un grand et lugubre tunnel, au bout duquel semble apparaître une lumière. Je regarde derrière moi, ce derrière qui n'est qu'obscurité et froideur. Je décide alors de prendre sur moi, d'avancer, déterminée. Mes pas résonnent dans cet étrange corridor.
Je plisse les yeux, agacée par la noirceur de cette galerie, qui donne l'air d'être à rallonge. Mes épaules frottent contre la paroi du mur frais. Cet endroit renfermé commence à me peser, la panique me gagne soudainement, j'accélère, je ralentis, je m'arrête.
J'ouvre les yeux.
Le soleil tape fort sur mes iris, mon corps tout entier tremble encore à cause de ce cauchemar. Gwenn, fidèle au poste, dort encore contre le rocher près duquel nous avons décidé de nous poser hier soir.
Je me redresse, m'assieds contre l'éponte lisse du rocher gris. Je reste là, à penser et à réfléchir à la suite. C'est vrai, qu'allons nous faire, maintenant ? Rester contre ce rocher jour et nuit ? Plutôt mourir ! Devenir nomades ? Non, trop de travail ! Je ne sais plus que faire, mais le destin a choisi de nous bannir ensemble, en même temps, il doit y avoir une raison, non ?
J'entends le frottement de la soie délicate de la robe de Gwenn contre le rocher. Je me retourne. Elle est déjà assise et s'étire avec glamour. Je ne pensais jamais voir un tel cliché de princesse. Elle cligne de ses yeux noisette quand elle m'aperçoit.
-Oh ! Salut, Nyx. Tu as bien dormi ?
-Oui, réponds-je d'une voix bourrue. Tu es... étrangement et agréablement gentille avec moi, je n'attendais pas ça de ta part, j'ajoute, plus humoureusement.
-Eh bien, je suis quelqu'un de surprenant, prépare toi ! Elle lance.
Nous rions et elle s'accroupit devant ce qui reste du foyer. Elle observe l'amas de branches et de feuilles calcinées avec un tel intérêt que ça en devient effrayant.
Je me replace tandis que Gwenn sourit et m'annonce qu'elle part marcher un peu, dans l'espoir de trouver un chemin ou autre qui pourrait nous faire sortir des plaines du Néant.
La princesse ne fait pas le tour du rocher qu'elle s'arrête, visiblement intriguée par quelque chose sur sa paroi. Elle s'en approche, s'accroupit et effleurant du doigt la roche, scrute avec intérêt cette chose en face d'elle, ses yeux noisette parcourant la surface grise du regard.
Je me lève avec effort et m'approche d'elle. Elle ne jette même pas un regard en ma direction. Je suis son regard, un ensemble de mots et de lettres est gravé. On dirait une sorte de stelle.
-Que fais-tu ? Ce n'est même pas envisageable de lire cette chose ! Je lui lance
-Tais toi ! J'essaie de traduire ! Commence-t-elle. J'ai appris cette langue à l'école. C'est le Luvannien, qui vient de l'îlot oû se trouve là ville de Luvanne. Cette langue s'est développée avant que la ville ne soit colonisée par le Royaume du Vent.
-Hmm, et tu penses pouvoir traduire ce... bidule ?
-Tais toi !
Je recule, écarquille les yeux puis soupire lassement. Gwenn fronce les sourcils, puis finit par dire :
-Selon l'article... du code des Royaumes, le vol durant un temps... est formellement interdit. Par conséquent, des punitions seront... en place... Le Pacte du phénix sera signé d'ici peu.
Je réfléchis longuement. Un vol ? Je pense immédiatement à celui de la couronne dont Gwenn m'a parlé. Une punition ? Nous bannir, évidemment... mais un Pacte ?
-Le Pacte du Phénix... dit Gwenn. J'en ai entendu parler lorsque j'ai fouillé dans les livres de ma mère. Il a été signé il y a cent ans, à l'âge des séparations, mais il n'y avait pas marqué pourquoi... Un autre livre parlait du Phénix, un oiseau de feu qui renaît de ses cendres. Celui qui habite notre île n'est en rien normal. Il est... maléfique, et a toujours souhaité la chute des Royaumes.
-Répète, mais dans la bonne langue, s'il te plaît, je n'ai jamais suivi mes cours d'histoire ! Réponds-je.
-L'âge des séparations est la période du jugement de ton peuple, de la découverte du vol au bannissement.
-Je vois, tu as donc passé ton enfance dans une bibliothèque... mais bref, si le pacte s'appelle Pacte du Phénix, c'est sûrement lui qui l'a fait signer...
-On tient un truc, Nyx ! Si on tue le phénix, alors le pacte sera peut être rompu, et tout redeviendra paisible !
-Ça me paraît un peu idéaliste, mais bon... il faudrait trouver un moyen de le tuer, un phénix renaît de ses cendres, et puis on ne sait pas où il est, ce...
-Je sais où il est, mais on doit prendre garde, le phénix est au courant de tout, il sait déjà que nous sommes en route !
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