Chapitre VI : Dévastateur
Après ma session, je vais à la fac chercher mes résultats. C'est un prétexte. J'avais juste besoin de sortir. Il fait clair aujourd'hui. Un ciel gris, mais lumineux. A force de vivre dans la pénombre, j'en oublie que la lumière est agréable. Je rentre dans l'enceinte du bâtiment de Psycho.
J'aperçois Alex devant les valves générales. J'ai un mouvement de recul. Je dois partir. Je ne le veux pas. Je désire la posséder, la respirer. Je n'ai pas envie de me brider.
Je m'avance à sa hauteur. Par-dessus son épaule, je vois ses résultats qui ont été exemplaires, par contre les miens sont ridiculement bas..
Je lui dis en me penchant près de son oreille :
- Et oui, c'est ça qui arrive quand on a une fille en tête...
- Va-t'en !
Waw ! La claque !
Elle part en furie. C'est un petit jeu qui commence. Je pars, tu me rattrape. Le tout pour accentuer le lien entre nous, saupoudré d'un relent de romantisme. Je suis de la partie en criant :
- Alex... Attends, ne pars pas... ALEX !!!!!
Je dois jouer avec son contexte à elle. J'ai la main. Le fait de partir brutalement me montre qu'elle veut que je la suive. Le règne animal a ses petits jeux de séduction plus ou moins inconscients.
Elle s'empresse de rentrer jusqu'à son logement, mais là je ne compte pas la laisser gagner. Il faut qu'elle prenne un peu d'avance, sinon ce n'est pas amusant.
Nous sommes en plein jour, c'est le moment de l'emmener tester nos pouvoirs. Secrètement, c'est ce que j'espérais en venant en ville. Ceci dit, je ne m'attendais pas à la trouver ici.
Elle rentre énervée dans sa chambre me laissant dans le couloir comme si je l'importunais... Elle bluffe ! Tapis et je relance.
Je toque à sa porte.
- Alex, ouvre-moi !
Sans crier gare, sa colocataire sort de sa chambre et me dit :
- Va-t'en ! Ici, c'est privé, tu n'as rien à faire ici.
Un autre des membres de cette petite communauté qui commence vraiment à titiller mon irritabilité, sort à son tour et me dit :
- Dégage, tu ne penses pas que tu lui as fait assez de mal comme ça ?
Rhooo, ce méli-mélo dramatique me rend rageur et me fait perdre la main ! Mais qui sont-ils pour oser me parler de la sorte? Ils sont si prévisibles. Une petite blondinette qui pense avoir les pleins pouvoirs dans ces lieux et qui peut décider des allées et venues. Lui, le mec pathétique, qui est secrètement amoureux d'Alex. Il dégage une odeur malodorante d'amour dégoulinant, pour une fille qui ne le regarde même pas. Si dépendant à l'échec amoureux que si un jour elle dit oui, il en deviendra débile, tellement il ne saura rien gérer.
Du coup, je n'arrive pas à faire autrement que de leur vomir ces quelques mots :
- Vous êtes si insipides, inodores, incolores que je ne sais même pas ce qu'elle vous trouve.
Là, la porte d'Alex s'ouvre. Elle a peur d'un scandale. Elle fait bien. Je ne suis pas loin de partir en vrille. Ils m'écœurent ces deux énergumènes à me fixer comme des vaches regardant les trains passer.
- Rentre ! me dit-elle d'un ton autoritaire.
Elle regarde ensuite la blondinette et lui dit :
- C'est bon Stepf, je m'en occupe.
Elle claque la porte derrière nous. A peine est-elle fermée, que son adulateur transi se ridiculise en hurlant dans le couloir avant de fermer avec violence la porte de sa cellule :
- Mais t'es tarée, Alex ? Putain, mais elle me fait chier cette nana!!!
Son côté pathétique encore et toujours... Mais quelle plaie ce gars. Une petite écorchure insignifiante sur le bras qui a la prétention de s'infecter.
Alex se retourne, sa main sur la taille, me disant :
- Qu'est-ce que tu me veux à part mettre la pagaille dans ma vie ?
- J'avais juste envie de te voir, mais je n'ai pas changé d'avis.
Je n'ai pas envie de revenir en arrière. Les conséquences sont lourdes et je ne pourrai plus rien contrôler.
- Pars de chez moi alors, et ignore-moi... Ça t'amuse de jouer avec moi ? C'est ça ? me dit-elle, énervée.
- Laisse-moi t'emmener trois jours avec moi, il faut qu'on teste l'envergure de nos pouvoirs.
- Ni trois jours, ni deux secondes, va-t'en. J'en ai rien à faire pour l'instant, ce que je veux c'est terminer mon année ici et rentrer chez moi.
Si elle pouvait rentrer chez elle, ça réglerait effectivement pas mal de soucis.
Mais je sais qu'elle n'est pas du genre à baisser les bras. Rien que de voir la rigueur de ses entraînements, de ses méditations, de son étude pour la fac... Je n'y crois pas une seconde. Je sais qu'elle va me suivre. Elle est trop curieuse de ses pouvoirs pour y renoncer.
Donc, je lui dis :
- Alex, c'est quoi trois jours dans une vie ? Je sais que tu en as envie aussi.
- Tu es si sûr de toi... Et moi je sais que je vais devenir folle après ça.
Elle est horripilante quand elle feinte d'avoir le pouvoir, mais ça lui donne un certain attrait.
- Je sais que tu vas venir.
Après avoir fait un sac pour me suivre, impatiente, elle me dit :
- On part quand ?
On dirait que, contre toute attente, je viens de gagner la partie.
- Maintenant, mets tes paumes sur les miennes, c'est la première fois qu'on va faire ça, donc il va peut-être y avoir des ratés ; je l'ai lu dans un livre. On va l'expérimenter.
Elle joint ses mains aux miennes. La magie s'installe déjà. Nos mains sont déjà en fusion.
- Je te demande juste de te concentrer et de me laisser faire.
- Ok.
C'est d'une rapidité stupéfiante et une action assez simple à faire.
- C'est fait, tu peux ouvrir les yeux.
- Comment tu as fait ça ?
Un seconde de silence et elle embraye :
- On est où ?
C'est la première à être tolérée dans ma cabane en dehors de Steeven. C'est aussi la première fois que je ressens l'envie de partager autre chose que le sexe avec une femme.
Je lui réponds dans l'ordre de ses questions de manière quasi militaire :
- J'ai lu ça dans un de mes livres, j'ai voulu le tester. Le livre disait que c'était assez simple à utiliser. C' est possible grâce à l'élément « air ». C'est un sort de téléportation que seuls les binômes sont capables de réaliser. ça ne fonctionne que pour nous. Mais je pense que tu sais déjà le faire. Comme tu l'avais déjà constaté, notre savoir se transmet de l'un à l'autre progressivement en nous côtoyant.
Je marque un léger temps de pause :
- On n'est qu'à dix kilomètres du campus. Cette maison était le refuge de ma mère.
Je la prends par la main en l'emmenant dans mon refuge. J'aime cette image de moi la guidant, la protégeant jusqu'à mon refuge.
- Viens...
Je la fait entrer chez moi. Elle va tenter de me cerner un peu plus... mais je suis un adversaire à sa taille.
Ça me coûte de faire entrer une personne extérieure dans mon univers.
Je n'aime pas le rangement. Je trouve que c'est un manque flagrant d'indépendance par rapport aux choses, à soi, un manque de possession des lieux et je pense même d'intelligence. Les grands génies étaient bordéliques. Ce raisonnement pour justifier le cahot régnant. Ensuite, c'est une partie de moi que je lui livre. Cette maison a une histoire, la mienne.
Elle entre, et ses yeux vont partout.
De manière naturelle, elle laisse échapper :
- Waw, c'est merveilleux. Comment veux-tu que je ne sois plus amoureuse de toi après ça ?
- T'es amoureuse ?
Je suis désarçonné. Là, ce n'est plus de la magie. Elle vient de tenter de toucher ma sensibilité qui est enfuie sous un tas d'orgueil et un blindage en plomb. J'ai reçu cette phrase comme un coup de grisou pour me réveiller. Ce n'est pas les Vampires qui la motive, ou même l'apprentissage de nos pouvoirs. C'est moi... nous. Elle me regarde comme je suis.
Mais... Je suis très attaché à cette fuite émotionnelle qui me caractérise. Je n'ai pas envie de me laisser aller au jeu du partage, de la confiance, de la communication que jouent tous ces couples « open » qui suivent à la lettre les nouvelles tendances psychologiques pour montrer qu'ils sont dans le coup... parlant de communication non violente et de psycho-verbiage inutile. Restez sur Venus et laissez-moi sur Mars !
Elle fixe ma bibliothèque, je lui dis :
- Je vois que tu regardes les bouquins. Pour répondre à la question que tu te poses sûrement... Oui, quelques-uns parlent du " mythe de l'âme sœur". J'ai fait des recherches, c'est tout ce que j'ai trouvé dans l'île. Certains ouvrages sont très anciens.
- Je peux ?
- On est là pour ça.
Les heures et les trois jours qui suivent, nous les passons à ça.
Nous lisons, nous testons... Mais je reste inquiet. Les pouvoirs que nous essayons sont vraiment puissants. Si Carl savait l'impact qu'ils ont, j'aurais vraiment des difficultés à la protéger. Elle joue avec ces pouvoirs sans un instant être impressionnée. Comme si dévaster une forêt ou créer un tsunami était tout à fait naturel. Elle semble heureuse. Elle a soif d'apprendre.
Je n'ai pas du tout apprécié la télépathie.
J'ai fait semblant d'y participer . Je ne veux pas qu'elle lise en moi, qu'elle accède à mes pensées. Les Vampires ne sont pas nés de la dernière pluie. Ce qui est magique, ils peuvent parfois le distinguer. Et avec sa discrétion, je ne saurais pas le dissimuler. Ensuite, à chacun sa tête ! Il n'est pas question qu'on rentre dans mon esprit. Elle ne s'en n'est pas aperçue. C'est un sort si simple, on ne peut pas le rater. Peut-être pense-t-elle qu'il faut plus de temps et de maîtrise de l'autre.
La nuit, elle se blottit dans mes bras. Je n'ai jamais connu cette expérience. Se sentir « avec » une personne. Je ne rêve même plus qu'elle danse dans ma chambre, elle est là. Je la regarde dormir. J'examine ses tatouages et les courbes de son enveloppe corporelle.... mais au matin, je fais la personne totalement détachée. J'allume une cigarette comme si elle ne comptait absolument pas. C'est encore une fois une manière de nous protéger. Je ne veux pas qu'elle s'accroche et moi, je ne veux pas me bercer d'illusions.
Le dernier jour, au réveil, je me donne ma contenance habituelle, une cigarette à la main. Le tue-l'amour par excellence. Mon regard fixe le plafond fendillé.
Je la sens se réveiller et lui dit :
- Bonjour.
- Bonjour. A quoi penses-tu ?
- Tu le sais bien.
- Dis-le moi.
Miss Alex, directement dans le vif du sujet. Petite impatiente.
- A ton retour, lui dis-je.
Elle est irritable :
- Je ne comprends toujours pas pourquoi on ne peut plus se voir.
- Tu le sauras bien assez tôt et tu me détesteras pour ça.
Petite claque au réveil. J'espère que tu aimes ça, Alex.
Elle me détestera, elle qui est si Humaine, elle qui plonge ses deux mains là où elle ne devrait pas. Il faut qu'elle cesse ses investigations sur notre clan.
- Je veux que tu m'expliques!
Mais je ne peux pas te le dire Alex ! De un, tu n'arrêteras pas. Je sais que tu vas vouloir me « sauver » alors que je n'en ai pas besoin. De deux, cela te dépasse. Je suis issu d'une histoire familiale que je ne connais même pas en profondeur, et je me retrouve ici, en point de colle, sans trop savoir pourquoi.
- Disons que je suis victime des erreurs de mes aînées, et que ce n'est pas possible d'en sortir. Ma mère en a payé le prix fort en voulant sortir de là. Le résultat, c'est qu'elle en est morte. C'est pour cela que je ne peux pas te voir. J'ai déjà pris un risque en t'emmenant ici. Je ne veux pas t'aimer, car si tu m'aimes... tu mettras les pieds là où tu ne peux pas. « Nous ne venons pas du même monde ». Tu te souviens de ma phrase ?
- Oui...
- Et notre histoire n'a pas beaucoup de poids là d'où je viens. Il en va de ta vie et de la mienne.
Je ne veux plus voir ses yeux remplis de questions. Difficile de la regarder en face sans avoir cette pulsion de rapprochement. Je me mords les lèvres pour m'empêcher de lui dire : « Non, reste... On verra bien ce qui se passera... ». Je reste maître de mes actions et ne veux pas m'abandonner à l'impulsivité.
Je me lance dans une parade assez malsaine. J'en suis conscient!
- J'ai cru comprendre que Marck, ton coloc', t'aimait... Fais tes armes avec lui.
- Tu me pousses dans les bras d'un autre, là ????
Je me tais un moment, car ces mots peinent à sortir de ma bouche.
- Il fait partie de ton monde, lui!
- Tu me marginalises toi aussi. Je ne suis pas à ma place avec un Sorcier, je ne suis pas à ma place chez les « normaux », mais je suis bien où ? Tu rigoles ? Mais c'est toi qui fais partie de mon monde. On voit ce que ça a donné le monde des Humains à la découverte de la sorcellerie ! Aurais-tu oublié ces magnifiques feux de joie au milieu de la place du marché faisant rôtir nos semblables ?
Elle ne comprend rien, c'est énervant !
- C'est ton sang qui fait que tu vas être convoitée ici, et le même qui t'a sauvé la vie et qui te la sauvera encore.
Elle s'agite, s'énerve.
- Oui, ce sang qui m'a sauvé la vie... C'était des Vampires en voulant à mon sang que j'ai eus sur le dos... Tu me prends pour une andouille. Bon, je suis prête... Je veux en finir... je veux rentrer chez moi. Tes façons d'être pile et face en même temps, j'en peux plus ! A chaque fois, tu me brises en deux. Mais cette fois je ne te laisserai pas faire. Tu veux que je sorte avec Marck. Ok. Fallait encore bien que je tombe sur un fou, un pervers!....
J'ai réussi à la mettre en colère. Elle refait son sac comme une furie. Elle s'habille façon V, V prime. J'ai à peine le temps d'enfiler ma veste en cuir qu'elle se jette sur mes paumes pour retourner dans sa petite cellule.
Le transfert dans sa chambre terminé, je me sens tout à coup de trop dans cet endroit qui lui appartient.
Je la regarde, elle me fixe, en colère. Je l'embrasse sans réponse de sa part et m'éclipse.
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