Chapitre 10 : Une fois de trop
Je me suis réveillée apaisée ce matin. Etre dans ses bras me sécurise. Je sens, quand il est là, une bienveillance qui m'apaise et que je qualifierais de salvatrice.
Nous nous sommes levés, nous avons petit-déjeuné tranquillement. Nous n'avons pas encore abordé les sujets en suspens. Je n'en ai pas envie. Là, j'ai juste envie de me déconnecter un peu de Nauladge.
En fait, j'ai l'impression d'être en vacances avec « la » personne avec qui j'ai envie d'être en ce moment précis.
On a un peu visité. Je ne connais malheureusement que l'aéroport et l'embarquement du ferry dans ce pays, hormis Nauladge bien sûr.
Donc, il m'a emmenée dans les coins à touristes à proximité durant toute la matinée.
Au moment du déjeuner, on est allés dans un Burger King. Il n'y en a pas en Belgique. Et pourtant, j'adore ça ! C'est bien gras, directement dans les fesses. Mais là où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir.
Je n'y échapperai malheureusement pas, au sujet qui fâche. Yann semble vouloir remettre ça sur le tapis malgré ma résistance.
- Que comptes-tu faire, maintenant ?
- Je dois terminer mon année.
- Donc, retourner là-bas ?
- Oui. Je suis sous contrôle, non ?
- Alex... Tu joues avec le feu.
- Oui papa...
- Tu ne me rassures pas là.
- Tu veux un chocolat ?
- Tu n'es pas raisonnable...Qu'est ce que tu peux être agacante quand tu t'y mets ! Si tu y retournes, fais-moi plaisir, tiens-toi à carreau !
- Je n'ai pas envie de te faire plaisir. Des gens se font tuer, on est dans une grande boucherie géante où on peut choisir son morceau de choix, qui restera en vie et qui ne le restera pas... et ça ne semble choquer personne !
- Tu veux te battre contre le système britannique entier ?
- Je ne sais pas. Mais d'où je viens...
- Parlons-en d'où tu viens... Tu viens d'où ? Sais-tu au moins à quelle famille de sorciers tu appartiens ?
- Pourquoi cette question ?
- Car, ma chère Alex, tu n'es surement pas au courant du pourquoi de ta venue ici. Ce n'est pas par hasard.
- C'est-à-dire.
- Ça te dit quelque chose les « Fédérateurs »? T'ont-ils parlé de ça ?
- Vaguement. Je me souviens qu'avant de partir pour Nauladge, j'ai surpris une violente dispute entre ma maman et mon oncle. Elle lui disait que j'étais trop jeune pour faire partie des fédérateurs.
- Un fédérateur est déjà venu sur Nauladge un peu avant que je naisse. C'est devenu un sujet tabou chez nous. Je ne sais que très peu de choses, mais je sais que vous êtes responsables de la mort de ma mère et de mon père en tant qu'Humain. Vous êtes un clan de Sorciers implanté partout dans le monde. Vous venez dans un endroit et vous fédérez tout ce qui touche au surnaturel, par n'importe quel moyen. On ne t'autorisera pas le moindre faux pas. Pourquoi crois-tu qu'ils sont à tes trousses ? Tu cherches, tu fouines, tu interviens dans les soirées, tu mets K.O. une bande de goules à toi toute seule. Tu es plus puissante que la précédente. Tu dois retourner d'où tu viens, Alex, si tu veux la vie sauve. Tu es considérée comme nuisible pour le clan Vampire. Il faut que tu partes !
Il en sait plus sur mon clan que moi. Je pensais, de plus, être la première de mon clan à venir ici. Les non-initiés comme moi sont en apprentissage, donc ne sont pas dans le « secret » de la famille. Comment sait-il tout ça ? Une chose est sûre, c'est qu'il a enquêté sur moi, comme moi j'ai investigué sur eux.
- Tu veux savoir comment vous fonctionnez ? Les jeunes à former sont jetés en pâture dans des endroits-clefs. Ils ne savent pas où ils mettent les pieds. Ils sont lâchés dans des repaires tels que celui-ci. Et s'ils savent fédérer l'endroit, alors ils peuvent prétendre à monter en grade. Tu es de la chair à canon pour eux. Vous venez tout naïfs en ne sachant pas à quoi vous attendre. Une forme de sélection naturelle. Et tu viens me faire la morale sur nous ?
Moi, Alex... Les Vampires que tu détestes tant... Ils m'ont élevé. Je t'accorde qu'il y a mieux, mais c'est ma famille quand même. De plus, ils ne se cachent pas de leurs intentions et sont honnêtes entre eux. Pour ta famille, tu n'es qu'un pion parmi d'autres.
J'ai du mal à le croire. Je suis d'une famille aimante. On vit tous en colonie et il y a une vraie fraternité. Rien à voir avec ce que j'entends là. Et parler des Vampires en termes de famille aimante... je trouve qu'il exagère. Il est aimé car il est le fournisseur officiel de sang bleu, voilà tout !
- Ecoute, me dit-il, j'ai lu dans un livre sur l'âme sœur, que deux médaillons tatoués pouvaient, en mélangeant les encres et le sang du partenaire, aider à donner un peu de sa puissance à l'autre. J'avais dans l'idée qu'on le fasse l'un et l'autre. Je serai un peu avec toi et vice et versa. Tu seras plus forte et je serai rassuré. Mais arrête de vouloir fouiner à droite ou à gauche.
Et soit dit en passant, je n'apprécie pas les agissements de ton clan et je te demande d'arrêter.
Je veux te protéger des tiens et des miens, j'aimerais qu'on fasse ce tatouage.
Tu as compris le principe ?
- Je pense... Donc, on mélange le noir, le sépia avec un peu de mon sang pour toi et un peu du tien pour moi ?
- Oui.
- Connais-tu un tatoueur qui voudra bien faire un mélange comme celui-ci ?
- Oui, si on y met le prix.
C'est vrai que quand on possède la moitié d'une ville, on ne doit pas trop s'en faire pour son portefeuille....
- Alors, on le fait ?
Je ne sais pas si ce qu'il me dit est vrai. Mais l'idée d'un tatouage activateur de la puissance des âmes-sœurs me plait.
- Il sert à remplacer l'autre, en somme ?
- Non, pas à 100%. Mais seulement à plus ou moins 30 % quand on n'est pas à proximité. Par exemple, tu ne pourras te téléporter sans moi. Et pour ce qui concerne la télépathie, non seulement ça fonctionne déjà mal quand tout va bien, mais à grande distance, ça ne fonctionnera pas du tout. Mais pour ce qui est du combat, c'est très efficace et, plus l'autre est proche, plus ton pourcentage de réussite augmente. Il ajoute même à la puissance de tes actions si les deux sont réunis.
- Mis à part ça, as-tu encore des choses à m'apprendre ? Car d'habitude, tu ne me parles quasi jamais, et pour le moment tu me parles de ma propre famille, de la tienne... En plus, je sens que tu nous détestes.
- Oui, je ne porte pas ton clan dans mon cœur, mais toi... Tu ne représentes pas ton clan à mes yeux, mais mon âme sœur.
Je ne suis pas capable de lui faire du mal. Par contre, pour ce qui est des Vampires, je n'arrêterai pas mes coups en plein vol... Je ne peux pas voir des gens se faire massacrer pour rien. Et je me fous de la chaîne alimentaire !
Après le repas, Yann m'emmène dans un quartier reculé, chez un tatoueur qui, d'entrée de jeu, ne me plaît pas. Mais bon... Le jeu en vaut la chandelle.
Après avoir fait les petites préparations, le tatoueur s'exécute.
Yann a voulu que les dessins soient sur ses deux avant-bras. Moi j'ai décidé de les mettre aux épaules, côté face de mon corps. C'est assez joli finalement. Et je ne suis pas déçue du résultat. Je n'aime pas forcément le bruit que fait la machine du tatoueur, ni la douleur que cela provoque. Par contre, j'aime assez l'esthétique d'un tatouage bien fait et contre toute attente, j'apprécie vraiment celui-là. C'est une partie de Yann, qui maintenant m'appartient, et j'aime beaucoup cette idée.
Nous retournons à l'hôtel et nous profitons de la nuit ensemble. C'est étrange, je n'avais jamais fait attention, mais l'encre de ses tatouages ressemble de plus en plus à la mienne. Nos tatouages prennent aussi l'énergie l'un de l'autre.
Quand il dort, je le regarde, nu à côté de moi. Parfois, je vais même jusqu'à me lever du lit pour le voir sur tous les angles. J'aime bien le tatouage de son dos. C'est un énorme triskèle traditionnel, rond et entre les branches, il y a un dessin qui représente l'air, le feu et l'eau. La terre est l'élément central du dessin. Le mien est un triskèle aussi mais en triangle entouré de flammes.
Je sais que notre périple se termine, mais j'en ai bien profité et me sens ressourcée.
Le lendemain matin, alors que nous nous préparons à quitter l'hôtel et que j'ai mon sac sur les épaules, il revient encore avec le fait que je dois partir de l'île. Il m'agace ! Il ne comprend décidément pas que je ne veux pas le quitter. Je lui invente une série d'excuses, mais ... rhaaa que c'est énervant de parler à un mur !
- Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ?
- Je ne peux pas ne pas rentrer chez moi. Il faut que je termine mes études.
- Mais tu as des universités en Belgique !
- Oui, mais en Belgique, il n'y a pas toi. Je ne vais pas te laisser ici. Je reste persuadée que ce n'est pas un endroit pour toi. Là, il me repousse et me regarde d'un air narquois. - Tu n'as donc pas encore compris. La seule chose qui m'intéressait, c'était la puissance que je pouvais obtenir avec toi. Maintenant que j'ai les deux médaillons, je n'ai plus besoin de toi.
Je suis décomposée.
- Que t'arrive-t-il ?
- Il m'arrive que la mascarade est finie. L'attirance que j'ai eue pour toi n'était que magique et intéressée. Le souci, c'est que tu me colles, que tu veux rester et t'imposer. J'ai voulu te le dire gentiment, mais tu ne percutes pas. Rentre chez toi, je n'ai plus envie de te voir dans le paysage. J'ai qui je veux, comment as-tu pu croire que tu avais le niveau ? Physiquement en plus...
Qu'est-ce qui m'arrive. J'en ai les genoux qui flageolent. Je ne peux plus respirer, je suffoque.
C'est à chaque fois la même chose. Mais là, il a réussi. Je suis dégoûtée de lui. Mes larmes s'échappent. Je vois flou. J'ai envie de vomir.
D'ailleurs, je régurgite... en plein sur sa veste. J'ai un de ces maux d'estomac. Je suis pliée en deux.
Il m'attrape les mains. On se retrouve dans ma chambre.
Il part.... laissant la porte ouverte.
Je suis si mal que je m'éffondres sur le sol.
Jeff a entendu mon retour. Il est sorti de sa chambre et passe la tête par ma porte.
- Marck ! hurle-t-il.
J'ai de nouveau vomi sur le sol.
Marck accourt. Il voit le spectacle. Avec Jeff, il me ramasse et ils me portent sur le lit.
Jeff enlève mon sac à dos, mes chaussures.
Marck ouvre mon sac pour trouver de quoi me changer pour me reposer.
Il s'enferme avec moi pour me déshabiller pendant que Jeff va chercher un seau et de quoi laver le sol avant que l'odeur n'emplisse la pièce.
En revenant, il remarque qu'une lettre a été glissée sous ma porte. Il la prend et la pose sur mon bureau.
Il désinfecte le sol pendant que Marck m'installe dans mon lit.
- Mais qu'est-ce qui lui arrive ? demande Marck.
- Je n'en ai pas la moindre idée.
- Elle me quitte sous la pluie couverte de sang et là, on la revoit deux jours après dans un état pitoyable, quasi végétatif, s'il n'y avait ses vomissements.
- En tout cas, elle ne nous a pas épargnés cette année, surtout toi. Mais bon... la voir comme ça ne me fait pas plaisir.
- Je lui en voulais à un point inimaginable. Mais je dois dire que là... je n'ai pas le courage de la laisser ainsi.
Je pense qu'ils ne sont pas conscients que je les écoute. Je ne peux certes pas réagir, mais mon cerveau n'est pas sur « pause».
J'ai l'impression que mon corps m'a lâchée.
Les jours qui suivent, j'ai beaucoup de mal à sortir de mon lit. Je ne mange plus, je ne me lave plus, je ne vais plus au cours, je n'ai plus de but à atteindre... enfin, ce n'est pas que je n'en aie plus. C'est que je m'en balance ! Comme si plus rien n'avait d'impact et de sens pour moi. Je suis profondément triste. Je pleure tout le temps. Je pense à Yann et je trouve que je me suis fait avoir par un monstre. J'ai son sang sur la peau, parfois je me surprends à gratter ce fichu tatouage avec les ongles pour qu'il s'efface. Marck et Jeff s'occupent de moi comme si j'étais une personne mourante. Ils me soulèvent même pour aller au petit coin, ou parfois Marck en a marre de me voir avec les cheveux gras et me porte jusque sous la douche où... évidement je grogne, pleure... je suis vraiment un gros poids inanimé, pas du tout coopérative.
Marck... Qu'est-ce que je m'en veux. J'ai été égoïste... ou pas. Est-ce égoïste de quitter une personne qu'on n'aime pas. Mais quand je vois mon état, je prends conscience qu'il a souffert aussi.
Mais manifestement, ce n'est pas moi l'amour de sa vie, sinon... Il serait dans le même état que moi. Donc, c'est un service que je lui rends d'être disponible pour le grand amour.
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