Chapitre 3 - Rêve
Ciel tria ses réserves de remèdes, les emballa avec soin dans de grandes feuilles de rhubarbe, puis il mit plusieurs paquets dans sa gueule, en coinça d'autres sous son menton, et retourna dans la clairière, où l'attendait Etoile.
Une fois arrivé, il la trouva exactement à l'endroit et la position où il l'avait laissée. Il accourut et déposa ses paquets près d'elle.
Ciel renifla tous les emballages de feuilles et déballa celui dans lequel se trouvaient les remèdes dont il avait besoin.
Il sortit donc deux graines de pavot ainsi que du thym, et les posa doucement devant la tête de son amie.
- Voici des graines de pavot et du thym. Avale-les, ça va te faire du bien, tu verras.
La chatte grise hocha la tête, le regard de nouveau vide, et obéit. Puis elle se leva et se roula en boule dans son nid douillet. Elle ferma les yeux et s'endormit.
Pendant que son amie se reposait, Ciel en profita pour transporter tous ses remèdes à la clairière, et s'organiser une tanière. Puis il alla chasser, et entreposa ses proies dans un trou entre les deux tanières.
Il eut terminé tout cela lorsque le soleil se couchait. Fatigué, il s'allongea dans sa nouvelle litière et se laissa glisser dans le sommeil.
Ciel ouvrit les yeux. Il ne se souvenait pas de s'être couché dans une telle clairière. De plus, c'était le crépuscule, alors que, lorsqu'il s'était endormit, il faisait nuit.
Un petit ruisseau coulait en bordure, en partie caché par des roseaux. Un immense saule pleureur le surplombait, beau et majestueux. Le coucher du soleil projetait une lueur orangée sur tout ce qui l'entourait, y compris une autre silhouette féline, plus menue.
Une chatte brun clair aux yeux verts était assise à dix longueurs de queue de lui, et faisait sa toilette. Lorsqu'il tenta de s'approcher d'elle, il eut l'impression de faire du surplace. En regardant le sol sous ses pattes, il remarqua qu'il n'avançait pas d'un centimètre !
La chatte leva les yeux vers lui.
- Tu es venu.
Elle s'avança gracieusement et s'assit face au matou noir.
- Je te suis infiniment reconnaissante d'avoir sauvé ma fille, reprit-elle.
- Votre fille ? Qui êtes-vous ?
- Réfléchis, jeune chat. As-tu sauvé une chatte, dernièrement ?
Une étincelle de compréhension s'alluma dans les yeux de Ciel, avant même que la chatte n'ai fini sa phrase.
- Vous êtes la mère d'Etoile ?
- Etoile possède une destinée hors du commun. Juste après ma mort, elle...
- Votre mort ? Je ne comprends pas. Comment pouvez-vous me parler si vous êtes morte ?
- Tu le découvriras le moment venu.
La chatte semblait agacée d'avoir été interrompue. Ciel baissa la tête, honteux. Cette chatte, quelle qu'elle soit, était revenue d'entre les morts pour lui parler, et lui, il l'en empêchait.
-Excusez-moi, fit-il, les oreilles brûlantes.
Les traits de la chatte s'adoucirent. Elle reprit :
- Juste après ma mort, Etoile a pris la plus grande décision de sa vie. Tu dois l'aider à réaliser le miracle qu'implique ce projet.
- Que... quel projet ?
- Tu le sauras quand elle sera prête.
- Quand le sera-t-elle ?
- Plus tard.
- Mais...
Incrédule, Ciel vit que la chatte disparaissait et qu'il pouvait voir les arbres à travers elle. Sa silhouette avait presque disparu lorsqu'elle murmura doucement ces mots, comme si elle était juste à côté de son oreille :
- Je m'appelle Feuille. Reste avec ma fille. Aide-la.
Et Ciel se réveilla, en sueur, dans son nid de mousse. Je délire ou ça s'est vraiment passé ? songea-t-il.
Encore stupéfait, il flaira l'odeur de la chatte de son rêve, une odeur douce et un brin mystérieuse, qui lui rappelait les étoiles du ciel nocturne...
Il passa plusieurs heures à ressasser son songe, tentant d'y trouver une quelconque logique.
Soit il délirait vraiment, à rêver d'une morte qu'il n'avait jamais vu et dont il ne connaissait pas le nom, soit c'était vrai. Malgré son esprit logique, il penchait plus pour la deuxième hypothèse.
En effet, il ne connaissait pas le physique de la mère d'Etoile, ni même son nom. Comment aurait-il pu les imaginer ?
Mais c'était insensé. Cette chatte était morte ! Comment aurait-elle pu revenir lui parler, en rêve de surcroît ?
Cependant, l'étincelle de tristesse dans son regard, les détails de sa fourrure, la poussière d'étoile qui recouvrait ses pattes fines...
C'était trop bien représenté pour être imaginé. Et puis, c'est lui qui décidait de ses actions, de ses gestes, de ses réflexions. Dans un vrai rêve, ce n'est pas le cas.
Se pourrait-il...?
Se pourrait-il que cela soit vrai ?
Se pourrait-il que cela ne soit pas un songe ordinaire ?
Qu'une chatte décédée lui ai vraiment parlé en rêve ?
Cela n'avait aucun sens...
Et pourtant, Ciel décida, inconsciemment, doucement, d'y croire.
De croire que c'était vraiment arrivé. Qu'elle était la mère d'Etoile. Qu'elle était venue, lui parler. Lui demander de l'aide.
Alors, tandis que l'aube se levait et illuminait la clairière, le jeune matou se leva, sortit de sa tanière et avança de quelques pas.
S'il avait encore des doutes, ils s'étaient à présent envolés.
Il ne savait pas vraiment qui était Etoile.
Ni quel était ce projet fou.
Ni encore ce qui le poussait à prendre cette décision.
Mais une chose était sûre.
Il resterait. Il resterait ici, avec Etoile, l'aiderait, la relèverait, et accomplirait avec elle ce miracle. Il s'en fit la promesse.
Il leva les yeux vers le ciel et murmura :
"Je te le promet, Feuille."
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