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Chapitre 12

Le retour à l'auberge se fait dans un léger climat d'euphorie même si le contrecoup du combat se ressent dans nos corps lessivés et nos pas plus trainants. Malgré l'heure tardive, l'incursion d'une troupe d'occidentaux risquerait de ne pas passer inaperçu dans ce Japon du XVIIe siècle. Heureusement, notre cortège de cagoules noires suscite plus de regards apeurés qu'admiratifs. Manifestement, les ninjas n'ont pas bonne réputation.

Je reconnais bientôt le quartier général, grâce au noren bleu indigo découpé en bannières qui recouvre en partie la façade et masque l'intérieur aux regards trop curieux. L'établissement est toujours vide de clients mais un homme replet s'active derrière le comptoir et semble pris d'une frénésie de saluts en nous voyant entrer. Nous nous inclinons à notre tour tandis qu'il nous désigne avec une insistance polie la grande table centrale. Le temps de nous débarrasser de nos armes et de nos équipements, et des chopes débordantes de mousse s'entassent déjà devant nous, me faisant prendre conscience que ce combat interminable m'a donné faim et soif.

Nous nous attablons et les voutes de la taverne résonnent bientôt d'un brouhaha joyeux de troisième mi-temps : tout le monde refait le match et la conversation porte naturellement sur nos exploits collectifs et particuliers.

- C'est le défaut de leur cuirasse, m'explique Flora qui ne manque jamais une occasion de faire de la pédagogie. Si tu les attaques par le milieu de l'arrête dorsale, ils se fendent en deux, comme une noix.

J'avoue que je n'ai pas visé aussi précisément et je me suis contentée de cogner sur tout ce que je parvenais à atteindre.

- Moi c'est leur piaillement continu que je supporte pas, décrète Micham. Ça te casse la tête !

- Alors qu'ils chantent si bien en temps normal, regrette Keiko, rêveuse.

- Mais ils font un bruit rigolo quand tu les zigouilles, renchérit Ikvar.  Une sorte de petit « grouik » si vous avez remarqué.

- Grouik ?

- Nan, c'est plus : grouiiiiik...

Micham s'essaye à imiter le cri tandis que Flora se tourne vers Hax qui sirote sa bière en nous couvant d'un regard amusé.

- Ils t'avaient repéré : tu en avais cinq ou six sur le dos en permanence, le félicite-t-elle. Tu deviens vraiment redoutable avec cette hache.

- A condition de pas combattre à côté de lui, se moque Ikvar. Je passe mon temps à patauger dans l'hémoglobine ! A un moment, j'ai vu gicler la moitié d'une tête devant moi... et deux secondes après, j'ai failli me manger l'autre moitié.

- Il est certain que la hache n'est pas une arme de précision, reconnait Flora en riant.

- Puisqu'on en est aux doléances, s'interpose Micham : est-ce que tu pourrais arrêter de parler pendant les combats, Ikvar ? « Prends ça mon gros », « Dans les gencives », « Va pleurer chez ta mère»... On s'entend plus occire !

On s'esclaffe de bon cœur même si je sais qu'elle exagère : j'ai pu observer l'Elfe pendant la bataille et son coup de sabre n'a rien à envier à la hache de son pote.

- J'essaie de leur apporter le réconfort d'une voix amie au moment du trépas..., se défend le garçon, avec un air recueilli.

- Amen, répond Flora en soupirant.

- Grouik, conclut Hax sur le même ton, et tout le monde éclate de rire pendant qu'il avale sa bière, toujours imperturbable.

Je ne connaissais pas ces atmosphères d'après-combat, comment l'aurais-je pu dans ma vie d'occidentale rassasiée ? Nous vivons en paix depuis des décennies et les échos de conflits lointains ne sont guère plus que des reportages à la télé, le temps d'un élan de compassion ou d'une cagnotte en ligne.

Il ne m'est jamais arrivé de mettre ma vie en jeu comme ce soir. J'éprouve une émotion étrange, faite autant de fierté que de terreur rétrospective. Car mon cerveau en surchauffe ne peut s'empêcher de sonner le tocsin : les griffes et les mâchoires auxquelles j'ai été confrontée ne relevaient pas du simple cauchemar. Et je commence à me demander ce que je fais dans ce rêve et si j'y ai bien ma place.

- Et le Pikachu ? Tu nous expliques ?

Tous les regards convergent vers moi, m'arrachant à mes ruminations. J'essaye d'expliquer, sans trop fanfaronner (mais un peu quand même) le plancher rossignol, la bestiole se ruant dans ma direction, mon idée pour la déséquilibrer. Bon. J'avoue. Dans ma bouche ça ressemble à un kuzuchi parfaitement exécuté... alors que, dans les faits, je me suis juste affalée entre les pattes du monstre.

Mes coéquipiers applaudissent chaleureusement à ma démonstration et j'apprends à cette occasion qu'il en va de la guerre comme de ces jeux pour les jeunes enfants : tout le monde gagne ensemble. Ou personne.

- Avec tout ça, on n'aura rien vu de Kyoto, soupire Ikvar en vidant sa chope d'un air désolé.

- On n'était pas exactement là pour faire du tourisme, rappelle Flora.

- Pff, pour une fois qu'on est au Japon... J'aurais aimé rapporter autre chose qu'une dent de cafard comme souvenir !

Je le regarde, interloquée.

- Tu as vraiment récupéré une dent ?

Il se fend d'un sourire hilare.

- Je prépare un collier avec les quenottes de tous les monstres qu'on a affrontés, pour l'anniversaire d'Hax. Chouette cadeau, non ? 

Je me tourne vers son pote que la perspective d'un pareil présent semble aussi réjouir. Je ne peux m'empêcher de fantasmer ce que pourrait donner un bijou aussi féroce sur ce cou large et palpitant, solidement planté sur des épaules râblées. Cette simple vision m'assèche la bouche en un instant.

- Alors, pas de balade dans le quartier des geishas ? insiste Ikvar qui tient à son idée.

- Le Japon est fermé au monde occidental jusqu'en 1853, explique doucement Keiko. Avec tes cheveux blonds, tu vas te faire arrêter au premier carrefour.

- Sans compter tes oreilles pointues, renchérit Micham. Ils vont te prendre pour un troll !

- Hé ! proteste Ikvar. Même les trolls ont droit à une vie amoureuse !

Il soupire à fendre l'âme, avant de se tourner vers moi avec un sourire rusé.

- On va s'ennuyer, hein ! Qu'est-ce que « on » va bien pouvoir faire de cette loooongue soirée ?

- « On » va commencer par manger, ça nous occupera, je réponds en voyant notre hôte convoyer une flopée de plats, recouvrant bientôt la table dans la grande tradition du kaiseki.

Ikvar parait déçu une fraction de seconde, mais les parfums tentateurs qui se dégagent du banquet devant nous accaparent vite son attention. Des poissons grillés à la flamme, plantés sur de petits pics en bois, des légumes en tempura dont la carapace brûlante croustille avec la légèreté d'un nuage, des nouilles soba, qu'on aspire bruyamment après les avoir trempé dans un bouillon froid, des petits cubes de tofu grillés au sésame, et un plat de namanare : ce poisson cru enveloppé dans du riz qui annonce la sophistication des sushis. Nos chopes de bières sont maintenant flanquées de généreuses rasades de saké, servies dans leur ochoko traditionnel.

- Itadakimasu ! indique Keiko, ce qui est une façon de se souhaiter « Bon appétit ».

- Avant, on porte un toast ! réclame Flora avec son ton de commandement.

Le silence tombe brusquement sur la salle, laissant place à un moment presque solennel. Je les observe un à un, leurs regards tranquilles et assurés, cette force collective qui dit l'habitude des batailles et plus encore des victoires. Je me sens fière de partager cette aventure avec eux.

- A nos rêves, et à ceux qui les protègent ! clame Flora.

Quoi ?

- A nos rêves et à ceux qui les protègent ! reprennent-ils tous à l'unisson.

Les petits gobelets en céramique s'entrechoquent joyeusement et le niveau sonore reprend rapidement de la hauteur, rattrapé par les conversations et les plaisanteries de garnison.

Je reste la seule à ne pas boire, totalement figée, ma coupe encore suspendue en l'air.

J'en avais l'intuition mais c'est une confirmation à présent : les personnages de MON rêve se comportent comme si j'étais invitée dans le leur. Cette situation n'a pas de sens !

- Si tu ne bois pas juste après avoir trinqué, tu risques sept ans de mauvais sexe, murmure Ikvar, en pressant gentiment ma main pour que je la porte à mes lèvres.

- A ce propos, il te reste combien d'années à faire ? lui demande Micham d'un ton innocent.

- Aucune fille ne s'est jamais plainte, rétorque l'Elfe en prenant un air outragé.

- En tous cas, ici, calme tes ardeurs : les cloisons sont en papier, le prévient Flora d'un air entendu.

- Mmm... bébé... c'est si bon, tu es tellement étroite... parodie Micham en poussant des petits gémissements suggestifs.

- Si un garçon prononce ce genre de phrase pendant qu'on fait l'amour, je crois que je pourrais éclater de rire, laisse échapper Keiko de sa petite voix flutée.

Ikvar s'empourpre légèrement.

- Cette phrase est totalement hors contexte, s'insurge-t-il.

- Je sais ce que j'ai entendu. Franchement, évite de dire à ton rencard qu'elle est étroite, on dirait un porno amateur, renchérit Micham, impitoyable.

Une voix nonchalante se fait entendre en bout de table.

- C'est parce qu'il lit des romances pour savoir ce qui fait triper les filles ! Il dit que c'est comme un mode d'emploi.

C'est Hax qui balance comme si de rien n'était, tout en machouillant la cosse d'un edamame pour en faire sortir les fèves.

- Sale traitre ! s'offusque Ikvar. Prépare-toi à recevoir un collier d'ongles de pied pour ton anniv !

L'autre lui envoie un baiser à distance, avec un petit bruit de bouche moqueur.

Ikvar se gratte la tête mais fait face avec cran.

- C'est une expression qu'on trouve souvent dans les scènes d'amour, et qui exprime la... euh... satisfaction de la partie masculine quant à la... euh... de la dame. Enfin... vous savez bien : c'est vous qui les écrivez !

- Crois-moi Ikvar, change d'auteur ! l'interrompt Micham d'un ton sans réplique.

L'Elfe comprend que la bataille est perdue et s'en tire avec une pirouette, la main sur le cœur, en ouvrant des grands yeux innocents.

- Quoi ? Tu vas me dire maintenant qu'aucune fille n'appelle une capote : un « gant d'amour » ?

Toute la table éclate de rire et je crois bien que même l'aubergiste a son fourneau se fend d'un discret sourire. Cet idiot aux oreilles pointues arrive à se ridiculiser sans rien perdre de son charme. Sexy. J'en connais peu qui y parviennent.

Je n'ai qu'une envie à présent : les rejoindre dans leur délire et m'abandonner à cette douce nuit d'été. Après tout, on est les gentils, on a vaincu les monstres. Mon rêve s'offre une pause, un petit bonheur de détente et de complicité.

Mais j'ai bien entendu, non ? Ce toast étrange. Ces rêves énigmatiques dont ils parlent comme si ils savaient quelque chose que j'ignore. Je me dis qu'il serait temps que je mette un peu d'ordre dans mon cerveau si je ne veux pas devenir folle. Ou plus exactement dans cette partie de mon cerveau qui, depuis quelques nuits, semble douée d'une vie propre.

J'interviens sur un ton hésitant, consciente que je vais casser l'ambiance.

- J'ai une question à poser...

- Oh non, soupire Micham, pas LA question ! C'est trop tôt ! Juste quand la conversation devenait intéressante.

Ikvar abonde dans son sens.

- Pour une fois, écoute-la : on a toute la vie pour répondre à tes interrogations métaphysiques.

- Je ne crois pas que je vais pouvoir attendre.

Je les fixe avec un air de défi mais je ne lis pas l'ennui dans leurs regards braqués sur moi. Au contraire, j'y vois s'allumer une à une des lueurs de compréhension, une curiosité bienveillante.

Bon sang, c'est comme si eux-aussi avaient vécu cette épreuve !

Flora soupire avant de se carrer sur sa chaise, les coudes bien alignés sur la table.

- Bon. Tu as droit à trois questions.

La petite phrase rituelle semble les réjouir et tous les regards convergent à nouveau dans ma direction.

- Trois questions ? je demande en hésitant.

- Pas une de plus, précise Flora avec fermeté. Choisis bien !

- Le stress ! ricane Micham en piquant un morceau de tofu avec ses baguettes.

- Te précipite pas, me conseille Keiko avec douceur. Moi j'étais tellement angoissée que j'ai demandé n'importe quoi !

- C'est juste trois questions, hein, raille Ikvar. C'est pas trois vœux à un génie dans une lampe !

Il se moque mais je sens dans son attitude, une sollicitude rassurante. Hax aussi, qui se penche vers moi comme pour m'encourager à trouver mes mots.

- On est tous passés par là, me confirme-t-il. Et cela suffit à me décider.

Alors, je me lance.



                                                         - FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE -


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