Chapitre 14
Les sanglots soulevaient le cœur et le corps de Yoongi qui ne fut plus en mesure de retenir ni son chagrin ni sa colère. Il était écœuré, et il y avait tant de raisons à ces douleurs atroces qui lui martelaient le cœur qu'il n'était même plus en mesure de réfléchir. Alors il ferma les yeux et lorsqu'il les rouvrit, il était en-dessous d'un lit dont on malmenait les ressorts du matelas. Il s'écarta discrètement avant de se lever et d'allumer la lumière. Il n'aurait pas dû : les deux amants, torses nus, étaient enlacés en train d'échanger un baiser passionné tandis qu'ils se déhanchaient l'un contre l'autre. Leur pantalon ne cachait même pas leur érection plus qu'avancée...
Yoongi peina à contrôler sa voix brisée :
« Je vais prendre une douche dix minutes et vous en profitez pour vous envoyer en l'air sur le lit ! cracha-t-il. Non mais ça va pas ! Dégage Tae, t'es complètement bourré !
- Justement, répliqua Hoseok moins éméché que le châtain, comme il est bourré il vaut mieux qu'il reste ici, alors je l'ai invité à dormir à la maison, ça ne te dérange pas ? »
C'était un cauchemar, pitié qu'on lui dise que c'était un cauchemar !
Yoongi était à ce point en colère que son corps frêle tremblait. Il ne voyait plus rien que des choses informes entourées d'un halo de lumière à cause des larmes qui voilaient son regard noisette, et il serrait les poings avec véhémence dans l'espoir qu'ainsi sa douleur s'apaiserait. Ses ongles entraient dans sa chair, mais ça importait peu : il ne pouvait pas se blesser, pas même ressentir une vague douleur dans sa paume. Et un javelot dans sa poitrine le ferait moins souffrir que ce qu'il endurait désormais.
« En plus, ajouta Hoseok, on t'a même pas entendu dans la douche. »
Ce fut la phrase de trop.
Tous les muscles du plus vieux se détendirent alors qu'il avait l'impression que maintenant que le vase avait débordé il était totalement vide. Il y avait tant de sentiments qui venaient d'être piétinés que son cœur semblait avoir simplement cessé de fonctionner pour le protéger d'un éventuel nouveau coup dur. Ses yeux pourtant continuaient d'exprimer toute sa souffrance, et même les larmes ne pouvaient pas dissimuler ça.
« Tu n'es qu'un idiot Hoseok, susurra-t-il.
- Bah pourquoi ?
- Putain, ton guignol il se pointe et toi tu tombes pour lui, alors que moi j'ai toujours été là pour toi !
- Hein ?
- Au revoir.
- Yoongi... ?
- Quoi ?
- T'embête pas à refermer à clé, de toute façon j'ai que mon trousseau, j'ai pas de double. Tu reviens demain ? »
De nouvelles larmes vinrent poindre au coin des yeux de l'aîné qui sentait que ce qui avait commencé à se briser un mois plutôt venait tout juste de voler en éclats. Sa poitrine le faisait atrocement souffrir et ses sanglots devinrent bruyants dès lors qu'il quitta la chambre de son meilleur ami. Il ne savait strictement pas où aller, il n'avait même pas de chaussures.
Il s'adossa un instant à la porte de l'appartement, les yeux levés vers le plafond du couloir, incapable de contrôler ses larmes. Ses sanglots l'étouffaient, c'était atrocement douloureux, et néanmoins, en entendant les gémissements de l'autre côté de la porte, il trouva la force de se lever et de fuir, fuir le plus loin possible.
Il avait besoin de s'éloigner quelques temps.
« Yoongi, t'es gros tu gênes, grommela Hoseok en retirant le bras qui se trouvait sur son torse.
- Je m'appelle pas Yoongi, gémit piteusement celui qui était à côté de lui et qui ne semblait pas prêt à se réveiller.
- Tae ! »
Aussitôt Hoseok se redressa, repoussant la couverture en un gros tas à ses pieds, et il toisa son petit-ami à la peau halée qui était à peine réveillé. Il se rendit alors compte que tous deux ne portaient que leur caleçon...
« Putain mais tu fous quoi ici !
- Eh Hyung, je suis ton copain, c'est normal qu'on couche ensemble...
- Qu'on... Oh bordel je vais me faire assassiner. On l'a vraiment fait ?
- Oui.
- Dans ce lit ?
- Oui. T'étais pourtant moins bourré que moi... ce qui explique pourquoi c'est moi qui me récolte le mal de rein... bordel.
- Mais je m'en branle de ton mal de rein ! Il est où Yoongi ! »
Taehyung ouvrit de grands yeux à ces mots et fronça immédiatement les sourcils, vexé, tout à coup bien mieux réveillé.
« Sérieux tu te fous de ma gueule ? Je t'ai dit que j'avais mal, répéta Taehyung d'un ton froid.
- Oui, oui, je suis désolé, j'y suis allé trop fort, concéda l'autre avec plus de douceur. S'il te plaît, c'est important, dis-moi où est Yoongi.
- Tu te rappelles de rien ? Il était à la douche quand on est arrivés, il nous a stoppés en plein préliminaires, il a pété un câble et il s'est cassé.
- Par la porte ?
- Mec on est au quatrième étage, tu crois quand même pas qu'il a sauté par la fenêtre... ?
- Bordel de merde, je file le chercher.
- E-Et moi ? balbutia Taehyung.
- Écoute Tae, tu sais que je t'aime, mais Yoongi c'est un gars tellement innocent et gentil, j-je peux pas le laisser seul, je dois le retrouver. »
Le châtain savait qu'il devrait être énervé par ce manque de considération de son petit-ami à son égard, ainsi que par ses mots durs. Pourtant, au lieu d'une expression agacée, ce fut un sourire triste qui prit place sur son visage :
« J'en étais sûr de toute façon... c'est évident que tu l'aimes comme lui il t'aime, hein ?
- Comment ça ? s'étonna Hoseok en enfilant son jean.
- T'es sérieux Hobi ? Il te bouffe du regard, il rougit comme un dingue quand tu l'appelles « chaton », il sourit chaque fois que tu lui parles et il fait la gueule quand tu m'embrasses ou me témoignes la moindre marque d'affection. Et de ce que je me souviens d'hier, il a clairement essayé de te faire comprendre qu'il t'aimait depuis longtemps. Et toi Hyung... ? Tu partages ton lit avec lui, vous vivez ensemble, vous avez grandi ensemble, tu le couves sans cesse du regard, dès qu'il s'éloigne tu t'assures qu'il ne soit pas trop loin alors que vous êtes toujours dans le même appartement, et tu lui faisais autant de bisous sur les joues que tu m'en faisais sur les lèvres. Lequel de nous deux est-ce que tu aimes réellement ? »
Hoseok resta silencieux, confirmant les craintes de Taehyung qui cependant sourit avec tendresse. Oui, il aimait Hoseok, il l'aimait vraiment, mais il ne pourrait pas se sentir pleinement heureux avec lui en sachant qu'il en aimait un autre qui l'aimait en retour.
« T'es un mec bien Hobi, affirma-t-il, je me suis senti mieux que jamais avec toi. T'es tellement généreux que tu veux donner de l'amour même à un gars comme moi pour qui tu ne ressens rien. Si tu veux bien de moi comme ami, je serai ravi de rester à tes côtés. Tu es le seul à m'avoir accepté tel que j'étais et je ne regrette rien de notre relation, j'ai été heureux de partager tant de moments intimes avec toi... mais depuis quelques jours je commençais à me poser des questions et... je pense que ça serait mieux qu'on se sépare. Je vois bien que tu tiens à moi, et ça me fait plaisir, mais je suis convaincu que c'est de Yoongi dont t'es amoureux. Et là, je peux te dire que ton amoureux, il est furieux.
- Tae...
- Je suis désolé qu'on ait couché ensemble, on n'aurait jamais dû boire autant, mais comprends-moi, pour une fois que j'allais en soirée avec quelqu'un, mon petit-copain en plus... J'ai pas réfléchi, j'aurais dû me douter que ça blesserait Yoongi, j'avais bien vu que vous étiez trop proches pour être amis.
- C'est moi qui devrais m'excuser auprès de Yoongi et toi, soupira Hoseok en finissant de se préparer, toi tu as été le petit-ami rêvé Tae, je suis désolé de ne pas l'avoir été moi aussi. Tout est de ma faute, mais sache que je t'aime énormément.
- T'inquiète ça va. Par contre, je vais prendre mon temps avant de me lever, ça te dérange pas ? grimaça le châtain. J'ai grave mal, tu y es pas allé de main morte.
- Désolé. Je te laisse les clés, fais-toi à manger, profite, c'est dimanche après tout.
- Merci Hoseok. Maintenant va le chercher. »
Le jeune garçon acquiesça et fila au plus vite. Il se maudissait un peu plus à chacun de ses pas : comment avait-il pu ignorer que Yoongi était complètement amoureux de lui ? Et maintenant qu'il y songeait, c'était pourtant si évident qu'il avait envie de se frapper. Toutes ces fois où Yoongi s'était serré contre lui, où il lui avait réclamé des étreintes, toute cette bienveillance à son égard, le petit bisou du soir qu'il continuait de lui faire et sa joie chaque fois que Hoseok le lui rendait. Il avait été stupide, tellement stupide.
Mais où pouvait-il être allé ? Il ne connaissait rien de la ville...
À part le supermarché.
Le brun fila au pas de course devant la supérette, et il eut beau demander au caissier si, en venant faire son service, il n'avait pas croisé un blondinet tout de blanc vêtu, il n'avait rien obtenu. Yoongi était introuvable.
Complètement paniqué à l'idée que son chaton tombe sur une âme malveillante, il déambula dans la ville, mais il n'y avait aucune trace du petit monstre.
Alors la panique se mua en douleur, la douleur en regret, et le regret et tristesse. Il finit par s'adosser au mur d'une rue peu empruntée et lâcher toutes les larmes de son corps. Il avait été bête, et à cause de lui toute la confiance que son ami avait en lui s'était effondrée en un instant, en une nuit.
S'il arrivait quelque chose à Yoongi, jamais il ne se le pardonnerait.
Le visage éprouvé par la peine, il franchit le seuil de son appartement avec le vain espoir d'y trouver son petit monstre adoré, mais c'était Taehyung qui se trouvait à la cuisine, occupé à préparer le déjeuner.
« Tu l'as trouvé ? s'inquiéta-t-il.
- Non. Et j'imagine qu'il n'est pas passé à l'appartement ?
- Non, confirma Taehyung. Je suis désolé.
- Tu n'y peux rien, je te l'ai déjà dit, c'est entièrement ma faute. Je me sens tellement mal...
- Je suis sûr qu'il reviendra. Par contre... j'espère que tu m'en voudras pas, mais comme tu revenais pas, j'ai un peu fait le ménage. Promis, j'ai pas touché à tes peluches, mais je savais pas que tu en avais autant, j'ai trouvé ça mignon. T'avais pas à les cacher sous ton lit tu sais ? » dit Taehyung avec malice.
Hoseok leva brusquement son regard vers lui. Ses prunelles reflétaient toute son angoisse, toutes ses craintes, toute sa douleur. Yoongi, ses peluches... il lui avait donné tous ses doudous... parce qu'il savait qu'il serait triste ?
« Et... quand j'ai refait le lit, j'en ai trouvé une aussi : comme t'avais rabattu la couette d'un coup ça l'avait recouverte. Je me suis dit que ça devait être ta préférée, alors je l'ai laissée sur les draps. »
Le jeune garçon pointa du doigt le lit parfaitement fait, et Hoseok ne put réprimer un sanglot en voyant, entre les coussins, un adorable ourson blanc qui fixait le vide et arborait un sourire rassurant.
Yoongi ne reviendrait pas...
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